La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2024 | FRANCE | N°24/01403

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 16 mai 2024, 24/01403


N° 24/01662



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



ORDONNANCE DU seize Mai deux mille vingt quatre





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 24/01403 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I3BT



Décision déférée ordonnance rendue le 14 mai 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

r>
Nous, Véronique GIMENO, Vice-Présidente, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 18 décembre 2023, assistée ...

N° 24/01662

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ORDONNANCE DU seize Mai deux mille vingt quatre

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 24/01403 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I3BT

Décision déférée ordonnance rendue le 14 mai 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Véronique GIMENO, Vice-Présidente, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 18 décembre 2023, assistée de Sylvie HAUGUEL, Greffière,

APPELANT

M. X SE DISANT [W] [V]

né le 05 Septembre 1993 à [Localité 2] (POLOGNE)

de nationalité Polonaise

Retenu au centre de rétention d'[Localité 1]

Représenté par Maître KIRIMOV, de la SELARL AKZ AVOCAT, avocat au barreau de Pau,

INTIMES :

Le PRÉFET DES PYRÉNÉES ATLANTIQUES, avisé, absent, ayant fait parvenir des observations.

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Le 19 août 2021, le préfet des Pyrénées Atlantiques a pris à l'encontre de M. [W] [V] une décision portant obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de 3 ans, cette décision lui a été notifiée le 25 août 2021.

Par décision en date du 12 mai 2024, notifiée le même jour à 16h 40, l'autorité administrative a ordonné le placement de M. [W] [V] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. Elle a saisi par requête réceptionnée le 13 mai 2024 à 12h18 et enregistrée le 13 mai 2024 à 16h30, le juge des libertés et de la détention de Bayonne d'une demande tendant à la prolongation de la rétention.

Selon requête en date du 13 mai 2024, réceptionnée le 13 mai 2024 à 12h18 et enregistrée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 13 mai 2024 à 16h30, M. [W] [V] a contesté la régularité de la décision de placement en rétention administrative.

Selon ordonnance du 14 mai 2024, le juge des libertés et de la détention de Bayonne a ordonné la jonction des deux dossiers et statué en une seule et même ordonnance aux termes de laquelle il a :

- Déclaré recevable la requête de M. [W] [V] en contestation de placement en rétention ;

- Rejeté la requête de M. [W] [V] en contestation de placement en rétention ;

- Déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par M. LE PRÉFET DES PYRÉNÉES ATLANTIQUES ;

- Ordonné la prolongation de la rétention de M. [W] [V] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

A l'appui de son appel, M. [W] [V] fait valoir le défaut de base légale de la décision de placement en rétention en raison de l'extinction de l'effet exécutoire de l'acte administratif. Il rappelle que ce placement se fonde sur une mesure d'éloignement qui lui a été notifiée il y a deux ans et demi, le 25 août 2021 et précise d'une part, que cet acte administratif a été édicté alors que l'article L 731-1 du CESEDA prévoyait qu'il puisse être exécutoire durant un an ; d'autre part, que la loi du 26 janvier 2024 est d'application immédiate, qu'elle ne comporte pas de dispositions transitoires concernant les situations dans lesquelles l'obligation de quitter le territoire français a été notifiée, plus d'un an avant son entrée en vigueur et qu'il ne s'agit pas non plus d'une loi de validation, ni d'une loi interprétative.

Il indique que la loi nouvelle ne saurait sans rétroagir, revenir sur la constitution achevée d'une situation juridique, ni sur son extinction acquise.

En conséquence, il considère qu'il fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français du 25 août 2021, prise sous l'empire de la loi ancienne ; que l'extinction de cet acte est acquise au 25 août 2022 et que dès lors que si l'obligation de quitter le territoire subsiste, il ne pouvait faire l'objet d'un placement en rétention sur ce fondement car l'entrée en vigueur postérieure de la loi du 26 janvier 2024 ne permet pas de remettre en cause les effets acquis de la situation juridique dans lequel il se trouvait.

Enfin, il expose que l'article L71l-1 du CESEDA se rapporte à l'obligation qu'il a de se conformer à cette décision et non aux prérogatives permettant d'assurer, sous la contrainte, ce dispositif.

Il demande en conséquence l'infirmation de l'ordonnance entreprise.

A l'audience, le conseil de M. [W] [V] a maintenu le moyen développé dans la déclaration d'appel.

M. [W] [V] ne s'est pas présenté à l'audience ;

Aux termes de ses observations écrites la préfecture des Pyrénées Atlantiques rappelle en réponse au moyen reposant sur le défaut de base légale que la nouvelle loi du 26 janvier 2024, disposant que le placement en rétention est fondé sur une mesure d'éloignement prise moins de trois ans auparavant est applicable et que l'article L.731-1  1° du CESEDA dispose que : "L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé". Dès lors, il ne peut pas être considéré que la décision attaquée souffrirait d'un défaut de base légale.

SUR CE :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond :

Aux termes de l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.

L'article 72 de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 a modifié l'article L731-1 du CESEDA, en indiquant dans son 2° qu'au 1° de l'article L. 731-1, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de trois ans».

Ainsi, selon les dispositions de l'article L. 731-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, en vigueur depuis le 28 janvier 2024 : « L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (') »

Les conditions d'application dans le temps de l'article 72 de la loi du 26 janvier 2024 sont régies par son article 86 IV de la même loi qui disposent que « l'article 72, à l'exception du 2° du VI, l'article 73, le I de l'article 74, les 6° à 10° de l'article 75, l'article 76 et les 2°, 8° et 11° du II de l'article 80 entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard le premier jour du septième mois suivant celui de la publication de la présente loi. Ces dispositions s'appliquent à la contestation des décisions prises à compter de leur entrée en vigueur ».

Il en résulte que la modification de la durée initiale d'un an par l'article 72 est d'application immédiate puisqu'il n'a pas été expressément prévu que son application soit reportée.

A titre liminaire, il convient de rappeler que le texte de loi a été examiné par le conseil constitutionnel (décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024 NOR : CSCL2402481S JORF n°0022 du 27 janvier 2024), qui n'a pas invalidé l'article 72 ou la disposition indiquant que la loi était d'application immédiate, ni émis de réserves interprétatives permettant de déduire que le nouvel article ne serait applicable qu'aux seuls arrêtés de placement en rétention pris sur la base d'une obligation de quitter le territoire postérieure à la promulgation de la loi.

L'application immédiate de la nouvelle loi aux situations en cours, soit des situations nées avant la promulgation de la loi et se poursuivant postérieurement à son entrée en vigueur, ne saurait être analysée comme une situation de rétroactivité car les dispositions de la loi du 26 janvier 2024 ne créent pas une situation qui n'existait pas antérieurement à leur entrée en vigueur. Quelle que soit la durée du délai permettant de prendre un arrêté de placement en rétention sur la base d'une décision ordonnant obligation de quitter le territoire, l'étranger reste visé par cette obligation et cet acte administratif reste exécutoire, même en l'absence d'arrêté de placement en rétention, sauf à faire l'objet d'une annulation par la juridiction administrative.

En d'autres termes, le fait que M. [W] [V] n'ait pas pu faire l'objet d'un arrêté de placement en rétention sur la base de l'obligation de quitter le territoire entre (25 août 2022 et le 27 janvier 2024) démontre que ce texte n'a pas d'effet rétroactif puisque la loi n'a pas produit d'effet pour une période antérieure à son entrée en vigueur.

En outre, le fait que le préfet ait l'obligation de fonder son arrêté de placement en rétention sur une décision emportant obligation de quitter le territoire de moins de trois ans (ou de moins d'un an sous l'empire de l'ancienne loi) n'emporte pas l'extinction des effets de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire au-delà de cette période car ce dernier acte est un acte autonome de celui ordonnant la décision de placement en rétention.

En d'autres termes la loi du 26 janvier 2024 n'a aucune conséquence sur la validité de la mesure d'éloignement fondant la rétention, elle permet seulement depuis le 28 janvier 2024 à l'autorité administrative de prendre un arrêté de placement en rétention sur une période de 3 ans en lieu et place de la période d'un an prévue antérieurement, soit en l'espèce jusqu'au 25 août 2024.

 

Dès lors l'arrêté prononçant l'obligation de quitter le territoire demeure exécutoire et fonde valablement le placement en rétention.

Le moyen sera donc rejeté, et l'ordonnance du premier juge sera confirmée. 

L'appelant ne conteste pas, pour le reste, le bien-fondé de l'arrêté de placement en rétention.

 

La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons l'appel recevable en la forme.

Confirmons l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture des Pyrénées Atlantiques.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le seize Mai deux mille vingt quatre à

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Véronique GIMENO

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 16 Mai 2024

Monsieur X SE DISANT [W] [V], par mail au centre de rétention d'[Localité 1]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître KIRIMOV, par mail,

Monsieur le Préfet des Pyrénées Atlantiques, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 24/01403
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;24.01403 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award