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28/05/2024 | FRANCE | N°22/02236

France | France, Cour d'appel de Pau, 1ère chambre, 28 mai 2024, 22/02236


AB/CD



Numéro 24/01788





COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre







ARRÊT DU 28/05/2024







Dossier : N° RG 22/02236 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IJFR





Nature affaire :



Demande en nullité d'un contrat tendant à la réalisation de travaux de construction





Affaire :



[S] [M] née [R]



C/



[O] [V],



SARL [N] ET ASSOCIES,



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQU

ITAINE























Grosse délivrée le :



à :

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Mai 2024, les par...

AB/CD

Numéro 24/01788

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 28/05/2024

Dossier : N° RG 22/02236 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IJFR

Nature affaire :

Demande en nullité d'un contrat tendant à la réalisation de travaux de construction

Affaire :

[S] [M] née [R]

C/

[O] [V],

SARL [N] ET ASSOCIES,

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 12 Mars 2024, devant :

Madame FAURE, Présidente

Madame BLANCHARD, Conseillère, magistrate chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile

Madame REHM, Magistrate honoraire

assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes,

en présence de Madame FOURCADE, Greffière stagiaire

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [S] [M] née [R]

née le 09 août 1973 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée et assistée de Maître KERNEIS, avocat au barreau de DAX

INTIMES :

Monsieur [O] [V]

né le 13 mars 1980 à [Localité 10] (Maroc)

de nationalité Marocaine

[Adresse 3]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004049 du 30/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Représenté et assisté de Maître FAUTHOUX, avocat au barreau de PAU

SARL [N] ET ASSOCIES (anciennement SELARL [I] [N] ET JESSICA [N]-TINOMANO) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée et assistée de Maître VIEU de la SELARL JEAN-BAPTISTE VIEU, avocat au barreau de BAYONNE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Service Contentieux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU

Assistée de Maître FRANCOIS de la société d'avocats AQUI'LEX, avocat au barreau de MONT DE MARSAN

sur appel de la décision

en date du 11 MAI 2022

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DAX

RG numéro : 19/00238

EXPOSE DU LITIGE :

Selon offre du 30 juillet 2015, acceptée le 13 août 2015, Madame [S] [M] née [R] a souscrit un prêt immobilier auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole d'Aquitaine (CRCAM d'Aquitaine) d'un montant de 91 754 euros pour la réalisation de travaux sur sa résidence principale sise à [Localité 11] (40).

Selon cinq devis des 13 et 14 avril 2016, acceptés le 22 avril 2016, Mme [M] a confié à Monsieur [O] [V] les travaux de rénovation de sa maison, afin d'y créer deux logements séparés, pour un montant total de 110 106 euros.

Par acte du 28 avril 2016, reçu par Me [I] [N], notaire à [Localité 12] (40), Mme [M] a signé une reconnaissance de dette au profit de M. [V] pour un montant de 30 829,82 euros.

Mme [M] a versé un acompte de 46 244,73 euros par virement du 29 avril 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mai 2016, Mme [M] a informé M. [V] de sa décision de 'résilier' les devis ainsi que l'acte de reconnaissance de dette du 28 avril 2016, faisant valoir un droit de rétractation de 14 jours, et sollicitait la restitution de l'acompte versé à hauteur de 46 244,73 € dont il convenait de déduire 4 jours de travaux déjà effectués.

Par actes d'huissier de justice des 8 et 18 janvier 2019 et 5 février 2019, Mme [M] a fait assigner M. [V], la SELARL [I] [N] ET JESSICA [N]-TINOMANO, désormais SARL [N] ET ASSOCIES et la Caisse Régionale de Crédit Agricole d'Aquitaine devant le tribunal judiciaire de Dax aux fins d'obtenir, notamment, la nullité des devis précités avec restitution de l'acompte, et l'engagement de la responsabilité de l'étude notariale pour avoir fait signer à Mme [M] une reconnaissance de dette en contrepartie d'un contrat soumis au droit de rétractation et pour des travaux non réalisés, et la responsabilité de la banque pour avoir débloqué les fonds en contradiction avec les stipulations contractuelles de l'offre de prêt.

Suivant jugement réputé contradictoire en date du 11 mai 2022, le tribunal judiciaire de Dax a :

- prononcé la résolution du contrat conclu entre Mme [M] et M. [V] sur la base des cinq devis D 00025, D 00026, D00027 et D 00030 établis les 13 et 14 avril 2016 par M. [V] et acceptés par Mme [M] le 22 avril 2016 pour un montant total de 110 106 euros,

- condamné M. [V] à restituer à Mme [M] le versement de l'acompte d'un montant de 46 244,73 euros,

- déclaré nulle et de nul effet la reconnaissance de dette de Mme [M] à l'égard de M. [V] reçue le 28 avril 2016 par Me [I] [N], notaire à [Localité 12], pour un montant de 30 829,82 euros,

- condamné M. [V] à verser à Mme [M] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral,

- débouté M. [V] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté Mme [M] de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la SELARL [I] [N] ET JESSICA [N]-TINOMANO, et de la Caisse Régionale de Crédit Agricole d'Aquitaine,

- condamné M. [V] à verser à Mme [M] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [M] à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole d'Aquitaine la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [M] aux dépens exposés par la Caisse Régionale de Crédit Agricole d'Aquitaine,

- condamné M. [V] au reste des dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour motiver sa décision, le juge a retenu, sur le fondement des articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation, L. 231-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation et 1217 du code civil :

- que le contrat concernant les travaux litigieux échappe au droit de rétractation prévu par le code de la consommation car l'article L121-16-1 de ce code exclut de son champ d'application les contrats portant sur une transformation importante d'immeubles existants, ce qui est le cas en l'espèce,

- qu'il n'est certes pas établi que Mme [M] ait été informée, préalablement à la signature des devis, du délai dans lequel M. [V] s'engageait à réaliser les travaux, mais ce manquement n'est pas de nature à entraîner la nullité des devis,

- que les travaux litigieux ont consisté en une transformation d'un bâtiment existant et ne relèvent donc pas des dispositions du code de la construction et de l'habitation relatives au contrat de construction de maison individuelle,

- que la résolution du contrat est justifiée par l'inexécution de M. [V] qui n'a pas réalisé les travaux, n'a pas répondu à la proposition de Mme [M] de résilier le contrat à l'amiable ni n'a repris le chantier malgré le versement d'un acompte de 46 244,73 euros correspondant à 42 % du montant des devis,

- que Mme [M] a subi un préjudice moral du fait qu'une partie de sa résidence principale est inhabitable depuis 2016,

- que Mme [M] ne rapporte pas la preuve que la CRCAM d'Aquitaine a commis une faute en débloquant les fonds,

- qu'il n'appartenait pas à Me [N] d'apprécier le bien fondé de la reconnaissance de dette mais uniquement de s'assurer de la réalité du consentement des parties, le notaire n'ayant commis aucune faute quant à l'absence de mention d'un délai de rétractation qui n'était pas applicable en l'espèce.

Mme [M] a relevé appel par déclaration du 29 juillet 2022 (RG n° 22/02236), à l'encontre de la SARL [N] ET ASSOCIES et de la CRCAM d'Aquitaine, critiquant le jugement en ce qu'il l'a :

- déboutée de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la SARL [N] ET ASSOCIES, et de la CRCAM d'Aquitaine,

- condamnée à verser à la CRCAM d'Aquitaine la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamnée aux dépens exposés par la CRCAM d'Aquitaine.

M. [V] a relevé appel par déclaration du 28 octobre 2022 (RG n° 22/2935), critiquant le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la résolution du contrat conclu entre Mme [M] et M. [V] sur la base des cinq devis D 00025, D 00026, D00027 et D 00030 établis les 13 et 14 avril 2016 par M. [V] et acceptés par Mme [M] le 22 avril 2016 pour un montant total de 110 106 euros,

- condamné M. [V] à restituer à Mme [M] le versement de l'acompte d'un montant de 46 244,73 euros,

- déclaré nulle et de nul effet la reconnaissance de dette de mme [M] à l'égard de M. [V] reçue le 28 avril 2016 par Me [I] [N], notaire à [Localité 12], pour un montant de 30 829,82 euros,

- condamné M. [V] à verser à Mme [M] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral,

- débouté M. [V] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné M. [V] à verser à Mme [M] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] au reste des dépens.

Par ordonnance du 6 septembre 2023, le magistrat de la mise en état a, au visa de l'article 524 du code de procédure civile, rejeté la demande de radiation de l'appel formée par Mme [M].

Par ordonnance du 7 septembre 2023, le magistrat de la mise en état a prononcé la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 22/02236 et RG 22/02935, sous le numéro RG 22/02236.

Par conclusions notifiées par voie électronique du 11 janvier 2024, Mme [M], appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a :

- déboutée de ses demandes à l'égard de la CRCAM et de la SARL [N] ET ASSOCIES,

- condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- juger que la SARL [N] ET ASSOCIES a engagé sa responsabilité en lui faisant signer une reconnaissance de dette nulle comme étant dépourvue de cause,

- juger que le CRÉDIT AGRICOLE a commis une faute contractuelle en débloquant des fonds en contradiction avec les stipulations contractuelles du crédit,

- condamner in solidum la SARL [N] ET ASSOCIES au paiement de la somme de 46 244,73 euros,

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens,

- débouter M. [V] de son appel,

- le condamner au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient, au visa des articles 1240 et 1231-1 du code civil :

- que le notaire devait vérifier la réalité de la dette avant de lui faire signer une reconnaissance de dette dans laquelle il est mentionné à tort que les travaux ont été réalisés, ce qui ne pouvait être le cas puisqu'elle venait d'accepter les devis six jours avant ; qu'il ne l'a pas informée des risques qu'elle encourait par la signature de cet acte,

- que la CRCAM d'Aquitaine ne pouvait procéder au paiement que sur présentation de la conclusion d'un contrat principal, et ne pouvait se contenter de devis non signés datant de 2014,

- que la CRCAM d'Aquitaine ne devait débloquer les fonds qu'au fur et à mesure de l'avancement des travaux et de la présentation des factures ; que la facture présentée le 22 avril 2016 émanait d'une entreprise différente que celle émettrice des devis,

- que M. [V] a manqué à son obligation pré-contractuelle d'information à son égard, et n'a pas exécuté les travaux pour lesquels il a été réglé à hauteur de 46 244,73 euros,

- qu'elle n'a pas mis fin unilatéralement au contrat puisque M. [V] n'a lui-même pas entrepris les travaux ou n'a entendu les poursuivre,

- qu'il ne justifie d'aucune dépense relative au chantier.

Par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 6 mars 2024, ces conclusions ont été déclarées irrecevables mais seulement en leur paragraphe 2.2 relatif à l'appel de M. [O] [V], dans lequel il est reproché à ce dernier son manquement à l'obligation d'information pré-contractuelle et l'inexécution des travaux.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence, M. [V], appelant, demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

- condamner Mme [M] à lui verser la somme de 110 106,50 euros à laquelle viendra en déduction l'acompte versé pour un montant de 46 244,73 euros, qui sera en toute hypothèse considéré comme acquis à M. [V],

- condamner Mme [M] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la CRCAM d'Aquitaine de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir, sur le fondement de l'article 1793 du code civil, et à titre subsidiaire, 1184 du code civil :

- qu'il doit être dédommagé du fait de la résiliation unilatérale du contrat par Mme [M],

- que Mme [M] l'a informé de sa volonté de résoudre unilatéralement le contrat seulement quelques jours après le début du chantier, ce qui l'a libéré de ses engagements,

- qu'il ne peut lui être reproché l'encaissement de l'acompte dans le délai de rétractation de 14 jours dès lors que le code de la consommation n'est pas applicable au cas d'espèce,

- que Mme [M] ne prouve pas ses allégations relatives à son manque de professionnalisme et son comportement agressif, alors même que les travaux n'avaient débuté que depuis quelques jours,

- qu'en tant qu'entrepreneur individuel, un tel projet de rénovation a nécessité une préparation de près d'un an, et remplissait son carnet de commandes pour plusieurs mois de sorte qu'il a dû renoncer à d'autres propositions de marché pour honorer ce contrat, et a engagé des frais importants en acquérant les matières premières nécessaires au chantier,

- que n'ayant formulé aucune demande à l'encontre de la CRCAM d'Aquitaine, celle-ci n'a valablement pu engager aucun frais pour assurer sa défense contre ses prétentions.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 avril 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la SARL [N] ET ASSOCIES, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, y ajoutant :

- constater qu'elle n'a manqué à aucune obligation d'information et de conseil et n'a pas engagé sa responsabilité à l'égard de Mme [M],

A titre subsidiaire,

- constater qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité à l'égard de Mme [M], en l'absence de faute, de préjudice, et de lien de causalité entre les deux,

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que Mme [M] a contribué à la réalisation de ses préjudices par son propre fait, exonérant la SARL [N] ET ASSOCIES de tout engagement de sa responsabilité à l'égard de Mme [M],

En tout état de cause,

- condamner Mme [M] au paiement des dépens de l'instance d'appel,

- la condamner à lui payer la somme de 3 600 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel,

- rejeter toute demande contraire.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir, sur le fondement des articles 1382 ancien et suivants du code civil :

- qu'elle n'avait pas à intervenir ou conseiller Mme [M] sur le paiement de la somme de 46 244,73 euros dès lors qu'elle n'est intervenue que pour une somme de 30 829,82 euros sans lien avec le premier paiement,

- qu'elle a interrogé Mme [M] sur l'opération et adressé le projet d'acte aux deux parties plusieurs jours avant sa signature,

- que Mme [M] ne prouve pas le préjudice moral qu'elle allègue,

- que ce n'est pas l'absence d'alerte de sa part qui a causé le préjudice invoqué par Mme [M] puisque la conclusion de la reconnaissance de dette n'a aucun lien avec le paiement de la somme de 46 244,73 euros,

- qu'elle ne pouvait savoir ou anticiper que Mme [M] allait résilier de son chef le marché de travaux conclu avec M. [V],

- que Mme [M] a fait preuve d'une légèreté coupable ayant causé son préjudice en contactant M. [V], en contractant directement avec lui et lui versant des sommes importantes sans solliciter de maître d'oeuvre ou a minima plusieurs artisans pour obtenir d'autres devis.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la CRCAM D'AQUITAINE demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, et y ajoutant :

- constater l'absence de demande de M. [V] à son encontre,

- condamner Mme [M] et M. [V] aux dépens,

- condamner Mme [M] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, au visa des articles 1103 et suivant, L. 231-1 et suivant du code de la consommation :

- que son obligation de vérifier que le contrat de construction comporte des mentions légales ne concerne pas le contrat de financement de travaux,

- qu'elle n'avait pas l'obligation de vérifier si les fonds versés correspondaient à l'état d'avancement des travaux, ne s'agissant pas d'un contrat de construction de maison individuelle,

- que les devis transmis par Mme [M] mentionnent une obligation de règlement à la commande de 42 % du total des travaux soit 46 244,73 euros,

- que Mme [M] a produit une facture signée de sa main et sur laquelle elle a apposé la formule 'bon à payer',

- que la facture correspondait en son montant à l'acompte prévu aux devis fournis par Mme [M].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2024, et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 12 mars 2024 pour y être plaidée.

MOTIFS :

Sur la demande de résiliation du marché de travaux :

Il est constant qu'en cause d'appel la nullité des devis remis par M. [V] n'est plus soutenue par Mme [M], et que celle-ci elle demande la confirmation du jugement ayant résolu le marché de travaux tandis que M. [V] s'y oppose.

Toutefois la cour relève que le tribunal a appliqué les dispositions de l'article 1217 du code civil, selon lesquelles :

'La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter' ;

alors que l'article 1217 est entré en vigueur le 1er octobre 2018 et que le contrat en litige est en date du 19 avril 2016, dès lors ainsi que l'indique M. [V] à titre subsidiaire, la cour doit statuer sur la demande de Mme [M] au regard des dispositions de l'article 1184 du code civil selon lequel :

'La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.'

M. [V] revendique à son profit, à titre principal, l'application des articles 1793 et 1794 du code civil relatif au marché à forfait au regard de la jurisprudence assimilant les travaux nécessitant l'adaptation et la modification de gros oeuvre à des travaux de construction, pour demander le paiement du prix complet.

L'article 1794 du code civil dispose que :

'Le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise.'

Cependant, ce texte ne concerne que les travaux relatifs à la construction d'un bâtiment, ou à la transformation de celui-ci nécessitant des modifications de gros oeuvre, et non des travaux d'aménagement intérieur.

Ainsi, les dispositions invoquées à titre principal par M. [V] ne saurait recevoir application en l'espèce dans la mesure où il résulte de l'analyse des différents devis établis par celui-ci ainsi que de la liste des travaux établie préalablement, que ces travaux ne consistent pas en l'adaptation ou la modification du gros oeuvre de la maison, mais en la reprise de la plomberie, de travaux d'isolation, de carrelage, de parquet et plinthes, de VMC et électricité, de rénovation d'une cuisine, de pose de portes et de radiateurs, de peinture, de création de placards et de divers aménagements extérieurs (terrasse bois, arrachage de haie, abris de jardins).

Il s'agit en l'espèce d'un contrat de louage d'ouvrage au sens de l'article 1779 du code civil, autrement dit d'un marché de travaux de droit commun aux termes duquel l'entrepreneur est débiteur à l'égard du maître de l'ouvrage d'une obligation de conseil, laquelle est de moyens, mais également d'une obligation de résultat quant aux prestations convenues.

Ce contrat peut donc être résolu si l'une des parties n'exécute pas ses obligations, ou manque gravement à l'exécution de celles-ci.

Mme [M] reproche à M. [V] :

- d'avoir manqué à son obligation pré-contractuelle d'information, en lui faisant signer des devis importants sans délai de réflexion et en profitant de sa situation de faiblesse, étant veuve avec des enfants,

- en n'exécutant pas les travaux pour lesquels un acompte de 46 244,73 a été versé, en dépêchant sur les lieux un sous-traitant inconnu de Mme [M], qui n'a pas été réglé de M. [V], et en voulant changer unilatéralement les plans et les travaux convenus.

Le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause en relevant que les travaux convenus n'avaient pas été réalisés par M. [V] y compris depuis le constat réalisé par voie d'huissier le 24 mai 2016, qu'il résultait des déclarations du sous-traitant M. [D] devant les services de gendarmerie que l'arrêt du chantier était imputable à M. [V] qui ne disposait pas des compétences nécessaires pour le mener à bien et tentait d'imposer à son sous-traitant des modifications des travaux, et que M. [V] n'avait pas répondu à Mme [M] lui proposant de résilier le contrat d'un commun accord de sorte que M. [V] restait tenu par ses engagements.

Ainsi le premier juge a appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient telles que précitées et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel.

À ces justes motifs que la cour adopte, il convient seulement d'ajouter :

- que M. [V] ne justifie d'aucune information préalable fournie à Mme [M] malgré l'importance des travaux et des sommes engagées, les devis restant eux-même assez peu détaillés sur les prestations à accomplir et en particulier sur les matériaux fournis,

- que le sous-traitant dépêché sur place par M. [V] n'a nullement été agréé par Mme [M], et atteste n'avoir lui-même pas été réglé par M. [V] des travaux qu'il a effectués chez Mme [M] à la demande de celui-ci,

- que M. [V], contrairement à ce qu'il indique, ne justifie nullement avoir engagé une quelconque dépense pour ce chantier, et produit des devis et non des factures quant aux prétendues fournitures.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que l'inexécution par M. [V] de ses obligations justifiait de prononcer la résolution du marché de travaux aux torts de celui-ci et de condamner M. [V] à restituer à Mme [M] l'acompte perçu de 46 244,73€.

La cour confirmera donc le jugement sur ces points.

Sur la nullité de la reconnaissance de dette :

Il est constant que la reconnaissance de dette reçue le 28 avril 2016 en l'étude de Me [N] a pour seule cause le marché de travaux entre Mme [M] et M. [V] dont la résolution est prononcée, et visait le paiement de prestations inexécutées.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclarée nulle cette reconnaissance de dette.

Sur le préjudice moral invoqué par Mme [M] :

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné M. [V] à payer à Mme [M] la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts en indemnisation de son préjudice moral, dans la mesure où l'inexécution des travaux rend une partie de la résidence principale de Mme [M] et de ses enfants inhabitable depuis 2016, ainsi que l'illustrent notamment les photographies produites aux débats.

Sur la responsabilité de l'étude notariale :

En application de l'article 1382 ancien du code civil devenu 1240 du code civil, la responsabilité du notaire est acquise en présence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En tant que rédacteur de l'acte, le notaire est tenu de prendre toutes dispositions utiles pour en assurer la validité et l'efficacité.

En l'espèce, la responsabilité de l'étude notariale [N] et associés, écartée par le premier juge, fait l'objet de l'appel de Mme [M], celle-ci soutenant que l'étude notariale devait vérifier la réalité de la dette et l'alerter sur la dangerosité de l'opération.

Il est rappelé que la reconnaissance de dette reçue en l'étude notariale le 28 avril 2016 mentionnait :

'CARACTÉRISTIQUES DE LA RECONNAISSANCE DE DETTE :

la reconnaissance de dette objet des présentes, d'un montant en capital de TRENTE MILLE HUIT CENT VINGT NEUF EUROS ET QUATRE VINGT DEUX CENTIMES (30 829,82 EUR) représentant le solde de la facture restant due par l'emprunteur au prêteur sus désigné'.

'OBJET DE LA RECONNAISSANCE DE DETTE :

Mme [S] [R] a fait effectuer par Monsieur [O] [V] divers travaux pour un montant total de 110 106,50 euros. Sur cette somme, Mme [S] [R] reste devoir la somme de 30 829,82 euros objet de la présente reconnaissance de dette'.

Il s'évince de ces stipulations, signées de Mme [M], que la dette a été présentée par les parties au notaire rédacteur comme portant sur les travaux déjà exécutés et en grande partie payés, même si tel n'était pas le cas.

Le notaire rédacteur s'est fié aux déclarations des deux parties présentes à l'acte sur l'existence de cette dette, son rôle étant limité pour la rédaction de cet acte à la vérification du consentement des parties, vérification non discutée en l'espèce.

Le notaire ne peut en effet être tenu de vérifier par lui-même l'existence de travaux et l'existence de la dette, étant observé au surplus, comme le conclut l'étude notariale, que la reconnaissance de dette conclue le 28 avril 2016 avait pour objet le paiement du solde d'un marché privé de travaux non financé au moyen du prêt bancaire, et concerne la somme de 30 829,82 euros, sans lien avec le premier paiement réalisé par Mme [M] à hauteur de 46 244,73 euros qu'elle a volontairement payé à M. [V] en exécution du contrat, sans intervention du notaire.

En conséquence, la cour confirmera le jugement entrepris ayant débouté Mme [M] de ses demande à l'encontre de la SARL [N] et associés.

Sur la responsabilité de la CRCAM :

Mme [M] fait valoir que la CRCAM d'Aquitaine a commis une faute en débloquant les fonds sur la base d'une facture du 22 avril 2016 émanant d'une entreprise différente de l'entreprise ayant initialement établi un devis pour négocier le prêt, et ce sans exiger la présentation d'un contrat alors que l'offre de prêt avait été émise sur la base de devis de 2014 non signés.

Mme [M] soutient que cette faute a conduit à verser les fonds ne correspondant pas à l'avancement des travaux.

La CRCAM d'Aquitaine conteste toute faute en précisant qu'il ne s'agissait pas d'un contrat de construction de maison individuelle mais de travaux de rénovation, et que le contrat de prêt prévoit que la banque pourra, et non devra, vérifier si les fonds versés correspondent bien à l'état d'avancement des travaux, et que les devis fournis par Mme [M] mentionnaient l'obligation de verser 42 % du prix à la commande.

L'examen des conditions générales du contrat de prêt par la cour montre que 'la mise à disposition des fonds dû ou des présentes se fera à partir de la conclusion du contrat principal, c'est-à-dire (...) Pour les constructions, améliorations ou autres financements, au fur et à mesure de l'avancement des travaux ou de la présentation de factures'.

En l'espèce, ces conditions générales ne prévoient ni la communication à la banque du contrat en lui-même, ni la production de factures d'une entreprise identique à celle du ou des devis sur la base duquel ou desquels a été négocié le prêt ; en effet l'ouverture de crédit vise un montant déterminé pour un objet déterminé (en l'espèce des travaux), et les entreprises réalisant la ou les prestations peuvent varier entre la négociation du prêt et le déblocage des fonds sans que l'ouverture de crédit ne soit remise en cause.

En effet, le contrat de prêt ne vise pas la construction d'une maison d'habitation mais des travaux de rénovation, ainsi les articles L231-1 et L231-2 du code de la consommation imposant au contrat de construction un formalisme précis, dont l'organisme bancaire doit vérifier le respect avant de débloquer les fonds, ne sont pas applicables en l'espèce.

Il est constant que Mme [M] a adressé à la CRCAM cinq devis mentionnant une obligation de paiement de 42 % à la commande, et a fourni une facture de situation du 24 avril 2016 avec la mention 'bon à payer' pour solliciter le déblocage de la somme de 46 244,73 €.

C'est donc de manière justifiée que la banque a débloqué la somme de 46 244,73 € ; le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a écarté toute faute de la CRCAM et débouté Mme [M] de ses demandes à son encontre.

Sur le surplus des demandes :

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

M. [V], succombant, sera condamné aux dépens d'appel et à payer à Mme [M] la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

L'équité et la situation économique des parties ne commandent pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant la présente cour au profit de la CRCAM et de la SARL [N] et associés.

La demande de M. [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne M. [O] [V] à payer à Mme [S] [M] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

Rejette les autres demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [O] [V] aux dépens d'appel.

Dit qu'ils seront recouvrés en la forme prévue en matière d'aide juridictionnelle.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Carole DEBON Caroline FAURE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/02236
Date de la décision : 28/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;22.02236 ?
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