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16/05/2024 | FRANCE | N°21/03773

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 16 mai 2024, 21/03773


AC/SB



Numéro 24/1656





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 16/05/2024









Dossier : N° RG 21/03773 - N° Portalis DBVV-V-B7F-IBM3





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[I] [E]



C/



S.A. FINE LAME















Grosse

délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article ...

AC/SB

Numéro 24/1656

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 16/05/2024

Dossier : N° RG 21/03773 - N° Portalis DBVV-V-B7F-IBM3

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[I] [E]

C/

S.A. FINE LAME

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 12 Avril 2023, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [I] [E]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Maître LABAT de la SELARL JULIE LABAT, avocat au barreau de BAYONNE et Maître LACOUCHE de la SELARL CABINET YVES BLOHORN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

S.A. FINE LAME prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître MARIOL loco Maître BLAISE de la SELAFA ACD, avocat au barreau de METZ

sur appel de la décision

en date du 05 NOVEMBRE 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TARBES

RG numéro : 20/00053

EXPOSÉ DU LITIGE

La SA Fine lame a pour activité le tranchage et le conditionnement de produits charcutiers.

Mme [I] [E] (la salariée) a été embauchée, à compter du 8 octobre 2001, suivant contrat de mission intérimaire, en qualité de secrétaire comptable, au sein de la société anonyme (SA) Fine lame.

Plusieurs contrats de missions se sont succédés jusqu'au 28 février 2002.

Mme [I] [E] a été, en suivant, embauchée par la société Fine lame, à compter du 28 février 2002, suivant contrat à durée indéterminée, à temps complet, en qualité de comptable, coefficient 190, catégorie employé, régi par la convention collective nationale des industries de la charcuterie.

A compter du 1er septembre 2004, Mme [I] [E] est promue au coefficient 275 de la classification Agent de maîtrise. Elle a bénéficié d'une augmentation de salaire fixé à la somme mensuelle de 1.900 euros pour 151,67 heures de travail effectif.

A compter du 1er avril 2006, sa rémunération est portée à la somme mensuelle de 2.000 euros.

Une fiche de poste a été établie pour la première fois en novembre 2007, laquelle contient des missions en comptabilité générale et en ressources humaines.

A compter du 1er juin 2011, suivant avenant n°3 à son contrat de travail, Mme [E] est promue au poste de responsable administrative, comptable et de gestion du personnel, catégorie cadre, coefficient 300. Sa rémunération est portée à 2450 euros brut par mois.

La salariée fait état d'une dégradation de ses conditions de travail à compter de 2016, contestée par l'employeur.

Le 13 février 2019, la salariée a été placée en arrêt de travail.

Le 15 avril 2019, Mme [I] [E] a été convoquée à un entretien préalable, fixé le 25 avril 2019.

Le 3 mai 2019, elle est licenciée pour insuffisance professionnelle avec dispense du préavis de trois mois.

Le 6 mai 2020, Mme [I] [E] a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 5 novembre 2021, le conseil de prud'hommes de Tarbes a :

- ordonné à la SA Fine lame prise en la personne de son représentant légal le paiement à Mme [I] [E] :

o 4.647,04 euros brut au titre des heures supplémentaires,

o 464,70 euros brut au titre des congés payés y afférents,

o 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la SA Fine lame prise en la personne de son représentant légal, l'exécution provisoire sur le paiement des heures supplémentaires et des congés payés,

- ordonné à la SA Fine lame prise en la personne de son représentant légal, de fournir tous les documents de fin de contrat rectifiés sur la base d'un salaire moyen de 3.662,54 euros,

- débouté les parties de toutes les autres demandes.

Le 25 novembre 2021, Mme [I] [E] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions n°3 adressées au greffe par voie électronique le 6 décembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [I] [E], demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

* rejette la demande principale tendant à voir déclarer le licenciement nul pour discrimination liée à l'état de santé,

* rejette la demande subsidiaire tendant à voir déclarer le licenciement de Mme [E] sans cause réelle et sérieuse,

* rejette la demande principale à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,

* rejette la demande subsidiaire à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* rejette la demande à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral

* rejette la demande à titre de dommages intérêts au titre du préjudice distinct correspondant à la détérioration de son état de santé causée par la violation de l'obligation de sécurité résultat.

* rejette la demande à titre de dommages intérêts au titre de la déclaration tardive de l'arrêt maladie de Mme [E] auprès de l'organisme assureur AXA,

* rejette la demande à titre de dommages intérêts au titre de la violation de l'obligation de formation par la société Fine lame.

* rejette la demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé liée à la dissimulation d'emploi,

* rejette la demande que les sommes ayant une nature de salariale ou assimilées (rappels de salaires, indemnités de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et indemnité compensatrice de congés sur le préavis) produisent des intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation,

* rejette partiellement la demande au titre de l'article 700 code de procédure civile outre les entiers dépens.

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il :

* ordonne à la SA Fine lame prise en la personne de son représentant légal le paiement à Mme [I] [E] des sommes suivantes:

' 647,04 euros brut au titre des heures supplémentaires,

' 464,70 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* ordonne à la SA Fine lame prise en la personne de son représentant légal, l'exécution provisoire sur le paiement des heures supplémentaires et des congés payés,

* ordonne à la SA Fine lame prise en la personne de son représentant légal, de fournir tous les documents de fin de contrat rectifiés sur la base d'un salaire moyen de 3.662,54 euros,

* déboute la SA Fine lame de sa demande formulée à hauteur de 5.000 euros au titre du code de procédure civile

Statuant de nouveau

$gt; Premièrement, sur le licenciement nul et infondé :

- dire et juger que la véritable cause du licenciement est la dégradation de l'état de santé de Mme [E], qu'elle a été victime en conséquence d'une discrimination de ce fait et que la rupture du contrat de travail doit être déclarée nulle.

- dire et juger que le licenciement de Mme [E] est sans cause réelle et sérieuse,

Par voie de conséquence :

- condamner la société Fine lame à verser à Mme [E] les sommes suivantes :

* A titre principal, 109 876,20 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,

* A titre subsidiaire, 109 876,20 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (30 mois de salaire),

* En tout état de cause, 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

$gt; Deuxièmement, sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat par la société Fine lame :

- condamner la société Fine lame à verser à Mme [E] la somme de 10 998,82 euros au titre du préjudice distinct correspondant à la détérioration de son état de santé causée par la violation de l'obligation de sécurité résultat.

$gt; Troisièmement, sur la déclaration tardive à l'organisme assureur de l'arrêt maladie de Mme [E] par l'employeur

- dire et juger que la société Fine lame a commis des négligences et a été de mauvaise foi en déclarant tardivement l'arrêt maladie de Mme [E] auprès de l'organisme assureur AXA,

En conséquence,

- condamner la société Fine lame à verser à Mme [E] la somme de 7 325,08 euros au titre du préjudice subi.

$gt; Quatrièmement, sur le non-respect de l'obligation de formation par la société Fine lame :

- condamner la société Fine lame à verser à Mme [E] la somme de 3 662,54 euros au titre de la violation de l'obligation de formation par la société Fine lame.

$gt; Cinquièmement, sur le paiement des heures supplémentaires réalisées :

- dire et juger que Mme [E] est recevable et fondée à solliciter le paiement d'heures supplémentaires et les congés payés y afférents,

- dire et juger qu'en ne réglant pas sciemment à Mme [E] les heures supplémentaires, la Société Fine lame a incontestablement créé une situation de travail dissimulé par dissimulation d'emploi, fondant la demande d'indemnisation à ce titre,

En conséquence,

- condamner la société Fine lame à verser la somme de 4 647,04 euros brut au titre des rappels de salaire aux heures supplémentaires réalisées entre 2018 et 2019, outre 470,04 euros brut au titre des congés payés afférents,

- condamner la société Fine lame à verser la somme de 21 975,24 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

$gt; Sixièmement, sur les autres demandes :

- dire et juger que la moyenne des 12 derniers mois de salaires perçus par Mme [E] est de 3 662,54 euros bruts et celle des trois derniers mois de salaire de 3 377 euros bruts,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés en fonction des rappels de salaire et indemnités visés ci-dessus et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du jugement à intervenir,

- dire que les sommes ayant une nature de salariale ou assimilées (rappels de salaires, indemnités de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et indemnité compensatrice de congés sur le préavis) produisent des intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil et l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamner la société Fine lame à verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile outre les entiers dépens.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 16 mai 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la SA Fine lame, demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

* ordonné à la SA Fine lame prise en la personne de son représentant légal le paiement à Mme [I] [E] :

o 4647,04 euros brut au titre des heures supplémentaires,

o 464,70 euros brut au titre des congés payés y afférents,

o 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné à la SA Fine lame prise en la personne de son représentant légal, l'exécution provisoire sur le paiement des heures supplémentaires et des congés payés,

* ordonné à la SA Fine lame prise en la personne de son représentant légal, de fournir tous les documents de fin de contrat rectifiés sur la base d'un salaire moyen de 3.662,54 euros,

* débouté la SA Fine lame de sa demande formulée à hauteur de 5.000 euros au titre du code de procédure civile,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Mme [I] [E] de toutes ses autres demandes.

Statuant à nouveau, la SA Fine lame demande à la cour de bien vouloir :

- constater l'absence de nullité du licenciement de Mme [I] [E],

- dire et juger que le licenciement de Mme [I] [E] est justifié,

- dire et juger que la SA Fine lame n'a pas manqué à son obligation de sécurité,

- dire et juger que la SA Fine lame n'a pas manqué à son obligation de formation,

- dire et juger que Mme [I] [E] n'a pas été licenciée dans des conditions vexatoires,

- constater l'absence d'attitude dilatoire de la SA Fine lame sur la déclaration de l'arrêt de travail de Mme [I] [E],

- constater l'absence de réalisation d'heures supplémentaires par Mme [I] [E],

- constater l'absence de travail dissimulé,

En conséquence,

- Débouter Mme [I] [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [I] [E] à verser à la SA Fine lame :

o la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure initiée devant le conseil de prud'hommes,

o la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure initiée devant la cour d'appel.

- condamner Mme [I] [E] aux entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement

Attendu que la salariée sollicite la nullité de son licenciement au motif qu'il serait fondé sur son état de santé.

Qu'en application des articles L.1132-1 et L.1132-4 du code du travail, le licenciement motivé par l'état de santé du salarié est nul en raison de son caractère discriminatoire.

Attendu que l'article L.1134-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Attendu que la salariée soutient que son licenciement est discriminatoire car il est intervenu dans un contexte de dégradation de ses conditions de travail liée à une surcharge de travail, une absence d'accompagnement face à sa souffrance au travail face à des conditions anormales de travail ;

Attendu que la salariée produit au dossier notamment les éléments suivants :

Un échange de courriels entre M. [L] et la salariée les 20 et 21 janvier 2016 faisant état d'une incompréhension entre eux. M. [L] indique qu'il se met une dernière fois à sa disposition pour répondre aux questions de Mme [E]. Celle-ci répond qu'elle regrette l'altercation qu'elle a pu avoir avec M. [B] [F]. Elle fait état qu'elle a toujours pris à bras le corps les nouvelles tâches qui lui ont été confiées et fait état que depuis le départ d'un certain [T] l'organisation des services généraux est mise à mal. Elle spécifie « l'important est fait mais beaucoup de choses sont laissées de côté ». Elle sollicite enfin qu'un planning de travail soit arrêté pour le CE de janvier ;

Un échange de courriel entre la salariée et M. [W] [F] du 16 février 2016. Mme [E] déclare « je me suis aperçue que ce matin une boîte de chocolat m'attendait sur mon bureau. Je vous en remercie. L'attention m'a touchée et a apaisé quelque peu le mal être qui est le mien depuis le 15 janvier. J'ai bien évidemment réalisé ma maladresse du moment et j'ai compris votre grand agacement. J'en suis désolée. En aucun cas je n'ai voulu vous manquer de respect. Certainement j'aurais pu trouver un autre moyen pour vous faire part du fait que je n'y arrivais plus alors que depuis trois ans mon travail est devenu « ma colonne vertébrale ». Ma loyauté à l'égard de Fine Lame, de mon employeur, de mes supérieurs, directs ou pas, de mes collègues, est totale depuis 15 ans. Au plus dur de ma vie personnelle je n'ai rien lâché. Alors oui j'ai été bouleversée par les mots, le ton, qui se sont abattus sur moi ». M. [F] a répondu et indique « ne vous en faites pas mais il faut que nous mettions en place une méthode de travail qui nous permette de sortir nos résultats tous les mois d'une part, les analyser d'autre part et identifier les axes d'amélioration. Pour le reste j'ai eu un coup de sang car je fais 1200 kilomètres pour bosser avec vous et vous n'aviez ni le temps ni la volonté de le faire. Bref je suis content que les chocolats vous plaisent d'une part et d'autre part je ne vous souhaite que du bien. Nous avons un visio vendredi en et il faut que l'on prenne le temps de préparer cette réunion, les résultats sont plutôt médiocres et il va nous falloir améliorer cela » ;

Son évaluation professionnelle du 28 juillet 2016 réalisée par M. [F]. La salariée dénonce la densité des tâches à accomplir avec un cumul de fonctions et des tâches impliquant concentration entrecoupée par des actions subalternes mais nécessaires. Elle sollicite une assistance ou un redéploiement de certaines tâches. M. [F] conclut à une implication de la salariée. Tous les items sont évalués en bon ou très bon ;

Un courriel de la salariée en date du 23 février 2017 adressé à M. [F] en ces termes « force est de constater que depuis quelques mois, à certaines périodes surtout, je n'y arrive pas ou plus. Ce n'est pas parce que je ne sais pas faire, mais plutôt parce que je croule sous d'autres tâches, urgentes ou non, nouvelles ou non, mais indispensables pour tenir une compta juste et donner des informations fiables. Avec le départ imminent de [N] s'éloigne le soutien dont on avait parlé, celui qui m'aurait permis de sortir la tête de l'eau, d'effectuer ma tâche dans la sérénité qu'elle mérite'C'est la raison pour laquelle j'ose aujourd'hui vous faire part de mon épuisement et que je sollicite votre aide ». A ce courriel M. [F] a répondu le 28 février 2017 libellé comme suit « Bonsoir. Je n'ai pas eu le temps de vous rappeler néanmoins, je comprends votre situation et nous allons faire le nécessaire pour vous apporter le soutien et les moyens nécessaires à la fois pour que la société puisse disposer des moyens administratifs et comptables nécessaires et aussi pour que vous puissiez travailler sereinement. Je vous rappelle demain matin. Cordialement ». Le 10 mars 2017 il a adressé un courriel à la salariée où il réalise quelques constats, notamment le fait que Mme [E] n'a pas réalisé toutes les tâches prévues à sa fiche de poste. Il évoque que la salariée a été aidée en juin 2016 par une autre salariée mais il souligne « malheureusement vous semblez avoir des difficultés à assumer la totalité de cette charge de travail, particulièrement la partie compte d'exploitation ». Mme [E] a répondu à ce courriel le 23 mars 2017 en donnant un certain nombre d'explications et en spécifiant que l'énoncé de ses fonctions ne correspond pas aux tâches réelles accomplies ;

Un certain nombre d'échanges de courriels entre Mme [X], directrice administrative et financière, M. [V] [S], et M. [F] en date du 12 septembre 2017 concernant la situation comptable au mois d'août 2017. Mme [X] apparaît en colère et écrit à M. [S] et Mme [E] en ces termes « Il va falloir que vous m'expliquiez tous les deux comment vous voulez qu'on travaille ensemble si je ne suis pas dans la boucle. Après différents échanges sur le premier trimestre de cette année, c'est vous qui étiez demandeurs d'une aide, oui ou non ' Ça me laisse supposer que vous n'avez pas besoin de moi, soit ! Il suffit de le dire. Je suis DAF et non simplement une assistante comptable. Je n'ai pas de temps à perdre'J'ai dit à [B] que je veux bien vous aider et encadrer [I] dans ses tâches. Mais je ne peux rien faire si vous ne voulez pas communiquer avec moi. Je ne sais pas si vous vous rendez compte'Je renouvelle la question : Que fait-on ' Qu'est-ce que vous voulez exactement ' ». M. [F] a répondu le même jour en demandant de ne pas se fâcher de la sorte et de communiquer sans agressivité. Le 15 septembre 2017 Mme [E] a adressé un courriel à M. [F] qui spécifie que depuis le début de l'année 2017 elle subit les débordements verbaux de Mme [X], spécifiant que son statut de Daf ne lui permet pas de la traiter de la sorte et que les propos tenus ont été blessants ;

Un bulletin de salaire du mois de novembre 2015 démontrant que la salariée a perçu une prime exceptionnelle ;

Une attestation de Mme [Y], ancienne salariée de l'entreprise jusqu'en mars 2019. Elle indique qu'elle a conclu avec l'employeur une rupture conventionnelle, sans que Mme [E] ne fasse d'erreurs dans la procédure ni dans le paiement des heures supplémentaires ;

Une attestation de Mme [N] [U] qui a fait partie de la société jusqu'en avril 2017 et qui loue l'investissement professionnel de la salariée, et ce même lorsqu'elle a rencontré des périodes de vie difficiles (décès de sa mère, puis de son époux, accident domestique). Elle évoque également les conditions de sa propre rupture conventionnelle et ne met pas en cause Mme [E] dans le fait que la procédure ait tardé. Elle indique enfin qu'elle a gardé des contacts avec Mme [E] après son départ de l'entreprise et fait valoir des points de vue non étayés de témoignages directs concernant les conditions de la fin de son contrat de travail ;

Une attestation de Mme [J], salariée en production au sein de l'entreprise jusqu'en 2021. Elle fait état du professionnalisme de Mme [E] et précise que lorsqu'elle remarquait une erreur sur son bulletin de salaire, Mme [E] y remédiait dès le mois suivant. Elle indique « depuis l'absence de Mme [E] les mêmes erreurs ou problèmes étaient constatés sur les bulletins alors que les bulletins étaient réalisés par [M] ». Elle explique les données de la procédure de pointage des heures effectuées et que les sources d'erreurs ne relevaient pas du seul travail de Mme [E]. Elle spécifie cependant que quelle que soit la source de l'erreur cette salariée était la seule à rechercher d'où venait le problème. Elle conclut enfin que la question du décalage d'un mois sur la prise en compte des évènements, notamment sur les heures supplémentaires et les remplacements, était une pratique mise en place dès les premières embauches et que tout le monde le savait ;

Une attestation de Mme [H] qui connait Mme [E] depuis de nombreuses années mais n'était pas une collègue de travail. Elle fait état des épreuves que celle-ci a traversées, avec courage et volonté. Elle indique qu'elle a peu à peu compris qu'elle subissait une situation de stress professionnel ;

Une attestation de sa fille qui indique « Son travail était son « sauveur ». Malheureusement depuis 2016, il a insensiblement détruit notre mère. Son état de santé s'est dégradé. Débordée par les tâches à effectuer, l'indifférence de la direction, le manque de reconnaissance, l'isolement dans son bureau, elle allait de plus en plus souvent au travail la boule au ventre, elle était en état de stress permanent y compris dans sa vie personnelle et familiale' Au surinvestissement qu'elle a développé pendant des mois, a succédé l'effondrement avec l'arrêt maladie'Au bout de deux mois la sanction est tombée, elle était licenciée » ;

Un certificat d'hospitalisation des 21 et 22 novembre 2015 ; un arrêt de travail du 16 novembre 2017 au 7 décembre 2017 pour fracture de la tête radiale du coude droit ;

Un courriel de la salariée en date du 14 janvier 2019 concernant un montant à déposer à la Dirrecte concernant la rupture conventionnelle de Mme [A] [Y] ;

Des ordonnances médicales à compter de février 2019 prescrivant à la salariée des anti-dépresseurs. Est également présente une ordonnance de prescription similaire en date du mois d'août 2017 ;

Des arrêts de travail à compter du 13 février 2019 pour état anxiodépressif réactionnel, arrêts de travail s'étant prolongés bien après le licenciement jusqu'au mois de juillet 2021 ;

Différents certificats médicaux du docteur [Z] de 2019 et 2020 décrivant un syndrome dépressif nécessitant des séances de thérapie et la prescription de médicaments ;

La reconnaissance de la qualité de travailleuse handicapée du 15 juillet 2020 au 30 juin 2025 ;

Son dossier médical de la médecine du travail faisant état qu'elle est veuve depuis 2012. Jusqu'en 2014 Mme [E] ne fait pas état de problèmes dans son travail. L'échelle du stress est à 2 en 2014. Elle signale au médecin en 2017 de nombreuses arrivées et départs, le médecin notant « en janvier 2016 a parlé à M. [F] de son mal être du fait des nombreux changements. Dit qu'elle a été maladroite dans son ouverture à la direction, a dit qu'elle était débordée et ne pouvait pas lui fournir certains chiffres. Suite à cet évènement le directeur a remis les choses au point : cris et poings sur le bureau. Mme [E] est partie et a mis fin à l'entretien » ;

Un courriel de la salariée au service prévoyance de l'AXA du 5 septembre 2019, postérieur au licenciement, faisant état que son employeur n'a pas déclaré son arrêt de travail depuis le 13 février 2019 ;

des échanges de courriers des avocats des parties sur la question du maintien de salaire durant l'arrêt de travail. Le conseil de l'employeur fait état qu'il a maintenu son salaire du 13 février 2019 au 7 août 2019 ;

différents courriels de la salariée à son employeur tous postérieurs à la rupture du contrat de travail concernant son complément de salaire ;

un courriel de la CPAM en date du 19 juillet 2019 indiquant que la salariée a bien été destinataire des indemnités journalières à compter du 30 juin 2019, le maintien de salaire par l'employeur ayant pris fin le 29 juin 2019 ;

des ordonnances prescrivant à la salariée des anti-dépresseurs à compter du mois de juillet 2017 ;

Dès le 26 mars 2019 il est prorogé jusqu'au 30 avril 2019. Une nouvelle prorogation interviendra le 16 avril jusqu'au 31 mai 2019. Mme [E] justifie par les différents arrêts de travail produit être en arrêt de travail bien après le prononcé de son licenciement ;

une fiche de visite de pré-reprise du 25 avril 2019 indiquant que l'état de santé de Mme [E] nécessite des soins ;

Attendu que la cour, au vu des éléments produits par Mme [E] pris dans leur ensemble, a l'intime conviction que les faits évoqués, laissent supposer l'existence d'une discrimination fondée sur son état de santé ;

Que dès lors, conformément à l'article L.1132-1 du code du travail, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision de licencier le salarié est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Attendu que l'employeur soutient que la salariée a commis un certain nombre d'insuffisances professionnelles totalement établies, seules à l'origine de son licenciement ;

Attendu que l'employeur produit notamment au dossier les éléments suivants :

une attestation de Mme [X], directrice administrative et financière qui indique occuper ces fonctions depuis 2016 au niveau du groupe les provinces d'Europe. Avant elle occupait le poste de responsable comptable. Elle relate les éléments suivants : la société Fine lame, qui appartient au groupe Les provinces d'Europe a toujours eu une comptabilité indépendante jusqu'à l'arrêt de travail de Mme [E] le 13 février 2019. Elle indique avoir fait la connaissance de Mme [E] en juin 2016 lors d'une visite sur site et d'avoir paramétré un tableau « rapport d'activité » sur le logiciel de comptabilité « Sage » à la demande de la direction, alors même que son périmètre d'intervention ne comprenait pas la société fine Lame. Elle fait état qu'à compter de cette date Mme [E] est régulièrement revenue vers elle pour l'aider dans un certain nombre de missions. Elle fait état de certaines incompréhensions entre elles. L'attestante affirme, sans constatations personnelles de sa part, que Mme [E] avait la même charge de travail depuis 2011. Elle fait également état que la direction lui a demandé d'intervenir sur son poste pour l'aider, ce qu'elle a fait de juin 2016 à septembre 2017. Elle est à nouveau intervenue à la demande de M. [F] les 18 et 19 février 2019, suite à l'arrêt de travail de Mme [E]. Lors de son déplacement elle indique avoir été surprise de l'état désordonné du bureau et d'un certain nombre de tâches non accomplies sur le plan comptable. Elle indique qu'au fil des semaines et des mois qui ont suivi elle a repris la comptabilité de la société Fine Lame. Un certain nombre de pièces accompagnant l'attestation confirment que Mme [X] a accompli un certain nombre de tâches à la demande de Mme [E]. Elle indique avoir personnellement constaté que les ¿ des factures de janvier 2019 n'étaient pas saisies, que les banques n'avaient pas été mises à jour depuis février et qu'un deuxième virement des salaires avait été effectué début février pour 13 salariés ;

une attestation de Mme [G], responsable des ressources humaines. Elle fait état qu'au vu de l'arrêt de travail de Mme [E] à compter du 13 février 2019 avec une durée prévisible de 6 semaines une réunion exceptionnelle s'est tenue le jeudi 14 février avec M. [F], M. [S], responsable du site, et Mme [X] pour reprendre la comptabilité et les paies durant son absence. Les tâches effectuées par Mme [E] ont été réparties de la façon suivante : Mme [X] a repris la comptabilité avec un comptable et la paie et les ressources humaines ont été reprises par elle. Elle indique que la partie sociale représente pour elle 28 heures par mois. Elle fait état qu'avant l'arrêt maladie de la salariée elle s'est rendue disponible pour Mme [E] pour répondre à ses sollicitations. Elle fait état qu'en mars 2017, sur ordre de la direction elle s'est occupée de la rupture conventionnelle de Mme [N] [K]. Elle déclare « à sa sortie des effectifs Mme [K] m'a remerciée pour la gestion de son dossier car je cite « [I] de se sentait pas pour s'en occuper ». Pourtant cela incombe au poste de responsable administrative, comptable et gestion du personnel ». Elle fait ensuite état d'aides ponctuelles sur le recrutement d'un encadrant de production en juin 2017 à la demande de M. [F] et en septembre 2018 pour une information sur les évolutions sociales encore à la demande de M. [F]. Elle indique que lorsqu'elle a repris le service de Mme [E] durant son arrêt maladie, celle-ci avait un problème de méthodologie et passait beaucoup trop de temps en autocontrôles ;

des échanges de courriels du 14 novembre 2017 entre la salariée et Mme [J] au sujet de l'envoi par Mme [E] des bulletins de salaire. C'est la période correspondant à son accident domestique ayant entraîné une fracture. Elle indique au 14 novembre 2017 qu'elle continue à saisir les factures. Elle fait état également que son bureau est très en désordre ;

deux brouillards de saisie des achats pour la période du premier au 31 janvier 2019, l'un faisant une page et l'autre faisant 10 pages  ;

une copie d'écran du journal des achats de janvier 2019 ;

une copie d'écran du journal de banque de janvier 2019 mentionnant des versements de salaire d'un montant de 53 048,23 euros ;

une copie d'écran du journal de banque Crédit Agricole de février 2019 mentionnant des compléments de salaire de janvier 2019 concernant 10 salariés ;

un échange de courriels du 7 février 2019 entre Mme [E] et la banque CIC. La salariée a constaté une erreur de prélèvement d'AG2R. Le service relations clients de l'AG2R a adressé un courriel à Mme [E] lui indiquant que la demande de prélèvement indu sera traitée dans les meilleurs délais ;

une attestation de Mme [D], contrôleuse de production au sein de la société qui fait état du mauvais caractère de Mme [E] et que les employés craignaient de demander quoique que ce soit à cette salariée ;

une attestation de M. [S], responsable de site depuis 2015 qui indique que suivant les items Mme [E] dépendait hiérarchiquement de M. [F] ou de lui. Le point de vue développé est donc celui d'un supérieur hiérarchique sous certains aspects. Il expose « J'ai pu constater assez rapidement qu'un des points faibles de l'entreprise étant le manque de méthode et d'outils actuels, faisant souvent perdre en efficacité dans le travail. Cette recherche de méthodologie a été l'un de mes premiers grands axes de travail et l'est encore aujourd'hui dans une logique d'amélioration continue. De là vient mon premier point de désaccord. J'ai appliqué cette démarche à tous les services où cela était possible, avec de réels gains pour les salariés concernés, sauf que je n'ai jamais pu avec Mme [E], ne serait-ce qu'enclencher un audit de ses méthodes de travail. Elle préférait expliquer son manque de temps par manque de moyens notamment humains. Donc oui la situation ne s'est pas arrangée, mais non à l'idée de laisser croire que nous étions insensibles au problème'pour conclure je pense avoir fait tout ce que j'ai pu personnellement et collectivement durant ces quatre années pour accompagner au mieux Mme [E]. Quatre ans c'est long. Voyant qu'elle avait du mal à accomplir les tâches les plus techniques, je me suis impliqué totalement dans les questions financières, alors qu'à la base ce n'était pas dans mes attributions, pour faire lien entre elle et M. [F]. Je lui ai autorisé toutes les aides et formations qu'elle a portée à ma connaissance. Mais cela n'aura pas suffi » ;

des échanges de courriels entre Mme [E] et M. [S] en date du 13 septembre 2018 sur les comptes arrêtés au 31 juillet ;

un courriel de Mme [E] à M. [F] en date du 10 janvier 2019. Celle-ci évoque son retour de congés et le traitement des impondérables du planning social. Elle liste un certain nombre de points et indique qu'elle a pu rattraper son retard de saisie en comptabilité sur novembre et décembre. Face à ces éléments donnés par la salariée M. [F] n'a adressé aucune remarque ni posé une quelconque exigence quant aux saisies de comptabilité alors même qu'il a enclenché la procédure de licenciement dès le 15 avril 2019 portant sur des insuffisances dans le traitement de la comptabilité ;

un échange de courriels entre la salariée et M. [O] de la société Kpmg en date du mois de décembre 2017 concernant le sujet des chèques vacances et de l'élaboration d'un accord sur ce point ;

des échanges de courriels entre Advizem et la salariée du mois d'octobre 2017 concernant des problèmes de paramétrages. Mme [E] indique qu'elle n'y arrive pas et demande de l'aide sur ce point ;

des échanges de courriels entre la salariée et l'organisme Advizem d'octobre 2017 concernant des demandes d'aide de Mme [E] sur certains points ;

un échange de courriels entre la salariée et Advizem au sujet des paramétrages sur la mise en place du reporting financier mensuel ;

une attestation de M. [P], comptable au sein de la société Charcuac. Il indique avoir repris un certain nombre de tâches comptables à compter de juin 2019, soit postérieurement au licenciement de la salariée. Il indique qu'à la reprise de ces tâches comptables il a été contraint de refaire une base de données car l'ancienne comportait des incohérences. Cependant rien au dossier ne permet de caractériser que Mme [E] était responsable de ces incohérences, la reprise des tâches ayant eu lieu 4 mois après l'arrêt de travail de Mme [E] ;

des bulletins de salaire d'un ouvrier de la société Fine Lame, non anonymisé en date de janvier 2015 et septembre 2018 et un texte sur la rémunération au mois ;

un texte sur le travail de nuit et des bulletins de salaire de salariés de l'entreprise où figure la rémunération du travail de nuit ;

une attestation de M. [R], délégué du personnel au sein de l'entreprise de mai 2017 à décembre 2019. Il indique que durant cette période il a eu beaucoup de retours sur des problèmes sur les feuilles de paie et que les salariés redoutaient d'aller rencontrer Mme [E] sur ce point ;

une série de courriels de Mme [E] à Mme [C] du 21 janvier 2019 et 5 février 2019 concernant des erreurs sur les congés payés sur la paie de décembre 2018 ;

un certain nombre de bulletins de salaire d'une salariée responsable méthodes et planification non anonymisé de juin 2018 à décembre 2018 ;

la réglementation en matière de prime de froid et de prime d'ancienneté ;

le listing des formations suivies par Mme [E]. Il est noté qu'elle a suivi 6 formations en 2015 pour une durée totale de 32 heures, 4 en 2016 pour une durée totale de 18 heures, 4 en 2017 pour une durée totale de 21 heures et 3 en 2018 pour une durée totale de 35 heures. Les thématiques de formation concernent tant les ressources humaines que la comptabilité. Il convient de constater que toutes les formations diligentées portent sur les points spécifiques et qu'aucune n'a été initiée sur le thème de l'organisation générale du travail alors même que M. [S] a indiqué dans son attestation qu'il avait tenté d'initier un audit sur les méthodes de travail ;

une série de courriels de M. [S] adressés à M. [F] (et en copie à Mme [E]) concernant soit la revalorisation de taux horaire de salariés soit le statut de certains salariés ;

un courriel de Mme [G], responsable ressources humaines au niveau du groupe qui demande un certain nombre d'éléments le 23 janvier 2019. Mme [E] a répondu le 25 janvier 2019 ;

une demande d'attestation de salaire formulée par un salarié en date du 30 janvier 2019. Mme [E] a demandé le même jour un certain nombre d'informations sur ce point à Mme [G] ;

un certain nombre de documents relatifs à la rupture conventionnelle de Mme [Y]. Le document de rupture conventionnelle a été signé entre la salariée et M. [S] le 5 février 2019. Le 21 décembre 2018 M ; [F] a adressé un courriel à Mme [E] aux fins de préparer le dossier de rupture conventionnelle de Mme [Y]. Le 8 janvier Mme [E] adresse un courriel à M. [S] lui indiquant les éléments tant juridiques que concernant le calcul de l'indemnité de rupture conventionnelle. Elle indique qu'il convient de fixer le deuxième entretien et lui demande de revenir vers elle au plus tard le vendredi 11 janvier. C'est bien le 14 janvier selon Monsieur [S] que Madame [Y] a formalisé sa demande officielle de rupture conventionnelle. Un échange de courriels va avoir lieu entre Madame [E] et un certain [ZD] au sujet de la fiscalité de l'indemnité conventionnelle de rupture. À la date du 28 février 2019, le service de comptabilité adresse à Monsieur [S] le document de rupture avec les mois manquants complétés ;

un certain nombre de courriels datant de 2017 et 2018 sur les chèques vacances. Un accord d'entreprise ne sera élaboré sur ce point par Mme [E] en juillet 2018 transmis à M. [S] pour approbation par courriel en date du 6 juillet 2018. Par courriel du même jour M. [S] a validé ce projet d'accord ;

différentes fiches de paie de Mme [E] ;

une fiche métier de responsable administratif et financier ;

un courriel de M. [S] à Mme [E] en date du 15 janvier 2019 libellé comme suit « salut, je te joins le mode opératoire pour les règles de classement des mails. Je passerai t'expliquer tout ça tout à l'heure, cordialement » ;

Attendu qu'il convient de constater qu'aucune évaluation professionnelle postérieure à celle produite par la salariée de 2016 n'est produite au dossier de l'employeur, ce malgré le fait que M. [S] ait pu relever ses réticences au changement depuis 2015 ;

Attendu que lors de l'évaluation professionnelle de 2016 l'employeur souligne :

en point positif que Mme [E] a respecté les règles de confidentialité, les règles comptables, fiscales juridiques et sociales ;

en point négatif une meilleure organisation entre les services doit être mise en oeuvre pour éviter les doublons ;

Que sur 11 items évalués, 3 sont qualifiés de « très bon » et 8 « bon », aucun objectif ne lui étant assigné pour l'année 2017 ;

Attendu que si la réalité d'erreurs et de retards dans certains traitements de tâches est matériellement établie, il convient de souligner que certains faits, tout à fait concomitants avec l'arrêt de travail du mois de février 2019 ne peuvent être qualifiés d'insuffisances, ce d'autant qu'aucun reproche antérieur n'a été formulé à la salariée sur ces points depuis la prise de son poste de responsable en 2011 ;

Attendu que l'employeur était par ailleurs au courant des problèmes rencontrés sur les congés payés et la prime de froid et n'a pas mis en place de processus d'accompagnement de la salariée sur ce point avant son licenciement ;

Attendu que le reproche concernant la rupture conventionnelle de Mme [Y] est insuffisamment caractérisé en sa matérialité dans la mesure où les erreurs mentionnées dans la lettre de licenciement ne sont pas suffisamment étayées par les pièces produites ;

Attendu que l'employeur ne justifie nullement avoir officiellement mis en garde Mme [E] face aux carences constatées et ne lui a imposé aucune formation sur l'organisation de son travail alors même que des constats avaient été faits sur ce point bien avant son arrêt de travail de février 2019 ;

Attendu que si l'employeur se prévaut d'un accompagnement de la salariée durant la relation contractuelle, celui-ci n'est nullement relatif aux insuffisances constatées mais réside dans un accompagnement normal d'un salarié prévu dans le cadre de l'article L.6311-1 du code du travail et dans des modalités d'aides sporadiques au vu des évolutions des procédures à mettre en 'uvre ;

Que si des dispositifs d'aides sporadiques sont à noter, ceux-ci ne correspondent pas à un accompagnement sérieux de la salariée aux fins de relever le niveau de compétence de Mme [E] ;

Attendu en conséquence que les éléments avancés par l'employeur, à savoir l'insuffisance professionnelle de la salariée n'est pas suffisamment caractérisée ;

Attendu que celui-ci échoue à démontrer que le licenciement de Mme [E] est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Que seul l'état de santé de la salariée a justifié la précipitation d'enclenchement de la procédure de licenciement seulement deux mois après le début de son arrêt de travail ;

Attendu que son licenciement est donc nul, le jugement déféré devant être infirmé sur ce point ;

Sur les conséquences de la nullité du licenciement

Attendu à l'article 1235-3-1 du code de travail en cas de nullité du licenciement, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois ;

Attendu que compte tenu de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, de son âge pour être née en 1960, de sa situation personnelle et médicale justifiée au dossier, des circonstances de la rupture du contrat de travail, il lui sera alloué la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

  Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

      Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail que lorsque le juge condamne l'employeur à payer au salarié une indemnité pour licenciement nul sur le fondement des dispositions de l'article L.1232-4 du même code, il ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limité de six mois d'indemnités de chômage ;

        Qu'il résulte des mêmes dispositions que lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, le juge doit ordonner ce remboursement d'office, sans pour autant liquider le montant de la créance de l'organisme intéressé, dès lors que celle-ci n'est pas connue ;

        Attendu que qu'il convient de condamner l'employeur à rembourser à France Travail les sommes dues à ce titre, dans la limite de 3 mois d'indemnités ; 

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Attendu que Mme [E] ne justifie pas d'un préjudice non déjà indemnisé dans le cadre de la nullité de son licenciement ;

Qu'elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de formation

Attendu au vu des pièces versées par l'employeur et déjà citées dans le cadre des développements sur le licenciement de la salariée, il convient de relever que l'employeur n'a nullement manqué à son obligation de formation ;

Qu'en effet Madame [E] a pu bénéficier de formation(s) tant sur le plan du droit social que de la comptabilité et des finances ;

Attendu qu'elle sera donc déboutée de sa demande, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ;

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Attendu qu'aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;

Que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Lorsqu'il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de détail de son calcul, l'importance de celles-ci et les créances salariales s'y rapportant ;

Attendu que Mme [E] expose qu'elle a accompli des heures supplémentaires non rémunérées ;

Attendu qu'elle produit notamment :

ses bulletins de salaire ;

un tableau des heures supplémentaires 2018 et 2019 ;

une attestation de Mme [Y] qui indique que la salariée a été amenée à effectuer des dépassements d'heures en raison de sa charge de travail ;

Attendu qu'il résulte de tous ces éléments que cette dernière produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Attendu que l'employeur ne produit quant à lui aucune pièce justifiant des horaires effectivement réalisés par la salariée, se contentant d'affirmer l'impossibilité d'avoir effectué de telles heures ;

Attendu qu'au vu des éléments produits par Mme [E], la cour a la conviction, sans qu'il n'y ait besoin de mesure d'instruction, que le salarié a effectué des heures supplémentaires qu'il convient d'évaluer à la somme de 4 647,04 euros, outre celle de 464,70 euros au titre des congés payés afférents ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Sur le travail dissimulé

Attendu que l'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ;

Que l'article L 8221-5 dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ;

Que toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ;

Attendu qu'aucun élément au dossier ne permet de caractériser l'intention de dissimulation de l'employeur ;

Que Mme [E] sera donc déboutée de sa demande de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité

Attendu qu'il résulte des pièces déjà cités dans le cadre de l'analyse du licenciement que l'employeur n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité ;

Qu'en effet, le médecin du travail n'a formulé, au cours de la relation contractuelle aucune préconisation particulière concernant l'état de santé de la salariée ;

Attendu que Madame [E] indique elle-même dès 2015, concernant l'incident avec Monsieur [F], qu'elle a pu faire preuve de maladresse ;

Que si lors de son évaluation professionnelle de 2016 la salariée fait état d'une grande densité de tâches à accomplir, il est incontestable que l'employeur a mis en place des aides sporadiques durant cette période ;

Attendu que si Mme [E] a réalisé des heures supplémentaires en 2018 et 2019, il convient de relever que les durées maximales de travail n'ont jamais été dépassées ;

Attendu enfin que les documents médicaux produits par la salariée, s'ils font état de prescription d'antidépresseurs, rien ne permet au dossier d'imputer aux seules relations de travail l'état dépressif réactionnel constaté dans les différents documents ;

Attendu que c'est donc par une très juste appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour déclaration tardive de l'arrêt de travail par l'employeur

Attendu qu'en l'espèce, les parties reprennent devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ;

Qu'en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties au regard de la demande de ce chef ;  

Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la salariée de cette demande de dommages et intérêts ;

Sur la demande au titre de la remise de documents

Attendu que l'employeur devra remettre à la salariée les documents de fin de contrat rectifiés et un bulletin de salaire rectifié conformes à la présente décision sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte ;

Sur les intérêts

Attendu que les sommes dues au titre des créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que l'employeur qui succombe devra supporter les dépens de première instance et d'appel ;

Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce d'allouer à Madame [E] la somme de 1800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes en date du 5 novembre 2021 sauf en ce qui concerne le licenciement de Madame [E] ;

Et statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Madame [I] [E] est nul ;

Condamne la SA Fine Lame à payer à Madame [I] [E] la somme de 80 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

Ordonne à la SA Fine Lame de remettre à Madame [I] [E] les documents de fin de contrat rectifiés et un bulletin de salaire rectifié conformes à la présente décision sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte ;

Dit que les sommes dues au titre des créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la SA Fine Lame aux entiers dépens et à payer à Madame [I] [E] la somme de 1800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne l'employeur à rembourser à France Travail les sommes dues au titre des indemnités chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnités 

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD. Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/03773
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;21.03773 ?
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