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15/04/2024 | FRANCE | N°24/00009

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 15 avril 2024, 24/00009


N°24/01360



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PAU





ORDONNANCE









CHAMBRE SPÉCIALE





Hospitalisation sous contrainte



15 avril 2024







Dossier N°

N° RG 24/00009 - N° Portalis DBVV-V-B7I-IZ6S







Objet :



Recours contre la décision du JLD statuant en application des articles L 3211-12-1 et suivants du code da la santé publiq

ue







Affaire :



[E] [L]-[F]



C/



Etablissement CENTRE HOSPITALIER [3]

Nous, Dominique ROSSIGNOL, Conseiller, Secrétaire Général à la Cour d'Appel de PAU, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 1...

N°24/01360

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PAU

ORDONNANCE

CHAMBRE SPÉCIALE

Hospitalisation sous contrainte

15 avril 2024

Dossier N°

N° RG 24/00009 - N° Portalis DBVV-V-B7I-IZ6S

Objet :

Recours contre la décision du JLD statuant en application des articles L 3211-12-1 et suivants du code da la santé publique

Affaire :

[E] [L]-[F]

C/

Etablissement CENTRE HOSPITALIER [3]

Nous, Dominique ROSSIGNOL, Conseiller, Secrétaire Général à la Cour d'Appel de PAU, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 18 décembre 2023, statuant en application des dispositions des articles R3211-18 et suivants du code de la santé publique, avons rendu après débat contradictoire tenu le 12 avril 2024, l'ordonnance suivante à l'audience du 15 avril 2024,

Avec l'assistance de Madame GABAIX-HIALE, Greffier

ENTRE :

Madame [E] [L]-[F]

Actuellement hospitalisé au centre hospitalier [3]

[Localité 1]

comparante en personne

Assistée de Me Simon ARHEIX, avocat au barreau de TOULOUSE

Suite à une ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MONT-DE-MARSAN, en date du 25 Mars 2024,

ET :

CENTRE HOSPITALIER [3]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Monsieur Le Directeur du centre hospitalier de [Localité 1], avisé, non comparant,

Monsieur le Préfet des Pyrénées-Atlantiques avisé, non comparant

PARTIE JOINTE : Ministère public

Ouï à l'audience publique tenue le 12 avril 2024 :

- Monsieur le Président en son rapport,

- l'appelante en ses explications,

- le conseil de l'appelant en ses conclusions orales,

- le Ministère Public, en ses réquisitions écrites,

- En cet état l'affaire a été mise en délibéré conformément à la loi

****************

Mme [E] [L]-[F] a été hospitalisée le 14 mars 2024 en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète pour péril imminent au centre hospitalier [3] à [Localité 1].

Sur saisine du directeur du centre hospitalier de [Localité 1] du 21 mars 2024, le juge des Libertés et de la détention de Mont-de-Marsan a, par ordonnance du 25 mars 2024, dit que la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet la patiente était justifiée et a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation sous la forme d'une hospitalisation complète.

Cette ordonnance lui a été notifiée le jour même.

Par courrier daté du 4 avril 2024, transmis par courriel, Maître [Z] [Y] en a interjeté appel.

L'affaire a été examinée à l'audience du 12 avril 2024.

Mme [E] [L]-[F] expose qu'elle est en désaccord avec la mesure et qu'elle n'a aucune intention suicidaire, contrairement à ce qui ressort des avis médicaux.

Maître [Y] demande sur le fondement des articles L3212-5 du code de la santé publique, R3211-2-2 du même code :

- à titre principal d'ordonner la mainlevée de la mesure d'hospitalisation en soins contraints;

- à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale confiée à un psychiatre qui aura pour mission d'apprécier si les conditions d'admission en hospitalisation sous contrainte pour cause de péril imminent sont réunies et de réserver les dépens;

- en tout état de cause, de condamner le centre hospitalier de [Localité 1] à verser à Mme [E] [L]-[F] une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que la commission départementale des soins psychiatriques ne semble pas avoir été informée de l'hospitalisation de Mme [E] [L]-[F], si bien que les dispositions de l'article L3212-4 du code de la santé publique n'ont pas été respectées. Il soutient que cette irrégularité porte atteinte aux droits de la patient, puisque la commission n'a pas pu exercer de contrôle sur le bien fondé de la mesure.

Il fait valoir que l'hospitalisation pour péril imminent , qui suppose de caractériser l'impossibilité d'obtenir la demande d'un tiers, est intervenue dans le cadre d'un détournement de procédure puisque la fille de Mme [E] [L]-[F] a toujours été présente, qu'elle avait initié une précédente hospitalisation le 4 mars 2024 dans un autre établissement de soins et qu'elle était connue de l'établissement de soins qui n'a pas cherché à la contacter.

Il expose que le certificat du docteur [P] établi le 14 mars 2024 est critiquable en ce qu'il relate des faits que le médecin n'a pas personnellement constaté, si bien que la notion de péril imminent est sujette à caution et il considère que les éléments médicaux ne caractérisent pas les conditions de l'hospitalisation complète pour péril imminent.

M. le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas comparu.

M. la directrice de l'établissement de santé de [Localité 1] n'a pas comparu.

Aux termes de ses réquisitions écrites, dont il a été donné lecture lors de l'audience, M. le procureur général requiert que l'appel soit déclaré recevable e et que l'ordonnance déférée soit confirmée.

MOTIFS,

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article R3211-19 du code de la santé publique, 'le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel'.

En l'espèce, l'appel interjeté par Mme [E] [L]-[F] est conforme aux exigences édictées par l'article susvisé et sera en conséquence déclaré recevable.

Sur le fond:

L'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit respecter le principe, résultant de l'article 66 de la Constitution, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit pas nécessaire (Conseil Constitutionnel, décision 2010/71 QPC du 26 novembre 2010). La protection de la liberté individuelle peut notamment trouver sa limite dans la protection de la sécurité de la personne objet des soins et des tiers auquel elle pourrait porter atteinte.

Selon l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être admise en soins psychiatriques sans son consentement sur la décision du directeur d'un établissement psychiatrique, en cas de péril imminent, que si :

1° ses troubles rendent impossible son consentement ;

2° son état impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme.

L'hospitalisation en cas de péril imminent suppose l'impossibilité d'obtenir une demande d'un tiers et l'existence d'un péril imminent pour la personne.

Le juge des libertés et de la détention doit contrôler en application de l'article L3216-1 du code de la santé publique la régularité des décisions administratives prises en matière d'hospitalisation complète. En application de l'article L3211-3 du code de la santé publique il doit aussi veiller à ce que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles du patient soient adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en oeuvre du traitement requis. Le juge ne peut dans le cadre de son contrôle se substituer à l'autorité médicale s'agissant de l'évaluation du consentement du patient, du diagnostic posé ou des soins.

1°) sur le défaut d'information de la commission départementale des soins psychiatriques:

Les dispositions visées par le conseil du patient, à savoir l'article L3212-4 du code de la santé publique sont erronées, puisqu'elles ne se rapportent pas à la commission départementale des soins psychiatriques:.

En application de l'article L3223-1 du code de la santé publique, applicable à l'espèce, 'la commission prévue à l'article L. 3222-5 :

1° Est informée, dans les conditions prévues aux chapitres II et III du titre Ier du présent livre, de toute décision d'admission en soins psychiatriques, de tout renouvellement de cette décision et de toute décision mettant fin à ces soins ;

2° Reçoit les réclamations des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II à IV du titre Ier du présent livre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale ou celles de leur conseil et examine leur situation ;

3° Examine, en tant que de besoin, la situation des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II à IV du titre Ier du présent livre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale et, obligatoirement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat :

a) Celle de toutes les personnes dont l'admission a été prononcée en application du 2° du II de l'article L. 3212-1 ;

b) Celle de toutes les personnes dont les soins se prolongent au-delà d'une durée d'un an ;

4° Saisit, en tant que de besoin, le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, ou le procureur de la République de la situation des personnes qui font l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II à IV du titre Ier du présent livre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale ;

5° Visite les établissements mentionnés à l'article L. 3222-1, vérifie les informations figurant sur le registre prévu à l'article L. 3212-11 et au IV de l'article L. 3213-1 et s'assure que toutes les mentions prescrites par la loi y sont portées ;

6° Adresse, chaque année, son rapport d'activité, dont le contenu est fixé par décret en Conseil d'Etat, au juge des libertés et de la détention compétent dans son ressort, au représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, au préfet de police, au directeur général de l'agence régionale de santé, au procureur de la République et au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ;

7° Peut proposer au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil d'une personne admise en soins psychiatriques en application des chapitres II à IV du titre Ier du présent livre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale d'ordonner, dans les conditions définies à l'article L. 3211-12 du présent code, la levée de la mesure de soins psychiatriques dont cette personne fait l'objet ;

8° Statue sur les modalités d'accès aux informations mentionnées à l'article L. 1111-7 de toute personne admise en soins psychiatriques en application des chapitres II à IV du titre Ier du présent livre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale.

Les personnels des établissements de santé sont tenus de répondre à toutes les demandes d'information formulées par la commission. Les médecins membres de la commission ont accès à toutes les données médicales relatives aux personnes dont la situation est examinée.'

Si la commission susvisée doit effectivement être informée par l'établissement de soins afin de pouvoir saisir le représentant de l'Etat dans le département ou le procureur de la République de la situation du patient faisant l'objet d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte pour cause de péril imminent, il n'est nullement établi que cette diligence n'ait pas été effectuée. Il appartenait au conseil du patient de demander à l'établissement de soins de justifier de la réalisation de cette démarche, ce qu'il n'a pas fait. Il ne peut donc prétendre que l'information n'a pas été délivrée en se fondant uniquement sur le fait qu'aucune indication ne figure au dossier sur ce point, alors même qu'il ne s'agit pas d'une pièce devant impérativement constituer le dossier transmis au juge pour lui permettre d'effectuer son contrôle de la régularité et du bien fondé de la mesure.

2°/ Sur le détournement de procédure et sur la régularité de la procédure:

L'hospitalisation en cas de péril imminent suppose l'impossibilité d'obtenir une demande d'un tiers et l'existence d'un péril imminent pour la personne.

L'hospitalisation sous contrainte de Mme [L] [F] est intervenue pour cause de péril imminent, régime d'hospitalisation qui suppose de caractériser l'impossibilité d'obtenir une demande dans les présentée par un membre de la famille.

S'il est établi par sa présence à l'audience que la fille de Mme [L] [F] entretient bien des liens de proximité avec sa mère, il n'en demeure pas moins que le certificat médical d'admission établi le 14 mars 2024 par le docteur [P] mentionne expressément 'malgré nos recherches, aucun tiers n'a pu être trouvé'.

L'existence ou non d'un tiers susceptible de solliciter une hospitalisation sous contrainte s'apprécie au moment où ladite hospitalisation en mise en oeuvre. Dès lors, le fait que la fille de la patiente s'occupe habituellement d'elle n'est pas de nature à entacher la régularité de la mesure d'hospitalisation pour péril imminent, dès lors que le certificat médical relève expressément l'impossibilité de contacter un tiers malgré des démarches en ce sens.

Il convient en outre de relever que le tiers susceptible d'initier la mesure d'hospitalisation contrainte peut toujours solliciter la transformation d'une mesure d'hospitalisation pour péril imminent en mesure d'hospitalisation à la demande d'un tiers, ce que la fille de la patiente ne justifie pas avoir fait.

En l'espèce, l'ensemble des pièces produites et en particulier les décisions du directeur de l'établissement, les notifications des droits et avis médicaux permettant de constater la régularité de la procédure.

3°) Sur le bien fondé de la mesure:

Mme [L] [F] a été hospitalisée pour cause de péril imminent pour les motifs suivants résultant du certificat médical établi par le docteur [P]: la patiente présente' une tachypsychie, une tachyphémie, une logorrhée avec fuite des idées et diffluence, avec des propos délirants peu construits à thématique sexuelle et de persécution. Elle n'a aucune conscience du caractère pathologique de son état. Elle se trouvait dans une clinique spécialisée en nutrition et refusait d'y retourner, là-bas, elle a menacé de se défenestrer.'

A l'évidence, les éléments mentionnés sur cet avis médical résultent bien des constatations faites par le médecin qui a rédigé cet avis et il ne peut être reproché au médecin de prendre en compte des éléments de contexte antérieurs à son intervention pour éclairer le contexte dans lequel il est amené à rédiger son certificat.

L'avis médical rédigé dans le cadre de la procédure d'appel par le docteur [R] relate la pathologie de la patiente à savoir qu'elle présente un trouble bipolaire, une thymie labile et un discours diffluent avec de nombreux passages du coq à l'âne, mais restant recadrable. Si elle comprend bien les motifs de son admission elle reste récriminatrice vis-à vis de l'hospitalisation et de la prise en charge, si bien que les soins psychiatriques à temps complet doit être maintenue sauf avis contraire préconisant la levée de l'hospitalisation complète.

La mention ' sauf avis contraire préconisant la levée de l'hospitalisation complète' ne peut se comprendre que comme un nouvel avis qui interviendrait à une date postérieure, puisqu'à la date de son établissement le docteur [R] a estimé qu'il était nécessaire de maintenir la mesure.

En l'absence d'un tel élément, les éléments concordants et circonstanciés ressortant des différents éléments médicaux, qui caractérisent à la fois la pathologie de la patiente, un risque suicidaire et une mauvaise acceptation de l'hospitalisation et de la prise en charge justifient la confirmation de l'ordonnance déférée et de la mesure d'hospitalisation sans consentement.

4°) Sur les autres demandes :

Il convient de rejeter la demande formée par Mme [L] [F] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens resteront à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS,

Après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclarons recevable l'appel formé par Madame [E] [L]-[F],

Sur le fond,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Mont-de-marsan en date du 25 mars 2024,

Rejetons la demande formée par Mme [E] [L] [F] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

LE GREFFIER, P/ Le Premier Président,

Le Conseiller

S. GABAIX-HIALE D. ROSSIGNOL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 24/00009
Date de la décision : 15/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-15;24.00009 ?
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