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14/05/2024 | FRANCE | N°23/00983

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 14 mai 2024, 23/00983


JG/ND



Numéro 24/1601





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 14/05/2024







Dossier : N° RG 23/00983 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IPWZ





Nature affaire :



Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels















Affaire :



FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORIS ME ET D'AUTRES INFRACTIONS





C/



[V] [S] épou

se [P]























Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 Mai 2024, les parties en ayant ét...

JG/ND

Numéro 24/1601

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 14/05/2024

Dossier : N° RG 23/00983 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IPWZ

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels

Affaire :

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORIS ME ET D'AUTRES INFRACTIONS

C/

[V] [S] épouse [P]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 Mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 19 Mars 2024, devant :

Madame Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame SAYOUS, Greffière présente à l'appel des causes,

Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS

pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Edwige GARRETA de la SCP GARRETA ET ASSOCIES, avocat au barreau de Pau

Assisté de Me Damien de LAFORCADE (SELARL CLF), avocat au barreau de Toulouse

INTIMEE :

Madame [V] [S] épouse [P]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 8] (Tunisie)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée Me Karine LHOMY de la SELARL KARINE LHOMY, avocat au barreau de Pau

sur appel de la décision

en date du 10 MARS 2023

rendue par le COMMISSION D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE DOMMAGES RESULTANT D'UNE INFRACTION DE PAU

RG : 22/73

Exposé du litige et des prétentions des parties :

Par requête du 26 juillet 2022, Madame [V] [S] épouse [P] a saisi la Commission d'Indemnisation des Victimes des Infractions de Pau (ci-après la CIVI) afin d'obtenir l'octroi de la somme de 9.820,80 euros en réparation de ses préjudices exposant avoir été victime de violences volontaires le 24 août 2019, faits pour lesquels elle a déposé une plainte le 6 février 2020.

Par observations du 4 novembre 2022, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a conclu au rejet de la demande au motif que la matérialité de l'infraction n'est pas démontrée, que la seule plainte de la requérante est insuffisante à caractériser l'existence d'une infraction, qu'elle doit être prise en charge par le FGAO dés lors qu'un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans l'accident et que sont exclus de l'indemnisation prévue par l'article 706 -3 du code de procédure pénale les faits qui se sont déroulés dans un lieu ouvert à la circulation publique.

Le ministère public, par mention écrite, a requis le rejet de la demande.

Par décision en date du 10 mars 2023, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction a :

- alloué à Madame [S] épouse [P] la somme de 42.713,72 euros en réparation de l'intégralité de son préjudice en lien avec les violences subies le 24 août 2019, cette somme étant décomposée comme suit :

- 2.646 euros (384 euros + 492 euros +1.698 euros + 72 euros) au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 3.663 euros (738 euros + 2.880 euros + 45 euros) au titre de l'aide tierce personne avant consolidation.

- 9.954,72 euros (1.116 euros + 8.838,72 euros) au titre de l'aide tierce personne après consolidation ;

-21.450 euros euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 15 % ;

-5.000 euros au titre des souffrances endurées ;

- dit que cette indemnité lui sera versée par le Fonds de Garantie ;

- mis les dépens à la charge de l'État.

Par déclaration en date du 6 avril 2023, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a interjeté appel du jugement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2024.

**

Par conclusions notifiées par RPVA le 12 février 2024, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions demande à la cour, au visa de l'article 706-3 du code de procédure pénale, de le déclarer recevable en son appel, de réformer le jugement entrepris et de :

A titre principal,

- déclarer Madame [S] épouse [P] irrecevable en ses demandes fondées sur l'article 706-3 du code de procédure pénale,

- la débouter en toutes hypothèses de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- laisser les dépens à la charge de l'État ;

A titre subsidiaire,

- juger fondées les critiques élevées contre le rapport d'expertise du Dr [L],

- retenir comme strictement imputables aux faits, et seulement indemnisables les postes suivants :

- Déficit fonctionnel temporaire :

' partiel de classe 3 (50 %) du 24.08.2019 au 04.10.2019

' partiel 25 % du 05.10.2019 au 14.07.2020

' partiel 10 % du 15.07.2020 au 31.08.2020, date de la consolidation

- Besoins en aide humaine :

' Une heure par jour pendant la période de DFT classe III soit pendant 41 jours

' Deux heures par semaine pendant la période de DFT classe II soit pendant 40 semaines

' Deux heures par mois pendant la période de DFT classe I, soit pendant 1,5 mois.

- Déficit fonctionnel permanent : 7 %

- Souffrances endurées : 3/7

En conséquence, réformer le montant de l'indemnisation accordée à Madame [P] et lui allouer les sommes suivantes :

- DFT : 2.417,50 €

- Aide humaine avant consolidation : 1.860,00 €

- Aide humaine post-consolidation : 8.475,60 €

- DFP : 9.240,00 €

- Souffrances endurées : 5.000,00 €

Soit un total de : 25.133,10 €

En toutes hypothèses,

- Laisser les dépens à la charge de l'État.

**

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 février 2024, Madame [P] demande à la cour de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner le Fonds de garantie à lui payer une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens.

MOTIFS :

Les victimes de certaines infractions ont la possibilité de solliciter une indemnisation auprès de la CIVI, la solidarité nationale se substituant alors à l'auteur des faits pour réparer le préjudice subi.

La recevabilité de leur demande suppose la démonstration, par le requérant, que les faits qu'il invoque présentent le caractère matériel d'une infraction, la qualification applicable étant ensuite déterminante de l'application de l'article 706-3 ou 706-14 du code de procédure pénale dont les dispositions sont d'interprétation stricte.

L'article 706-3 du code de procédure pénale, sur lequel Madame [V] [S] épouse [P] a fondé sa demande, prévoit que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes :

1° Ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale ni de l'article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et n'ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d'occasionner des dégâts ;

2° Ces faits :

- soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ;

- soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du code pénal ;

3° La personne lésée est de nationalité française ou les faits ont été commis sur le territoire national.

Conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, la personne qui invoque le bénéfice de cet article doit donc apporter la preuve qu'elle satisfait aux conditions nécessaires à son application, dont la première est l'existence d'une infraction.

Or la notion de caractère matériel d'une infraction ne renvoie pas au seul élément matériel de l'incrimination pénale à caractériser mais signifie que l'infraction doit être appréciée par le juge dans tous ses éléments constitutifs, légal, matériel et moral.

Au cas présent, Madame [V] [S] épouse [P] affirme avoir été victime, sans nul doute, de violences de la part d'un individu qui l'a bousculée avec son chariot pour accéder plus rapidement dans l'enceinte d'une boutique commerciale le 24 août 2019.

Il revient dès lors à la cour d'apprécier l'existence d'un ou plusieurs acte(s) positif(s) et volontaire(s) de nature à lui avoir causé une atteinte à son intégrité physique ou psychique, peu important que l'auteur présumé soit demeuré inconnu.

Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions conteste la décision déférée en ce qu'elle a retenu l'argumentation de Madame [V] [S] épouse [P] et, de ce fait, a admis la recevabilité de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale et ainsi fait droit à ses demandes indemnitaires.

Au soutien de sa critique, il expose que :

- la plainte déposée par Madame [V] [S] épouse [P] a été classée sans suite le 30 juin 2021 au motif que "les faits ou circonstances des faits de la procédure n'ont pu être clairement établis par l'enquête. Les preuves ne sont donc pas suffisantes pour que l'infraction soit constituée et que des poursuites pénales puissent être engagées" ;

- et que les éléments qu'elle fournit au débat, soit le récépissé de son dépôt de plainte, le compte rendu d'infraction initial et quatre attestations, dont deux émanent de ses filles, sont insuffisants pour affirmer l'existence de faits infractionnels dont elle aurait été la victime.

Cependant, il est constant que l'article 706-3 précité institue en faveur des victimes d'infractions un régime d'indemnisation autonome, répondant à des règles qui lui sont propres et la cour n'est pas liée par la décision de classement sans suite du parquet pour apprécier si le fait dommageable présente ou non le caractère matériel d'une infraction à la loi pénale.

En l'espèce, l'examen des pièces produites par Madame [V] [S] épouse [P] montre que lors de son dépôt de plainte, le 6 février 2020, elle a relaté : " En date du 24 août 2019, vers 10 h 00 du matin, je me trouvais avec mes filles [P] [U], [N] [R] devant la boutique du [5] dans les galeries du magasin [6] à [Localité 7]. Un monsieur âgé d'une cinquantaine d'années, plutôt de petite taille, de forte corpulence, dégarni, les cheveux grisonnants accompagné d'une femme m'a poussée avec son caddie afin de pénétrer en premier dans la boutique, ce qui m'a projeté au sol. Cet individu est parti immédiatement."

Par attestation du :

- 5 septembre 2019, [U] [N] a témoigné que "ce jour là, le 24/08/2019, ma mère [P] [V] s'est faite bousculer par un monsieur et son chariot. Cela a provoqué la chute de ma mère. Conséquence de cette chute, humérus cassé".

- 19 septembre 2019, [D] [O], commerçant, a indiqué : "J'atteste que Madame [P] [V] s'est faite bousculer par une personne poussant son chariot dans le magasin [5], le 24/08/2019 à 10h00.

- 10 septembre 2019, [K] [Z], prothésiste dentaire, a écrit : "le 24/08/2019, à l'ouverture du magasin [5] vers 10h, je me trouvais derrière la personne qui a bousculé Mme [P], cette personne accompagnée de son épouse l'ont bousculée avec leur chariot. De ce fait, Mme [P] s'est retrouvée par terre, l'intervention des pompiers a dû être nécessaire".

- 07/09/2019, [R] [N] a déclaré que " A l'ouverture, ma mère Mme [P] se dirige vers l'allée centrale du magasin et, soudainement, un des clients qui se trouvait sur le coté de la devanture du magasin s'est précipité et l'a bousculée avec son caddie pour pouvoir la doubler, la faisant ainsi tomber ...".

Madame [V] [S] épouse [P] a en outre remis au débat :

- un certificat médical du Docteur [H] du 26/08/2019 affirmant les constatations suivantes : " fracture de l'extrémité supérieure de l'humérus droit (bilan radiologique et scannographique réalisés le 24.08.19),

- un rapport d'expertise unilatérale réalisé le 19 mai 2020 par le Docteur [L] qui a conclu : "Des pièces communiquées, il ressort que le samedi 24 août 2019, Madame [P] [V], 65 ans, aurait été bousculée dans un supermarché se blessant au niveau du membre supérieur droit. Le bilan radiologique réalisé aux urgences du CH de [Localité 9] a retrouvé une fracture de l'extrémité supérieure de l'humérus traitée orthopédiquement jusqu'au 4 octobre 2019. L'évolution a été péjorative avec un enraidissement majeur de l'épaule droite malgré une prise en charge régulière en kinésithérapie. [...]"

Il résulte de ces éléments que les pièces communiquées ne décrivent pas le comportement de l'individu qui a poussé le chariot à l'origine de la chute de Madame [V] [S] épouse [P] le 24 août 2019 et des blessures qui en ont résulté.

Or, la survenance d'un choc provoqué par un chariot de supermarché ne peut suffire à déduire que l'individu qui le poussait a commis un acte positif et volontaire permettant de caractériser l'infraction de violences volontaires sur laquelle la requérante fonde sa demande.

Par conséquent, la matérialité de l'infraction n'est pas établie et, en infirmation de la décision querellée, la requête en indemnisation de Madame [V] [S] épouse [P] sera déclarée irrecevable.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application de l'article R. 93. II, 11° du code de procédure pénale, les frais exposés devant les juridictions de première instance et d'appel statuant en matière d'indemnisation des victimes d'infractions sont à la charge du Trésor public.

Toutefois aux termes de l'article R. 50-21 du code de procédure pénale « si la requête est rejetée, le demandeur est condamné aux dépens, à moins que la commission ne l'en décharge en partie ou en totalité ».

En l'espèce, et conformément à la demande du Fonds de garantie, les dépens seront laissés à la charge du Trésor public.

Madame [V] [S] épouse [P], qui succombe, ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tandis que, au regard des circonstances de la cause, l'équité ne justifie pas de faire application de ces dispositions au bénéfice du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition, par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Infirme la décision rendue le 10 mars 2023 par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions du tribunal judiciaire de Pau en toutes ses dispositions déférées.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare Madame [V] [S] épouse [P] irrecevable en sa requête en indemnisation présentée devant la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales,

Laisse les dépens d'appel à la charge du Trésor public.

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 23/00983
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;23.00983 ?
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