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18/04/2024 | FRANCE | N°22/01893

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 18 avril 2024, 22/01893


TP/EL



Numéro 24/1414





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 18/04/2024









Dossier : N° RG 22/01893 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIIT





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[V] [A]



C/



Me [B] [P], Me [N] [S] Mandataires liquidateurs de la SA ARCADIE SUD-OUEST, Associati

on UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]















Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 A...

TP/EL

Numéro 24/1414

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 18/04/2024

Dossier : N° RG 22/01893 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIIT

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[V] [A]

C/

Me [B] [P], Me [N] [S] Mandataires liquidateurs de la SA ARCADIE SUD-OUEST, Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 Avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 24 Janvier 2024, devant :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Mme PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [V] [A]

né le 02 Février 1981 à COMORES

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me MESA, avocat au barreau de TARBES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/5393 du 07/11/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

INTIMES :

Me [B] [P] - Mandataire liquidateur de la SA ARCADIE SUD-OUEST

[Adresse 7]

[Localité 4]

Me [N] [S] - Mandataire liquidateur de la SA ARCADIE SUD-OUEST

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentés par Me BARBE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me SANS, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 09 JUIN 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TARBES

RG numéro : 20/00132

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [V] [A] a été embauché par la société Arcadie Sud-Ouest (dénommée ci-après société Arcadie), à compter du 29 juillet 2019, en qualité de chauffeur livreur, selon contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des Coopératives et SICA Bétail et Viandes.

Après deux arrêts de travail pour cause d'accidents du travail fin 2019, M. [A] a été placé en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 27 février 2020.

Par courrier du 12 mars 2020, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 mars suivant.

Suivant lettre en date du 8 avril 2020, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse, aux motifs suivants':

-non-respect des temps de repos,

-problèmes relationnels et comportementaux avec d'autres salariés de l'entreprise et en particulier son supérieur hiérarchique et, d'une manière générale, comportement provoquant, menaçant, conflictuel et instable perturbant l'organisation du transport sur le site de [Localité 6].

Par jugement en date du 1er juillet 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a':

- prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, avec cessation de paiement le 30 juin 2020,

- désignant administrateurs Selarl FHB représentée par Me [I] [O] et Selarl FHB représentée par Me [D] [U] avec les pouvoirs : d'assister le débiteur pour tous les actes relatifs à la gestion, mandataire judiciaire Me [B] [P] et Me [N] [S].

Par jugement du 1er octobre 2020, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la liquidation judiciaire de la société Arcadie et désigné Me [B] [P] et Me [N] [S] en qualité de liquidateurs.

Suivant requête déposée au greffe le 14 octobre 2020, M. [A] a saisi la juridiction prud'homale au fond d'une contestation de son licenciement.

Par jugement du 9 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Tarbes a':

- Débouté M. [V] [A] des demandes de condamner l'employeur à lui verser la somme de 10000 euros au titre de dommage et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, racisme et harcèlement moral et de sa demande de remise de document listes des pointages et disques chrono tachygraphe,

- Dit que les sommes suivantes sont dues par la société Arcadie Sud-Ouest, prise en la personne de son représentant légal à M. [V] [A]':

314,54 euros bruts au titre des heures supplémentaires,

31,45 euros bruts au titre des congés payés afférant,

- Fixé la créance aux sommes ci-dessus répertoriés et Ordonné à Me [B] [P] et Me [N] [S], mandataires judiciaires de la société Arcadie Sud-Ouest d'inscrire lesdites sommes sur l'état de relevé des créances,

- Dit la présente décision opposable au CGEA qui devra intervenir dans la stricte limite de sa garantie légale ou réglementaire,

- Dit que les dépens sont à la charge de la partie défenderesse.

Le 6 juillet 2022, M. [V] [A] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 4 octobre 2022 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [V] [A] demande à la cour de':

- Recevoir M. [V] [A] en son appel et le déclarer bien fondé,

- Rejeter toutes demandes adverses comme étant infondées,

En conséquence de quoi la Cour :

- Infirmera le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tarbes en ce qu'il a :

- Débouté M. [V] [A] des demandes de condamner l'employeur à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, racisme et harcèlement moral et de sa demande de remise de documents, liste de pointages et disques chrono tachygraphes,

Statuant à nouveau la Cour :

- Condamnera la SAS Arcadie Sud-Ouest, représentée par représentée par Maître [B] [P], Mandataire Judicaire et par Maître [N] [S], Mandataire Judicaire à payer à M. [V] [A] la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, racisme et harcèlement moral,

- Ordonnera la remise de documents, liste de pointages et disques chrono tachygraphes afin de permettre le calcul des rappels de salaire visant les heures supplémentaires et les heures de nuit,

- Condamnera la SAS Arcadie Sud-Ouest, représentée par représentée par Maître [B] [P], Mandataire Judicaire et par Maître [N] [S], Mandataire Judicaire à payer à M. [V] [A] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens,

- Rendra l'arrêt à intervenir opposable au CGEA-AGS de [Localité 3].

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 17 octobre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Me [P] et Me [S] es qualité de mandataire liquidateur de la société Arcadie Sud-Ouest demande à la cour de':

- Réformer le jugement rendu le 09 juin 2022 en ce qu'il a alloue' a` M. [V] [A] les sommes de 314,54 euros brut au titre des heures supple'mentaires et les conge's paye's afférents,

- Confirmer le jugement sur le reste,

- Débouter M. [V] [A] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner M. [V] [A] à verser à Maître [B] [P] et Maître [N] [S] ès qualités de Liquidateurs de la Sas Arcadie Sud-Ouest la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de proce'dure civile,

- Le Condamner aux entiers dépens de premie`re instance et d'appel.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 15 décembre 2022 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, l'UNEDIC Délégation AGS, CGEA de [Localité 3] demande à la cour de':

- S'entendre, la cour d'appel de Pau, accueillir la fin de non -recevoir soulevée par l'AGS,

- S'entendre, la cour d'appel de Pau, déclarer irrecevables les conclusions de M. [A] du 05 octobre 2022,

- S'entendre, la cour d'appel de Pau Condamner le sieur [A] aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des conclusions de M. [A]

Le CGEA de [Localité 3] demande que les conclusions de M. [A] en date du 5 octobre 2022 soient déclarées irrecevables car elles ne demandent pas la fixation des sommes réclamées au passif de la société liquidée mais sollicitent sa condamnation en paiement alors qu'elle est en liquidation judiciaire.

Or, il est constant que, lorsque la cour d'appel est saisie de conclusions tendant à la condamnation au paiement d'une somme d'argent, il lui appartient de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement.

Cette fin de non-recevoir sera donc rejetée.

Sur les heures supplémentaires

Le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

S'appliquent les dispositions des articles :

- L3171-2 al 1 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

- L.3171-3 du code du travail : L'employeur tient à la disposition de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

- L.3171-4 du code du travail : En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le liquidateur de la société Arcadie demande la réformation du jugement querellé en ce qu'il a accordé à M. [A] la somme de 314,54 euros au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents

Le conseil de prud'hommes n'a pas motivé sa décision sur ce point.

[V] [A] ne discute pas ce chef du jugement, dont il demande dès lors la confirmation.

Pour autant, en cause d'appel, il ne développe aucun moyen à son sujet.

Il produit un relevé des heures établi à partir des relevés de pointage et des disques chronotachygraphes ainsi que ses bulletins de paie qui montrent que des heures supplémentaires et des majorations pour heures de nuit lui ont été payées.

Il n'apporte aucun élément ni aucune explication permettant de savoir précisément ce qu'il sollicite et ouvrant la possibilité à l'employeur d'y répondre en apportant ses propres éléments.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a alloué à M. [A] un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et les congés payés y afférents.

Sur le harcèlement moral

[V] [A] critique le jugement déféré qui a considéré qu'il n'apportait pas d'éléments permettant de qualifier un harcèlement.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

[V] [A] expose qu'il a informé son employeur, le 10 mars 2020, des attaques incessantes commises à son encontre par son supérieur M. [R].

Il invoque ainsi le comportement de ce dernier à son égard, ainsi que les conditions de travail et la surcharge de travail.

Au soutien de sa demande, M. [A] produit les pièces suivantes':

- Son courrier du 10 mars 2020 dans lequel il dénonce les «'attaques incessantes de [son] supérieur M. [R] [E] sur [son] travail, sur des accusations de vol, voire sur [sa] vie privée. Il fait également référence à une «'altercation [qu'il a] subie de la part de [sa] collègue qui l'a insulté'».

Ce document n'est que l'expression du ressenti de M. [A] et ne détaille pas les agissements dont il dit avoir été victime.

- Un document dactylographié rédigé le 4 mai 2020 et signé de [C] [K] alors intérimaire au sein de la société Arcadie, document non conforme aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile et n'est pas annexée de la copie de la pièce d'identité de son auteur. Ce dernier y explique avoir été «'témoin de l'événement survenu le 27 février 2020 au sein des locaux de l'abattoir Arcadie au hall d'entrée dans les alentours de 11 heures du matin'».

Il est écrit que «'ce témoignage est subjectif et répond de façon impartiale entre les deux parties du conflit'», M. [R] et M. [A].

[C] [K] expose que M. [A] a réclamé à M. [R] la feuille permettant de pointer ses heures de travail, lequel lui a répondu de voir avec un autre collègue. M. [A] a alors indiqué que c'était M. [R] son chef. Celui-ci lui a rétorqué que «'s'il n'était pas content il devait se casser'». M. [K] décrit la suite de l'altercation devant l'entrée du hall côté extérieur': M. [R] a traité M. [A] de voleur, a dit qu'il ne valait rien et qu'il devait démissionner.

- Une «'attestation sur l'honneur'» émanant de M. [J] [H], ancien chauffeur poids-lourd de la société Duchein Distribution. Ce document n'a pas été établi dans les règles définies à l'article 202 du code de procédure civile et ne comporte pas la copie de la pièce d'identité de M. [H].

Il «'certifie sur l'honneur'que M. [A] [V] travaillant chez Arcadie Sud Ouest était souvent en surcharge et travaille toujours seul lorsque je le voyais ramener de la marchandise chez Duchein'».

Ce document, qui ne peut être considéré comme une attestation, est écrit en termes trop généraux.

- L'attestation en bonne et due forme de M. [T] [M] qui évoque l'altercation de M. [A] avec sa collègue Mme [X] (orthographe incertaine) mais sans définir précisément les propos que celle-ci auraient tenus qui sont seulement qualifiés de «'manque de politesse'» et d' «'attaques'».

[T] [M] indique par ailleurs que M. [R] ne formait pas bien ses chauffeurs mais sa conclusion «'je veux bien croire que M. [A] [V] n'ait pas été formé à son poste alors que ce monsieur n'avait jamais conduit de poids-lourd civil'» n'est qu'une supposition.

- Un certificat du Docteur [G] établi le 27 février 2020 qui donne des soins à M. [A] depuis le 6 avril 2018. Il indique que ce dernier «'présente depuis juillet 2019 des problèmes anxiodépressifs réactionnels évidents "qu'il ramène à des problèmes dans le cadre de son emploi, liés à un conflit de personne avec peut-être connotation de racisme' " M. [A] présente une insomnie chronique, des pensées morbides, un découragement manifeste avec incompréhension de cette situation' Son travail lui plaît et il souhaiterait que cette situation cesse. Devant son état ce jour, je préfère l'arrêter professionnellement et lui (illisible) un petit traitement anxiolytique'».

Il en résulte que M. [A] rencontre des difficultés depuis plusieurs mois, sans que leur apparition puisse être mise en relation certaine avec son emploi au sein de la société Arcadie puisqu'il y a été embauché le 29 juillet 2019 seulement.

- Les documents de la caisse de la mutualité sociale agricole reprenant les indemnités journalières servies pendant ses arrêts de travail du 27 février 2020 au 15 mai 2020.

- Le dossier médical de M. [A] auprès de la médecine du travail.

Il en ressort les constatations suivantes lors du premier examen du 14 octobre 2019': «'selon ses dires, au début, très bon résultat. Aurait même eu une prime puis proposition par le directeur de prendre le poste de dispatcher. Depuis cette proposition, son n+1 serait devenu très dur'; d'après lui, lui mettrait la pression, lui mettrait des bâtons dans les roues et lui parlerait mal. Se sent sous pression +++ (') D'après lui, serait même mis en difficulté par une salariée de l'accueil. S'est entretenu avec le directeur du site'; les a convoqués avec son chef. Sinon, est content de ce travail, notamment des horaires de travail.'» Ces éléments contredisent le point de départ des problèmes anxiodépressifs de M. [A] ainsi que la surcharge de travail dont il fait état.

Le médecin du travail mentionne en suivant qu'il a pris contact avec M. [W] (de la société Arcadie) qui «'doute de la véracité des propos du salarié'; trouve qu'a du mal à s'intégrer au collectif de travail'».

Dans ce dossier médical figure également le rapport conclu le 10 mars 2020 par le comité social et économique à la suite du courrier d'alerte du médecin du travail envoyé à la société Arcadie après une nouvelle rencontre avec M. [A] le 28 février 2020. Il en ressort que des tensions ont apparu entre M. [A] et M. [R] son supérieur hiérarchique qui ont donné lieu à des entretiens à quatre reprises avec l'adjoint de chef de centre, M. [W], à deux reprises avec le chef de centre et un rendez-vous avec le responsable logistique groupe. Il est mentionné que ces entretiens n'ont débouché sur aucune solution de leur part. Concernant l'altercation du 27 février 2020, un témoin, [L] [F], atteste que M. [A] était agressif et nerveux et que M. [R] esr resté calme malgré les insultes. Le rapport d'enquête mentionne que ce denier redoute de nouvelles confrontations avec M. [A] et qu'il estime son autorité sera menacée vis-à-vis des autres salariés si la situation ne s'améliore pas avec M. [A]. Le rapport n'a pas conclu à l'existence d'un harcèlement moral au préjudice de M. [A].

Ces éléments, pour la plupart vagues et en termes généraux, s'ils décrivent une situation dégradée entre M. [A] et son supérieur hiérarchique ainsi qu'avec une autre collègue, montrent que ces relations difficiles ont émergé après les premiers mois passés de manière positive dans l'entreprise. Surtout, ils ne permettent pas, même pris dans leur ensemble, de laisser supposer des agissements répétés de harcèlement moral envers le salarié ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail et une altération de son état de santé.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a conclu à l'absence de harcèlement moral.

Sur le bien-fondé du licenciement

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité et d'exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.

Aux termes de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l'article R.1232-13 du même code, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Suivant l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement, dont les termes fixent le litige, que M. [A] a été licencié pour cause réelle et sérieuse aux motifs suivants':

- le non-respect des temps de repos, à plusieurs reprises, avec de multiples infractions liées ay temps de conduite

- l'altercation du 27 février 2020 avec M. [R] à propos des relevés d'heures supplémentaires et d'un accident du travail non reconnu comme tel par la mutualité sociale agricole.

La société Arcadie écrit, avant de conclure':

«'A plusieurs reprises, nous avons été témoin de votre incapacité à gérer votre tournée en autonomie malgré une formation en interne et des livraisons en binôme.

De plus, nous avons pu constater que vous ne maîtrisez absolument pas les temps de conduite et que vous ne respectez pas la législation du transport et ce malgré de nombreux rappels et explications de votre supérieur hiérarchique.

De manière générale, il a été constaté que, malgré une organisation spécifique de votre manager à votre égard, vous contestez régulièrement les consignes que celui-ci vous donne, tout en ayant un comportement provoquant, menaçant, conflictuel et instable perturbant l'organisation du transport sur le site de [Localité 6].

Ce type de comportement est absolument intolérable car il porte préjudice à l'entreprise et plus précisément à l'organisation et à la sécurité de tous les collaborateurs'».

Il résulte des pièces versées aux débats que M. [A] a suivi une formation sur le transport public de marchandises, module conduite économique inclus, du 20 au 24 mai 2019. Selon les éléments du dossier, il avait précédemment conduit des poids-lourds pendant sa carrière militaire.

Il lui est reproché le non-respect des temps de repos sur plusieurs journées en janvier 2020 mais le liquidateur de la société Arcadie ne produiot aucun élément pour illustrer ce grief, à part des antécédents datant de plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement et qui ne peuvent donc être retenus.

Ce motif ne peut donc être retenu.

En revanche, l'altercation du 27 janvier 2020 avec M. [R] est illustrée et décrite dans le rapport d'enquête réalisé par le comité social et économique. Il en ressort que M. [A] a fait preuve d'un comportement énervé et agressif envers son supérieur hiérarchique, comportement injustifié puisqu'il était seulement question d'obtenir des feuilles de pointage et M. [R] l'a orienté vers M. [W], adjoint du chef de centre, et d'un accident du travail que M. [A] aurait reproché à son employeur de ne pas avoir déclaré à temps.

Il ressort en effet des pièces produites par M. [V] [A], qu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 20 novembre 2019 jusqu'au 27 novembre suivant pour accident du travail daté du 20 novembre 2019 sur le certificat. Les lésions suivantes'étaient notées par le médecin «'contusion osseuse scarpienne gauche'». M. [A] a déposé une déclaration d'accident du travail auprès de la caisse de Mutualité sociale agricole le 12 novembre 2019, laquelle a, après les réserves exprimées par l'employeur, fait l'objet d'un refus de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnelles. Aucun élément ne vient accréditer la thèse de M. [A] selon laquelle son employeur n'a pas fait la déclaration requise.

En revanche, il a ensuite été placé en arrêt de travail du 23 au 29 décembre 2019 pour une entorse à la cheville gauche, à la suite d'un accident du travail que la caisse de mutualité sociale agricole a accepté de prendre en charge en tant que tel, sans contestation de la société Arcadie.

Les difficultés relationnelles qui ont émergé entre M. [A] et M. [R] ont pourtant été prises en compte par la société Arcadie': plusieurs entretiens ont été organisés et des recherches ont été faites pour solutionner cette difficulté.

Néanmoins, l'attitude de M. [A] le 27 février 2020 a atteint une limite intolérable envers un supérieur hiérarchique, de nature à remettre en cause son autorité, et constitue un motif réel et sérieux de licenciement.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [A] était fondé.

Enfin, M. [A] invoquait un racisme à son préjudice qui n'est nullement étayé.

En conséquence de tous ces éléments, M. [A] sera débouté de sa demande globale de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, racisme et harcèlement moral.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera infirmé en ce qui concerne les dépens.

[V] [A], qui succombe en toutes ses prétentions, doit être condamné aux entiers dépens de l'instance, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes.

Toutefois, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Me [P] et Me [S], liquidateurs de la société Arcadie Sud-Ouest, ainsi que du CGEA de [Localité 3] qui seront donc déboutés de leurs demandes respectives sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par l'AGS CGEA de [Localité 3] visant à ce que les conclusions de M. [V] [A] en date du 5 octobre 2022 soient déclarées irrecevables';

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes en date du 9 juin 2022 sauf en ce qui concerne les heures supplémentaires et les dépens';

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant':

DEBOUTE M. [V] [A] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents';

CONDAMNE M. [V] [A] aux entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes';

DEBOUTE Me [P] et Me [S], ès qualités de liquidateurs de la société Arcadie Sud-Ouest, ainsi que l'AGS - CGEA de [Localité 3] de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01893
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;22.01893 ?
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