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25/04/2024 | FRANCE | N°22/01950

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 25 avril 2024, 22/01950


TP/SB



Numéro 24/1427





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 25/04/2024







Dossier : N° RG 22/01950 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIOM





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail









Affaire :



[D] [B]



C/



S.A.R.L. ECOLAND









Grosse délivrée le

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 45...

TP/SB

Numéro 24/1427

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 25/04/2024

Dossier : N° RG 22/01950 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIOM

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[D] [B]

C/

S.A.R.L. ECOLAND

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Février 2024, devant :

Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame PACTEAU, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU,Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [D] [B]

Chez Mme [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Maître BERTRAND de la SELARL FREDERIQUE BERTRAND SEL, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMEE :

S.A.R.L. ECOLAND

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître LE BAIL de la SCP D'AVOCATS JEAN-PHILIPPE LE BAIL, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 29 JUIN 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : F 21/00059

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [D] [B] a été embauché à compter du 1er octobre 1997, par la société à responsabilité limitée Ecoland en qualité de cadre d'exploitation, selon contrat à durée indéterminée régi par la convention collective des travaux d'aménagement et d'entretien forestiers de la Gironde, des Landes et du Lot et Garonne du 4 mars 1985.

Le 13 janvier 2021, M. [D] [B] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 28 janvier suivant en vue d'une mesure pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave.

Suivant courrier en date du 15 février 2021, il a été licencié pour faute grave.

Le 2 juin 2021, M. [D] [B] a saisi la juridiction prud'homale au fond d'une contestation de ce licenciement.

Par jugement du 29 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan a :

- Débouté M. [D] [B] de sa demande de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Débouté M. [D] [B] de sa demande de règlement de la somme de 30 703.98 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 3 070.39 euros brut à titre de congés payés sur préavis,

- Débouté M. [D] [B] de sa demande de règlement de la somme de 35 679.15 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,

- Débouté M. [D] [B] de sa demande de règlement de la somme de 86 994.61 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné M. [D] [B] à payer à la Sarl Ecoland la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [D] [B] aux entiers dépens.

Le 11 juillet 2022, M. [D] [B] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 29 septembre 2022 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [D] [B] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau :

- Dire et juger le licenciement pour fautes graves intervenu le 15 février 2021 sans cause réelle et sérieuse,

- En conséquence, condamner la société Ecoland à verser à M. [D] [B] les sommes suivantes :

o 30.703,98 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 3.070,39 euros brut à titre de congés payés sur préavis,

o 35.679,15 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,

o 86.994,61 euros net à titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant 17 mois de salaire,

o 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Fixer la moyenne des 3 derniers mois de salaire à la somme de 5.117,33 euros brut.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 15 décembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Ecoland demande à la cour de :

- Débouter M. [D] [B] de son appel,

- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions en déclarant justifié le licenciement pour faute grave prononcé par la Sarl Ecoland à l'encontre de M. [D] [B] par LRAR du 15.02.2021,

Y ajoutant

- condamner M. [D] [B] à payer à la Sarl Ecoland la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article.700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité et d'exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.

Aux termes de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l'article R.1232-13 du même code, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Suivant l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, M. [B] fait valoir que " la lettre de licenciement n'est nullement précise " et qu'à sa lecture, il est " bien difficile de savoir exactement ce qui [lui] est reproché ".

Le lettre de licenciement, dont les termes fixent le litige, est ainsi rédigée :

" Suite à notre entretien du 28 janvier 2021, je reviens vers vous afin de vous annoncer notre décision suite à vos réponses concernant les motifs de faute que nous vous avons signifiés et pour lesquels nous vous avons demandé des explications.

1°) Pour ce qui est du fait que vous vous êtes plaint auprès d'un de nos clients :

Nous vous avons demandé si vous aviez une idée de qui il s'agissait. Vous avez répondu " Madame [H] [J] ".

Je vous ai répété alors les propos qu'elle m'avait rapportés : " ce n'est plus possible de travailler avec [O] [M] ".

Vous m'avez spécifié que " ce n'était pas grave voire anodin " et " que tout le monde était au courant de nos désaccords ".

Je vous ai expliqué que pour moi " c'était de la déloyauté et que se placer entre le client et Ecoland était grave et dommageable à terme pour la société ". Vous avez répliqué que " vous m'aviez toujours défendu ainsi qu'Ecoland. Et que là vous aviez peut-être commis une erreur ".

Je vous ai répondu que si vous considériez que ce n'est qu'une erreur, alors que nous avons travaillé ensemble grâce à une formation sur l'esprit d'équipe avec un coach personnel, c'est grave et nous ne sommes plus en phase.

2°) Pour ce qui est des chaussures et des gants que vous avez fait payer par le Groupement Forestier de la Callune :

Vous avez répondu : " je ne vois pas le problème, c'était pour [R] et [S] qui scient du bois pour Monsieur [P] ". Je vous ai répondu : " que c'était grave car [R] m'a dit qu'il n'avait jamais rien réclamé. Suite aux déclarations que vous avez faites aux secrétaires, à savoir qu'il s'agissait d'un cadeau pour ceux-ci ", je vous ai demandé comment vous pouviez vous permettre de faire des cadeaux avec l'argent de notre client pour des personnes n'ayant aucun lien avec Ecoland ni le groupement forestier, qui plus est sans autorisation écrite ou orale.

" Vous m'avez spécifié que c'était pour des activités sur la scierie mobile le week-end pour Monsieur [P] ". Je vous ai répliqué que " je n'étais non seulement pas au courant mais, en plus, que je n'ai pas à être concerné par vos occupations le week-end.

Par contre, notre client, Monsieur [P], 101 ans, n'a pas à financer vos passetemps, à tel point qu'il nous a demandé de lui rembourser vos achats de 175,82 euros, puisque c'est à Ecoland de payer vos frais ".

Je vous confirme que je trouve cela grave de faire passer vos frais et la manière dont vous m'avez interpellé les assistantes d'Ecoland, pour leur dire qu'elles n'auraient pas dû m'alerter.

3°) Pour ce qui est des explications sur la coupe de bois faite sur le terrain du département :

Vous avez répondu que " c'était réglé et pas grave ". Je vous ai expliqué que " pour moi c'était grave car vous n'avez pas respecté votre engagement de m'informer sous 24 heures de tout élément important sur les domaines que nous gérons ". Vous vous êtes engagé en 2015 à respecter ce processus. Vous ne l'avez pas respecté. Or, non seulement ce n'est pas un oubli, mais en plus pour le même propriétaire la faute s'est répétée deux fois (à la coupe puis au débroussaillement).

Vous m'avez répliqué " qu'il n'y avait pas de préjudices et que cela n'avait non seulement pas de conséquences et qu'en plus il n'était pas certain que le département soit chez lui ".

Je vous ai confirmé " qu'au-delà des conséquences financières incertaines, le plus important est que le responsable d'exploitation n'a pas à décider seul de la gravité d'une situation. De plus quand j'apprends la faute via un mail du département qui stipule que vous ne répondez pas au téléphone, je trouve votre démarche grave et dommageable pour Ecoland vis-à-vis de tous ".

4°) Pour ce qui est du mot " prime " que vous avez validé dans les factures des exploitants :

Vous me confirmez que vous n'auriez peut-être pas dû mais que vous l'avez vu faire ailleurs.

Je vous ai répondu " que vous n'aviez non seulement pas à le faire sans mon accord écrit comme vous vous étiez engagé, mais de plus cette pratique pourrait être dommageable pour Ecoland car cela établirait un lien salarial avec des exploitants travaillant pour notre compte et donc aurait des conséquences potentielles financières ou sociales pour la société. Ce n'était pas non plus au budget du groupement forestier ".

Vous m'avez répondu alors " que moi j'avais fait le nécessaire et qu'il n'y avait plus de problèmes ".

Je vous ai expliqué alors que le plus grave ce n'était pas simplement la faute liée à ce que vous avez fait mais bien sur le fait que vous vous considérez comme le décideur de tout.

Depuis notre entretien du 28 janvier, vous n'êtes pas revenu vers moi pour manifester une quelconque prise de conscience.

L'accumulation de ces faits sur une si courte période, alors que nous avions clarifié à la fin de l'année 2019 les exigences de votre fonction au sein de l'entreprise, me conduit à prononcer votre licenciement pour faute grave à effet à réception de la présente lettre (') ".

Force est de constater que, contrairement aux affirmations de M. [B], cette lettre est précise et circonstanciée en ce qui concerne les faits et la période visée, à savoir depuis la fin 2019.

Il convient donc de vérifier si la société Ecoland établit la réalité et le sérieux des motifs invoqués.

- Les plaintes auprès d'un client

Il est expressément visé ici le fait que M. [B] se serait plaint auprès de Mme [H] [J].

La société Ecoland verse aux débats un mail du 6 janvier 2021 d'une dénommée [H] [J], envoyé depuis la boîte personnelle de celle-ci, qui indique à M. [M], représentant légal de l'intimée, qu'elle souhaitait " [l']entretenir d'une situation qui [l']embête et [la] préoccupe. Lundi 7 décembre, [D] ([B]) est passé à [son] bureau ('), il [lui] a dit qu'il ne pouvait plus travailler dans ces conditions avec toi, le bureau ".

Si le contenu de ce message laisse entendre que M. [B] s'est en effet plaint de ses conditions de travail, aucun élément ne permet d'établir la qualité de Mme [J], en particulier de savoir si elle est cliente de la société Ecoland, et donc l'incidence des propos tenus par le salarié.

Ce grief est donc insuffisamment établi.

- Les chaussures et les gants payés par le Groupement Forestier de la Callune

Il est reproché à M. [B] d'avoir fait payer par l'un des clients, le groupement forestier de la Callune, des chaussures et gants à deux salariés personnels de M. [P]-[C], par ailleurs gérant dudit groupement forestier.

[D] [B] ne conteste pas la matérialité des faits. Il affirme uniquement ne pas s'être fait payer des équipements personnels, ce qui ne lui est pas reprochés puisque le grief concerne des effets destinés à d'autres personnes.

La société Ecoland verse deux factures des 30 octobre et 10 novembre 2020, émises au nom du groupement forestier La Callune concernant notamment des chaussures et des paires de gants pour un montant total de 146,52 euros HT.

Elle produit des attestations dactylographiées et signées des secrétaires Mesdames [A] et [N], ne reprenant certes pas la mention prévue par l'article 202 du code de procédure civile mais accompagnées des copies des pièces d'identité des signataires.

Il en ressort que M. [P] a contacté, mécontent, la société Ecoland début décembre 2020 au sujet de ces factures qui ne concernaient pas le groupement forestier de la Callune. M. [B], contacté, a admis que les chaussures et gants étaient destinés à deux salariés personnels de M. [P], à titre de cadeaux pour avoir pu utiliser la scierie mobile de M. [P]-[C].

Ces achats ont été refacturés à la société Ecoland.

Ce grief est donc matériellement établi.

- La coupe de bois sur le terrain du département

La société Ecoland démontre avoir reçu, le 24 décembre 2020, un mail émanant de M. [I] [E], de la direction de l'environnement du département des Landes. Dans ce courriel, M. [E] explique avoir constaté, le 29 septembre 2020, une première intervention d'éclaircissage sur une parcelle appartenant au département, concernant deux rangs de pins maritimes en bordure d'un chemin appartenant au département. Il expose que, le 24 décembre 2020, il a à nouveau constaté une intrusion sur cette même parcelle par le passage du rouleau landais. Il a dès lors demandé à M. [M], représentant légal de la société Ecoland, de faire le nécessaire pour que les travaux ne touchent plus les parcelles du département.

Dans son courriel, M. [E] précise que, le 29 septembre 2020, il a trouvé sur place l'entreprise en charge des travaux qui lui a indiqué les exécuter avec les plans en sa possession, communiqués par M. [B]. Il a ensuite pris attache avec ce dernier qui s'est excusé.

[D] [B] fait valoir que l'erreur ne lui est pas imputable et qu'il ne l'a jamais cachée à son employeur.

Si aucun élément ne vient démentir les affirmations détaillées de M. [E] dans son mail adressé à la société Ecoland, il n'est pas non plus contesté qu'il n'y avait pas de bornage à cet endroit ainsi que l'indique M. [B] et qu'il était ainsi malaisé de savoir où se trouvaient précisément les limites de la parcelle appartenant au département. Un bornage a ensuite été mis en place ainsi qu'en atteste un courrier de M. [P] en date du 16 mars 2021 qui se plaint de ne pas avoir été avisé de " cette intrusion chez le département " et est " très ennuyé des répercussions concernant [ses] relations avec le département ".

Si l'on ne peut parler ici de volonté de M. [B] de passer outre les plans et de procéder à des coupes sur des parcelles n'appartenant pas au groupement pour lequel la société Ecoland intervenait, il importe de rappeler qu'il lui appartenait, conformément à sa mission exposée dans un fascicule dont il a pris connaissance puisqu'il l'a visé ainsi que d'un mail qu'il a adressé à son employeur le 22 décembre 2015, de faire un " reporting sous 24H de tout problème exceptionnel ", ce qui était ici le cas.

Ce fait est ainsi établi.

- L'utilisation du mot " prime "

La société Ecoland reproche à M. [B] d'avoir validé des factures d'exploitants portant la mention de " primes ".

Les factures concernées, datées du 31 octobre 2020, sont produites. Elles comportent le visa de M. [B]. Elles ont dû être rééditées pour que ne figurent plus cette mention de " prime ".

La date est antérieure de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement, de sorte que ces faits, qui n'ont pas été réitérés par la suite, ne peuvent servir de fondement à un licenciement pour faute grave conformément aux dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail.

En conséquence de tous ces éléments, il appert que seuls deux des quatre griefs mentionnés dans la lettre de licenciement sont établis.

Ceux-ci ne revêtent toutefois pas une gravité suffisante pour justifier le licenciement d'un salarié qui disposait d'une ancienneté de plus de 23 ans, sans passé disciplinaire et au sujet duquel M. [P], client important de la société Ecoland et concerné par certains des griefs, a pu déplorer cette décision et a fait part, à M. [B], de sa satisfaction du travail accompli par celui-ci au cours de toutes ces années, notamment après les tempêtes de 1999 et 2009, précisant que " toutes les ventes de bois ont été réalisées dans de bonnes conditions (avec [son] accord sur les contrats) et aucun impayé n'est à déplorer à ce jour. Tous les dossiers qu'il (M. [B]) a montés ont été agrées, ce qui (') a permis de reboiser plus de 2200 hectares de parcelles sinistrées ". Il a conclu qu'il n'avait " personnellement pas de reproches graves à lui imputer " et qu'il le recommandait auprès d'un futur employeur potentiel.

Le licenciement de M. [B] se révèle donc infondé et doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

En application des articles L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail ainsi que des dispositions de l'article 82 de la convention collective concernant les travaux d'aménagement et d'entretien forestiers de la Gironde, des Landes et du Lot et Garonne applicable au présent litige, M. [B], qui était cadre, doit percevoir une indemnité compensatrice pour le préavis de 6 mois correspondant au salaire qu'il aurait dû percevoir s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration de ce délai-congé, soit, sur la base d'un salaire de référence de 3927 euros, le montant de 23 562 euros que la société Ecoland sera condamnée à lui payer, outre 2356,20 euros pour les congés payés y afférents.

En vertu des dispositions des articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail plus favorables que celles de la convention collective, M. [B] doit bénéficier d'une indemnité de licenciement tenant compte de son ancienneté de 23 ans et 10 mois à l'expiration du préavis dont il aurait dû bénéficier.

En application de l'article R.1234-9 du même code, le salaire de référence pour le calcul de cette indemnité sera fixé à 4272,04 euros, moyenne mensuelle des douze mois précédant le licenciement qui constitue la somme la plus favorable au salarié par comparaison au tiers des trois derniers mois de travail après proratisation de la prime de treizième mois et de la prime exceptionnelle perçues en décembre 2020.

La société Ecoland sera donc condamnée à payer à M. [B] la somme de 30 378,95 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Enfin, au regard des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.

Pour un salarié ayant 23 années complètes d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés, cette indemnité est comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 17 mois de salaire brut.

Compte tenu de la rémunération mensuelle brute perçue par M. [B], de son ancienneté au sein de l'entreprise, de son âge ainsi que des conditions de la rupture du contrat, il y a lieu de lui allouer la somme de 52 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant, au millier arrondi supérieur, 12 mois de salaire.

La société Ecoland, qui succombe en toutes ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [B] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Mont de Marsan en date du 29 juin 2022 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

DIT que le licenciement de M. [D] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Ecoland à payer à M. [D] [B] les sommes de :

- 23 562 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 2356,20 euros pour les congés payés y afférents,

- 30 378,95 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 52 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Ecoland aux entiers dépens de l'instance, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes ;

CONDAMNE la société Ecoland à payer à M. [D] [B] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01950
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.01950 ?
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