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18/04/2024 | FRANCE | N°22/01944

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 18 avril 2024, 22/01944


TP/EL



Numéro 24/01415





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 18/04/2024









Dossier : N° RG 22/01944 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIOC





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



S.A.R.L. ELEC 64



C/



[N] [C]















Gros

se délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'art...

TP/EL

Numéro 24/01415

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 18/04/2024

Dossier : N° RG 22/01944 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIOC

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A.R.L. ELEC 64

C/

[N] [C]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 07 Février 2024, devant :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Mme PACTEAU, Conseiller

assistéees de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. ELEC 64 représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU

et Me DE MARNIX de la SELARL DE MARNIX AVOCAT, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

INTIME :

Monsieur [N] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant, assisté de Me BRASSEUR de la SELEURL CABINET BRASSEUR, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 30 DECEMBRE 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE

RG numéro : F 20/00287

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [N] [C] a été embauché, à compter du 1er septembre 2017, par la Sarl Elec 64, selon contrat à durée indéterminée, en qualité de responsable bureau d'étude/ dessinateur/projeteur.

Le salarié relève que l'entreprise dispose de 11 à 19 salariés.

Le 21 septembre 2018, il a été placé en arrêt de travail, prolongé à plusieurs reprises, jusqu'au 31 mai 2019.

Le 11 mars 2019, M. [C] a, par l'intermédiaire de son conseil, fait part à son employeur d'une dégradation de ses conditions de travail sous la hiérarchie de M. [Y].

Le 22 mars 2019, la société a répondu à ce courrier en indiquant en conclusions qu'il fallait attendre la reprise pour le convoquer auprès de la médecine du travail.

Par courrier en date du 29 mai 2019, M. [C] a pris acte de la rupture du contrat de travail au tort de l'employeur.

L'employeur a adressé les documents de fin de contrat.

Le 30 juin 2020, M. [N] [C] a saisi la juridiction prud'homale au fond afin notamment que cette prise d'acte de la rupture du contrat de travail prenne les effets, à titre principal, d'un licenciement nul et, subsidiairement, d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 30 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Bayonne, statuant en formation de départage, a':

- dit que la rupture du contrat de travail est imputable à la Société Elec 64,

- dit que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamne la société Elec 64 à verser à M. [N] [C] la somme de 2.316,00 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- condamné la société Elec 64 à verser à M. [N] [C] la somme de 13.896,00 euros en réparation du préjudice subi,

- condamné la société Elec 64 à verser à M. [N] [C] la somme de 4.633,34 euros brut au titre du préavis ainsi que celle de 463,33 euros au titre des congés payés dus sur préavis,

- condamné la société Elec 64 à verser à M. [N] [C] la somme de 5.252,24 euros brut au titre des arriérés de salaires sur la période allant du 21 septembre 2018 au 31 mai 2019,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2020 date de la requête,

- dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront à leur tour intérêt,

- ordonné à la société Elec 64 de remettre à M. [N] [C] le certificat de travail rectifié, les bulletins de paie conformes, l'attestation Pôle Emploi rectifiée, l'attestation de Sécurité sociale rectifiée ainsi que le certificat pour la Caisse des congés payés,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner une astreinte,

- débouté M. [N] [C] de ses plus amples demandes,

- débouté la société Elec 64 de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la société Elec 64 à verser à M. [N] [C] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Elec 64 à assumer la charges des entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Le 28 janvier 2022, la Sarl Elec 64 a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées, enregistré sous le numéro RG 22/00273.

Selon conclusions d'incident transmises par voie électronique le 21 mars 2022, M. [N] [C] a sollicité la radiation de la procédure faute d'exécution du jugement par la partie appelante.

Selon ordonnance du 19 mai 2022, le juge de la mise en état a notamment ordonné la radiation de l'affaire du rôle et condamné la Sarl Elec 64 à payer à M. [C] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions du 8 juillet 2022, la société Elec a sollicité la réinscription au rôle de l'appel interjeté contre le conseil des prud'hommes de Bayonne en date du 30 décembre 2021, affaire réinscrite sous le numéro RG 22/01944.

Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 19 décembre 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Elec 64 demande à la cour de':

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne du 30 décembre 2021 en ce qu'il jugé la rupture du contrat de travail imputable à la société Elec 64 ET Statuant à nouveau Juger la rupture imputable à M. [C],

- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bayonne du 30 décembre 2021 en ce qu'il jugé que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ET Statuant à nouveau, Juger que la prise d'acte doit s'analyser en une démission et Condamner M. [C] à verser à la à société Elec 64 à titre de dommages et intérêts la somme nette de 4633,34 euros au titre du préavis,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne du 30 décembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Elec 64 à verser à M. [N] [C] la somme de 2.316 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ET Statuant à nouveau, Débouter M. [C] de sa demande de versement de la somme de 2 316 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne du 30 décembre 2021 en ce qu'il condamné la société Elec 64 à verser à M. [N]. [C] la somme de 13.896 euros en réparation du préjudice subi ET Statuant à nouveau Débouter M. [C] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la nullité de son licenciement,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne du 30 décembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Elec64 à verser à M. [N] [C] la somme de 4.633,34 euros brut au titre du préavis ainsi que celle de 463,33 euros au titre des congés payés dus sur préavis ET Statuant à nouveau Débouter M. [C] de sa demande en versement des sommes de 4633,34 euros au titre du préavis et 463,33 au titre des congés payés y afférent,

- Infirmer la décision du CPH en ce qu'elle a condamné la société Elec 64 à verser à M. [N] [C] la somme de 5.252,24 euros brut au titre des arriérés de salaires sur la période allant du 21 septembre 2018 au 31 mai 2019,

ET Statuant à nouveau :

- Juger que le conseil des prud'hommes a jugé ultra petita,

- Juger que la demande au titre de rappels de salaires de M. [C] s'élève à la somme de 2121,25 euros brut et Débouter M. [C] de sa demande au titre du rappel de salaire,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne du 30 décembre 2021 en ce qu'il ordonné à la société Elec 64 de remettre à M. [N] [C] le certificat de travail rectifié, les bulletins de paie conformes, l'attestation Pôle Emploi rectifiée, l'attestation de Sécurité sociale rectifiée ainsi que le certificat pour la Caisse des congés payés et Statuant à nouveau Débouter M. [C] de sa demande en rectification et communication des documents sociaux,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne du 30 décembre 2021 en ce qu'il a condamné la société Elec64 à verser à M. [N] [C] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ET Statuant à nouveau Débouter M. [C] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne du 30 décembre 2021 en ce qu'il débouté la société Elec 64 de sa demande au titre de l'article 700 du CPC de première instance et Statuant à nouveau Condamner en conséquence M. [C] à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 des frais engagés en première instance outre les entiers dépens.

Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 5 janvier 2024 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [N] [C], formant appel incident, demande à la cour de':

- Recevoir M. [C] en son appel incident, l'y dire recevable,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

. Dit que la rupture du contrat de travail est imputable à la société Elec64 ;

. Dit que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

. Condamne la société Elec64 à verser à M. [N] [C] la somme de 4.633,34 euros brut au titre du préavis ainsi que celle de 463, 33 euros au titre des congés payés dus sur préavis.

. Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2020 date de la requête

.Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront à leur tour intérêt

. Ordonne à la société Elec 64 de remettre à M. [N] [C] le certificat de travail rectifié, les bulletins de paie conformes, l'attestation Pôle Emploi rectifiée, l'attestation de Sécurité sociale rectifiée ainsi que le certificat pour la Caisse des congés payés ;

.Déboute la société Elec64 de l'intégralité de ses demandes ;

. Condamne la société Elec64 à verser à M. [N] [C] la somme de 1.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

. Condamne la société Elec64 à assumer la charge des entiers dépens ;

- Infirmer le jugement déféré et Statuant à nouveau :

- Condamner la société Elec 64 à verser à M. [N] [C] la somme de 8.479,01euros euros au titre de l'indemnité légale de licenciement par application de l'article L1226-14 du code du travail,

- Condamner la société Elec 64 à verser à M. [N] [C] la somme de 27.800euros en réparation du préjudice subi au titre d'indemnité de rupture abusive par application de l'article L 1235-3-1 code du travail,

- Condamner la société Elec 64 à reverser à M. [C] la somme de 12.708,43euros au titre des sommes qu'elle a perçues par subrogation et non reversé au salarié d'IJSS, d'IJ BTP et d'indemnités complémentaires par application des articles 44 du code de la Sécurité sociale, L 1226'1 et L 1226'1'1 du code du travail, et D 1226'1 à D 1226'8 du code du travail, au titre d'arriérés de salaire pour la période non travaillée du 21 septembre 2018 au 30 mai 2019,

- Condamner la société Elec 64 à payer à M. [C] 6.950 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour défaut d'employabilité équivalent à 3 mois de salaires bruts par application de l'article L6321-1 du code du travail,

- Condamner la société Elec 64 à payer à M. [C] 13.900 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour violation de son obligation de sécurité par l'employeur équivalent à 6 mois de salaires bruts par application de l'article L. 4121-1 du code du travail,

Et y ajoutant':

- Ordonner la remise de : Certificat de travail rectifié, Bulletins de paie conformes aux sommes dues, Attestation Pôle Emploi rectifiée, Attestation Sécurité sociale rectifiée, Certificat pour la Caisse des congés payés rectifiés correspondant aux chefs de condamnation prononcé,

- Condamner la Sarl Elec 64 à payer à M. [N] [C] 1.505 euros au titre d'arriérés de congés payés pour la période d'arrêt maladie du 21 septembre 2018 au 30 mai 2019,

- Condamner la Sarl Elec 64 à payer à M. [N] [C] 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux-là concernant au profit de Cabinet Florence Brasseur conformément aux dispositions de l'article 699 du code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2024.

Dans des dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 janvier 2024, la société Elec 64 a maintenu ses prétentions précédentes et y a ajouté une demande de révocation de l'ordonnance de clôture pour faire admettre une fin de non-recevoir visant à obtenir l'irrecevabilité de la demande de M. [C] d'obtenir la somme de 1505 euros au titre d'arriérés de congés payés pour la période d'arrêt maladie du 21 septembre 2018 au 30 mai 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

L'article 803 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret n°2023-686 en date du 29 juillet 2023 applicable à la présente procédure, dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

En l'espèce, la société Elec 64 a déposé de nouvelles conclusions le 29 janvier 2024, après l'ordonnance de clôture en date du lundi 8 janvier 2024, pour demander la révocation de cette dernière ordonnance.

La demande a donc été régulièrement formée.

La société Elec 64 y sollicite par ailleurs l'irrecevabilité de la demande formée pour la première fois par M. [C] dans ses dernières écritures signifiées le vendredi 5 janvier 2024.

Compte tenu du fait que cette demande a été portée par l'intimé la veille du weed-end précédant l'ordonnance de clôture et que le principe du contradictoire impose que son adversaire puisse y répondre, il convient d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 8 janvier 2024 et de fixer la clôture de l'instruction de la présente affaire à la date de l'audience de plaidoirie, soit le 7 février 2024.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Sur le rappel de salaire durant la période non travaillée de septembre 2018 à mai 2019

Devant la cour, M. [C] demande le paiement de la somme de 12'708,43 euros au titre du solde des indemnités journalières et maintien de salaire pendant son arrêt maladie de septembre 2018 à mai 2019.

Il importe de rappeler que sa requête initiale chiffrait cette demande à 5000 euros à parfaire, outre les congés payés afférents et qu'il résulte du jugement de départage que cette prétention a été actualisée par M. [C] à l'audience, après lecture des documents versés par l'employeur, à la somme 2121,25 euros. Le jugement du conseil de prud'hommes lui a alloué une somme supérieure, à savoir 5252,24 euros qui représente en réalité, à la lecture de la motivation de la décision, le montant déjà reversé par la société Elec 64 à M. [C].

Il résulte des éléments du dossier que la société Elec 64 a perçu de la caisse primaire d'assurance maladie, par subrogation pour la seule période du 21 septembre 2018 au 19 décembre 2018, la somme de 4074,36 euros au titre des indemnités journalières, de laquelle il convient de déduire la contribution sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale, soit un montant net de 3801,46 euros. L'examen des bulletins de paie des mois d'octobre, novembre et décembre 2018 montre que cette somme a été reversée intégralement à M. [C].

Ce dernier sollicite le reversement des indemnités journalières pour la période à compter du 20 décembre 2018 alors que la subrogation avait pris fin et que ces sommes lui ont dès lors été payées directement.

Il réclame en outre le solde des indemnités journalières versées directement par la Pro BTP à la société Elec 64.

L'examen des pièces du dossier permet d'établir que':

- La Pro BTP a versé à la société Elec 64 la somme de 4961,26 euros bruts au titre des indemnité de prévoyance pour la période du 21 septembre 2018 au 31 mai 2019,

- La société Elec 64 a comptabilisé sur les bulletins de paie de M. [C] à ce titre la somme totale de 4991,56 euros bruts à son profit, et a déduit en mars 2019 une somme de 1098,99 euros bruts, de sorte que, jusqu'au 31 mai 2018, le salarié a été indemnisé de la somme de 3892,57 euros bruts,

- Des courriers de la Pro BTP à la société Elec 64 des 24 et 25 février 2020 au sujet d'une régularisation des indemnités journalières au titre de la prévoyance après la reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [C] qui a entraîné une revalorisation a posteriori des indemnités journalières servies par la caisse primaire d'assurance maladie et, en corrélation, une diminution des indemnités dues au titre de la prévoyance et en conséquence un trop versé par la Pro BTP à la société Elec 64 de 1658,13 euros bruts,

- Le bulletin de paie du mois de mars 2020 indique un débit de 1399,36 euros bruts au titre d'une régularisation Pro BTP, soit une somme nette en négatif de 1150,45 euros dont il n'est pas justifié que M. [C] l'a payée à la société Elec 64.

Il ressort de tout cela que les indemnités servies au titre de la prévoyance par la Pro BTP représentaient, après déduction du trop versé, 3303,13 euros bruts, soit une somme inférieure à celle qui a été finalement versée à M. [C] qui a perçu, au cours de la période, la somme de 3892,57 euros.

Aucun rappel de lui est donc dû au titre des indemnités journalières qu'elles aient été servies par la caisse primaire d'assurance maladie ou par l'organisme de prévoyance Pro BTP, de sorte qu'il sera débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre d'arriérés de congés payés pour la période d'arrêt maladie du 21 septembre 2018 au 30 mai 2019

Devant la cour et se prévalant de l'application du nouveau régime résultant de l'arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 13 septembre 2023 (pourvoi n°22-17.340), M. [C] sollicite la somme de 1505 euros au titre d'arriérés de congés payés dont il n'a pu bénéficier pendant son arrêt de maladie, du 21 septembre 2018 au 30 mai 2019.

À titre principal, l'employeur oppose une fin de non-recevoir en indiquant que cette demande est présentée pour la première fois en cause d'appel en raison de l'évolution de la jurisprudence et qu'elle n'est donc pas une demande nouvelle apparue du fait de l'évolution du litige, qu'il s'agisse de l'intervention d'un tiers ou de la révélation d'un fait.

Devant la cour, les demandes nouvelles sont en principe irrecevables par application de l'article 564 du code de procédure civile qui dispose que, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En outre, toutes les prétentions doivent être présentées dès les premières écritures par application de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il n'existe plus de principe d'unicité d'instance en droit social de sorte que les demandes additionnelles doivent, par application de l'article 70 du code de procédure civile, présenter un lien suffisant avec les demandes initiales.

Tout d'abord, il y a lieu de relever que le débat opposant M. [C] à son ancien employeur concerne la rupture de son contrat de travail mais également l'exécution de celui-ci. Depuis la saisine du conseil de prud'hommes, il en déplore les modalités d'exécution et soutient que celles-ci ont entraîné la dégradation de son état de santé et par suite son arrêt maladie. La demande d'arriérés de congés payés concernant cet arrêt maladie présente donc un lien suffisant avec les demandes initiales.

Mais surtout, en application de l'article 564 précité, les prétentions peuvent être ajoutées dès lors qu'elles découlent de la survenance ou de la révélation d'un fait, qui peut être un fait juridique. Il convient ici de tenir compte de la modification du régime applicable découlant de la non conformité des dispositions de l'article L.3141-3 du code du travail au droit de l'Union européenne et plus particulièrement de l'arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 qui a écarté partiellement l'application des dispositions de ce texte «'en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle'» et a «'[jugé] que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période'».

La demande de M. [C] à ce titre est donc recevable.

Il sera en conséquence fait application, au profit de M. [C], du nouveau régime visant à mettre le droit français en conformité avec le droit de l'union européenne qui exige que «'les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines'», ce qui représente 2 jours par mois, pour son arrêt courant du 21 septembre 2018 au 31 mai 2019, soit 8 mois et 9 jours.

Il lui sera donc accordé, dans les limites de sa demande, la somme de 1505 euros à ce titre.

Le jugement déféré sera complété sur ce point.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail est un mode de rupture du contrat de travail par l'effet duquel le salarié met un terme au lien salarial en se fondant sur des griefs qu'il impute à son employeur.

Elle entraîne immédiatement et définitivement la rupture du contrat de travail ; pour être valable, elle n'a pas à être acceptée par l'employeur, lequel n'a pas à en accuser réception ; inversement, le simple fait que l'employeur en accuse réception et remette au salarié ses documents de fin de contrat ne signifie pas que l'employeur admet tacitement le bien-fondé des reproches du salarié.

Les termes de la lettre de prise d'acte ne fixent pas les termes du litige.

Il appartient à la juridiction prud'homale de déterminer les effets de cette prise d'acte ; ainsi, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse selon la nature des manquements reprochés à l'employeur, s'ils sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; à l'inverse, elle produit les effets d'une démission si les manquements de l'employeur ne sont pas caractérisés ou pas suffisamment graves.

La charge de la preuve pèse sur le salarié qui est admis à invoquer d'autres faits avancés que ceux dans le courrier de rupture.

Il y a lieu au préalable de relever que M. [C] n'invoque plus, devant la cour, le harcèlement moral soulevé devant le conseil de prud'hommes et ne demande plus que la prise d'acte de son contrat de travail prenne les effets d'un licenciement nul. Il sollicite la confirmation du jugement querellé qui a décidé que la prise d'acte était imputable à la société Elec 64 et avait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, M. [C] invoque différents manquements qu'il incombe à son ancien employeur'et qu'il convient d'examiner successivement.

- Une surcharge de tâches supplémentaires et un défaut de formation

[N] [C] fait ici valoir qu'il a été engagé en qualité de dessinateur/projeteur qui correspond aux fonctions de technicien de bureau d'études mais qu'à compter du licenciement de M. [I], conducteur de travaux/responsable d'affaires, qui était son supérieur hiérarchique, il a été placé sous la hiérarchie directe de M. [Y], directeur, qui lui a demandé de réaliser, en sus de ses fonctions, des dossiers de marchés publics AO/TS via le logiciel Esabora pour lequel il n'avait reçu aucune formation, par plus que pour les appels d'offres de marchés publics.

Aucune fiche de poste n'a été produite lors de la conclusion du contrat de travail qui mentionne que M. [C] a été embauché en tant que «'responsable bureau étude / dessinateur / projecteur'».

La fiche de poste versée aux débats par la société Elec 64 est datée du 14 décembre 2018, alors que M. [C] était déjà en arrêt maladie. Elle ne saurait donc concerner le poste qu'occupait le salarié.

Il importe en revanche de relever que la classification de M. [C] ne correspond pas aux prérogatives et compétences confiées à un responsable de bureau d'études tel que cela ressort de la fiche produite par le salarié': ce dernier poste exige une formation de niveau Bac+5 ou un diplôme d'ingénier pour assumer des responsabilités organisationnelles et de management notamment, ce qui ne ressort pas des prérogatives de M. [C] qui revendique un poste de dessinateur/projecteur, soit un poste de technicien de bureau d'études.

L'examen du compte-rendu de l'entretien annuel de M. [C] réalisé le 5 juin 2018 par M. [Y] mentionne les éléments suivants':

«'Mise en place du bureau d'étude, créer la base de référentiel charte graphique et organisation des dossiers d'étude sur le serveur.

Réalisation des plants d'exe pour l'ensemble des chantiers collectifs et aide pour les projets tertiaires. Réalisation des DOE (dossiers des ouvrages exécutés).

Chiffrage des travaux supplémentaires.

Pré-étude et chiffrage des dossiers d'appels d'offre collectifs.

Passage des commandes en relation avec le RA (responsable d'affaires).

Suivi des comptes-rendus de chantier et mise à jour des dossiers d'exécution.

Travail en relation directe avec les responsables de chantier.

Reste en contact avec la MOE (maîtrise d''uvre) tout au long de la réalisation des travaux.

Assure le suivi des normes dans son domaine de compétence et se tient au courant des évolutions réglementaires et techniques'».

Le compte-rendu conclut à une «'augmentation du nombre de réponses aux appels d'offre depuis 2 mois'».

Il ressort de ces éléments que M. [C] a été placé sous la hiérarchie directe de M. [Y] à la suite du départ du responsable d'affaires et réalisait des missions centrales dans les dossiers de marchés publics en assurant le chiffrage des travaux supplémentaires ainsi que des appels d'offre, missions qui exigeaient que le suivi soit tenu à jour sur le logiciel Esabora. Il appert de relever que ces missions, que M. [C] remplissait depuis quelques mois sans décharge de ses activités initiales, ce qui peut être mis en relation avec le départ non remplacé du responsable d'affaires en mars 2018, excèdent de surcroît celles d'un technicien de bureau d'études.

Il n'est pas ailleurs aucunement démontré que M. [C] disposait de la formation nécessaire pour assurer de telles missions et utiliser le logiciel Esabora, ou à tout le moins que la Société Elec 64 lui a fourni ces formations. Son curriculum vitae produit par la société Elec 64 n'indique pas qu'il était formé pour ce logiciel.

Ce premier manquement relatif à l'absence de formation et d'adaptation du salarié au poste occupé est ainsi établi.

- Le comportement vexatoire, injurieux, menaçant et violent de M. [Y], son supérieur hiérarchique

[N] [C] fait ici référence à la manière de parler de M. [Y] à son égard, indiquant qu'il «'ne compte pas les fois où [ce dernier lui] a dit, y compris devant la secrétaire que " pour le prix que je te paie c'est normal que tu travailles jusqu'à pas d'heure ". Il décrit également l'événement du 20 septembre 2018 où son «'seuil de résistance a été atteint'». M. [Y] lui avait demandé de lui transmettre des documents par mail, ce qu'il a fait mais sans doubler d'un SMS, ce que lui a reproché M. [Y], «'dans une colère furieuse'».

Lors de son audition par l'agent de la caisse primaire d'assurance maladie dans le cadre de la demande de prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, M. [Y] a admis ce jour-là avoir utilisé un ton «'sec et mécontent'» qu'il explique par le fait qu'il était 16h45, que M. [C] s'apprêtait à partir alors que l'heure de fin de la journée de travail était 17h et qu'il n'avait pas eu la confirmation de l'envoi des informations par sms de M. [C] alors qu'il consulte rarement ses mails.

L'échange de mails litigieux n'est pas produit aux débats, pas plus que les témoignages des personnes qui auraient été présentes ce jour-là, à savoir M. [T] et M. [G].

La société Elec 64 produit pour sa part l'attestation de Mme [U], secrétaire, qui affirme ne jamais voir entendu M. [Y] tenir à M. [C] les propos que celui-ci lui prête quant au prix qu'il est payé et le travail normal jusqu'à pas d'heure. Elle précise que M. [Y] était au contraire plutôt conciliant puisqu'il avait accepté l'aménagement des horaires de M. [C] en lui permettant de finir avant 17h pour aller chercher ses enfants à l'école.

Au sujet du comportement plus général de M. [Y], [N] [C] produit les attestations d'anciens collègues.

[B] [Z] incrimine M. [Y]'comme suit : «'il est de mauvaise foi'», «'il se décharge de tout travail'», «'il change tous les jours d'avis en disant que c'est nous qui ne comprenons rien'», «'il rabaisse tout le monde'».

[O] [J] «'déclare avoir assisté et subi de la part de M. [Y] [E], de l'oppression morale, intimidation, menace de licenciement pour faute grave sans raison valable, manque de respect envers les employés, manque de reconnaissance de ses erreurs envers les employés'».

Ces seules attestations n'apportent aucun élément sur l'attitude de M. [Y] envers M. [C] qui n'apporte aucun autre élément pour étayer ses affirmations à ce sujet.

Ce manquement ne peut donc être retenu.

- Le refus de toute action de sécurité par l'employeur et le défaut de représentation du personnel

[N] [C] vise l'extrait suivant de sa lettre de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail': «'j'ai fait plusieurs démarches auprès de vous mais la seule réponse que vous avez apportée à la lettre recommandée bien détaillée qui vous a été adressée par mon conseil le 11 mars 2019 est que " c'est avec surprise que nous découvrons les propos tenus dans votre correspondance du 11 mars dernier " et que " nous allons donc attendre [ma] reprise pour [me] convoquer auprès de la médecin du travail dans le cadre d'une visite de reprise". Je n'y vois qu'une manifestation supplémentaire de mépris d'une situation objective connue de toute la société'».

Pour autant, il doit être rappelé que M. [C] était en arrêt de travail depuis près de 6 mois lorsque son conseil a écrit à la société Elec 64 pour lui faire part des difficultés qu'il rencontrait, à savoir une dégradation de ses conditions de travail consécutive à de nouvelles missions en sus de ses fonctions initiales et à des reproches et vexations de la part de son employeur.

La société Elec 64 ne pouvait qu'attendre l'issue de l'arrêt de travail pour organiser une visite de reprise, de sorte que cette réponse de l'employeur ne saurait caractériser un quelconque mépris à défaut d'autres éléments.

[N] [C] fait également valoir le fait qu'il n'y avait pas de représentant du personnel au sein de la société Elec 64.

Cette dernière ne conteste pas cette situation sur laquelle elle ne s'explique pas.

Pour autant, cette carence ne saurait constituer un manquement justifiant une prise d'acte de la rupture d'un contrat de travail de la part d'un salarié qui ne s'était jamais plaint de l'absence de représentant du personnel ni n'en avait demandé la désignation ou l'élection.

En conséquence, ce troisième manquement n'est pas établi.

- L'intervention spontanée de la médecin du travail et l'atteinte à sa santé

[N] [C] reproche à son employeur d'avoir fait l'objet d'un arrêt maladie au lendemain de l'altercation du 20 septembre 2018 avec M. [Y] et que son médecin traitant lui a diagnostiqué un syndrome anxio-dépressif et un burn-out professionnel.

Il a de fait été placé en arrêt de travail ininterrompu jusqu'à la rupture du contrat de travail, à compter du 21 septembre 2018.

Le certificat initial fait état de «'troubles anxiodépressifs mineurs'». Les avis de prolongation font référence à un burn-out, terme contesté par la société Elec 64. Le Docteur [D], qui travaille dans le cabinet du Dr [S] médecin traitant de M. [C], admettra lors de la conciliation devant le conseil départemental de l'ordre des médecins qui s'est tenue le 16 décembre 2021, que ce terme ne pouvait être utilisé. Le praticien a confirmé que son patient présentait un syndrome dépressif qu'il mettait lui-même en relation avec le travail, sans que le médecin traitant n'ait pu personnellement constater les faits sur les lieux du travail.

[N] [C] indique également, dans sa lettre de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail': «'je n'ai pas attendu la visite de reprise que vous n'avez jamais organisée pour consulter la médecine du travail, qui est également saisie de mon dossier. Un dossier de maladie professionnelle est en cours auprès de la cpam de [Localité 2]'».

Il est en effet établi que M. [C] a consulté le médecin du travail le 25 octobre 2018 qui l'a orienté vers un psychiatre et a dressé un certificat en ce sens.

En revanche, le médecin du travail, qui a légitimement renvoyé le salarié vers le spécialiste idoine, n'a pas alerté l'employeur sur les difficultés alors exprimées par M. [C]. Aucune carence ne peut donc être reprochée à la société Elec 64 à ce sujet.

Enfin, si une déclaration de maladie professionnelle a en effet été déposée auprès de la cpam de [Localité 2], il doit être relevé que celle-ci a été reçue par la caisse le 27 mai 2019. Elle en a accusé réception auprès de M. [C] par courrier du 11 juin 2019, soit une dizaine de jours après son courrier de prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Ce dernier manquement n'est donc pas plus établi.

En conséquence de tous ces éléments, il appert que M. [C] de démontre pas l'existence des manquements qu'il impute à son ancien employeur et sur lesquels il fonde la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail. Le seul manquement relatif à l'absence de formation et d'adaptation du salarié au poste occupé n'est pas d'une gravité telle qu'elle rend impossible la poursuite du contrat de travail, même ajouté à la carence de l'employeur quant à la mise en place des institutions représentatives du personnel.

Dans ces conditions, la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [C] ne peut pas être considérée comme consécutive à des manquements caractérisés ou suffisamment graves de la société Elec 64, de sorte qu'elle doit produire les conséquences d'une démission et non d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

[N] [C] sera donc débouté de ses demandes à ce titre.

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef, de même qu'en ce qu'il a alloué à M. [C] une indemnité légale de licenciement, une indemnité de préavis et les congés payés y afférents ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Sur les conséquences de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

La prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [C] ayant les effets d'une démission et le salarié n'ayant pas effectué le préavis, il est redevable d'une indemnité à son ancien employeur, à ce titre.

Au regard des dispositions de la convention collective du bâtiment applicable et compte tenu de son ancienneté inférieure à 2 ans au moment de la rupture du contrat de travail, M. [C] sera condamné à payer à la société Elec 64 une indemnité de 2316 euros, équivalente à un mois de salaire.

Sur les autres demandes indemnitaires

Sur le défaut d'employabilité

[N] [C] sollicite, sur le fondement de l'article L.6321-1 du code du travail, des dommages et intérêts à hauteur de 5327,28 euros, représentant l'équivalent de trois mois de salaire, montant qui était initialement de 6950 euros, estimant avoir subi une atteinte à son employabilité pendant plus de 18 mois. Il expose qu'après avoir été sous-catégorisé dès son embauche, son employeur lui a imposé en cours de contrat l'exécution de tâches techniques excédant sa qualification, sans lui fournir une quelconque formation, sous un mode de management abusif générant des conditions de tensions incessantes et de reproches infondés pendant plus de 6 mois et que cette situation à directement porté atteinte à son autonomie et a brisé jusqu'à son aptitude au travail en le plaçant dans l'impossibilité physique de pouvoir rechercher un autre emploi.

La société Elec 64 s'oppose à cette demande en relevant que M. [C] occupait les fonctions de technicien de bureau d'études pour lesquelles il avait les compétences requises et ne nécessitait pas une formation supplémentaire, d'autant qu'il disposait d'une ancienneté d'un an. Elle ajoute que M. [C] n'apporte aucun élément justifiant qu'il a été empêché de retrouver un travail et qu'il a indiqué, lors de l'audience devant le conseil de prud'hommes, qu'il avait retrouvé un emploi un mois après la rupture du contrat de travail qui le liait à la société Elec 64.

Le conseil de prud'hommes de Bayonne a rejeté cette demande au motif qu' «'aucun élément du dossier ne permet de caractériser le fait que l'employeur a confié, de manière durable, des tâches nouvelles au salarié sans avoir veillé à assurer son adaptation ni au maintien de ses capacités'».

Selon l'article L. 6321-1 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation devenu à compter du 1er janvier 2019 le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.

Il est constant que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois et doit réparer le dommage causé au salarié en cas de manquement à cette obligation.

Il appartient néanmoins au salarié de démontrer qu'il occupait des fonctions exigeant une adaptation de son poste.

En l'espèce, il résulte des éléments du dossier qu'après y avoir effectué des missions d'intérim, M. [C] a été engagé le 1er septembre 2017 par la société Elec 64 en contrat à durée indéterminée pour y exercer les fonctions de «'responsable bureau étude / dessinateur / projecteur'» au niveau E de la convention collective du bâtiment d'Aquitaine, classification qu'il conservera jusqu'à la rupture de son contrat de travail fin mai 2019, après plus de 8 mois d'arrêt de travail.

Il soutient avoir été sous-catégorisé dès son embauche à un niveau inférieur à celui qu'il occupait chez son précédent employeur. Le bulletin de paie du mois d'avril 2015 qu'il verse à ce sujet est toutefois insuffisant pour corroborer cette affirmation puisqu'aucun élément ne vient établir que ce bulletin de paie, qui date de plus de deux ans avant son embauche par l'appelante, correspond à l'emploi qu'il occupait immédiatement avant cette embauche, d'autant que son curriculum vitae fait état d'autres activités entre temps.

[N] [C] verse les fiches emplois du technicien de bureau d'études et de responsable du bureau d'études, ce dernier poste étant en réalité un poste d'encadrement exigeant un diplôme sanctionnant une formation de niveau Bac+5 ou un diplôme d'ingénieur, condition que M. [C] ne démontre pas respecter. Au demeurant, il ne produit aucune pièce permettant de considérer qu'il occupait le poste de responsable d'étude correspondant à la fiche emploi communiquée.

Son poste était en réalité décrit comme étant sous la responsabilité du responsable d'affaires présent au moment de son embauche et qui a quitté l'entreprise en mars 2018. C'est à compter de cette date que M. [C] relève que son poste a évolué pour prendre une partie des attributions alors dévolues à son supérieur hiérarchique sans formation pour ce faire.

Il produit essentiellement des pièces reprenant ses dires, qui ne sauraient être prises en compte pour établir la réalité des fonctions occupées, ainsi que le compte-rendu de son entretien d'évaluation annuel réalisé par M. [Y] le 5 juin 2018.

Il a été vu ci-avant que ce compte-rendu fait ressortir que M. [C] travaillait à partir et sur le logiciel Esabora pour lequel il n'avait pas reçu de formation spécifique et que des missions supplémentaires lui avaient été confiées à la suite du départ du responsable d'affaires. Il en a été déduit que la société Elec 64 avait failli à son obligation d'adapter M. [C] à l'évolution de son emploi

Toutefois, M. [C], qui a retrouvé rapidement un poste dans une autre structure, ne démontre pas en quoi le manquement de son ancien employeur aurait affecté son employabilité, définie comme étant une'qualité relative à une personne en activité ou en recherche d'emploi désignant sa capacité à obtenir un nouveau travail, à évoluer de façon autonome dans le marché du travail, à conserver un poste et à progresser tout au long de sa vie professionnelle.

[N] [C] sera donc débouté de sa demande indemnitaire à ce titre.

Le jugement querellé sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur la violation par l'employeur de son obligation de sécurité

[N] [C] sollicite à ce titre la somme de 13'900 euros à titre de dommages et intérêts faisant valoir que la société Elec 64 n'a pris aucune mesure pour mettre fin à la situation et aux conditions anormales de travail du salarié, lui causant un préjudice moral et de santé.

Il a été vu ci-avant que M. [C] n'a exprimé des reproches et questionnements à la société Elec 64 que par le courrier adressé par son conseil le 11 mars 2019, soit près de 6 mois après le début de son arrêt de travail, puis par son courrier de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.

Le médecin du travail n'a jamais alerté l'employeur sur la situation de son salarié et aucun élément ne permet d'affirmer que celui-ci était avisé du motif de l'arrêt de travail de M. [C] et du lien que celui-ci faisait entre la dégradation de son état de santé et son travail, lien qui a certes été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie, dont la décision ne s'impose toutefois pas au juge de la relation de travail.

Les attestations de ses anciens collègues versées aux débats par M. [C] ne le concernent pas directement. Il ne produit aucun autre élément factuel extérieur à ses propres dires pour étayer un quelconque manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Il sera dès lors débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Les sommes allouées porteront intérêts au taux légal comme suit':

- A compter du 5 janvier 2024 pour le rappel de congés payés pendant la période d'arrêt maladie, date de la signification des conclusions par lesquelles M. [C] a formulé pour la première fois cette demande et qui vaut mise en demeure au sens de l'article 1231-6 du code civil,

- A compter du présent arrêt pour l'indemnité due par M. [C] à la société Elec 64 en application de l'article 1231-7 du code civil.

Le jugement déféré sera rectifié sur ce point.

Il convient d'enjoindre à la société Elec 64 de communiquer à M. [C] les documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés conformément à la présente décision, sans astreinte ainsi que l'a jugé le conseil de prud'hommes.

La nature de cette décision commande enfin d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient en effet de laisser à chaque partie la charge des dépens et frais irrépétibles par elle engagés au cours de cette instance, y compris devant le conseil de prud'hommes, de sorte que les demandes réciproques fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REVOQUE l'ordonnance de clôture en date du 8 janvier 2024';

FIXE la clôture de l'instruction de la présente affaire au 7 février 2024';

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne en date du 30 décembre 2021 sauf en ce qu'il a débouté M. [N] [C] de ses demandes de dommages et intérêts pour défaut d'employabilité et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'ordonner une astreinte';

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant':

DIT que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [N] [C] a les effets d'une démission de sa part';

CONDAMNE M. [N] [C] à payer à la société Elec 64 la somme de 2316 euros à titre d'indemnité pour le préavis non exécuté, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision';

CONDAMNE la société Elec 64 à payer à M. [N] [C] la somme de 1505 euros au titre d'arriérés de congés payés pour la période d'arrêt maladie du 21 septembre 2018 au 30 mai 2019, avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2024';

ENJOINT à la société Elec 64 de communiquer à M. [N] [C] les documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés conformément à la présente décision';

LAISSE à chaque partie la charge des dépens et des frais irrépétibles par elle exposés au court de l'instance, y compris devant le conseil de prud'hommes';

DEBOUTE les parties de leurs demandes réciproques fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01944
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;22.01944 ?
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