La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2024 | FRANCE | N°23/01974

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 08 avril 2024, 23/01974


PhD/ND



Numéro 24/1197





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRÊT DU 08/04/2024







Dossier : N° RG 23/01974 - N° Portalis DBVV-V-B7H-ISXG





Nature affaire :



Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d'une saisie mobilière







Affaire :



Organisme LA DIRECTION INTERREGIONALE DES DOUANES DE [Localité 8]



C/



[B] [E]






>



















Grosse délivrée le :

à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Avril 2024, les parties en ayant été préalab...

PhD/ND

Numéro 24/1197

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRÊT DU 08/04/2024

Dossier : N° RG 23/01974 - N° Portalis DBVV-V-B7H-ISXG

Nature affaire :

Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d'une saisie mobilière

Affaire :

Organisme LA DIRECTION INTERREGIONALE DES DOUANES DE [Localité 8]

C/

[B] [E]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 08 Février 2024, devant :

Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l'appel des causes,

Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

La DIRECTION INTERREGIONALE DES DOUANES DE [Localité 8]

dont le siège se situe au [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de la Recette interrégionale des douanes de Marseille, prise ne la personne de son receveur interrégional domicilié en cette qualité audit siège,

Représentée par Me Guillaume BLANCHE, avocat au barreau de Pau

Assistée de Me Colin MAURICE (CM & L Avocats), avocat au barreau de Paris

INTIME :

Monsieur [B] [E]

né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Arnaud SABIN de la SELARL PYRENEES AVOCATS, avocat au barreau de Pau

sur appel de la décision

en date du 06 JUILLET 2023

rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE BAYONNE

RG : 23/64

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Par acte d'huissier du 26 novembre 2022, la Direction interrégionale des douanes de [Localité 8] a fait procéder à la saisie des droits d'associé détenus par M. [B] [E] dans la SCI Grosen Kayette, en vertu de quatre avis de mise en recouvrement suivants :

- AMR n° 0898/17/3061 du 1er février 2017, pour un solde de 16.799,60 euros

- AMR n° 0890/18/2147 du 4 juillet 2018 d'un montant de 26.947 euros

- AMR n° 08980/19/6770 du 19 août 2019 d'un montant de 26.947 euros

- AMR n° 08980/20/6002 du 28 octobre 2020 d'un montant de 26.947 euros

La saisie a été dénoncée au débiteur le 28 novembre 2022.

Suivant exploit du 23 décembre 2022, M. [E] a fait assigner la Direction interrégionale des douanes de [Localité 8] par devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bayonne en nullité des AMR et mainlevée de la saisie.

Par jugement contradictoire du 6 juillet 2023, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le juge de l'exécution, après avoir retenu que les AMR n'avaient pas été régulièrement notifiés à l'adresse du débiteur, a :

- donné mainlevée de la saisie des droits d'associé

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens

Par déclaration faite au greffe de la cour le 12 juillet 2023, la Direction interrégionale des douanes de [Localité 8] a relevé appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 17 janvier 2024.

***

Vu les dernières conclusions notifiées le 15 janvier 2024 par l'appelante qui a demandé à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :

- se déclarer incompétent pour examiner les moyens de fond tendant à l'annulation des AMR et les moyens liés à la prescription des mêmes actes

- juger irrecevable, et en tout cas mal fondé, le moyen tiré de l'acquisition de la prescription de l'action mise en recouvrement

- juger réguliers et biens fondés les [quatre] AMR |fondant les poursuites]

- juger régulier et bien fondé le procès-verbal de saisie du 26 novembre 2022

- débouter M. [E] de ses demandes

- condamner M. [E] à lui payer la somme de 3.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Vu les dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2024 par l'intimé qui a demandé à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement entrepris.

A titre subsidiaire :

- se déclarer compétente pour trancher la question de la prescription des AMR

- constater que les AMR des 1er février 2017 et 4 juillet 2018 sont prescrits

- les déclarer prescrits

- cantonner la saisie à la somme en principal de 53.894 euros

- condamner l'appelante aux dépens.

MOTIFS

sur la notification des AMR

L'appelante fait grief au jugement d'avoir retenu que les notifications des AMR n'avaient pas été faites au domicile du débiteur, [Adresse 3], à [Localité 6], mais au 1 de cette même voie, alors que les quatre AMR ont été notifiés à l'adresse déclarée par le débiteur à l'administration douanière, les trois premiers AMR au [Adresse 1], à [Localité 6], et le dernier au [Adresse 3], à [Localité 6], conformément aux dispositions de l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales.

L'intimé conclut à la confirmation du jugement, réfutant avoir déclaré une adresse au [Adresse 1], à [Localité 6], et être l'auteur de la signature de l'accusé de réception de l'AMR de 2017.

Cela posé, il est constant que les titres émis par une personne morale de droit public ne peuvent donner lieu à une mesure d'exécution forcée s'ils n'ont pas été préalablement notifiés au débiteur.

Il résulte de l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales, que la notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l' ampliation " prévue à l'article R. 256-3.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de constat du 6 janvier 2017, dressé au siège de la brigade de surveillance nautique des douanes de [Localité 9], relatif au paiement du droit de passeport que M. [E] a déclaré, à la rubrique « personne concernée », outre son identité et sa profession de courtier maritime, « demeuré au [Adresse 1] ».

M. [E] a été invité à relire et à signer ses déclarations, ce qu'il a fait sans remettre en cause l'adresse mentionnée dans le procès-verbal.

Le même jour, un avis de paiement a été établi mentionnant en grands caractères gras, le nom, le prénom de M. [E] et son adresse au [Adresse 1], à [Localité 6].

Ce document, simple, clair et précis, a été remis en mains propres avec accusé de réception signé le 6 janvier 2017 par M. [E].

L'AMR n°0898/17/3061 du 1er février 2017, relatif au droit de passeport, a donc été valablement notifié à l'adresse déclarée par M. [E], conformément à l'article R. 256-6 précité.

Par ailleurs, il est indifférent que la signature de l'accusé de réception ne ressemble pas à celle de M. [E], puisque celui-ci a formé un recours gracieux contre ce titre, reçu le 3 mars 2017 par l'administration des douanes au vu duquel celle-ci a opéré une décharge partielle des droits contestés.

La cour constate que M. [E] n'allégue ni de démontre que, dans le cadre de ce recours, il aurait déclaré une nouvelle adresse ou rectifié la précédente.

Par conséquent, l'administration des douanes a encore pu valablement notifier les AMR n° 0890/18/2147 du 4 juillet 2018 et n° 08980/19/6770 du 19 août 2019 à la dernière adresse connue et déclarée par M. [E].

Par la suite, le 20 mars 2020, M. [E] a enregistré un nouveau navire auprès du bureau des douanes de [Localité 7] en déclarant, à cette occasion, l'adresse du [Adresse 3], à [Localité 6].

Le dernier AMR n° 08980/20/6002 du 28 octobre 2020 a donc été valablement notifié à cette adresse, le jugement n'ayant d'ailleurs pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait, à tout le moins, que cet AMR n'encourait pas le grief invoqué.

Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le jugement sera infirmé et M. [E] débouté de sa contestation tirée de l'irrégularité de la notification des AMR à une adresse erronée.

sur la compétence du juge de l'exécution pour statuer sur la prescription de l'action en recouvrement

M. [E], à titre subsidiaire, oppose la prescription de l'action en recouvrement des AMR de 2017 et 2018, et objecte que le juge de l'exécution est compétent pour connaître de cette contestation, en application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

L'appelante soulève l'incompétence du juge de l'exécution pour connaître cette contestation, considérant que les dispositions générales, visant à uniformiser le contentieux du recouvrement des créances des personnes morales publiques, de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales dérogent aux dispositions antérieures de l'article 349 nonies du code des douanes, et, partant, que le juge de l'exécution ne peut connaître que des contestations touchant à la forme de l'acte de poursuite à l'exclusion de celles touchant le fond de la créance douanière ressortissant, en l'espèce, à la compétence du tribunal judiciaire.

Mais, contrairement à ce que soutient l'appelante, les dispositions générales de l'article L. 281du livre des procédures fiscales laissent intactes les dispositions spéciales de l'article 349 nonies du code des douanes qui donnent compétence au juge de l'exécution pour statuer sur toutes les contestations relatives au recouvrement d'une créance douanière, étant encore relevé, en matière de mise en demeure, que l'article 345 ter du code des douanes, issu d'une loi postérieure à la nouvelle rédaction de l'article L. 281 précité, énonce que, par dérogation à l'article L. 257 du livre des procédures fiscales (et donc de l'article L. 281) du livre des procédures fiscales, la contestation de la mise en demeure visant une créance douanière peut être contestée dans les conditions prévues à l'article 349 nonies,

A fortiori, il résulte des dispositions combinées des articles L. 345 nonies et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, que le juge de l'exécution est compétent pour statuer, à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée, sur la contestation tirée de la prescription de l'action en recouvrement du titre exécutoire constatant une créance douanière.

L'exception d'incompétence, comme la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge de l'exécution, seront rejetées.

Sur la prescription, M. [E] oppose la prescription quadriennale de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales dont il déduit que l'AMR du 1er février 2017 se prescrivait au 1er février 2021 et l'AMR du 4 juillet 2018 au 4 juillet 2022.

L'appelante oppose deux actes interruptifs au cours de cette prescription, le premier consistant en un commandement de payer notifié par mail du 8 décembre 2020, le second en un avis à tiers détenteur du 4 février 2021.

Mais, sur la forme et la notification du commandement de payer du 8 décembre 2020, il ne peut être fait application, comme le demande l'intimé, de l'article 345 ter du code des douanes, renvoyant à l'article L. 257 du livre des procédures fiscales, ce texte étant entré en vigueur le 1er janvier 2022, ni du BOFIP BOI PREA 10-10-2020 en ce qu'il concerne la notification des avis de mise en recouvrement.

Cependant, si aucune disposition légale n'interdit la possibilité pour l'administration des douanes de notifier la mise en demeure valant commandement de payer par voie électronique, le recours à ce procédé implique, dans un souci de sécurité juridique et de preuve de la formalité, de recueillir préalablement le consentement du destinataire à la transmission de l'acte par voie électronique ainsi que l'émission par le destinataire d'un avis de réception mentionnant la date et l'heure.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, la pièce produite étant constituée d'une capture d'écran d'un message électronique rédigé par l'administration des douanes, avec une pièce jointe, dont rien ne prouve qu'il a été envoyé et reçu par M. [E], ni que le commandement est bien la pièce jointe, et alors qu'il n'est pas mentionné que le destinataire aurait donné son accord pour ce mode de notification.

Par conséquent, le commandement de payer versé aux débats, sans preuve de sa notification régulière, est inopposable à M. [E], et donc sans effet sur le cours de la prescription.

S'agissant de l'avis à tiers détenteur, l'appelante a produit un avis administratif à tiers détenteur destiné à la Société Générale de Puteaux en date du 4 février 2021, mais auquel est annexé un formulaire d'accusé de réception vierge de toute mention et de toute signature, de sorte qu'il n'est pas justifié que l'avis à tiers détenteur a été notifié au tiers saisi.

En outre, il n'est justifié d'aucune notification de cet ATD à M. [E], sans laquelle l'ATD ne peut produire son effet interruptif.

Cet acte est donc inopposable à M. [E].

Il résulte des considérations qui précédent que l'action en recouvrement des AMR de 2017 et 2018 doit être déclarée prescrite.

En conséquence, il conviendra en conséquence de valider la saisie des droits d'associé pratiquée en vertu des AMR de 2019 et de 2020 et d'ordonner la mainlevée de la saisie du chef des AMR prescrits.

Les dépens d'appel, comme ceux de première instance, seront laissés à la charge des parties et celles-ci seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a laissé à chacune des parties la charge de ses dépens,

et statuant à nouveau,

DEBOUTE M. [E] de sa contestation tirée de l'irrégularité de la notification à une adresse erronée des avis de mise en recouvrement de 2017, 2018, 2019 et 2020,

DEBOUTE l'administration des douanes de son exception d'incompétence matérielle du juge de l'exécution et de sa fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel du juge de l'exécution pour statuer sur la prescription de l'action en recouvrement des titres exécutoires constatant une créance douanière,

DECLARE prescrite l'action en recouvrement des avis de mise en recouvrement n° 0898/17/3061 du 1er février 2017 et n° 0890/18/2147 du 4 juillet 2018,

VALIDE la saisie des droits d'associé de M. [E] pratiquée le 26 novembre 2022 pour le recouvrement des avis de mise en recouvrement n°08980/19/6770 du 19 août 2019 et n° 08980/20/6002 du 28 octobre 2020,

ORDONNE la mainlevée de la saisie des droits d'associé de M. [E] pratiquée le 26 novembre 2022 en vertu des avis de mise en recouvrement prescrits,

DIT que les parties conserveront à leur charge leurs dépens,

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 23/01974
Date de la décision : 08/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-08;23.01974 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award