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25/04/2024 | FRANCE | N°22/01658

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 25 avril 2024, 22/01658


TP/SB



Numéro 24/1425





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 25/04/2024







Dossier : N° RG 22/01658 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IHTC





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail









Affaire :



S.A.S. PAYS BASQUE DISTRIBUTION



C/



[A] [W]









Grosse délivrée le

à :


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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa ...

TP/SB

Numéro 24/1425

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 25/04/2024

Dossier : N° RG 22/01658 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IHTC

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A.S. PAYS BASQUE DISTRIBUTION

C/

[A] [W]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Février 2024, devant :

Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame PACTEAU, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU,Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. PAYS BASQUE DISTRIBUTION représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU, et Maître HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIME :

Monsieur [A] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Maître GUILLOT de la SCP MENDIBOURE-CAZALET-GUILLOT, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 03 JUIN 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE

RG numéro : F20/00359

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [A] [W] a été embauché, à compter du 1er août 2015, par la SAS Pays Basque Distribution Centre E. Leclerc, en qualité de manager du Centre Auto, statut cadre, niveau 7, selon contrat à durée indéterminée régi par la convention collective du commerce à prédominance alimentaire.

Le 27 août 2020, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable, fixé le 8 septembre 2020, assorti d'une mise à pied conservatoire.

Le 15 septembre 2020, il a été licencié pour faute grave.

Le 5 octobre 2020, M. [A] [W] a saisi la juridiction prud'homale au fond.

Par jugement du 3 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Bayonne a :

- jugé que le licenciement de Mr [W] [A] par la Sas Pays Basque Distribution est sans cause réelle et sérieuse

- condamné la société Pays Basque Distribution à verser à Mr [W] [A] :

10 000 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

10 284 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

1 028.40 euros bruts à titre de congés payés sur préavis

1 599.95 euros (soit 290.90 euros et 1 309.05 euros) bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

160 euros bruts de congés payés sur rappel de salaire

4 285.61 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement

- condamné la société Pays Basque Distribution à verser à Mr [W] [A] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- N'a pas donné droit à la demande d'exécution provisoire totale sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- dit que les intérêts légaux sont dus pour l'ensemble des sommes allouées à compter du prononcé de la décision à venir, et ordonne la capitalisation des intérêts,

- condamné la société Sas Pays Basque Distribution aux entiers dépens de l'instance, ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire.

Le 14 juin 2022, la Sas Pays Basque Distribution a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 28 février 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Pays Basque Distribution demande à la cour de :

$gt;$gt; Sur l'appel de la Sas Pays Basque Distribution

- Juger recevable et bien fondé l'appel de la Sas Pays Basque Distribution.

- Réformer / Infirmer les chefs du jugement prononcé par le Conseil de prud'hommes de Bayonne le 3 juin 2022 en ce qu'ils ont :

1)Jugé que le licenciement de M. [W] par la Sas Pays Basque Distribution est sans cause réelle et sérieuse

2)Condamné la Sas Pays Basque Distribution à verser à M. [W] :

0 10.000 euros nets au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

0 10.284 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

0 l 028,40 euros bruts à titre des congés payés sur préavis.

0 l.599,95 euros (soit 290,90 euros et 1.309,05 euros) bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire.

0 l60 euros bruts de congés payés sur rappel de salaire.

0 4.285,61 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement.

3)Condamné la Sas Pays Basque Distribution à verser à M. [W] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

4)Dit que les intérêts sont dus pour l'ensemble des sommes allouées à compter du prononcé de la décision à venir, et ordonne la capitalisation des intérêts.

5)Condamné la Sas Pays Basque Distribution aux entiers dépens de l'instance, ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire.

Et statuant à nouveau

$gt; A titre principal

- Juger que M. [W] se doit d'évaluer chaque poste de sa demande soumise à précompte ou à prélèvement en brut, soit d'expliciter de manière détaillée son calcul en net, mais dans ce cas en mentionnant les taux et plafonds en vigueur afférents à ces cotisations et prélèvements lors des périodes de travail donnant lieu aux rappels sollicités.

- Juger qu'en cas de refus de l'intéressé de chiffrer précisément ses demandes, de déclarer son action irrecevable et au surplus mal fondée.

- Juger M. [W] mal fondé en ses demandes et l'en débouter.

- Juger que le licenciement de M. [W] repose sur une faute grave.

Par conséquent :

- Juger mal fondée la demande de M. [W] en paiement de la somme de 20.400 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'en débouter.

- Juger mal fondée la demande de M. [W] en paiement de la somme de 4.285,61 euros au titre de l'indemnité de licenciement et l'en débouter.

- Juger mal fondée la demande de M. [W] en paiement de la somme de 10.284 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre la somme de 1028 euros au titre des congés payés afférents et l'en débouter.

- Juger mal fondée la demande de M. [W] en de rappel de salaire d'un montant de l.599,95 E (290,90 + 1.309,05) au titre de la mise à pied conservatoire et de paiement de l'indemnité de congés payés de 10% y afférente et l'en débouter.

- Condamner M. [W] à rembourser les sommes perçues au titre des dispositions exécutoires du jugement du 3 juin 2022, lesquelles seront assorties des intérêts au taux à compter des conclusions n°1 communiquées par la Sas Pays Basque Distribution dans la présente instance.

- Juger que conformément à l'article l343-2 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts sur l'ensemble de ces sommes payées en exécution des dispositions exécutoires du jugement du 3 juin 2022 et de condamner M. [W] à les payer à Sas Pays Basque Distribution.

$gt;A titre subsidiaire

- Juger que le licenciement de M. [W] repose sur une cause réelle et sérieuse.

- Juger mal fondée la demande de M. [W] en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Débouter M. [W] de sa demande tendant au paiement de la somme de 20.400 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'en débouter.

$gt; A titre infiniment subsidiaire

- Juger que M. [W] n'apporte pas la preuve de son préjudice.

- Par conséquent, faire application du plancher de l'article L.1235-3 CT et juger que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pourront excéder 3 mois de salaire.

$gt;$gt; Sur l'appel incident de M. [W]

- Juger M. [W] mai fondé en ses demandes et en son appel incident et l'en débouter.

- Juger mal fondées les demandes de M. [W] ayant pour objet de voir confirmer les chefs du jugement qui ont condamné la Sas Pays Basque Distribution à lui verser :

*10.284 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

* l.028,40 euros bruts à titre des congés payés sur préavis.

* 1.599,95 euros (soit 290,90 euros et 1.309,05 E) bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire.

* 160 euros bruts de congés payés sur rappel de salaire.

* 4.285,61 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement.

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Juger mal fondé l'appel incident de M. [W] du chef du jugement ayant condamné la Sas Pays Basque Distribution à Iui verser 10.000 E nets au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le débouter de ses demandes.

- Juger mal fondé l'appel incident de M. [W] ayant pour objet que la Sas Pays Basque Distribution soit condamnée à lui verser 20.400 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le débouter de ses demandes.

$gt;$gt; En tout état de cause

- Juger mal fondée la demande de M. [W] de voir condamnée la Sas Pays Basque Distribution à lui payer une indemnité sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, que ce soit en sa demande de voir confirmer le jugement entrepris de ce chef que de lui voir allouer une de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile au titre de l'instance d'appel, aux dépens et aux frais d'exécution et le débouter.

- Juger mal fondée la demande de M. [W] au titre des intérêts et de la capitalisation des demandes et le débouter.

- Condamner M. [W] à verser à la Sas Pays Basque Distribution la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 5 décembre 2022 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [A] [W], formant appel incident, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

o Jugé le licenciement de M. [W] [A] sans cause réelle et sérieuse,

o Condamné la société Pays Basque Distribution à verser à M. [W] [A] les sommes de :

10.284 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 10% de congés payés sur cette somme,

290,90 + 1.309,05 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 10% de congés payés sur cette somme,

4.285,61 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

o Condamné la société Pays Basque Distribution à verser 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

o Condamné la société Pays Basque Distribution à verser à M. [W] [A] la somme de 10.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Statuant à nouveau, uniquement sur ce point :

o Condamner la société Pays Basque Distribution à verser à M. [W] [A] la somme de 20.400, soit le plafond du barème fixé à l'article L.1235-3 du Code du travail, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Y ajoutant :

o Condamner la société Pays Basque Distribution à verser à M. [A] [W] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

o Condamner la société Pays Basque Distribution aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient au préalable de rappeler que, en vertu du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'état, à la lecture des dispositifs des écritures des parties, la cour n'est nullement saisie d'une demande d'écarter telle ou telle pièce communiquée.

Sur la recevabilité des demandes de M. [W]

Aux termes du dispositif de ses écritures, la société Pays Basque Distribution demande à la cour de " juger que M. [W] se doit d'évaluer chaque poste de sa demande soumise à précompte ou à prélèvement en brut, [ou] d'expliciter de manière détaillée son calcul en net, mais dans ce cas en mentionnant les taux et plafonds en vigueur afférents à ces cotisations et prélèvements lors des périodes de travail donnant lieu aux rappels sollicités " et " en cas de refus de l'intéressé de chiffrer précisément ses demandes, (') déclarer son action irrecevable et au surplus mal fondée ".

En l'espèce, si aucune précision n'est apportée par M. [W] sur le calcul des sommes qu'il réclame en sollicitant la confirmation du jugement déféré, il importe de rappeler que le code du travail explicite la base de calcul de chacun des sommes allouées et que, suivant leur nature, celles-ci sont par principe accordées en " brut " à l'exception des sommes ayant la nature de dommages et intérêts qui sont allouées en " net ".

En tout état de cause, la société Pays Basque Distribution n'explique pas en quoi l'absence de précision de M. [W] sur le calcul opéré entacherait ses demandes d'irrecevabilité.

Cette demande de l'appelante sera donc rejetée.

Sur le licenciement

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité et d'exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.

Aux termes de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l'article R.1232-13 du même code, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Suivant l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, la lettre de licenciement de M. [W], dont les termes fixent les limites du litige, était rédigée comme suit :

" (') nous vous avons énuméré les faits qui nous ont conduits à engager la présente procédure à votre encontre.

Entre le 27 juillet et le 19 août 2020, [T] [F], réceptionnaire et accessoirement mécanicienne, [O] [V], chef atelier et vous-même êtes intervenus sur votre véhicule personnel et ce pour un total de 24 heures et 17 mn. Nous pensons, de plus, que ce nombre d'heures ne constitue, sans doute pas, la totalité des temps d'intervention sur votre véhicule. En effet, entre le 12 août et le 18 août nous avons constaté que les caméras de vidéo - protection avaient été débranchées manuellement et donc volontairement au niveau du serveur dédié se trouvant sur votre bureau.

Après vérifications, il est apparu, qu'avant l'entrée de votre véhicule dans l'atelier, le 27 juillet 2020, aucun ordre de réparation se référant à celui-ci n'a été établi.

Ceci est totalement contraire aux procédures existantes en vigueur qui consistent à exiger que toute entrée d'un véhicule doit faire préalablement l'objet de la rédaction d'un ordre de réparation, ce qu'en votre qualité de responsable du centre auto, vous ne pouvez pas ignorer.

Le seul ordre de réparation que nous avons réussi à trouver, en tout et pour tout, sur notre base de données, est daté du 13 août 2020, à 9h28, et donc établi a posteriori soit 18 jours après l'entrée de votre véhicule dans l'atelier.

Nous constatons que celui-ci mentionne le démontage et la pose d'un soufflet de transmission, et ce pour une durée de 3 heures de main d''uvre.

La facture qui est associée à cet ordre et qui a été établie le 13 août à 9h36 porte sur un montant total de 200,32 euros. Elle mentionne bien ce qui est indiqué sur l'ordre de réparation.

Nous constatons donc que les 3 heures de main d''uvre ainsi comptabilisées sont très inférieures aux 24 heures et 17 minutes de travail qui ont été rendues nécessaires pour accomplir les différentes interventions que vous aviez demandées sur votre véhicule.

La facture ne mentionne aucune autre intervention que le démontage et la pose d'un soufflet de transmission, ce qui est loin d'être la réalité.

Ainsi, nous avons été amenés à constater avec consternation qu'aucune des autres interventions qui ont eu lieu sur votre véhicule pendant 21 heures et 17 minutes n'ont été ni programmées, ni mentionnées sur le planning de prises de rendez-vous, ni associées à un quelconque ordre de réparation.

De plus, nous n'avons, sur notre base de données, aucune trace d'autres pièces qui ont pu être utilisées ou montées sur votre véhicule pendant toute la période hormis le soufflet de transmission indiqué sur l'ordre de réparation.

Vous n'êtes pas sans savoir que concernant ce dernier point, aucune pièce ne peut être montée sur un véhicule, au centre auto, sans qu'elle ne soit tracée comptablement.

Concernant les 2' heures et 17 minutes a minima de main d''uvre consacrées aux réparations de votre véhicule, il est évident que vous avez délibérément volé l'entreprise en ne payant que 3 heures de main d''uvre. Vous avez, en réalité, payé un montant de 172 euros au titre de la main d''uvre alors que vous auriez dû payer 1392 euros pour la totalité du travail consacré sur votre véhicule.

Votre comportement est totalement inadmissible. Vous avez, en toute connaissance de cause, exécuté de façon déloyale votre contrat de travail en votre qualité de responsable du centre auto et cela au vu et au su de vos subordonnés. De la sorte, vous n'avez démontré aucune exemplarité dans ce domaine.

Vous leur avez demandé d'intervenir sur votre véhicule pendant leur temps de travail et cela sans que ces interventions n'apparaissent ni sur le planning, ni soient accompagnées d'un ordre de réparation.

Vous avez donc commis ainsi un vol caractérisé en ne vous facturant pas la totalité des heures passées sur votre véhicule ni la totalité des pièces utilisées.

Outre une exécution déloyale et de mauvaise foi de votre contrat de travail, nous sommes contraints de constater que vous avez initié une série de pratiques, dont vous avez, pour une très large part bénéficié, et ce au détriment de notre entreprise qui en a supporté le coût.

En parallèle de tous ces faits, pendant toute la période où vous faisiez intervenir [T] [F] et [O] [V] sur votre véhicule vous avez fait exécuter à vos autres salariés plus de 50 heures supplémentaires visant à intervenir sur le flux normal de l'atelier.

Cela traduit encore votre manque total d'honnêteté et constitue une double peine pour l'entreprise qui se voit contrainte de payer des majorations d'heures supplémentaires et qui s'en fait voler par ailleurs.

Pour finir, nous vous reprochons également d'être intervenu, vous-même, sur votre propre véhicule alors que vous savez pertinemment que cela n'est pas autorisé ainsi que d'avoir laissé un des mécaniciens, M. [L] [M], faire des réparations sur son propre véhicule le 11 août 2020.

Ce comportement général inadmissible témoigne d'un manque évident de respect de votre fonction, d'application des procédures que vous connaissez parfaitement et surtout d'une volonté délibérée de votre part de tirer profit de l'entreprise en la volant et en utilisant le personnel sous votre responsabilité à des fins personnelles.

Votre malhonnêteté évidente, votre attitude manifestement déloyale, votre manque total de professionnalisme et d'implication portent préjudice au bon fonctionnement de l'entreprise et nous ne pouvons tolérer de tels agissements.

Lors de l'entretien, vous avez nié en bloc les faits et paradoxalement leur gravité.

Nous considérons que l'ensemble de ceux-ci constitue une faute rendant impossible votre maintien dans l'entreprise.

Aussi, nous sommes contraintes de vous licencier pour faute grave ('). "

Pour juger le licenciement de M. [W] sans cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes de Bayonne a motivé comme suit :

- " que l'intervention sur véhicule propre n'est interdite sur aucun document (contrat de travail, délégation de pouvoir') au moment des faits ;

- Qu'aucun élément probant ne met en relation le dysfonctionnement des caméras de surveillance et l'intention délibérée de nuire à la société ;

- Que la partie défenderesse, à qui incombe la preuve de la gravité de la faute, n'apporte pas suffisamment d'éléments pour justifier l'impossibilité de poursuivre la relation contractuelle ".

La lecture de la lettre de licenciement montre que le grief principal reproché à M. [W] est d'avoir fait procéder, par ses subordonnés, à des travaux sur son véhicule personnel sur son lieu de travail et pendant le temps du travail sans les avoir intégralement payés.

La société Pays Basque Distribution ne produit aucun élément, par exemple le règlement intérieur, démontrant que les employés avaient formellement interdiction de procéder eux-mêmes à des interventions sur leur véhicule personnel, de sorte qu'il ne peut être reproché à M. [W] d'avoir laissé M. [M] intervenir sur son véhicule personnel le 11 août 2020.

En revanche, il va sans dire que, à l'instar de tous les autres clients, les salariés de la société doivent payer intégralement les travaux effectués sur leur véhicule personnel, que ce soit les pièces fournies par le garage ou la main d''uvre apportée par les employés.

Or, il résulte des éléments du dossier, et en particulier des attestations d'[K] [P], responsable sécurité, et de [B] [X] [Z], responsable adjoint sécurité, qui ont visionné les images de la vidéosurveillance, que le véhicule Audi A4 immatriculée [Immatriculation 5] de M. [W] est entré à l'atelier le 27 juillet 2020 et les jours qui ont suivi pour y subir des interventions plus ou moins longues de Mme [T] [F] et M. [O] [V], ainsi que de M. [W] lui-même.

Ces éléments sont corroborés par le constat d'huissier des 8, 9 et 12 janvier 2022 qui décrit les extraits vidéos de ces journées.

Est également produit aux débats un ordre de réparation daté du 13 août 2020, mentionnant une heure d'arrivée du véhicule à 9h28, relatif au véhicule personnel de M. [W], une Audi A4 immatriculée [Immatriculation 5]

Il y est fait état d'une heure de main d''uvre, d'un soufflet de transmission et de la pose dudit soufflet pour un coût total de 200,32 euros TTC, avec les commentaires atelier suivants : " démontage et remontage en vue du nettoyage du fap (filtre à particules) - pare-brise cassé par mécanicien ".

La facture établie corrélativement porte les mêmes mentions de travaux et matériels ainsi que les mêmes commentaires. Elle est également datée du 13 août 2020. Le ticket de caisse joint mentionne ce même prix de 200,32 euros TTC et porte la date du 13 août 2020 à 9h36.

Aucun autre ordre de réparation ni facture n'est versé aux débats, ce qui est conforme à l'historique des devis, réservations, ventes et ordres de réparation entre le 27 juillet 2020 et le 14 août 2020 qui fait apparaître les travaux facturés à [L] [M] le 11 août 2020 et ceux facturés à [A] [W] le 13 août 2020.

Or, l'analyse des attestations précitées et du constat d'huissier susvisé montre que des interventions ont eu lieu sur le véhicule de M. [W] depuis le 27 juillet 2020 et pendant bien plus que les deux seules heures de main d''uvre facturées.

De plus, les attestations versées aux débats montrent que les travaux réalisés sur le véhicule, s'ils n'ont pas concerné des pièces fournies par le garage mais des éléments commandés et payés personnellement par M. [W], ont été cependant plus importants que la seule pose du soufflet de transmission, objet de la facturation du 13 août 2020.

Ainsi, dans son attestation rédigée le 23 septembre 2020, [T] [F], réceptionnaire mécanicienne, indique : " fin juillet et début août 2020, M. [W] [A] m'a demandé de regarder sa voiture car elle démarrait et calait au bout de 5 secondes. J'ai donc diagnostiqué que le problème venait du filtre à particules. Il m'a demandé de le déposer et de le remonter. Après remontage j'ai diagnostiqué un autre problème lié au capteur du filtre à particules. Il a donc commandé la pièce et je l'ai donc remontée et procédé aux essais. En démontant un tuyau qui gênait l'accès au filtre à particules, un fil a été arraché. J'ai dû appeler l'assistance Bosch pour avoir des infos sur le circuit électrique de ce faisceau. Après plusieurs contrôles avec l'assistance Bosch, cela est rentré en ordre. Nous avons aussi diagnostiqué le soufflet de cardan AVG, je l'ai donc changé.

Je ne peux pas vous affirmer combien de temps j'ai passé sur cette voiture car je commençais une voiture puis une autre, j'allais à la réception puis je revenais sur cette voiture. Je suis dans l'incapacité de donner le temps, je n'ai changé aucune autre pièce. J'ai fait le travail que l'on m'a demandé.

De plus, il y a eu un code défaut au calculateur remontant un défaut de débitmètre. [A] [W] l'a changé. "

Si Mme [F] a ensuite, après sa démission, attesté en faveur de M. [W] et indiqué qu'elle avait demandé à la société de ne pas utiliser son témoignage, elle a également précisé qu'elle avait réfléchi avant d'établir cette attestation en faveur de son employeur et la lui avait remise au bout de quatre jours, ce qui montre, ainsi que le révèlent également les termes employés, qu'elle a exprimé avec mesure les faits dont elle avait été témoin.

Dans son attestation rédigée le 30 septembre 2020, [O] [V], chef d'atelier, dit : " je vous confirme bien avoir signé un ordre de réparation pour la dépose et pose de filtre à particules (') pièce fournie personnellement par M. [W] qu'il me dit avoir commandée sur un site internet.

Je ne me souviens pas de la date de signature.

Par la suite j'ai passé environ 2 heures pour réparer le filetage d'une sonde sur le filtre à particules, endommagé lors du montage à l'atelier.

Ensuite je ne me suis pas plus engagé sur ce véhicule mais 2 autres pièces, capteur de pression (posé à l'atelier) et un débitmètre (posé par M. [W] sur le parking) ont été commandées par M. [W] chez nos fournisseurs. Il n'y a pas eu d'ordre de réparation pour ces 2 pièces. J'ai été étonné du temps passé pour ce véhicule, environ 1 mois dans nos locaux (atelier et parking) mais M. [W] étant mon responsable hiérarchique, je n'avais pas à contester les interventions faites sur son véhicule.

Ces éléments sont corroborés par le témoignage de [R] [S] produit par M. [W], qui indique que, à la fin des travaux, il avait ajouté le soufflet de cardan et la main d''uvre adéquate.

Ces travaux n'étaient pas inscrits sur le planning, pas plus le 27 juillet 2020, date à laquelle le véhicule est entré à l'atelier la première fois, que les jours suivants et notamment le 4 août 2020, ainsi que cela résulte du planning édité le 7 septembre 2020 par l'appelante. M. [W] verse le planning de ce 4 août mentionnant la présence de son véhicule pour une intervention confiée à [T] [F]. Ce planning comporte la date du 30 septembre 2020. La présence de cette intervention qui n'apparaît pas sur la pièce produite par l'employeur et éditée 3 semaines auparavant questionne.

Au demeurant, les pièces produites par la société Pays Basque Distribution sont suffisantes pour établir la succession des interventions effectuées sur le véhicule personnel de M. [W] et dont la main d'oeuvre n'a pas été justement facturée et payée par ce dernier.

Parallèlement à ces interventions, que les salariés disent avoir effectuées après le temps passé au profit des clients, la société démontre que des heures supplémentaires ont été réalisées par certains agents, dont [L] [M] et [T] [F], ce qui laisse entendre que le temps de travail passé au profit de M. [W] par cette dernière et pour son propre compte pour le premier a de plus donné lieu à une rémunération supplémentaire par leur employeur.

En faisant faire des travaux sur son véhicule personnel par les employés du centre Auto, sur leur temps de travail, et en ne payant pas le coût réel du temps passé par ses subordonnés pour les réaliser, M. [W] a ainsi détourné le travail de certains salariés à son profit, au préjudice de la société Pays Basque Distribution.

Le grief principal est donc établi.

Compte tenu du poste occupé par M. [W] au sein du centre Auto dont il était le manager, des responsabilités dont il avait la charge et de l'exemplarité qu'il devait montrer à ses subordonnées, cette faute était d'une gravité telle qu'elle empêchait le maintien du salarié dans l'entreprise, y compris pendant la durée du préavis, de sorte que son licenciement pour faute grave est fondé.

[A] [W] doit dès lors être débouté de l'intégralité de ses demandes.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de condamner M. [W] à restituer à la société Pays Basque Distribution les sommes que celle-ci lui a versées au titre de l'exécution provisoire du jugement du 3 juin 2022.

Toutefois, il est constant que la restitution des fonds, en cas de réformation, n'emporte obligation de payer les intérêts qu'à dater du jour de la notification de la décision de réformation.

Les sommes dues par M. [W] porteront donc intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt.

Il n'y a pas lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts.

[A] [W], qui succombe à l'instance, devra en supporter les entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes.

Il sera en outre condamné à payer à la société Pays Basque Distribution une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dont le montant sera équitablement fixé à 800 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DEBOUTE la société Pays Basque Distribution de sa demande de " juger que M. [W] se doit d'évaluer chaque poste de sa demande soumise à précompte ou à prélèvement en brut, [ou] d'expliciter de manière détaillée son calcul en net, mais dans ce cas en mentionnant les taux et plafonds en vigueur afférents à ces cotisations et prélèvements lors des périodes de travail donnant lieu aux rappels sollicités " et " en cas de refus de l'intéressé de chiffrer précisément ses demandes, (') déclarer son action irrecevable et au surplus mal fondée " ;

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne en date du 3 juin 2022 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

DIT que le licenciement pour faute grave de M. [A] [W] est fondé ;

DEBOUTE M. [A] [W] de toutes ses demandes ;

ORDONNE à M. [A] [W] de restituer à la société Pays Basque Distribution les sommes obtenues dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne en date du 3 juin 2022 ;

DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE M. [A] [W] aux entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes ;

CONDAMNE M. [A] [W] à payer à la société Pays Basque Distribution la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01658
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;22.01658 ?
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