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30/05/2024 | FRANCE | N°22/01968

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 30 mai 2024, 22/01968


TP/SB



Numéro 24/1828





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 30/05/2024









Dossier : N° RG 22/01968 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIPL





Nature affaire :



Demande d'indemnités ou de salaires liée à la rupture autorisée ou non d'un contrat de travail d'un salarié protégé















Affaire :



[A] [Y], Syndicat CFDT DES SERVICES DU BEARN



C/


>S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE















Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 Mai 2024, les part...

TP/SB

Numéro 24/1828

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 30/05/2024

Dossier : N° RG 22/01968 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIPL

Nature affaire :

Demande d'indemnités ou de salaires liée à la rupture autorisée ou non d'un contrat de travail d'un salarié protégé

Affaire :

[A] [Y], Syndicat CFDT DES SERVICES DU BEARN

C/

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 Mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 14 Février 2024, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Monsieur [A] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Syndicat CFDT DES SERVICES DU BEARN

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentés par Maître PETRIAT, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître ZILIOTTO, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 27 JUIN 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU

RG numéro : 20/00004

EXPOSÉ du LITIGE

M. [A] [Y] a été embauché par la société Serca, à compter du 24 mars 2003, selon contrat à durée indéterminée, en qualité de vendeur débutant, affecté au magasin Casino de [Localité 7] [Localité 6], dans le secteur Mixte.

Le 1er juin 2013, il a été promu, par la société Distribution Casino France, dénomination de son employeur, au poste de responsable commercial niveau 3 échelon B.

M. [Y] a été élu membre du comité d'établissement en 2015.

A compter du 1er juillet 2016, il a bénéficié d'une nouvelle promotion pour occuper une fonction relevant de la classification Responsable commercial confirmé niveau 4 B. Il a été rattaché au secteur « non alimentaire » et plus particulièrement aux rayons « multimédia » et « saisonnier ».

En 2019, il a été à nouveau élu à la suite de la mise en place du comité social économique d'établissement du Géant Casino de [Localité 7] et a été désigné secrétaire.

Suivant courrier en date du 24 juin 2019, M. [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, aux motifs suivants :

Harcèlement moral ;

Manquement à l'obligation de sécurité et de résultat ;

Entrave et discrimination syndicale.

Le 9 janvier 2020, M. [Y] a saisi la juridiction prud'homale au fond afin que soient fixées les conséquences de cette dernière.

Par jugement du 27 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Pau, statuant en formation de départage, a :

- dit que la rupture d'acte de son contrat de travail en date du 24 juin 2019 par M. [A] [Y] s'analyse en une démission,

- débouté M. [A] [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- déclaré recevable le syndicat CFDT du Béarn,

- débouté le syndicat CFDT de l'ensemble de ses demandes,

- condamné solidairement M. [A] [Y] et le syndicat CFDT du Béarn aux entiers dépens de l'instance,

- condamné M. [A] [Y] à payer à la Sas Distribution Casino France la somme de 1500 euros en remboursement des frais d'avocat engagés par celle-ci.

Le 12 juillet 2022, M. [A] [Y] et le syndicat des services CFDT du Béarn ont interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 5 janvier 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [A] [Y] et le Syndicat CFDT DES SERVICES DU BEARN demandent à la cour de :

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par monsieur [Y] et le syndicat services CFDT du Béarn.

- Infirmer en totalité le jugement rendu le 27 juin 2022 par le Conseil de prud'hommes de Pau statuant en départage. Statuant à nouveau :

- Dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de monsieur [Y] équivaut à un licenciement nul.

En conséquence,

- Condamner la SA Distribution Casino France à payer à monsieur [A] [Y] les sommes suivantes :

*4138 euros bruts au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis outre la somme de *413.80 e bruts à titre de congés payés et afférents.

*9595 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement.

*25 000 euros nets à titre de dommage et intérêts pour licenciement nul.

*62 070 euros bruts à titre d'indemnisation de la violation de son statut protecteur.

*15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct du fait du harcèlement moral.

*15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct du fait de la discrimination syndicale.

*15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions des articles L4121-1 et suivants du code de travail.

*629 euros bruts à titre de rappel de salaire sur 37 heures supplémentaires outre la somme de 62.90 euros bruts à titre de congés payés y afférents.

*2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance.

*2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Condamner la Sa Distribution Casino France à payer au Syndicat services CFDT du Béarn les sommes suivantes :

*5000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice lié à l'intérêt collectif de la profession.

*1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance.

*1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Dire que les sommes allouées à Monsieur [Y] et au syndicat services CFDT du Béarn porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice (date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts.

Dans ses conclusions responsives et récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 9 janvier 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Distribution Casino France demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Pau statuant en départage en date du 27 juin 2022 en toutes ses dispositions en ce qu'il a :

* Dit que la rupture d'acte de son contrat de travail en date du 24 juin 2019 par Monsieur [A] [Y] s'analyse en une démission, ;

* Débouté Monsieur [A] [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

* Débouté le syndicat CFDT du Béarn de l'ensemble de ses demandes ;

* Condamné solidairement Monsieur [A] [Y] et le Syndicat du Béarn aux entiers dépens de l'instance ;

* Condamné Monsieur [A] [Y] à payer à la Sas Distribution Casino France la somme de 1500 euros en remboursement des frais d'avocat engagés par celle-ci.

En conséquence,

- Débouter Monsieur [A] [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner Monsieur [A] [Y] à payer à la Sas Distribution Casino France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Monsieur [A] [Y] aux entiers dépens.

- Débouter le Syndicat des Services CFDT du Béarn de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner le Syndicat des Services CFDT du Béarn à payer à la Sas Distribution Casino France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner le Syndicat des Services CFDT du Béarn aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il importe au préalable de rappeler qu'en application de l'alinéa 3 de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Aucune demande relative à l'irrecevabilité de pièces produites par M. [Y] n'étant présentée par la société Distribution Casino France dans son dispositif, force est de constater que la cour n'est pas saisie d'une telle prétention, de sorte qu'elle ne répondra pas aux moyens développés à ce sujet dans le corps des conclusions de l'employeur.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Sur les heures supplémentaires

Le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale ou conventionnelle de travail, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

Il résulte des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

[A] [Y] sollicite le paiement de 37 heures supplémentaires depuis le mois de janvier 2019.

Il était soumis à un horaire de travail de 36h18 par semaine en vertu de son contrat.

Les bulletins versés aux débats depuis janvier 2018 montrent qu'il était payé sur une base de 156h50 par mois.

Il importe au préalable de relever que cette demande de rappel de salaire est soumise à la prescription triennale édictée par l'article L.3245-1 du code du travail.

En conséquence, elle ne peut porter que sur les heures effectuées au cours des trois années précédant la rupture du contrat de travail, soit les heures postérieures au 24 juin 2016.

Au soutien de sa demande, M. [Y] produit un tableau reprenant les heures de début et de fin de journée de certains jours de travail non consécutifs et note un delta d'heures supplémentaires pour les jours concernés. Ce document a été établi à partir des relevés de pointage dont il avait demandé la communication à son employeur. Il liste 16 journées pour l'année 2016 à partir du 25 juin 2016, 13 jours en 2017, 20 jours en 2018 et 14 jours en 2019.

Ce tableau est précis quant aux heures et jours de travail concernés.

En réponse, l'employeur produit le relevé de pointage sur la base duquel M. [Y] a élaboré son tableau.

Il importe de préciser que le delta d'heures supplémentaires défini par le salarié excède tantôt 7 heures de travail par jour, tantôt 8 heures, sans explications sur cette différence de durée de travail attendue selon les journées.

Il doit surtout être rappelé que l'existence d'heures supplémentaires s'apprécie non pas au regard de la durée quotidienne de travail mais de la durée hebdomadaire de travail.

A la lecture de ce relevé de pointage, il appert que M. [Y] n'a pas réalisé d'heures de travail non rémunérées au-delà de ce que prévoit le code du travail et son contrat.

En conséquence de tous ces éléments, y compris les bulletins de paie versés aux débats, la cour a la conviction que M. [Y] n'a pas réalisé d'heures supplémentaires non rémunérées au-delà de la durée hebdomadaire légale de travail, de sorte qu'il sera débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral et la discrimination

[A] [Y] sollicite une double indemnisation, à savoir des dommages et intérêts pour préjudice distinct du fait du harcèlement moral et des dommages et intérêts pour préjudice distinct du fait de la discrimination syndicale.

Dans le corps de ses écritures, il développe successivement ces deux moyens pour ensuite répondre aux écritures adverses sur le fondement du harcèlement moral discriminatoire en raison de son statut de salarié protégé.

Le harcèlement discriminatoire est défini comme tout agissement lié à l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, d'une personne à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant. D'une manière générale, est discriminatoire le harcèlement qui se fonde sur les motifs discriminatoires visés à l'article L.1132-1 du code du travail qui vise notamment les « activités syndicales ou mutualistes ». Il est constant que les agissements n'ont pas besoin d'être répétés pour qu'une situation puisse être qualifiée de harcèlement discriminatoire. Ainsi, un acte unique peut suffire.

En cas de litige le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement discriminatoire. Il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

[A] [Y] argue en l'espèce d'une série de faits.

Il explique ainsi qu'à la suite de la signature d'un protocole transactionnel le 27 juin 2016, il a été promu et a été présenté comme étant le responsable adjoint de M. [O], mais que, pour autant, il a été mis à l'écart et utilisé comme bouche-trou pour remplacer ses collègues absents ou venir en renfort sur d'autres rayons.

Il fait valoir qu'il recevait les consignes par mail ou par fiche de poste à son poste tous les matins.

Il ajoute qu'en l'absence de M. [O], ce dernier ne lui laissait aucune recommandation alors qu'il était son adjoint et que M. [J], le directeur, donnait alors les consignes et organisait le rayon sans passer par lui-même.

Il affirme que depuis 2016, il ne pouvait plus faire les plannings ni la gestion de la masse salariale, n'ayant plus accès au logiciel et que lui étaient retirées les commandes du saisonnier puis du multimédia.

Il soutient que ses horaires de travail étaient modifiés sans respect des délais de prévenance conventionnels et qu'il a été exclu de toutes les réunions d'organisation de son rayon à compter de 2018.

Il invoque le fait que, alors qu'il travaillait régulièrement les dimanches et jours fériés avant l'arrivée de M. [J], ceux-ci lui étaient refusés ou alors retirés au dernier moment, ce qui réduisait sa rémunération mensuelle.

Il dénonce enfin le fait que, bien que, lors de la réunion du CSE du 15 mai 2019, la direction eût répondu que le secteur non alimentaire n'avait pas besoin de renfort, M. [J] a nommé M. [T], qui était manager PGC (alimentaire), comme nouveau responsable du saisonnier multimédia le 4 juin 2019 et M. [G] à la place de M. [O] pour chapoter l'ensemble, sans que ce projet de réorganisation ne lui ait été soumis au préalable malgré sa fonction de responsable adjoint du secteur.

Il en conclut que :

il était mis à l'écart dans son propre secteur,

ses fonctions étaient modifiées,

ses horaires de travail étaient changés,

les dimanches et jours fériés étaient enlevés.

Il estime que tous ces faits sont en lien avec son mandat de représentant du personnel depuis avril 2015.

Au soutien de ses affirmations et en réponse aux arguments de la société Distribution Casino France, il produit les éléments suivants :

Des bulletins de paie depuis décembre 2003 jusqu'en 2014 qui montrent qu'il travaillait ponctuellement le dimanche ou les jours fériés, en janvier et en décembre de chaque année. M. [Y] affirme qu'ensuite, il n'a plus travaillé le dimanche bien que s'étant porté volontaire pour ce faire. Les bulletins de paie entre 2014 et décembre 2017 ne sont pas versés aux débats. Les bulletins de paie de 2018 montrent au contraire que le salarié a travaillé 8 heures durant un jour férié en juin 2018 et 8 heures un ou des dimanches en décembre 2018.

Des courriers qu'il a envoyés le 16 novembre 2015 puis le 11 juin 2016 au CHSCT pour y dénoncer « des agissements répétés et des pressions exercées (') de la part de [ses] supérieurs directs », à savoir Messieurs [O] et [J].

L'accord collectif d'entreprise pour 2016 concernant notamment la durée de travail et les conditions de travail dans lequel il est indiqué que les horaires de travail doivent être programmés trois semaines à l'avance.

Un document intitulé « avenant au contrat de travail » en date du 27 juin 2016, qui indique à M. [Y] qu'il « [bénéficie] d'une promotion ainsi que d'une augmentation de salaire ». Il est ainsi précisé : « à compter du 1er juillet 2016, vous occuperez une fonction relevant de la classification "responsable commercial confirmé", niveau 4. De plus, le montant annuel brut de votre salaire de base sera porté à 26 065 € soit 2005 € brut par mois. Vous serez rattaché au sein de secteur "non alimentaire" et serez plus particulièrement affecté au sein des rayons "multimédia" et "saisonnier" ».

Un courrier du 1er juillet 2016 rappelle ces éléments en précisant que ces promotion et augmentation de salaire interviennent « sur recommandation de [sa] hiérarchie ».

L'article 14 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire qui définit les fonctions d'employé commercial de niveau 3 et celles d'employé commercial de niveau 4. Pour ces dernières, la convention collective indique qu'un employé commercial de niveau 4 « assure les travaux comportant une part d'initiative et de responsabilité, dans un magasin, un secteur de celui-ci ou de ses annexes. Il peut, selon le cas, seconder un responsable de petit magasin ou un manageur de rayon. Il/elle coordonne le travail de quelques employés. Il/elle est à même de suppléer son supérieur hiérarchique en cas d'absence occasionnelle de celui-ci ».

L'attestation de Mme [M] [I], sa compagne, également employée au magasin Géant Casino de [Localité 7]. Elle indique observer, depuis 2015, une mise à l'écart de son conjoint par son supérieur direct et le directeur du magasin. Elle expose que « en 4 ans, il a perdu toutes les prérogatives de responsable de rayon qui lui avaient été confiées par M. [E] alors directeur ». Elle y décrit les difficultés rencontrées en 2015 par son compagnon avec M. [J], nouveau directeur, et M. [O], nommé manager du non alimentaire en 2014. Elle indique : « en juillet 2016, M. [J] annonce au secteur non alimentaire que M. [Y] est officiellement "l'adjoint" de M. [O] ». Elle poursuit qu'à partir d'août 2016, son conjoint a été surchargé de travail car il a dû assumer le remplacement de plusieurs collègues en plus de ses fonctions. Elle conclut que « depuis 2018, M. [Y] est systématiquement tenu à l'écart de toutes les réunions d'équipes concernant l'organisation du travail alors qu'il est supposément l'adjoint, le bras droit du manager (cf réunion du 13 février 2018 sur le partage des tâches de Mme [F] en arrêt longue maladie) ».

Les éléments de cette attestation antérieurs à juin 2016 questionnent puisque M. [Y] a bénéficié le 27 juin 2016, sur proposition de sa hiérarchie, d'une promotion catégorielle et d'une augmentation de salaire.

L'attestation de M. [V] [W], qui a travaillé au magasin Géant Casino de [Localité 7] [Localité 6] dans le cadre de la préparation de son BTS en alternance de novembre 2016 à juin 2018. Il y explique avoir été mis sous la tutelle de M. [Y] qui lui avait été présenté comme étant l'adjoint de M. [O] et qu'il suivait dans ses tâches quotidiennes. Il précise que M. [O] les « affectait régulièrement à des tâches et rayons différents de [leurs] attributions sur des fiches de poste [qu'ils trouvaient] chaque matin en arrivant ». Il indique : « M. [O] ne communiquait avec M. [Y] que via ses fiches de postes, ce qui énervait fortement ce dernier car il n'apprenait les choses importantes qu'au dernier moment, comme les départs en congés et absences de M. [O] ou les mouvements de rayon. M. [Y] devait également gérer seul d'autres stagiaires et intérimaires (') Souvent, lorsque M. [O] était en congés, M. [Y] se trouvait sans consigne et à devoir gérer le magasin et les équipes seul. Il devait donc faire les fiches de poste pour les autres employés et partager les tâches tant bien que mal, en remplacement de M. [O], ce qui rajoutait une charge de travail supplémentaire ».

Des fiches de poste plus ou moins détaillées précisant les tâches confiées, pour la journée, à M. [Y].

Ce sont des fiches nominatives, concernant M. [Y], mais également des fiches comportant l'organisation pour toute une semaine, quand M. [O] était absent, ce qui démontre qu'il donnait ses consignes pour ses périodes d'absence, en contradiction avec les affirmations de M. [W] et avec la définition du statut de M. [Y] donnée par la convention collective applicable qui suppose qu'un commercial de niveau 4 ait une certaine autonomie. M. [O] a pu toutefois lui laisser cette autonomie comme en témoigne la fiche de poste du 1er décembre 2017 : « je vous laisse gérer votre journée en fonction des impératifs et des urgences ».

Certaines fiches comportent des tâches dans le rayon alimentaire. En particulier, est versée une convocation de M. [Y] pour procéder à l'inventaire de ce rayon alimentaire le 18 janvier 2018. M. [Y] le déplore et soutient que certaines tâches ne correspondaient pas à sa classification, sans détailler lesquelles, et qu'il était affecté à d'autres rayons que le sien ce qui n'aurait pas dû se faire sans son accord en sa qualité de représentant du personnel. Il convient juste de rappeler que le document intitulé « avenant au contrat de travail » qui l'a promu et a indiqué son rattachement au secteur « non alimentaire » a également indiqué que les autres clauses du contrat demeuraient inchangées. L'avenant précédent du 13 juin 2013, signé du salarié et de l'employeur, indiquait ainsi : « en fonction des nécessités du service, des modifications des demandes de nos clients et notamment pour s'adapter aux mutations technologiques et à la transformation de nos métiers, vous pourrez être occupé aux différentes activités de l'établissement correspondant à votre niveau de classification ».

Ainsi, il ne ressort aucunement de ces éléments une modification imposée des conditions de travail de M. [Y], d'autant que son affectation dans d'autres rayons était très ponctuelle.

L'attestation de M. [Z] [R], ancien collègue, qui indique avoir, en tant que délégué du personnel, été convié à un entretien qui s'est déroulé le 27 janvier 2016 entre M. [Y], M. [J], directeur, et Mme [P], responsable des ressources humaines. M. [R] indique que « M. [J] a commencé à faire de plates excuses à M. [Y] suite aux remarques désobligeantes qu'il avait tenues à son propos puis il l'a félicité pour son engagement et son travail dans le magasin, sa rigueur, son professionnalisme. Il lui a proposé de repartir sur de bonnes bases avec une augmentation de son niveau, une augmentation de son salaire, vu que durant plusieurs mois il avait suppléé aux tâches que faisait l'ancien chef de rayon, que en plus du multimédia auquel il était rattaché, il devrait s'occuper du rayon saisonnier et donc qu'il serait le bras droit de M. [O] manager en titre. (') Les mois qui ont suivi, M. [J] a fait une réunion de tout le rayon non alimentaire pour annoncer la promotion de M. [Y] et qu'il devenait l'adjoint de M. [O]. Cela n'a pas duré, les communications entre M. [O] et M. [Y] devenaient de plus en plus mauvaises avec le retour d'insulte. (') M. [Y] étant aussi élu par le personnel, se trouvant face à M. [J] qui chaque fois qu'il le pouvait éludait les questions posées par M. [Y] ».

Cette réunion a été suivie de la promotion et de l'augmentation de salaire de M. [Y] à partir du 1er juillet 2016.

Un mail adressé par M. [Y] à M. [L] le vendredi 28 décembre 2018 dans lequel le premier demande au second s'il peut lui confirmer sa venue le dimanche suivant puisqu'il se trouve « toujours sur les horaires de dimanche à l'alimentaire ». Ce mail produit ne permet pas d'établir le fait que M. [Y] était privé du travail des dimanches et jours fériés.

Le procès-verbal de la réunion du comité social et économique en date du 15 mai 2019 quant au paragraphe concernant les conditions de travail des employés en caisse et en rayons. M. [Y] en retire que selon la direction « le secteur du non alimentaire n'avait pas besoin de renfort ». Le compte-rendu relate plus précisément les doléances des salariés quant au manque de main d''uvre dans tous les secteurs. Il expose : « le président explique que la situation économique du magasin empêche de faire autrement » et s'ensuit l'énumération de ce qu'envisage le dirigeant, en disant en particulier que « rien ne sera fait pour le non alimentaire (sauf rentrée scolaire éventuellement avec un CDD) ». Le procès-verbal mentionne, à la demande du président, que M. [Y] lui a alors demandé « pourquoi il s'en [fichait] du non alimentaire ».

Le compte-rendu de la réunion du CSE n'indique donc pas que le secteur de M. [Y] n'a pas besoin de renfort mais fait part des difficultés de personnel que rencontrait le magasin, dans tous ses secteurs, et annonce les solutions proposées par le dirigeant qui, dans le cadre de son pouvoir de direction et malgré la situation économique du magasin, entend privilégier les postes en caisse et renforcer la boulangerie le week-end.

Les procès-verbaux d'autres réunions du comité d'établissement puis du comité social et économique sont également produits par le salarié qui soutient que M. [J] refusait de répondre à ses questions, sans d'ailleurs préciser les réunions concernées par cette absence de réponse.

Le premier compte-rendu qui fait état d'une remarque de M. [Y] est celui de la réunion du comité d'établissement du 26 novembre 2015. Le salarié « souligne les agissements et pressions subis selon lui par le personnel "élu" ». Il est ensuite mentionné que la direction, c'est-à-dire M. [J], et M. [G], suppléant CGC, c'est-à-dire cadre, s'en justifient. Il n'y a donc aucun refus de réponse opposé à la remarque de M. [Y].

Le procès-verbal de la réunion du comité d'établissement du jeudi 21 juillet 2016 débute par la retranscription des observations de M. [Y] qui déplore d'une part l'absence d'observations faites lors de la réunion précédente et non transcrites dans le compte-rendu, qui n'est d'ailleurs pas produit, et d'autre part « une nouvelle fois le refus de mettre la question sur les [risques psycho-sociaux] à l'étude. Il lui est alors indiqué que la demande que cette question soit mise à l'ordre du jour doit être formulée par le CHSCT. En réponse à la demande de M. [J] sur les problèmes existants dans le magasin, M. [Y] énonce les derniers événements, à savoir des agressions aux caisses ainsi que sur un employé du saisonnier. Pourtant, il vote contre la proposition que le comité d'établissement mandate le CHSCT pour enquêter sur les risques psychosociaux.

Le procès-verbal de la réunion du 29 décembre 2016 comporte la retranscription de la déclaration préalable de M. [Y] concernant le projet de procès-verbal de la réunion précédente, qui n'est pas versé aux débats. Le syndicat de M. [Y], la CFDT, a ainsi relevé « d'innombrables oublis » dans ce projet, « sauf sur les interventions du président qui laissent à penser que ce dernier a largement participé à l'écriture de ce pv ». Par l'insertion de la retranscription de M. [Y] et le refus du vote du projet de procès-verbal de la réunion du 23 novembre 2016, il ne peut donc être considéré qu'il y avait un refus de M. [J] de retranscrire les questions de M. [Y], d'autant qu'aucun élément ne permet d'établir que ledit procès-verbal, qui doit être rédigé par le secrétaire, a été dicté par la direction.

Le compte-rendu de la réunion du 30 novembre 2017 ne permet pas plus d'illustrer les affirmations de M. [Y] : en effet celui-ci était absent faute d'horaires de travail coïncidant avec l'heure de convocation de la réunion. M. [H], titulaire UNSA, a fait part au CE de la réception d'un courriel de M. [Y] adressé au président du CE. M. [J] a toutefois constaté que ce courrier ne lui avait pas été adressé directement, ni n'était signé de sorte qu'il n'avait pas de valeur.

Le procès-verbal de la réunion du 25 janvier 2018 comporte la remarque de M. [Y] concernant l'organisation des soldes d'hiver et la réponse que lui a apportée M. [J], ce qui contredit là encore son affirmation.

Le procès-verbal de la réunion du 18 octobre 2018 mentionne l'absence de M. [Y], alors en formation. Il était donc absent excusé, comme trois autres représentants du personnel.

Le procès-verbal précité concernant la réunion de comité social et économique du 15 mai 2019 précise que le président a demandé que la phrase de M. [Y] « lui [demandant] pourquoi il s'en fiche du non-alimentaire » soit marquée dans le procès-verbal, dont le rédacteur était d'ailleurs le salarié en tant que secrétaire du CSE. M. [Y] retire également de ce compte-rendu le fait que le président, soit M. [J], ne lui a donné aucune explication malgré ses demandes répétées au sujet de la prise en charge de la situation d'une salariée, alors que celle-ci a été traitée par le CHSCT et non par le CSE.

De la même manière le procès-verbal de la réunion du 20 juin 2019 débute par la retranscription de la lecture d'un document où M. [Y] dénonce ce qu'il qualifie de délits d'entrave et des discriminations à son égard. Force est de constater que M. [J] apporte des réponses à ses interrogations et conteste son affirmation selon laquelle il est le seul membre du CE puis du CSE à avoir eu des horaires de travail différents des horaires de réunion. Le fait que le salarié ait été le seul à se plaindre de cette situation ne signifie pas qu'il était le seul concerné par une organisation des réunions, les procès-verbaux montrant que d'autres représentants du personnel étaient ponctuellement absents.

Les entretiens annuels d'évaluation depuis 2010, dans lesquels M. [Y] exprime ses demandes et ressentis.

Ainsi, lors de l'entretien du 29 mars 2016 par [K] [O], il est conclu, contrairement aux années précédentes, à un bon niveau de compétence du salarié qui était précédemment évalué à un excellent niveau de compétence. Pour autant, en réponse au ressenti de M. [Y] qui indique qu'il « [souhaiterait] être respecté en tant qu'homme et employé » et « [aimerait] que la direction reconnaisse [ses] compétences et [lui] propose des postes en adéquation », il a été promu trois mois plus tard à un niveau supérieur, avec augmentation de salaire.

Les évaluations suivantes le maintiendront à un bon niveau de compétence. Il y exprimera son insatisfaction quant à ses fonctions qui, selon lui, ne respectent pas celles qui lui ont été attribuées en 2016.

[A] [Y] fait valoir que ses doléances n'ont jamais été remontées à la direction par son supérieur hiérarchique direct, M. [O], dont il qualifie le comportement à son égard d'acharnement, avec une volonté de le rabaisser, de l'humilier dans sa personne, sans apporter un quelconque élément concret à ce sujet.

Un tableau excel dans lequel il liste les événements qu'il décrit comme harcelants, notamment des journées de travail seul pour gérer le rayon et assumer en même temps le remplacement de différents collègues.

Figure dans cette même pièce un mail du 6 novembre 2015 donnant à M. [Y] un nouveau mot de passe pour l'application GsmHyper, ainsi qu'une copie d'écran de cette même application du 6 novembre 2015, qui indique que ce logiciel concerne la gestion de la masse salariale des hypermarchés et que M. [Y] y avait accès au moyen d'un compte à son nom.

[A] [Y] a dénoncé le fait de ne plus avoir accès par la suite à ce logiciel, ce qu'il caractérise comme une diminution de ses prérogatives et responsabilités, sans toutefois apporter d'élément concret pour illustrer son affirmation.

Des éléments médicaux :

Ainsi, le dossier médical de la médecin du travail révèle que le 10 février 2015, M. [Y] ne dénonce aucune problématique dans le travail. En revanche, lors de l'entretien infirmier du 21 avril 2016, il se dit dépossédé de la gestion des plannings et indique que sa direction voulait le changer de rayon. La visite du 30 janvier 2019 a quant à elle donné lieu à la rédaction de la problématique suivante : « le salarié évoque un conflit récurrent avec sa direction depuis 4 ans, avec des agissements répétitifs de ce dernier qu'il qualifie de "harceleurs", ayant pour conséquence un état dépressif (traitement) et une souffrance importante : malgré des alertes successives aux instances du personnel, au service RH, la situation n'a pas trouvé d'apaisement, ni d'issue favorable. Le salarié pense soit à négocier une rupture conventionnelle ou alors mener une action en justice. Pour ma part, je lui conseille de se faire aider au niveau psychologique afin de prendre en compte sa souffrance (conseiller de consulter une psychologue du travail) ».

Figure dans ce dossier médical la lettre que M. [Y] a adressé, le 11 juin 2016, aux membres du CHSCT.

A la suite de ce dossier médical sont communiquées des ordonnances de 2017, 2018 et 2019 prescrivant un anxiolytique ou un antidépresseur, ainsi qu'un courrier de la psychologue du travail rencontrée par le salarié le 21 mars 2019 qui écrit que « l'analyse du discours fait apparaître un épuisement physique et psychique provoqué par une longue période de surcharge de travail, par l'endossement des missions de délégué du personnel pour arriver aujourd'hui à une fonction vide de contenu et de responsabilité. Des troubles musco-squelettiques s'ajoutent à une anxiété permanente et à une fatigue chronique. L'état de santé de M. [Y] contre indique sa reprise du travail. »

Des mails en pièce 31 relatifs à différents points, commentés par M. [Y], mais dont le contenu, qui n'est pas détaillé dans ses écritures, peut donner lieu à une lecture différente.

Ainsi le mail de Mme [N] du 13 novembre 2016 indique qu'elle lui fait part de son désistement par rapport à un ordre du jour qui lui paraît incohérent puisque plusieurs points divergents n'ont pas à y figurer. M. [Y] estime que Mme [N] s'est désistée de la demande de réunion exceptionnelle CE CHSCT sur différents cas graves de risques psychosociaux tandis que l'intéressée écrit au salarié : « tu m'as présenté l'ordre du jour et imposé une signature sans aucun temps de lecture ni d'explications des différents points ».

Dans d'autres mails, [A] [Y] estime que son syndicat a subi une discrimination dans l'envoi des convocations pour la réunion du comité d'établissement et du CHSCT du 28 juillet 2017, reçues tardivement. Il s'avère que cette réunion avait lieu le 18 juillet 2017 et que deux des membres de la CFDT avaient reçu la convocation le 15 juillet 2017 seulement. Le directeur du magasin, M. [J], a immédiatement reporté les deux réunions au retour des congés d'été. La cour ne voit pas en quoi il y a ici une différence de traitement par rapport à d'autres syndicats dont il n'est versé aucun élément relatif à la convocation de leurs membres pour lesdites réunions.

[A] [Y] communique, au milieu de ces mails aux sujets variés, une capture d'écran montrant un échange de messages avec un prénommé [S] auquel il demande s'il peut lui « confirmer que M. [J] a dit qu'il allait [les] "saquer" suite à [leurs] écrits ». Son interlocuteur a rétorqué : « pas tout à fait nous saquer, mais virer, oui !! ». Aucun élément ne permet d'identifier l'interlocuteur de M. [Y] et le sujet de leur échange, de sorte qu'il n'est pas probant.

Un échange de mails du 27 novembre 2018 au sujet d'une réunion avec les ressources humaines sollicitée par M. [Y] qui voulait venir accompagné d'une personne de son syndicat conclut au refus d'une telle entrevue de la part de ce service si M. [Y] est accompagné d'une personne extérieure à l'entreprise. Ce refus n'est nullement abusif d'autant que l'entreprise a rappelé à l'appelant qu'il pouvait se faire accompagner mais seulement par un salarié appartenant au personnel.

Dans un mail du 25 mai 2019, M. [Y] se plaint d'un changement de planning pour la semaine suivante dont il n'a pas été informé et indique à M. [J] qu'il fera les horaires prévus à l'origine. Il indique qu'il a été accusé d'insubordination à ce sujet mais déplore également qu'aucune réponse n'ait été apportée à ce mail.

Les états préparatoires de saisie mentionnant mois par mois, entre janvier 2018 et juin 2019, les heures de pointage ainsi que les heures de délégation, heures de nuit, congés payés, absences pour maladie' Il en ressort que M. [Y] ne prenait pas l'intégralité des heures de délégation auxquelles la loi ouvre droit. Il en retire une discrimination par rapport aux salariés des autres secteurs sans que ne soit produit le moindre élément attestant de ce que ces derniers pouvaient bénéficier de l'intégralité de leurs heures de délégation, pas plus d'une demande formulée par lui-même et d'un refus qui lui aurait été opposé.

Sa correspondance à la responsable des ressources humaines, Mme [P], le 14 juin 2018 et la réponse de cette dernière le 22 juin 2018 qui rappelle notamment qu'aucun texte n'impose de convoquer les représentants du personnel en dehors de leurs heures de travail. Il importe de préciser que, si le principe est d'organiser les réunions du comité d'entreprise, aujourd'hui comité social et économique, pendant le temps de travail, il ne s'agit pas d'une obligation impérative, d'autant plus quand les salariés ont des horaires différents tenant compte de l'amplitude horaire d'ouverture du magasin.

Ses mails à Mme [X] qu'il indique être la directrice des ressources humaines. Il lui écrit le 4 février 2019 pour lui énumérer les différents faits qu'il dénonce, commis postérieurement à l'accord transactionnel du 27 juin 2016 qui n'est pas produit aux débats. Le courrier produit en pièce jointe est incomplet.

Dans un second mail du 5 mars 2019, M. [Y] écrit faire une contre-proposition sur la négociation de rupture conventionnelle en cours, indiquant qu'il envisage un départ. Il demande également à Mme [X] si elle garantit la protection du lanceur d'alerte, notamment l'anonymat.

Le questionnaire auquel il a répondu dans le cadre de l'enquête du CHSCT : M. [Y] y décrit ce qu'il vivait au travail. La synthèse opérée par les 4 personnes désignées, à savoir la directrice des ressources humaines et 3 membres du CHSCT provenant des syndicats CFDT, FO et CGC, à la suite des écoutes menées les 15, 16 et 26 octobre 2018, conclut que toutes les personnes entendues ont dédouané le directeur, sauf une, et que trois personnes se sont plaintes de propos et/ou de comportements inadéquats de M. [O], reconnu néanmoins comme étant un « manager arrangeant ». L'enquête conclut à un problème de communication entre le manager et son équipe. Elle préconise des formations managériales et de coaching du manager de secteur mais également pour ce dernier et son équipe, de manière collective.

Des synthèses d'entretien d'évaluation des 29 janvier 2018 et 30 avril 2019 réalisés par M. [K] [O] où la personne évaluée fait état de conditions de travail qui se dégradent et d'un risque psychosocial. Toutefois, aucun élément ne permet de relier ces documents à Mme [I], compagne de M. [Y].

Il ressort de ces éléments qu'en 2016, M. [Y] a exprimé une certaine insatisfaction qui a été entendue par sa hiérarchie, laquelle a proposé qu'il soit promu au niveau 4 de la catégorie « employé commercial » et qu'il bénéficie d'une augmentation à partir du 1er juillet 2016.

Le salarié apporte des éléments sur de multiples tâches qui pouvaient lui être ponctuellement confiées par son supérieur hiérarchique, via des « fiches de poste » plus ou moins détaillées. Il estime que certaines de ces tâches ne devaient pas lui être dévolues compte tenu de sa classification et qu'il était souvent seul pour les assumer, sans que les pièces versées aux débats permettent néanmoins de retenir cette affirmation comme étant établie de manière absolue et systématique, de même qu'il n'est pas établi qu'il a été évincé de réunions.

Il peut être retenu, par les témoignages, que M. [Y] a été présenté comme l'adjoint de son supérieur hiérarchique. Toutefois, ses entretiens d'évaluation de 2018 et 2019 laissent entendre que ce positionnement n'était pas aussi clair pour la hiérarchie du salarié : l'entretien d'évaluation de 2018 lui donne pour objectif de « se positionner en tant qu'adjoint de son responsable avec l'appui de ce dernier » et celui de 2019 lui fixe l'objectif d'« être le bras droit de son supérieur », avec les commentaires suivants : « anticipation, organisation, réaction ». Ces éléments permettent de déduire que, contrairement à ce qu'indiquent M. [Y] et les témoins, sa fonction de responsable adjoint n'était pas établie dès 2016. L'enquête du CHSCT n'évoque d'ailleurs pas la présence d'un responsable adjoint.

Enfin, les documents produits ne permettent pas d'établir une attitude particulière du directeur du magasin et du supérieur hiérarchique de M. [Y] à l'égard de celui-ci au motif de son mandat de représentant du personnel. Il n'est en particulier pas démontré l'existence d'une entrave dont il convient de rappeler qu'il s'agit d'un délit pénal.

Il appert ainsi, à la lecture des pièces produites par M. [Y], que ce dernier ne produit pas d'éléments suffisants, permettant d'établir l'existence de faits qui, pris dans leur ensemble, laisseraient supposer l'existence d'un harcèlement moral ou d'une discrimination ou même d'un harcèlement discriminatoire.

Ses demandes indemnitaires à ce titre doivent donc être rejetées.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la violation de l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Pour ne pas méconnaître cette obligation légale, il doit justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.

Il s'agit ainsi d'une obligation de moyen renforcée.

Sur ce fondement, [A] [Y], qui demande une indemnisation à hauteur de 15000 euros, fait valoir que :

La société Distribution Casino France n'a pas démontré que les risques professionnels et notamment les risques psychosociaux ont été évalués dans le cade de l'établissement d'un document unique d'évaluation des risques ;

L'entreprise ne démontre pas non plus qu'un plan d'action était mis en 'uvre et que des moyens de prévention des risques psychosociaux étaient organisés au sein de l'entreprise dans le but d'éviter ou au moins de le protéger (sic) ;

Les formations suivies par le personnel d'encadrement étaient visiblement insuffisantes notamment en matière de prévention des risques psychosociaux et de management. Les manquements du groupe Casino ont été relevés au niveau national et une expertise pour risque grave et risques psychosociaux a été ordonnée en décembre 2021 pour des faits relevés entre 2018 et 2021.

Or, la société Distribution Casino France produit les éditions de 2017, 2018 et 2019 du document unique d'évaluation des risques mis à jour le 14 novembre 2016. Il en ressort que des risques psychosociaux sont relevés dans certains rayons en relation avec des agressions extérieures, qualifiées de faibles. Aucun problème de harcèlement moral ou sexuel n'est indiqué. Des difficultés de communication sont mentionnées dans certains rayons mais le risque est qualifié de faible.

L'intimée verse également aux débats des pièces justifiant que l'encadrement a reçu des formations sur le management bienveillant, en 2014 en ce qui concerne M. [J] et en 2015 pour M. [O].

Il est ainsi démontré que les mesures de prévention ont été mises en place par l'entreprise.

Quant aux réponses apportées par la société Distribution Casino France aux alertes de M. [Y], les documents visés ci-avant démontrent que des réponses ont été apportées par le service des ressources humaines aux faits qu'il dénonçait.

En particulier, le manque de considération dont il a fait état en 2015-2016 a donné lieu à une revalorisation de la classification du salarié et à une augmentation de son salaire.

L'employeur démontre ensuite que M. [Y] n'a pas donné suite à la proposition de rencontre formulée par Mme [P], responsable des ressources humaines, à la suite du courrier qu'il lui avait adressé.

La société Distribution Casino France produit par ailleurs un mail du 11 mai 2019 au sujet de l'agression par un client dénoncée par M. [Y] sur lui-même et l'un de ses collègues et un courriel du 14 mai suivant de Mme [U], responsable des ressources humaines, qui indiquent que les deux salariés ont refusé l'accompagnement VTE proposé par M. [J]. Dans son message, M. [Y] avait d'ailleurs précisé : « [K] ([O]) [était] descendu en tant que responsable de permanence et [avait] réussi à le calmer (le client). Je tiens à dire qu'il a été très bien ».

L'intimée démontre enfin avoir répondu aux différentes sollicitations de M. [Y], que ce soit lors de sa demande de bénéficier des jours de congés exceptionnels pour son Pacs conclu 9 ans auparavant ou pour la remise de son dossier personnel complet.

Il doit être également relevé qu'une enquête a été menée par les membres du CHSCT en octobre 2018, au sein du secteur où était affecté M. [Y], en réponse aux alertes faites par ce dernier. Il en résulte que, après audition de l'ensemble des salariés du secteur, il existe un problème de communication au sein du service et un problème d'organisation en termes d'adéquation du personnel avec les flux clients. Sur le plan du management, il n'a pas été relevé de difficultés particulières à l'encontre de M. [J] et quelques insatisfactions envers M. [O], décrit néanmoins comme un manager très arrangeant.

Les préconisations de l'enquête consistaient en des formations pour le manager en individuel ainsi que collectivement avec son équipe.

Il est justifié de ce que [K] [O] a bénéficié un accompagnement du 11 avril 2019 au 3 mars 2020 et que, dans le cadre de ce coaching, était envisagé également un coaching d'équipe.

Force est donc de constater que la société Distribution Casino France n'a pas laissé les plaintes de M. [Y] principalement, sans réponse.

Le fait que, au niveau national, des difficultés auraient été relevées au sein de certains magasins Casino ne peut être pris en compte lorsque, au niveau local du magasin de [Localité 7] [Localité 6] dans lequel M. [Y] travaillait, les mesures ont été prises par les responsables de l'entreprise afin de répondre aux plaintes de celui-ci.

Aucun manquement de la société à son obligation de sécurité n'est donc avéré, de sorte que M. [Y] doit être débouté de sa demande indemnitaire à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail est un mode de rupture du contrat de travail par l'effet duquel le salarié met un terme au lien salarial en se fondant sur des griefs qu'il impute à son employeur.

Elle entraîne immédiatement et définitivement la rupture du contrat de travail ; pour être valable, elle n'a pas à être acceptée par l'employeur, lequel n'a pas à en accuser réception ; inversement, le simple fait que l'employeur en accuse réception et remette au salarié ses documents de fin de contrat ne signifie pas que l'employeur admet tacitement le bien-fondé des reproches du salarié.

Les termes de la lettre de prise d'acte ne fixent pas les termes du litige.

Il appartient à la juridiction prud'homale de déterminer les effets de cette prise d'acte ; ainsi, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse selon la nature des manquements reprochés à l'employeur, s'ils sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; à l'inverse, elle produit les effets d'une démission si les manquements de l'employeur ne sont pas caractérisés ou pas suffisamment graves.

La charge de la preuve pèse sur le salarié.

En l'espèce, M. [Y] a, par courrier en date du 24 juin 2019, pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur pour les motifs suivants :

Harcèlement moral,

Manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

Entrave et discrimination syndicale.

Il a développé ces mêmes motifs dans ses écritures.

Or, il ressort des développements précédents que ces manquements ne sont pas établis, de sorte que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [Y] doit prendre les effets d'une démission de ce dernier qui sera en conséquence débouté de toutes ses demandes financières relatives à une rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, y compris l'indemnité pour violation de son statut protecteur.

Le jugement querellé sera confirmé sur ces points.

Sur les demandes formulées par le syndicat

En application de l'article L.2132-3 du code du travail, un syndicat est fondé à solliciter des dommages et intérêts en cas d'atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

Il est constant qu'en matière de harcèlement moral, délit pénal mais également prohibé en droit du travail et susceptible d'ouvrir un droit à indemnisation devant les juridictions prud'homales, un syndicat est admis à solliciter des dommages et intérêts à l'encontre de l'employeur au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession, puisque les faits de harcèlement moral constituent une atteinte à la santé et à la sécurité des salariés de l'entreprise.

Il en est de même des faits de discrimination syndicale qu'invoque un salarié et qui, s'ils sont établis, caractérisent une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat concerné représente.

Dans le cas d'espèce, la société Distribution Casino France soulève l'irrecevabilité à agir du syndicat CFDT des services du Béarn en raison du défaut de qualité à agir.

Or, par délibération du 3 avril 2020, le syndicat a, compte tenu des conditions sanitaires d'alors, décidé de reporter son congrès annuel et de maintenir en vigueur les statuts et décisions validés lors du congrès du 31 mai 2016, dont l'article 13 confère au conseil syndical le pouvoir de décider des actions en justice du syndicat et désigne le membre qui le représente.

Le 3 avril 2020, le conseil syndical a approuvé le soutien du syndicat à l'action engagée par M ; [Y] et a décidé que le syndicat se portera partie intervenante dans la procédure.

Le syndicat, représenté par son secrétaire général, est intervenu volontairement à l'instance par des écritures déposées le 1er mars 2021 soit postérieurement à la décision du syndicat, de sorte qu'aucune fin de non-recevoir liée au défaut de qualité à agir ne peut lui être opposé.

Par ailleurs en application des règles susvisées, compte tenu de la nature des demandes de M. [Y], le syndicat CFDT des services du Béarn était recevable à agir puisque les faits invoqués étaient susceptibles de caractériser une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat concerné représentait.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes de Pau a déclaré le syndicat CFDT des services du Béarn recevable à agir.

En revanche, le rejet des demandes de M. [Y] implique l'absence d'atteinte caractérisée à l'intérêt collectif de la profession que représente le syndicat CFDT de sorte que celui-ci sera débouté de sa demande indemnitaire qui se retrouve infondée.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Il convient de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

En cause d'appel, il y a lieu de condamner M. [Y] et le syndicat CFDT Services du Béarn, qui succombent en leur recours, aux dépens, ainsi qu'au versement, au profit de la société Distribution Casino France, d'une somme de 1500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 27 juin 2022 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE M. [A] [Y] et le syndicat CFDT Services du Béarn aux dépens d'appel ;

CONDAMNE M. [A] [Y] et le syndicat CFDT Services du Béarn à payer à la société Distribution Casino France la somme de 1500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01968
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;22.01968 ?
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