AC/SB
Numéro 24/1829
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 30/05/2024
Dossier : N° RG 21/04084 - N° Portalis DBVV-V-B7F-ICGU
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[N] [W]
C/
S.A.S.U. CAMERON FRANCE
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 Mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 21 Juin 2023, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [N] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître GALLARDO, avocat au barreau de PAU et Maître DEGIOANNI de la SCP DEGIOANNI - PONTACQ - GUY-FAVIER, avocat au barreau d'ARIEGE,
INTIMEE :
S.A.S.U. CAMERON FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 2]
Représentée par Maître HAMTAT de la SELARL DALEAS-HAMTAT-GABET, avocat au barreau de PAU, et Maître AXELROUDE de la SELARL WILLWAY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 06 DECEMBRE 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU
RG numéro : 20/00190
EXPOSE DU LITIGE
M. [N] [W] a été embauché par la société Cameron France, à compter du 5 mars 2001, selon contrat à durée déterminée, puis indéterminée en qualité de technicien service après-vente, régi par la convention collective de la métallurgie de l'Hérault, Aude et Pyrénées-Orientales.
Dans le cadre de son exercice professionnel, le salarié a été amené à travailler à l'étranger.
Les parties sont contraires sur les fonctions exercées.
Le 6 Novembre 2018, M. [W] a été placé en arrêt de travail jusqu'au 6 Août 2019.
Le 23 juillet 2019, il a fait l'objet d'une visite médicale de reprise aux termes de laquelle) : « pour la reprise de son poste, prévoir des chaussures de sécurité à réaliser sur mesure ; de plus ne pourra être exposé à des poussières et produits chimiques irritants, aux postes avec manutention et ports de charges. Reclassement professionnel à envisager sur un poste de type administratif »
Le 7 août 2019, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude, en ces termes : « inapte au poste de serviceman et à tout poste nécessitant le port de chaussures de sécurité et excluant les expositions aux produits irritants et poussières. Possibilité d'occuper un poste administratif. Est en capacité de suivre la formation nécessaire pour occuper un poste de ce type ou similaire ».
Le 4 novembre 2019, l'employeur a informé le salarié d'une impossibilité de reclassement.
Le 6 novembre 2019, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 19 novembre 2019, repoussé au 28 novembre par courrier du 18 novembre.
Le 13 décembre 2019, M. [W] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 11 août 2020, il a saisi la juridiction prud'homale au fond.
Par jugement du 6 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Pau a notamment :
déclaré irrecevable la demande portant sur la reprise du salaire du 8 août 2019 à la date du licenciement outre les congés payés y afférents,
débouté M. [N] [W] de l'intégralité de ses demandes,
condamné M. [N] [W] aux entiers dépens et à payer à la société Cameron France SAS la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le 21 décembre 2021, M. [N] [W] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses conclusions n°6 adressées au greffe par voie électronique le 10 mai 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [N] [W] demande à la cour de :
- Réformer le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
- Condamner la Société Cameron à payer à M. [W] les sommes suivantes :
' 15 284,28 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 1 528,42 euros au titre d'indemnité de congés payés afférents au préavis,
' 7 642 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
' 110 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamner la Société Cameron à payer à M. [W] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'Article 700 du code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
- Ordonner à la société Cameron d'établir les documents de fin de contrat et documents sociaux conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard.
Dans ses conclusions récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 17 mai 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Cameron France demande à la cour de :
- Confirmer le jugement attaqué
- Débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- Condamner M. [W] à verser à la société Cameron une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [W] aux entiers dépens,
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 juin 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Attendu que lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ;
Que pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ;
Que cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté ;
Que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ;
Attendu qu'il convient de relever que M. [N] [W] a été placé en arrêt de travail à compter du 6 novembre 2018, et ce sans discontinuité jusqu'à son avis définitif d'inaptitude du 7 août 2019 ;
Attendu que le salarié verse au dossier un arrêt de la cour d'appel de Pau en date du 22 septembre 2022, ayant autorité de la chose jugée qui fait état dans les motifs relatifs aux heures supplémentaires d'un document intitulé « field service report » démontrant que pour la période du 16 au 21 octobre 2018 M. [W] était en mission en Turquie, soit juste avant de rentrer en France et d'être placé en arrêt de travail ;
Que ce point est confirmé par les écritures du salarié en page 3 qui spécifient « du 16 au 20 octobre il a été envoyé en Turquie pour superviser une soudure sur un équipement de puits » ;
Attendu que les différentes fonctions occupées durant la relation travail ont toujours eu trait au service après-vente, qu'il s'agisse de tâches techniques, de supervision ou de direction nécessitant des transports sur site et l'utilisation de chaussures de sécurité ;
Attendu que l'avis d'inaptitude du médecin du travail, a prévu des préconisations quant à un éventuel reclassement de M. [W] en ces termes « « inapte au poste de serviceman et à tout poste nécessitant le port de chaussures de sécurité et excluant les expositions aux produits irritants et poussières. Possibilité d'occuper un poste administratif. Est en capacité de suivre la formation nécessaire pour occuper un poste de ce type ou similaire » ;
Que le terme de service man, utilisé par le médecin du travail dans son avis, a trait au dépannage, ce qui correspond aux fonctions occupées par le salarié juste avant son premier arrêt de travail ;
Attendu que l'avis décrit une inaptitude physique à tous postes nécessitant le port de chaussures de sécurité et les expositions aux produits irritants et poussières et non pas seulement au poste décrit de service man ;
Attendu que les arguments du salarié sur ce point sont donc inopérants, ce d'autant que cet avis n'a fait l'objet d'aucune contestation sur son contenu dans les délais de la loi ;
Attendu que pour justifier des recherches de reclassement l'employeur produit au dossier les éléments suivants :
le registre d'entrée et de sortie du personnel qui démontre que des recrutements ont eu lieu postérieurement à l'avis d'inaptitude, les postes étant libellés en anglais, de telle sorte qu'il n'est pas possible de connaître l'intitulé des postes offerts ;
quelques courriels de recherche de reclassement et plusieurs réponses négatives. Il convient de noter que les préconisations du médecin du travail sont spécifiées sur la question des postes administratifs ;
un curriculum vitae de Mme [S] ayant postulé pour le poste administration des ventes. Elle a, selon le registre unique du personnel produit été recrutée, selon contrat à durée déterminée le 2 septembre 2019 et sa fin de contrat est intervenue le 31 octobre 2019. Selon ce même registre le poste occupé était « custumer service spécialist » ;
une attestation de la direction des ressources humaines qui fait état que le poste occupé par Mme [S] n'a pas été remplacé ;
un certain nombre de fiches de postes ;
un extrait de registre d'entrée du personnel entre août et décembre 2019 toujours en anglais et non traduit ;
un certain nombre de document en anglais et non traduits ;
Attendu que l'employeur, même s'il n'a pas pris contact avec le médecin du travail après l'avis d'inaptitude pour le questionner sur les postes susceptibles d'être occupés par le salarié, a procédé sérieusement à des recherches de reclassement en interrogeant les différentes entités et en démontrant que les postes à pourvoir ne nécessitaient pas de simples formations d'adaptation ;
Attendu que compte tenu de ces éléments c'est par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont dit que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse et ont débouté du salarié de ses demandes de ce chef ;
Sur la demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier les éléments suivants :
le salarié a été convoqué à un entretien préalable le 6 novembre 2019 pour un entretien fixé le 19 novembre 2019 à 16 heures ;
le 19 novembre l'entretien préalable n'a pas pu avoir lieu dans la mesure où les parties étaient convoquées à l'audience de jugement du conseil de prud'hommes de Pau suite à la requête du salarié en date du 31 janvier 2019 concernant des prétentions relatives à l'exécution du contrat de travail ;
une nouvelle convocation à entretien préalable en date du 18 novembre 2019 a été adressée au salarié pour un entretien fixé le 28 novembre 2019 à 16 heures. Ce courrier recommandé a bien été envoyé le 18 novembre 2019 comme le démontre la photocopie de l'enveloppe avec l'accusé de réception. Cependant aucune date n'est lisible sur l'avis de réception ;
aucune pièce au dossier ne permet d'attester que M. [W] a reçu ce courrier le 26 novembre 2019 comme soutenu, ce d'autant que le courrier de convocation de l'employeur porte bien le cachet de la poste du 18 novembre 2019 ;
Attendu que dans ces conditions la procédure de licenciement est bien régulière, les seules allégations du salarié étant insuffisantes pour caractériser que le délai fixé à l'article L.1235-2 du code du travail n'a pas été respecté ;
Attendu que dans ces conditions le salarié sera débouté de sa demande de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que le salarié, qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ;
Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 6 décembre 2021 ;
Et y ajoutant,
Condamne M. [N] [W] aux dépens d'appel et dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,