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07/05/2024 | FRANCE | N°24/01319

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 07 mai 2024, 24/01319


N°24/01561



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



ORDONNANCE DU SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 24/01319 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I2ZE



Décision déférée ordonnance rendue le 04 MAI 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,


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N°24/01561

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ORDONNANCE DU SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 24/01319 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I2ZE

Décision déférée ordonnance rendue le 04 MAI 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Joëlle GUIROY, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 18 décembre 2023, assistée de Sandrine GABAIX HIALE, Greffier,

APPELANT

M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G]

né le 01 Mars 1990 à [Localité 4] (MAROC)

Retenu au centre de rétention d'[Localité 3]

Retenu au centre de rétention d'[Localité 3]

non comparant, représenté par Maître Otxanda IRIART, avocat au barreau de Pau,

INTIMES :

Le PREFET DES PYRENEES-ATLANTIQUES, avisé, absent, ayant transmis son mémoire par voie électronique le 6 mai 2024 à 15h54,

Le MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience, n'ayant pas transmis d'avis

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu les dispositions des articles L 614-1 à L 614-15, L 732-8, L 743-5, L 743-10 , L 743-20, L.741-1, 741-4-5-7-9, L 7441, L 751-9 et -10, L .743-14, -15 et L 743-17, L 743-19 et L 743-25, et R.743-1 à R 743-8 et R 743-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ceseda)

Vu l'obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de 3 ans prise par le préfet des Landes, le 05/12/2023 notifiée à M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] le 05/12/2023,

Vu la décision de placement en rétention administrative prise par le préfet des Pyrénées Atlantiques le 30/04/2024, notifiée le 30/04/2024 à 18:15, à l'encontre de M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G]

Vu la requête de l'autorité administrative en date 02/05/2024 reçue le 02/05/2024 à 15h29 et enregistrée le 03/05/2024 à 11h00 tendant à la prolongation de la rétention de M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de vingt huit jours,

Vu l'extrait individualisé du registre prévu à l'article L.744-2 du CESEDA émargé par l'intéressé,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Bayonne en date du 4 mai 2024 qui, par décision assortie de l'exécution provisoire, a :

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet des Pyrénées Atlantiques,

- rejeté les exceptions de nullité soulevées

- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] régulière,

- ordonné la prolongation de la rétention de M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 4 mai 2024 à 11 h 45;

Vu la déclaration d'appel formée par M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] reçue le 6 mai 2024 à 11 h 37 ;

Au soutien de son appel, M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] expose qu'il a été placé en garde à vue et que la notification des droits qui lui a alors été faite par un interprète par téléphone n'est pas régulière car son recours n'est pas justifié et motivé par un procès-verbal justifiant les circonstances insurmontables s'opposant à la présence physique d'un interprète à ses côtés.

A l'audience, M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G], régulièrement convoqué, est absent. Il a écrit : " je ne veux pas aller à la cour d'appel. Je suis malade".

Le conseil de M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] demande l'infirmation de l'ordonnance entreprise. Il expose que son appel est recevable et soulève, in limine litis, une exception de nullité de la procédure de garde-à-vue laquelle a pour effet d'entraîner la nullité de son placement en rétention et partant celle de la prolongation de la mesure administrative.

Il soutient qu'il résulte des dispositions du code de procédure pénale applicables à la garde à vue que les droits afférents à cette mesure doivent être notifiés par un interprète présent dans les locaux de police et qu'il ne peut être dérogé à cette disposition qu'en cas d'impossibilité pour l'interprète de se déplacer du fait d'une circonstance insurmontable constatée par un procès-verbal. C'est dans ce seul cas que le recours à un interprète intervenant par un moyen de télécommunication est régulier.

En l'espèce, aucun procès-verbal ne ce sens n'est produit.

Il résulte de cette irrégularité un grief pour le retenu car la présence physique de l'interprète permet de s'assurer qu'il a compris l'ensemble de ces droits.

Or, un doute existe sur ce point en ce que M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] n'a pas sollicité l'assistance d'un avocat en garde à vue alors qu'il a sollicité une telle assistance dans le cadre de la procédure de rétention administrative. Ce doute est renforcé par les horaires des procès-verbaux de notification des droits des personnes placées en garde à vue en même temps que lui.

Affirmant que la carence procédurale dénoncée a nécessairement causé un grief à M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G], son conseil demande qu'il soit constaté la nullité de la garde à vue qui affecte la mesure administrative dont il fait l'objet et prononcé sa mise en liberté.

Le préfet des Pyrénées Atlantiques absent a fait valoir des observations tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

Sur ce :

En la forme,

L'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond,

S'agissant de la situation de l'appelant, l'examen de la procédure fait apparaître les éléments d'appréciation suivants,

M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] est connu sous divers identités, états civils et nationalités.

En effet, il a été signalisé sous les identités suivantes :

- M. [P] [E], né le 1er mars 1990 à [Localité 4] (Maroc), de nationalité marocaine

- M. [X] [G], né le 1er mars 2004 à [Localité 2] (Maroc), de nationalité marocaine,

- M. [T] [G], né le 1er janvier 2004 en Algérie, de nationalité algérienne.

Il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bayonne, le 11 décembre 2023, à une peine d'emprisonnement de trois mois, pour destruction de bien destiné à l'utilité ou la décoration publique, menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'un chargé de mission de service public, non respect de l'assignation à résidence par étranger devant quitter le territoire français ou dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui causant un dommage léger.

Il a été interpellé le 29 avril 2024 par le commissariat de [Localité 1] et placé en garde à vue pour tentative de vol par effraction.

Au terme de cette mesure, il a été placé en rétention administrative.

Le 5 décembre 2023, il avait fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, avec interdiction de retour et fixant pays de renvoi et d'un arrêté portant assignation à résidence pris par la préfète des Landes. Ces arrêtés lui ont été notifiés à cette même date.

M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G], est démuni de tout document d'identité et de voyage original en cours de validité et il ne s'est pas conformé aux prescriptions de ces mesures administratives visant à permettre son éloignement.

Il ne dispose pas de ressources stables issues d'une activité exercée régulièrement ni d'un domicile fixe avéré sur le territoire.

Entendu sur sa situation administrative le 30 avril 2024, il a confirmé ces renseignements et précisé qu'il ne connaissait pas sa date de naissance exacte mais également qu'il ne savait pas s'il avait entrepris des démarches aux fins de voir sa situation régularisée.

Il n'a fait état d'aucun problème de santé ni de vulnérabilité.

L'administration indique que M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G], a été reconnu par les autorités consulaires marocaines comme l'un de leurs ressortissants conformément à leur courriel en date du 22 février 2024 et que ces autorités ont été saisies le 02 mai 2024 d'une demande de délivrance de laissez-passer consulaire pour pallier son défaut de document de voyage.

En droit,

L'article L731-1 du CESEDA décide que :

"L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre État en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article".

L'article L 741-1 du CESEDA dispose que : "L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3. "

Au cas présent, la mesure portant obligation de quitter le territoire national visée par l'arrêté de placement en rétention a été régulièrement notifiée à M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G].

Bien que n'ayant pas saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête en contestation de son placement en rétention, il soulève in limine litis la nullité de son placement en rétention tenant à l'irrégularité de la mesure de garde à vue préalable due au recours à un interprète par téléphone.

Toutefois, il résulte de l'article L743-12 du CESEDA, tel que modifié par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 et en vigueur depuis le 28 janvier 2024, que " En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats"

Ainsi, lorsque le recours à une disposition dérogatoire n'est pas suffisamment explicite, comme soutenu en l'espèce du fait du recours au truchement d'un interprète par téléphone en lieu et place de la présence physique du professionnel dans les locaux de police, il appartient au demandeur à la nullité d'établir l'existence du grief résultant de cette omission.

En l'espèce, il ne peut qu'être constaté que la procédure ne donne pas les raisons pour lesquelles, lors de son placement en garde-à-vue, il a été fait usage de l'interprétariat téléphonique alors que par la suite, notamment pour son audition et la notification des décisions administratives l'interprète était présent.

M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G], par la voix de son conseil, affirme l'existence d'un grief tenant à sa non assistance par un avocat dès le début de la mesure de garde-à-vue.

Toutefois, il a été assisté pour ses auditions et notifications des décisions administratives d'un interprète présent et a confirmé qu'il ne souhaitait pas être assisté d'un conseil. Il a également bénéficié d'un examen médical, ce qui correspond à l'exercice d'un des droits attachés à la mesure de garde à vue.

Il n'établit dès lors pas que la notification des droits relatifs à la mesure de garde à vue prise à son encontre faite par téléphone et non en présence physique de l'interprète a affecté sa compréhension des droits que la loi lui reconnaît.

Plus largement, il ne être affirmé qu'il prouve avoir subi un grief du seul fait de la durée de la notification de ses droits en ce qu'il ne n'établit pas que la la notification des droits pourrait avoir une longueur différente lors qu'elle est réalisée en présence physique de l'interprète.

Enfin, il sera relevé que la notification des droits de gardé à vue faite à M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] a été accompagnée de la remise d'un formulaire écrit en langue arabe.

En conséquence, il convient de retenir que les droits afférents à la mesure de garde-à-vue ont été notifiés à M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] dans des conditions suffisantes à leur bonne compréhension et exercice et qu'il ne fait pas la démonstration de l'existence d'un grief susceptible de remettre en cause la régularité de la mesure de garde-à-vue prise à son encontre puis celle de la mesure administrative dont il fait l'objet.

L'exception de nullité soulevée sera donc rejetée.

Sur le fond, le conseil de M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] n'a fait valoir aucune observation.

Or, il résulte des pièces communiquées que l'administration prouve avoir effectué les diligences utiles à son éloignement auprès des autorités compétentes qui l'ont préalablement reconnu comme étant l'un de leurs ressortissants.

Ceci alors qu'il ne peut qu'être constaté que M. [P] [E] alias M. X se disant [X] [G] ne remplit pas les conditions d'une assignation à résidence telles que fixées par l'article L 743-13 du CESEDA en ce sens qu'il n'a pas préalablement remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité ou de documents justifiant de son identité, qu'il ne dispose d'aucune garantie de représentation sérieuse et qu'il n'a pas respecté les termes des arrêtés pris à son encontre le 5 décembre 2023.

Ainsi la prolongation de la rétention administrative dont il fait l'objet est l'unique moyen d'assurer la mise à exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons l'appel recevable en la forme.

Confirmons l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture des Pyrénées Atlantiques.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le sept Mai deux mille vingt quatre à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandrine GABAIX HIALE Joëlle GUIROY

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 07 Mai 2024

Monsieur [P] [E] alias M. X se disant [X] [G], par mail au centre de rétention d'[Localité 3]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Otxanda IRIART, par mail,

Monsieur le Préfet des Pyrénées-Atlantiques, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 24/01319
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;24.01319 ?
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