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11/04/2024 | FRANCE | N°22/01886

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 11 avril 2024, 22/01886


TP/SB



Numéro 24/1309





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 11/04/2024









Dossier : N° RG 22/01886 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIIF





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[W] [S]



C/



S.A.S. MIRKO LA CANOTTE














r>Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 Avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de...

TP/SB

Numéro 24/1309

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 11/04/2024

Dossier : N° RG 22/01886 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IIIF

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[W] [S]

C/

S.A.S. MIRKO LA CANOTTE

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 Avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 24 Janvier 2024, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [W] [S]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Maître D'HENNEZEL DE FRANCOGNEY de la SELARL CABINET D'HENNEZEL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

S.A.S. MIRKO LA CANOTTE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU et Maître DE MARNIX de la SELARL DE MARNIX AVOCAT, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN,

sur appel de la décision

en date du 08 JUIN 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 21/00053

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [W] [S] a été embauché par la SAS Mirko, à compter du 22 août 2020, en qualité d'employé polyvalent, niveau III, échelon 3, à raison de 182 heures mensuelles, selon contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des hôtels cafés restaurants.

Il a été logé dans l'hôtel restaurant.

Fin octobre/ début novembre 2020, le gouvernement a ordonné le deuxième confinement.

M. [S] a été placé en chômage partiel total et soutient avoir continué de travailler pendant cette période.

Il a quitté le domicile fourni par l'employeur.

Le 1er décembre 2020, M. [S] a sollicité le paiement d'heures supplémentaires en lien avec la période de travail pendant le chômage partiel.

L'employeur a contesté les termes de cette lettre et lui a demandé de se présenter sur son lieu de travail du 21 au 23 décembre, de 10h à 12h.

Le 15/17 décembre 2020, M. [S] a été placé en arrêt maladie.

Le 3 mars 2021, le médecin du travail l'a déclaré inapte considérant que " l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. ".

Le 10 mars 2021, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement, entretien fixé le 23 mars 2021.

Par courrier du 26 mars 2021, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 14 mai 2021, M. [S] a saisi la juridiction prud'homale au fond.

Par jugement du 8 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan a :

- Dit et jugé que le licenciement pour faute réelle et sérieuse est retenu,

- Dit et jugé que le travail dissimulé n'est pas avéré, donc infondé et rejeté le chef de demande,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande au titre du chômage partiel pour la somme de 703,72 euros et des congés payés attenants pour la somme 70.37 euros,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé pour la somme 13.723,62 euros,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires entre août et octobre 2020 pour la somme 7.319,64 euros et le déboute des congés payés attenants pour la somme de 731.96 euros,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et sécurité au travail pour la somme de 5.000 euros,

- Débouté M. [S] de sa demande de paiement du salaire de mars 2021 pour la somme de 2.287,27 euros et des congés payés attenants pour la somme de 228,72 euros,

- Débouté M. [S] de sa demande sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1232-2 du code du travail pour la somme 2.287,27 euros,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande de préavis pour la somme de 2.287,27 euros et des congés payés attenants pour la somme de 228,72 euros,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande de remise de tous documents sous astreinte,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la somme de 3.000 euros,

- Condamné M. [S] [W] à verser à la SAS Mirko La Canotte la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [S] [W] aux entiers dépens et frais d'exécution.

Le 5 juillet 2022, M. [W] [S] a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 5 octobre 2022 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [W] [S] demande à la cour de :

- Juger recevables et bien fondées les demandes de M [S], y faire droit.

En conséquence

- Infirmer en tous points la décision du conseil de [Localité 6], la Réformer et :

- condamner l'employeur au titre du chômage partiel l'employeur à verser une indemnité 703,72 euros outre 70,37 euros au titre des congés payés.

- le condamner à régler l'indemnité de travail dissimulé de 6 mois de salaire soit 13723,62 euros

- le condamner au paiement des heures supplémentaires entre août et octobre 2020 soit 7319,64 euros outre 731,96 euros CP

- le condamner au paiement de 5000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de santé

- Déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à la somme de 2287,27 euros sur le fondement de l'article L 1232-2 CT pour vice de procédure.

- le condamner à régler un préavis d'un mois de salaire soit 2287,27 euros outre 228,72 euros de CP afférents

- le condamner à remettre les bulletins de salaire d'aout à décembre 2020 rectifié ainsi que les documents de fin de contrat rectifiés mais aussi à remettre les bulletins de janvier à mars 2021 outre les outre les documents de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la fin du contrat de travail doit le 29 3 2021

- le condamner au paiement à la somme supplémentaire de 5000 euros au titre de l'article 700 CPC outre les entières demandes.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 27 décembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Mirko demande à la cour de :

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- Dit et jugé que le licenciement pour faute réelle et sérieuse est retenu,

- Dit et jugé que le travail dissimulé n'est pas avéré, donc infondé et rejette de chef de demande,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande au titre du chômage partiel pour la somme de 703,72 euros et des congés payés attenants pour la somme 70.37 euros,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé pour la somme 13.723,62 euros,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires entre août et octobre 2020 pour la somme 7.319,64 euros et le déboute des congés payés attenants pour la somme de 731.96 euros,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et sécurité au travail pour la somme de 5.000 euros,

- Débouté M. [S] de sa demande de paiement du salaire de mars 2021 pour la somme de 2.287,27 euros et des congés payés attenants pour la somme de 228,72 euros,

- Débouté M. [S] de sa demande sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1232-2 du code du travail pour la somme 2.287,27 euros,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande de préavis pour la somme de 2.287,27 euros et des congés payés attenants pour la somme de 228,72 euros :

- Débouté M. [S] [W] de sa demande de remise de tous documents sous astreinte,

- Débouté M. [S] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la somme de 3.000 euros,

- Condamné M. [S] [W] aux entiers dépens et frais d'exécution.

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- Condamné M. [S] [W] à verser à la SAS Mirko La Canotte la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence et statuer à nouveau,

- Avant dire droit Ecarter des débats les pièces adverses 9 à 14 bis et 17 à 20, pièces non numérotées, la pièce adverse 14 non communiquée et les pièces 1,2 3, 5 et 8 comprenant plusieurs feuillets non numérotés et dont l'authenticité n'est pas démontrée.

Au fond

- Condamner M. [W] [S] à verser à la SAS Mirko La Canotte la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC demandée en première instance,

En tout état de cause :

- Condamner M. [W] [S] à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC concernant la présente procédure devant la Cour d'Appel.

- Condamner M. [W] [S] aux entiers dépens,

- Débouter M. [S] de toutes ses autres demandes,

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de la société Mirko que soient écartées des pièces communiquées par M. [S]

La société Mirko demande que soient écartées :

- les pièces adverses 9 à 14 bis et 17 à 20, car non numérotées,

- la pièce adverse 14 non communiquée

- les pièces 1, 2, 3, 5 et 8 comprenant plusieurs feuillets non numérotés et dont l'authenticité n'est pas démontrée.

Il convient de rappeler les dispositions de l'article 954 alinéa 1 du code de procédure civile selon lesquelles les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Force est de constater en l'espèce qu'aucun bordereau de pièces n'est versé aux débats par le conseil de M. [S] qui n'a fait que lister, au bas du dispositif de ses écritures, les pièces qu'il communique et qu'il numérote sans avoir apposé son cachet.

Concernant ces dernières, il convient de relever que :

- la pièce 1 est définie comme étant un contrat de travail à temps complet et un mail du 18 août 2020, qui constituent les deux éléments versés aux débats sous cette numérotation,

- la pièce 2 est un contrat de travail signé de M. [S] et de la société Mirko le 22 août 2020 pour le poste d'employé polyvalent,

- la pièce 3 est un contrat de travail signé de M. [S] et de la société Mirko le 22 août 2020 pour le poste de chef cuisinier,

- la pièce 5 est constituée des bulletins de paie de M. [S] des mois d'août à décembre 2020.

Ces pièces ne sont pas utilement discutées et n'ont dès lors pas à être rejetées des débats.

La pièce 8 est constituée de 15 pages comportant chacune un planning individuel hebdomadaire pour chaque semaine travaillée du 17 août au 30 novembre 2020, mentionnant le nom de M. [S] et comptabilisant le nombre d'heures effectuées durant ces semaines.

L'employeur conteste l'authenticité de cette pièce.

Il résulte du jugement déféré que le conseil de prud'hommes a demandé la remise au greffe des documents originaux mais que cette demande est restée sans réponse.

Il est seulement versé aux débats un procès-verbal de signification établi par voie d'huissier le 28 décembre 2021 mentionnant la remise, au conseil de prud'hommes, de " la copie faite en [l'étude] à Saint Sever (') de documents que le requérant (M. [S]) a déclaré être des originaux ". Ces pièces étaient les plannings produit par le salarié sous la pièce 8.

Il appert donc que les originaux n'ont jamais été présentés même au conseil de prud'hommes et que l'huissier n'a pas affirmé que les documents qu'il avait photocopiés étaient des originaux.

Ces documents comportent des signatures dans la case " émargement salarié " et dans la case " émargement employeur ", outre une troisième signature avec le nom de [L] [C], autre salarié de la société Mirko.

L'examen attentif des signatures révèle que la signature présente dans l'encadré " émargement employeur " est rigoureusement identique sur chaque planning, sans aucune différence même minime comme il est d'usage entre deux signatures faites de la main de la même personne.

En l'absence d'éléments permettant de certifier l'authenticité discutée de ces documents, il y a lieu d'écarter des débats la pièce 8 qu'ils composent.

Concernant les pièces adverses 9 à 14 bis et 17 à 20, il apparaît qu'elles sont numérotées, certes sans le cachet de l'avocat, mais conformément à la liste des pièces mentionnée au bas des écritures de M. [S].

Enfin, aucun élément ne permet d'établir que la pièce 14 n'a pas été communiquée.

Ces dernières pièces ne seront donc pas rejetées des débats.

Sur les demandes de rappel de salaire au titre du chômage partiel

[W] [S] sollicite un rappel de salaire pour la période de chômage partiel en novembre et décembre 2020, soutenant qu'il aurait dû percevoir l'intégralité de sa rémunération car il a accompli des heures de travail pendant le mois de novembre 2020.

Il produit, pour justifier d'une activité au cours de cette période, chaque jour de 19h à 22h :

- les fiches horaires de travail écartées des débats ci-avant,

- des photographies en pièce 15 :

o l'une d'une réception d'un établissement, en plein jour, envoyée par snapchat le 20 novembre 2020 à 14h32, soit bien avant les 19h d'embauche quotidienne invoquée, où personne n'apparaît, ni aucune activité n'est visible,

o une d'un plat de pâtes en cours de cuisson envoyée par snapchat le 20 novembre 2020 à 12H10, sans qu'aucun autre élément ne montre d'autres préparations en cours pour accompagner ces féculents, ni aucun cuisinier ou commis,

o une dernière, toujours de la cuisine d'un restaurant, prise en pleine journée, ne représentant aucune personne et montrant au contraire un lieu propre sur cette photographies horodatée à 17h21, ce qui est contradictoire avec l'affirmation que M. [S] préparait et servait des dîners.

- Un mail envoyé par Mme [N], auquel est joint la copie de sa carte d'identité, qui indique avoir été hébergée à l'hôtel La Canotte, exploité par la société Mirko, du 26 au 30 octobre 2020, soit avant la mise en place du chômage partiel, puis du 02 au 06 novembre 2020. Il y est écrit que M. [S] et M. [C], autre salarié, ont pourvu à ses demandes en faisant les repas du soir et les petits déjeuners, ainsi que le nettoyage des chambres. Ces éléments sont en contradiction avec les horaires de travail déclarés, de 19 à 22 heures.

- Un mail émanant d'un certain [J] [Z], envoyé le 16 décembre 2020, qui vante les qualités professionnelles de Messieurs [S] et [C] au cours de son séjour avec Mme [N], auquel il peut être apporté les mêmes réserves qu'au courriel de cette dernière.

[W] [S], qui était logé par son employeur avec son compagnon et collègue M. [C], verse également aux débats un courrier qu'il a adressé à son employeur le 1er décembre 2020, dans lequel il réclame le paiement des heures de ronde qu'il dit avoir effectuées chaque nuit depuis le 22 août 2020.

Il y écrit également : " sentant la situation se dégrader, dégénérée et votre attitude changée, j'ai pris mes dispositions depuis le 16/11/2020 en me trouvant un logement et heureusement pour moi car en vue de mon refus du 30/11/2020 de venir travailler tout en étant au chômage partiel, vous avez fait le choix de nous mettre à la porte (mon collègue [L] et moi) ".

La société Mirko lui a répondu en concédant qu'elle avait reçu des clients au cours de 7 nuits en novembre 2020 et en justifie. Il en résulte que l'établissement a accueilli des clients les nuits des 2 et 7 novembre 2020, quand M. [S] était encore logé à l'établissement, puis les nuits des 17,18, 19, 27 et 28 novembre 2020 alors qu'il avait déménagé à [Localité 5] et qu'aucun élément ne démontre qu'il était à l'établissement ces nuits-là. Il ressort également de ces pièces que des plateaux repas ont été servis aux clients, ce qui dément toute activité de restauration invoquée par M. [S].

Par ailleurs, il résulte de la réglementation applicable à ce régime de chômage partiel induit par la mise en place d'un nouveau confinement que l'indemnité d'activité partielle représentait 70% de la rémunération.

[W] [S], dont la rémunération totale s'élevait à 2287,27 euros bruts, a perçu une indemnité d'activité partielle de 1583,55 euros, soit inférieure à celle à laquelle il aurait dû prétendre (2287,27 x 70% = 1601,10 euros).

En conséquence de tous ces éléments, il appert qu'un solde d'indemnité d'activité partielle lui est due, de même qu'un salaire pour les prestations de travail effectuées durant la première quinzaine de novembre 2020, soit une somme que la cour décide de fixer à 350 euros. La société Mirko sera condamné au paiement de ce rappel, outre 35 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Selon les dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du code du travail dispose pour sa part qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d'emploi salarié prévu par l'article L8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Il appartient au salarié de démontrer que l'employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail du salarié en ne lui payant pas les heures de travail accomplies. Cette intention ne peut pas se déduire de la seule absence de preuve, par l'employeur, des horaires effectués par son salarié.

Or, en l'espèce, M. [S] est défaillant dans l'administration de la preuve de cette intention de la société Mirko de se soustraire au paiement des heures de travail effectuées.

Il doit donc être débouté de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé.

Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

Le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

S'appliquent les dispositions des articles :

- L3171-2 al 1 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

- L.3171-3 du code du travail : L'employeur tient à la disposition de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

- L.3171-4 du code du travail : En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande, M. [S] invoque seulement les décomptes qu'il a produits en pièce 8, laquelle a été précédemment écartée des débats.

Force est donc de constater qu'il ne produit aucun élément précis permettant à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, étant de surcroît observé que ce dernier produit le planning hebdomadaire qu'il a préparé pour le salarié et deux de ses collègues, ainsi que celui qui a été " établi par [R] [B] ", autre salariée, pour les quatre salariés de l'établissement.

Il sera en conséquence débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Pour ne pas méconnaître cette obligation légale, il doit justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.

M. [S] a été placé en arrêt de travail à compter du 18 décembre 2020, quelques jours après que son compagnon, M. [C], et lui ont dû quitter l'établissement exploité par la société Mirko où ils étaient logés, dans des circonstances non clarifiées.

Il a fait l'objet d'un avis d'inaptitude du médecin du travail relevant que son " état de santé relève encore de la médecine de soins (pleures, insomnie) " et que " la poursuite des soins lui permettrait également de rencontrer le psychologue du travail ".

Pour autant, les éléments du débat ne permettent pas de relier cet état de santé à un quelconque manquement de l'employeur puisque aucune heure supplémentaire n'a pu être établie, ni aucun dépassement de la durée maximale de travail ou minimale de repos n'a été caractérisée en l'espèce.

En conséquence, M. [S] sera débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

Il est de principe qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée. Conformément aux dispositions des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu à l'égard de ses salariés, à une obligation de sécurité dont il lui appartient d'assurer l'effectivité.

En l'absence de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il doit donc être déduit que le licenciement pour inaptitude de M. [S] est bien fondé de sorte qu'il sera débouté de ses demandes visant à ce que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et qu'il obtienne le paiement de dommages et intérêts en conséquence ainsi que d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Il convient d'enjoindre à la société Mirko de remettre à M. [S] le bulletin de salaire rectifié pour le mois de novembre 2020, conformément à la présente décision. Il n'est toutefois pas justifié d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Il y a lieu d'infirmer la décision de première instance en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La teneur de cette décision commande de laisser à chaque partie la charge des dépens et des frais irrépétibles par elle engagés au cours de l'instance, y compris devant le conseil de prud'hommes.

En conséquence, les demandes formulées de manière réciproque par les parties et fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

ECARTE des débats la pièce n°8 communiquée par M. [W] [S] ;

REJETTE la demande de la société Mirko relative au rejet des pièces 1,2 3, 5, 9 à 14 bis et 17 à 20 ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Mont de Marsan en date du 8 juin 2022, sauf en ce qui concerne la demande au titre du chômage partiel et la communication des documents rectifiés, ainsi que les dépens et les frais irrépétibles ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la société Mirko à payer à M. [W] [S] la somme de 350 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de novembre 2020, outre 35 euros pour les congés payés y afférents ;

ENJOINT à la société Mirko de remettre à M. [W] [S] le bulletin de salaire rectifié pour le mois de novembre 2020, conformément à la présente décision ;

DIT n'y avoir lieu à astreinte ;

LAISSE à chaque partie la charge des dépens et des frais irrépétibles par elle exposés au cours de l'instance, y compris devant le conseil de prud'hommes ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes réciproques fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01886
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.01886 ?
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