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25/04/2024 | FRANCE | N°22/01870

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 25 avril 2024, 22/01870


TP/SB



Numéro 24/1426





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 25/04/2024







Dossier : N° RG 22/01870 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIGV





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail









Affaire :



[P] [U]



C/



S.A.S. DENTAURUM FRANCE









Grosse délivrée le

à :




r>















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'art...

TP/SB

Numéro 24/1426

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 25/04/2024

Dossier : N° RG 22/01870 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIGV

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[P] [U]

C/

S.A.S. DENTAURUM FRANCE

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Février 2024, devant :

Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame PACTEAU, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU,Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [P] [U]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Maître KLEIN de l'AARPI KLEIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TARBES

INTIMEE :

S.A.S. DENTAURUM FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU, et Maître CAPIN-SIZAIRE, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 10 JUIN 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TARBES

RG numéro : F 21/00053

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon contrat à durée indéterminée, M. [P] [U] a été embauché en qualité de VRP à compter du 27 août 2007, par la SAS Dentaurum France, filiale française de la Société Dentaurum GmbH, groupe familial allemand.

Son secteur de prospection s'étendait sur 8 départements du sud et Andorre.

Par avenant du 19 juin 2008, sa zone d'activité a été étendue à 5 autres départements.

Le 18 septembre 2020, il a été convoqué à un entretien préalable, fixé le 30 septembre 2020.

Le 19 septembre 2020, il a fait l'objet d'un arrêt de travail.

Par courrier du 12 octobre 2020, il a été licencié pour faute simple.

Le 28 avril 2021, M. [P] [U] a saisi la juridiction prud'homale au fond d'une contestation de son licenciement.

Par jugement du 10 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Tarbes a :

- Dit et jugé le licenciement de M. [U] [P] est fondé sur une faute simple,

- Débouté M. [P] [U] de sa demande de dommages intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Débouté M. [P] [U] de sa demande de dommages intérêts au titre du travail dissimulé,

- Débouté M. [P] [U] de l'ensemble de ses demandes,

- Dit ne pas avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, ni pour le demandeur, ni pour le défendeur,

- Condamné, M. [P] [U] aux éventuels dépens.

Le 4 juillet 2022, M. [P] [U] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions responsives et récapitulatives adressées au greffe par voie électronique le 22 mai 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [P] [U] demande à la cour de :

Infirmer le jugement prud'homal en ce qu'il a :

- Jugé le licenciement de M. [U] [P] fondé sur une faute simple,

- Débouté M. [P] [U] de sa demande de dommages intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Débouté M. [P] [U] de sa demande de dommages intérêts au titre du travail dissimulé,

- Débouté M. [P] [U] de l'ensemble de ses demandes,

- Dit ne pas avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné, M. [P] [U] aux éventuels dépens.

Statuant à nouveau, plaise à la Cour

- Juger le licenciement de M. [U] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

- condamner la Sas Dentaurum France à verser à M. [U] 45.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Juger que la Sas Dentaurum France s'est rendue coupable de travail dissimulé,

En conséquence :

- la condamner à verser 30.000 euros de dommages- intérêts à ce titre,

- Condamner la Sas Dentaurum France à :

* 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure prud'homale et 3000 euros sur le même fondement concernant la procédure d'appel,

* Aux entiers dépens.

Dans ses conclusions n°3 adressées au greffe par voie électronique le 29 décembre 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Dentaurum France demande à la cour de :

- Recevoir la concluante en ses présentes écritures,

- Ecarter des débats les pièces adverses n°17, 18, 20, 21, 22, 26, 29 et 30,

- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- Condamner le Salarié au paiement d'une somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande que soient écartées des débats différentes pièces

La société Dentaurum France demande que soient écartées des débats les pièces 17, 18, 20, 21, 22, 26, 29 et 30 produites par M. [U], sans apporter d'explication précise à ce sujet sauf à soutenir que les attestations communiquées par l'appelant sont mensongères, de pure complaisance et contredites par celles qu'elle produit elle-même.

Ces affirmations sont insuffisantes pour écarter des débats des attestations dont le contenu sera discuté lors de l'examen des demandes au fond.

Sur le licenciement

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité et d'exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.

Aux termes de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l'article R.1232-13 du même code, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Suivant l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par ailleurs, suivant l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites. La prise en compte d'un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir s'il s'est poursuivi ou réitéré dans ce délai.

Le délai de deux mois s'apprécie du jour où l'employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié, étant précisé que c'est à l'employeur qu'incombe la charge de la preuve qu'il n'a eu cette connaissance des faits fautifs que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire.

En l'espèce, la lettre de licenciement de M. [U], dont les termes fixent les limites du litige, était rédigée comme suit :

" Monsieur,

Vous avez été recruté par notre société par contrat à durée indéterminée à effet du 27 août 2007, en qualité de VRP.

A plusieurs reprises au cours de ces dernières années, vous avez refusé de vous conformer aux demandes de la direction (s'agissant notamment de la remise de vos rapports d'activité) et rencontré des difficultés relationnelles avec certaines de vos collègues qui se sont plaintes de la manière inappropriée avec laquelle vous leur parliez. Aussi bien M. [L] (notamment lors de votre entretien individuel du 15 janvier 2019 au cours duquel il vous avait demandé de soigner votre communication) que M. [R] (au début de cette année), ont eu l'occasion de vous écrire pour vous alerter sur la nécessité d'être courtois. Pour ma part, je vous ai dit oralement ce que je pensais de la façon dont vous vous étiez adressé à Mme [K] en février 2020.

Mais vous n'avez pas tenu compte de ces remarques et votre comportement, loin de s'améliorer, a empiré récemment, atteignant des limites qui ne sont plus acceptables.

En effet, les 26 et 27 août dernier se tenait notre réunion commerciale annuelle. Compte tenu de la situation sanitaire actuelle, cette réunion devait avoir lieu par visio-conférence sur la plateforme Teams.

Dans cette perspective, j'avais personnellement demandé à toute l'équipe commerciale de préparer une brève intervention pour décrire leur activité. Si l'on peut considérer qu'une seule salariée a préparé une présentation power point aussi détaillée que ce que j'attendais, tous les salariés (sauf vous et M. [Z] [Y]) avaient a minima des chiffres et informations à donner pour évoquer leur secteur. Or, non seulement vous n'avez pas donné d'information détaillée sur votre secteur mais au surplus, lors de cette réunion, vous avez critiqué l'organisation de la société et avez tenu des propos très choquants. Puis, quelques jours plus tard, vous avez passé plusieurs commandes par téléphone sans suivre les règles désormais définies à cet égard et avez critiqué mon intervention lors d'une réunion de formation.

Au vu de ces événements récents, vous avez été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu en visio-conférence le 30 septembre.

Vous étiez assisté d'un membre du CSE, M. [F].

Lors de cet entretien, je vous ai exposé les griefs que nous avions à votre encontre à savoir :

D'une part, votre comportement lors de la réunion commerciale des 26 et 27 août soit notamment :

- Le fait d'avoir refusé de préparer une présentation sur " l'analyse et la stratégie de votre secteur " que je vous avais demandé de faire et de n'avoir même pas cherché à vous en excuser. En effet, vous avez indiqué que vous ne compreniez pas que l'on puisse vous demander de présenter votre stratégie commerciale, que vous étiez un homme de terrain et que vous n'aviez pas à faire " de paperasse ". Vous avez précisé que cela ne vous plaisait déjà pas de devoir remplir un tableau avec des références pour le transmettre à l'administration des ventes. Monsieur [G] [D] (Directeur Marketing/Ventes de Dentaurum) a alors essayé de vous expliquer ce que l'on entendait par " stratégie " en proposant que ce mot soit remplacé par " structure " ou " exemples opérationnels ". Au lieu de rebondir sur cette suggestion et de parler de votre secteur, vous avez répondu que vous ne seriez pas resté 14 ans chez DENTAURUM si vous n'aviez pas eu de stratégie !

- Le fait d'avoir ouvertement critiqué la nouvelle organisation des prises de commandes et le passage de relais à l'heure du déjeuner entre Mesdames [T] et [K]

- Le fait d'être intervenu à plusieurs reprises de manière inopinée avec véhémence lors des interventions de vos collègues sédentaires pour les contredire et les déstabiliser. Vous avez notamment manifesté du mépris à l'égard de la présentation des règles et fonctionnement organisé sous forme de jeu par [N] [V] ce qui était totalement déplacé et inutilement blessant ;

- Le fait que vous ayez demandé à plusieurs reprises avec insistance un passe-droit pour que l'un de vos clients - qui pourtant ne répond pas aux conditions définies par la société pour entrer dans la catégorie des LABEL D - y soit placé ;

- Le fait d'avoir reproché de façon virulente à Monsieur [R] de ne pas avoir amélioré le montant des forfaits d'hôtel que vous considérez comme étant insuffisants ;

- Et le fait pendant la dernière pause, d'avoir eu une conversation avec l'un de vos collègues, Monsieur [Z] [Y], (sans vérifier si les autres participants étaient déconnectés alors que Madame [W] avait clairement demandé de ne pas quitter la réunion et de se contenter de couper les micros et les caméras) au cours de laquelle vous avez tenu des propos agressifs vis-à-vis de la société et de la Direction en faisant part du désintérêt que vous aviez pour votre poste en disant par exemple : " ils nous cassent les couilles (') ils veulent faire du fric sur notre dos (') Hier après-midi j'ai passé mon temps sur un tracteur à faire du black car j'en ai marre de gagner 1800 € par mois (') Est-ce que tu penses qu'ils ont compris que je n'en avais plus rien à foutre ' (') Même si c'est le big boss je n'ai pas peur. ".

D'autre part, votre refus de respecter strictement nos règles internes :

Ainsi, alors qu'il a été demandé pendant la réunion commerciale et par note de service du 31 août 2020 de respecter la nouvelle procédure de passage des commandes et d'adresser vos commandes uniquement par mail, à l'exclusion des commandes urgentes qui peuvent être passées par téléphone entre 10 H 30 et 12 H 45, vous avez continué depuis début septembre à passer des commandes par téléphone et lorsque Madame [K] vous a demandé le 10 septembre de passer vos commandes par mail vous lui avez répondu : " Je peux quand même te passer une commande par téléphone car je suis dans les horaires et en plus mon ordinateur est éteint ".

Enfin, il m'a été rapporté que lors de la formation du 11 septembre vous êtes intervenu en disant " il n'est pas net celui-là " alors que je vous demandais de cesser une polémique ; ce qui est pour le moins irrespectueux.

Après vous avoir exposé chacun de ces griefs, je vous ai donné la parole pour recueillir vos explications.

Vous vous êtes contenté soit de nier les faits (alors qu'il y a pourtant des témoins de vos débordements), soit d'apporter des explications qui manquent de pertinence et démontrent, au contraire, votre refus d'admettre toute remise en cause de votre comportement.

Au vu des griefs ci-dessus rappelés qui caractérisent (i) la récurrence d'un comportement déplacé de votre part en dépit d'alertes successives, (ii) une opposition aux décisions de la direction générale que vous refusez d'appliquer avec la rigueur nécessaire et (iii), plus généralement, une attitude critique et négative qui porte atteinte au fonctionnement fluide de l'entreprise, nous avons décidé de vous licencier pour faute simple. "

Ainsi, deux séries de faits dont la première remonte aux 26 et 27 août 2020, soit trois semaines avant l'engagement de la procédure de licenciement, sont invoquées par la société Dentauraum France pour justifier le licenciement de M. [U] en raison de son comportement déplacé, de son opposition au décisions de son employeur et plus généralement son attitude critique et négative portant atteinte au fonctionnement de l'entreprise.

Sur le comportement de M. [U] les 26 et 27 août 2020

La société Dentaurum France produit des attestations et des mails de salariés ayant assisté à cette réunion se tenant en visioconférence sur deux jours.

Mme [B] [K], gestionnaire administration des ventes, qualité et affaires réglementaires, témoigne ainsi avoir " été choquée de l'attitude de M. [U] lors de [cette] réunion commerciale ". Elle précise : " M. [U] a remis en question tout ce que disait la direction, a eu une attitude agressive envers ses collègues sédentaires et lors de son intervention, il a refusé de faire la présentation de son secteur car je cite " ce n'est pas son travail c'était celui du marketing ". Puis lors de la pause, il a eu une conversation avec M. [Y]. Il a eu des propos agressifs vis-à-vis de la direction : il a dit " ils nous cassent les couilles ", " est-ce qu'ils ont compris que je n'en avais plus rien à foutre ", " même si c'est le big boss, je n'ai pas peur ".

Mme [S] [W], responsable marketing et communication, atteste que, lors de cette réunion de fin août 2020, " [P] [U] n'avait rien préparé et il ne s'en est pas caché et a indiqué que ce n' "était pas son travail de faire une présentation sur l'analyse et la stratégie de son secteur et que c'était le travail du marketing. Lors de la pause - sans couper leur micro et leur caméra - [P] [U] et [Z] [Y] ont continué de discuter. [P] [U] a tenu des propos virulents à l'égard de la direction, l'organisation et la politique de l'entreprise. [P] [U] a par ailleurs demandé à [Z] [Y] si son attitude montrait bien qu'il en avait assez : " est-ce que tu crois qu'ils ont bien vu que je n'en avais plus rien à foutre ".

Mme [O] [E], manager ventes internationales, indique que, lors de cette réunion, " [P] [U] avait une attitude surtout négative et pas du tout respectueuse ('). Il a fait des commentaires pas appropriés et dans la pause (avant la pause, Mme [W] avait dit qu'on peut arrêter la caméra et le son), M. [U] a parlé avec M. [Y] et il a dit : " tu penses qu'ils ont compris que je n'ai plus rien à foutre ", " même s'il est le big boss, je n'ai pas peur " (parlant de M. [D]), " Hier après-midi j'ai passé mon temps sur un tracteur à faire du black car j'en ai marre de gagner 1800 € par mois ", " ils nous cassent les couilles ", " s'ils me refont un courrier de menace comme j'ai déjà reçu, je les fous aux prud'hommes ".

Mme [N] [V], responsable administrative et des ressources humaines, témoigne qu'il " est clair que lors de la réunion commerciale de Dentaurum France des 26 et 27 août 2021 (erreur d'année), il ([P] [U]) a été particulièrement incorrect :

Il n'avait pas préparé de présentation de stratégie commerciale sur son secteur alors que cela lui avait été demandé comme au reste de l'équipe. (') M. [U] a clairement dit que ce n'était pas son rôle mais celui du marketing.

Il a remis en question l'organisation de Dentaurum en critiquant le passage de relais entre Mme [K] et Mme [T] à l'heure du déjeuner, le fait que le forfait de remboursement hôtelier nait pas encore été réévalué (')

Il était en roue libre

Il n'en avait rien à faire

Et pendant la pause de la matinée du 27 août, alors qu'ils n'avaient pas coupé leur micro et caméra comme convenu, tous ceux qui comme moi étaient à leur poste de travail ont été témoins d'un échange entre M. [U] et M. [Y]. M. [U] a dit clairement qu'il n'en avait plus rien à faire de Dentaurum. Il a dit des grossièretés " ils nous cassent les couilles ". M. [R] (directeur administratif et financier) a entendu cette déclaration et même s'il ne parle pas parfaitement le français, il le comprend très bien. Il m'a appelée parce qu'il avait peur de ne pas avoir parfaitement compris ce que cela voulait dire. Je lui ai confirmé qu'il avait très bien compris la teneur des propos de M. [U].

[P] [U] ne peut pas sérieusement soutenir qu'il ne savait pas, en prononçant de tels propos, qu'il risquait une grosse sanction. J'ai eu le sentiment qu'il souhaitait provoquer la direction. "

Mme [N] [J], également VRP au sein de la société Dentaurum France, confirme les propos tenus.

La concordance des témoignages permet de retenir la virulence des propos inappropriés qu'il a tenus à l'encontre de son employeur que ce soit au cours de la réunion elle-même ou pendant la pause, lors d'un échange avec M. [Y], l'un de ses collègues, alors que leurs micros n'étaient pas coupés.

Les pièces produites par M. [U], à savoir plusieurs attestations de M. [Y] et le témoignage imprécis de M. [H], sont insuffisantes pour contredire les attestations versées par l'intimée.

Ses explications quant au fait qu'il aurait été espionné par M. [A] au cours de cette pause, alors que la plupart des salariés ont assisté à cet échange par l'intermédiaire du système de visioconférence utilisé dans le cadre de cette réunion, ne sont pas plus probantes.

La société Dentaurum France verse également aux débats le mail de Mme [W] en date du 15 juin 2020 adressé notamment à M. [U], qui indique que la réunion commerciale initialement fixée en juin est reportée aux 26 et 27 août 2020 et rappelle que [I] [A], directeur des ventes, a sollicité une présentation individuelle de la part des commerciaux. [P] [U] produit ce mail de M. [A] en date du 16 mars 2020 qui décrit la présentation qu'il sollicite.

De fait, M. [U] n'a pas fait la présentation exigée, certes comme plusieurs de ses collègues.

Mais ce seul fait n'est pas le seul qui a été retenu pour caractériser les griefs retenus à son encontre.

La société Dentaurum démontre par ailleurs que la demande de M. [U] de maintenir l'un de ses clients classé en label D était injustifiée en raison de l'insuffisance du poids de fourniture commandé par ce dernier au cours de la période de référence, soit du 1er juin 2019 au 30 juin 2020. La commande effectuée fin août 2020, soit postérieurement à cette période, ne pouvait être prise en compte pour évaluer la capacité de ce client d'être maintenu dans le label D.

Les faits décrits dans la première série d'événements sont ainsi majoritairement justifiés par l'employeur.

Sur le refus de respecter les règles internes

La société Dentaurum produit le mail de [I] [A] en date du 31 août 2020 rappelant aux VRP, dont M. [U], les nouvelles règles pour les commandes : " passage des commandes uniquement par mail ", avec la possibilité de passer par téléphone, entre 10h45 et 12h puis entre 13h30 et 14h, quelques commandes urgentes.

[B] [K], en charge du traitement de ces commandes, atteste de ce que M. [U] l'a appelée en septembre 2020 pour passer une commande par téléphone au motif que son ordinateur était éteint, et non en raison de l'urgence de celle-ci.

Quant à l'attitude du 11 septembre 2020, elle est corroborée par l'attestation de Mme [W] qui indique, à cette occasion, avoir " entendu [P] [U] dire " il n'est pas net celui-là " à l'encontre de [I] [A] qui tentait de juguler une polémique initiée par [P] [U] lui-même ".

[P] [U] verse l'attestation de M. [H] qui indique que " lors de la réunion de formation SAP du 11 septembre 2020 M. [P] [U] est resté courtois, égal aux rapports humains qu'on lui connaît depuis 13 ans ".

Ce témoignage est assez vague. De plus, s'il doit être mis en corrélation avec les attitudes passées de M. [U], il ne lui est pas favorable, M. [U] ayant fait l'objet, par le passé, de remarques sur le comportement ou les propos déplacés qu'il avait pu tenir envers des collègues.

La multiplicité des attitudes négatives de M. [U] envers la direction et ses collègues, corroborée par les témoignages convergents de plusieurs salariés, leur confère un caractère de gravité certain justifiant qu'il soit mis fin au contrat de travail, pour faute simple.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté M. [U] de ses demandes relatives à son licenciement.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ces points.

Sur le travail dissimulé

Sur le visa de l'article L.8221-5 du code du travail relatif au travail dissimulé par dissimulation de salariés, M. [U] demande la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts faisant valoir que le fait de bénéficier de l'APLD (activité partielle de longue durée) pour chômage partiel total et continuer à faire travailler ses salariés constitue un délit de travail dissimulé.

Selon les dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

La dissimulation d'emploi salarié prévu par l'article L.8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur s'est, de manière intentionnelle, soustrait à l'une des obligations rappelées ci-dessus.

En l'espèce, M. [U] soutient finalement avoir continué de travailler durant la période de chômage partiel mise en place dans le cadre du confinement de mars 2020.

Sans plus expliquer la nature et la quantité des activités fournies, il réclame 30 000 euros de dommages et intérêts.

La société Dentaurum démontre, pour sa part, dans quelles conditions elle a mis en place l'activité partielle en fonction des missions confiées à ses salariés. Il résulte ainsi des pièces produites, et notamment un courrier de M. [R] en date du 31 mars 2020, que les commerciaux, et donc les VRP, étaient en chômage partiel total.

De nombreux salariés attestent de cette situation.

De son côté [P] [U] ne verse aucun élément contredisant cette situation.

Dans ces conditions, il sera débouté de sa demande d'indemnité et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

En cause d'appel il convient de condamner [P] [U], qui succombe, aux dépens ainsi qu'au versement d'une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la demande de la société Dentaurum France que soient écartées des débats les pièces 17, 18, 20, 21, 22, 26, 29 et 30 communiquées par M. [P] [U] ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes en date du 10 juin 2022 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE M. [P] [U] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE M. [P] [U] à payer à la société Dentaurum France la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01870
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.01870 ?
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