SF/CD
Numéro 24/00863
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 12/03/2024
Dossier : N° RG 22/02421 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IJ2I
Nature affaire :
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Affaire :
Société Coopérative à Personnel et Capital Variable CAVE D'[Localité 6]
C/
SCP [J] BRU
CRAMA CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLES AGRICOLE D'OC dite GROUPAMA D'OC
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 Mars 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 09 Janvier 2024, devant :
Madame FAURE, Présidente et Madame BLANCHARD, Conseillère,
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes,
Madame FAURE, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame BLANCHARD et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère rédacteur
Madame BLANCHARD, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Société Coopérative à Personnel et Capital Variable CAVE D'[Localité 6]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Maître FELIX de la SELARL CASADEBAIG & ASSOCIES - ELIGE PAU, avocat au barreau de PAU
Assistée de Maître LASSERRE de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMEES :
SCP VITANI BRU
agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA [F] & FILS, fonction à laquelle elle a été nommée par jugement du tribunal de commerce d'ALBI en date du 27 octobre 2015
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Maître BERTIZBEREA de la SCP UHALDEBORDE-SALANNE GORGUET VERMOTE BERTIZBEREA, avocat au barreau de BAYONNE
Assistée de Maître ALRAN de la SCPI ALRAN PERES RENIER, avocat au barreau de TOULOUSE
CRAMA CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLES AGRICOLE D'OC dite GROUPAMA D'OC immatriculée au RCS de Toulouse sous le n° 391 851 557
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Maître LOPEZ, avocat au barreau de PAU
Assistée de Maître BARTHET, avocat au barreau de TOULOUSE
sur appel de la décision
en date du 25 JUILLET 2022
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE
RG numéro : 17/00197
Par un marché de travaux signé le 21 décembre 1999, la société coopérative LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE a confié à la SA [F] ET FILS (ci-après SA [F]), la fourniture, le transport et la mise en place d'un ensemble de 38 cuves en inox destinées à la vinification, sous la maîtrise d''uvre de la SARL SICOE, ce marché s'élevant à la somme totale de 2 371 776 Francs HT. Après qu'un procès-verbal de réception ait été dressé avec diverses réserves, de nouveaux problèmes sont apparus sans que ces difficultés n'aient pu être réglées par les intervenants à ce marché.
La réception des travaux est intervenue le 31 juillet 2001.
Par acte du 29 avril 2002, la société coopérative LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE a assigné la Société SICOE, la SA [F] ET FILS, les époux [F] ainsi que l'EARL [F], afin de voir ordonner par le juge des référés, la désignation d'un expert.
Par ordonnances de référé du 19 juin 2002, M. [H] a été désigné en qualité d'expert.
Par ordonnance du 19 février 2003, les opérations d'expertise ont été déclarées communes et opposables à la Société GROUPAMA D'OC ;
Parallèlement, par une ordonnance de référé en date du 8 octobre 2003, la société coopérative LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE a été autorisée à faire procéder à ses frais avances, risques et périls, au colmatage des fuites constatées sur les cuves en acier inoxydable.
Le 30 janvier 2004 et le 25 août 2005, M. [H] a déposé son rapport principal et son rapport complémentaire.
Par actes en date des 5 et 6 décembre 2005, la société coopérative LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE a fait délivrer des assignations à la Société [F] et FILS et ses cautions les époux [F] et l'EARL [F], à la SARL SICOE et à la Société GROUPAMA D'OC en sa qualité d'assureur de la Société [F] en indemnisation de ses préjudices.
Le changement de dénomination sociale de la société coopérative LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE au profit de la société CAVE D'[Localité 6] a été décidé lors de l'assemblée générale du 17 février 2007.
Par jugement en date du 15 juin 2009, le tribunal de grande instance de Bayonne a :
- Déclaré la SA [F] et la SARL SICOE responsables des dommages subis par la société coopérative LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE ;
- Condamné in solidum la SA [F] et la SARL SICOE, cette dernière dans la limite de 6 %, au paiement envers la société coopérative LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE de la somme globale de 181 536,16 € ;
- Dit que le montant nécessaire à la réparation (57 150 €) sera indexé sur l'indice du coût de la construction entre le dépôt de la première expertise et la date du paiement effectif ;
- Dit que le surplus des sommes portera intérêts à compter de la décision ;
- Condamné la société coopérative LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE au paiement envers la SA [F] de la somme de 3 753,48 € ;
- Ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties ;
- Dit que M. [I] [F], Mme [G] [F] et l'EARL [F] doivent contribuer au paiement à hauteur du montant de leur cautionnement au profit de la SA [F], soit à hauteur de 76 224,50 € ;
- Les a condamnés en conséquence au paiement de ladite somme ;
- Mis hors de cause la compagnie GROUPAMA assureur de la société [F] ;
- Condamné in solidum la SA [F] et la SARL SICOE aux dépens, ainsi qu'au paiement envers la société coopérative LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE de la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et la société SICOE dans la limite de 6 % de ces montants ;
- Dit que les dépens comprendront le coût des deux expertises diligentées par M. [H] ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.
La SA [F], les époux [F], et l'EARL [F] ont interjeté appel de cette décision.
Le 29 juin 2010 la SA [F] ET FILS a été placé en redressement judiciaire par le tribunal de commerce d'Albi. Le 5 septembre 2011 le tribunal de commerce a adopté le plan de redressement de cette société.
Par un arrêt en date du 8 décembre 2011, la Cour d'appel de Pau a confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 juin 2009 par le tribunal de grande instance de Bayonne, sauf à dire que les condamnations sont prononcées au profit de la société coopérative agricole CAVE D'[Localité 6] anciennement dénommée LES VIGNERONS DU PAYS BASQUE, et qu'il doit être substitué à la condamnation de la SA [F], la fixation de la créance au passif de la liquidation judiciaire de cette société.
Y ajoutant, la Cour d'appel a :
- Condamné la SARL SICOE à payer à la société coopérative agricole CAVE D'[Localité 6] une indemnité de 360 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SA [F] la créance de la CAVE D'[Localité 6] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 5 640 € ;
- Débouté les parties de leurs autres demandes ;
- Dit que les dépens, y compris les frais des deux expertises seront supportés in solidum par la SA [F] et la SARL SICOE (dans la limite de 6 %) et autorise la SCP LONGIN-DUPEYRON-MARIOL et la SCP PIAULT-LACRAMPE-CARRAZE, chacune pour ce qui les concerne, à recouvrer directement ceux d'appel, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La SA [F], les époux [F], et l'EARL [F] ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Par un arrêt en date du 18 avril 2013, la Cour de Cassation a cassé et annulé cet arrêt, mais seulement en ce qu'il a confirmé la mise hors de cause de la société GROUPAMA et remis, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la Cour d'appel de Toulouse.
Un arrêt rectificatif en date du 12 septembre 2013 a condamné la compagnie GROUPAMA aux dépens.
Par un arrêt en date du 12 janvier 2015, la Cour d'appel de Toulouse a réformé le jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 15 juin 2009 et a condamné la compagnie GROUPAMA à relever et garantir la société [F] ET FILS des condamnations prononcées à son encontre, y compris l'indemnité de procédure, sauf la franchise de 3 049 €.
La compagnie GROUPAMA a adressé un chèque CARPA de 118 391,81 € au conseil de la société [F] ET FILS qui a été reçu le 29 juin 2015. Maître [J] a reçu en septembre 2015, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SA [F] ET FILS, la somme de 105 311,81 €, après déduction des frais et honoraires d'avocats, sommes consignées sur un compte à terme.
Par jugement du 27 octobre 2015, le tribunal de commerce d'Albi a prononcé la résolution du redressement judiciaire de la société [F] ET FILS et l'a placée en liquidation judiciaire, celle-ci se trouvant en redressement judiciaire depuis le 29 juin 2010.
Estimant que la compagnie GROUPAMA n'aurait pas dû régler ces sommes entre les mains de la société [F], et son liquidateur se refusant de les verser à la société CAVE D'[Localité 6], par exploit d'huissier de justice en date des 15 et 16 décembre 2016, la société coopérative CAVE D'[Localité 6] a assigné la SCP [J] BRU, en sa qualité de liquidateur de la SA [F] ET FILS, ainsi que la compagnie d'assurances GROUPAMA devant le tribunal de grande instance de Bayonne, en réparation de son préjudice.
Par une autre assignation du 16 avril 2018, la société CAVE D'[Localité 6] a fait assigner la SCP [J] BRU à titre personnel en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Bayonne.
Par une ordonnance du tribunal de grande instance de Bayonne du 16 mai 2019, le juge de la mise en état a essentiellement :
- Sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive concernant le litige opposant la société CAVE D'[Localité 6] à la SCP [J] BRU, ès qualités de liquidateur de la SA [F], et à la compagnie GROUPAMA ;
- Dit et jugé qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge de la mise en état par conclusions de reprise de l'instance ou toute autre conclusion.
Suivant jugement contradictoire du 25 juillet 2022 (RG n° 17/00197), le tribunal judiciaire de Bayonne a :
- Jugé prescrite l'action directe de la société CAVE D'[Localité 6] contre la compagnie GROUPAMA d'OC ;
- Débouté la société CAVE D'[Localité 6] de sa demande de condamnation de la compagnie GROUPAMA sur le fondement d'une responsabilité délictuelle ;
- Débouté la société CAVE D'[Localité 6] de sa demande de condamnation de la SCP [J] BRU, ès qualités de liquidateur ;
- Condamné la société CAVE D'[Localité 6] aux entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de Maître Jon BERTIZBEREA, avocat au barreau de Bayonne, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Dans sa motivation, le tribunal a relevé que l'acte d'huissier délivré le 6 décembre 2005 par la société CAVE D'[Localité 6], ne comportait aucune prétention au titre d'une action directe en dédommagement contre la compagnie GROUPAMA, pas plus que ses prétentions ultérieures formulées tant en première instance qu'au cours de l'instance d'appel à Toulouse.
Ainsi, le point de départ de la prescription de l'action directe contre l'assureur ayant débuté le jour de la réception des travaux le 31 juillet 2001et n'ayant jamais été interrompu ni suspendu, le juge a estimé que l'assignation délivrée le 16 décembre 2016 par la société CAVE D'[Localité 6] à la compagnie GROUPAMA lui réclamant pour la première fois une indemnisation au titre de l'action directe du tiers lésé contre l'assureur du responsable était éteinte.
S'agissant de la responsabilité délictuelle de la compagnie GROUPAMA et de la responsabilité de la SCP [J] BRU, ès qualités de liquidateur, la société CAVE D'[Localité 6] a été déboutée de ses demandes, le tribunal considérant que l'impossibilité pour l'assureur d'opposer à la victime le paiement déjà effectué à un tiers au titre du sinistre concerne l'article L 124-3 du code des assurances relatif à l'action directe non applicable en l'espèce. Le paiement effectué par GROUPAMA trouvait sa raison d'être dans l'exécution d'un titre exécutoire, l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse.
Par déclaration d'appel du 29 août 2022 (RG n° 22/02421), la SCA CAVE D'[Localité 6] a interjeté appel de la décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 11 mai 2023, la SCA CAVE D'[Localité 6], appelante, entend voir la cour :
- Réformer le jugement en date du 25 juillet 2022 en ce qu'il a :
- Jugé prescrite l'action directe de la société CAVE D'[Localité 6] contre la compagnie GROUPAMA D'OC,
- Débouté la société CAVE D'[Localité 6] de sa demande de condamnation de la compagnie GROUPAMA,
- Débouté la société CAVE D'[Localité 6] de sa demande de condamnation de la SCP [J]-BRU, ès qualités de liquidateur,
- Condamné la société CAVE D'[Localité 6] aux entiers dépens avec bénéfice de distraction au profit de Maître Jon BERTIZBEREA, avocat au barreau de Bayonne, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En conséquence :
- Condamner Maître [J] et la SCP [J] BRU, en sa qualité de liquidateur de la SA [F] ET FILS et la compagnie GROUPAMA à payer à la CAVE D'[Localité 6] la somme de 113 034,54 € représentant le préjudice subi outre les intérêts de droit à compter de l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse en date du 12 janvier 2015,
- Condamner Maître [J] et la SCP [J] BRU, en sa qualité de liquidateur de la SA [F] ET FILS et la compagnie GROUPAMA à payer à la CAVE D'[Localité 6] une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts,
- Condamner Maître [J] et la SCP [J] BRU, en sa qualité de liquidateur de la SA [F] ET FILS et la compagnie GROUPAMA à payer à la CAVE D'[Localité 6] une somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Les condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
Au soutien de ses prétentions, la SCA CAVE D'[Localité 6] fait valoir notamment, sur le fondement de l'article L 124-3 du code des assurances, les articles 1382 et 1383 du code civil ancien, les articles 1240 et 1241 du code civil, les articles 1302 à 1303-4 et 1235 du code civil, que :
- l'action directe à l'égard de Groupama n'était pas prescrite ;
- l'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré ;
- la Cour de cassation considère de manière constante que le délai de prescription de l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité est prolongé tant que celui-ci est exposé à une action, de son assuré, c'est-à-dire le temps de la prescription biennale ;
- or, l'assureur GROUPAMA déniait sa garantie à la Société [F] dans ses premières écritures. Cette question n'a été tranchée que par l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse (renvoi à la suite de la cassation) en date du 12 janvier 2015. Ainsi et jusqu'à cette date, Groupama était demeurée hors de cause ;
- la prescription de 2 ans ne pouvait courir qu'à compter de la date à laquelle l'assureur a été reconnu tenu à sa garantie, soit le 12 janvier 2015 ;
- en outre, le fait pour l'assureur de responsabilité d'avoir accepté dans ses courriers de prendre en charge certaines vérifications et d'avoir procédé à des diligences, peut être interprété comme une renonciation non équivoque à se prévaloir de la prescription acquise ;
- la prescription n'étant pas acquise, la SCA CAVE D'[Localité 6] peut prétendre au paiement de l'indemnité due par l'assureur de l'auteur du dommage quand bien même il a déjà réglé cette somme entre les mains de son assurée ;
- en payant la somme due entre les mains du conseil de la société [F] au lieu de régler la SCA CAVE D'[Localité 6] ainsi que le prévoient les articles 1342 et suivants du code civil, la société GROUPAMA a commis une faute à l'origine du dommage de celle-ci, en ne vérifiant pas si son assurée avait indemnisé la Cave selon les dispositions du jugement, la cour d'appel de Toulouse n'ayant prononcé contre la société Groupama qu'une condamnation à relever et garantir la société [F] des condamnations prononcées à son encontre ;
- l'existence de l'action directe prévue par l'article L124-3 du code des assurances n'exclut pas la demande fondée sur la responsabilité délictuelle de l'assureur ;
- par ailleurs la SCP [J] BRU a commis une faute en acceptant le paiement de Groupama sans vérifier que la SA [F] avait effectivement payé cette somme à la SCA CAVE D'[Localité 6] ;
- en plaçant la somme sur un compte à terme la rendant indisponible, la SCP [J] BRU a commis une faute, et en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, elle avait nécessairement un devoir de contrôle et de vigilance sur l'origine des fonds et leur destination ;
- la SCA CAVE D'[Localité 6] ne pouvait déclarer sa créance au titre de la restitution de l'indemnité d'assurance, ayant ignoré le versement de celle-ci ;
- tout paiement suppose une dette, or, la SCP [J] BRU détient des fonds qui auraient dû revenir à la SCA CAVE D'[Localité 6] ;
La résistance abusive de la SCP [J] BRU justifie l'octroi de dommages intérêts.
Par ses dernières conclusions en date du 16 février 2023, la SCP VITANI BRU, intimée, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Et, statuant à nouveau sur ce point :
- Condamner la CAVE D'[Localité 6] au paiement d'une indemnité de 3 000 €.
A titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que la somme remise par la SA [F] ET FILS à la SCP [J]-BRU devrait revenir à la CAVE D'[Localité 6].
- Ordonner le versement par la SCP [J]-BRU, ès qualités de liquidateur de la SA [F] ET FILS, de la seule somme consignée à la Caisse des Dépôts et Consignations, soit 105 311,81 €, au profit de la CAVE D'[Localité 6].
En toutes hypothèses,
- Condamner la CAVE D'[Localité 6] au paiement d'une somme supplémentaire de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de l'avocat soussigné.
Au soutien de ses prétentions, la SCP [J] BRU fait valoir, sur le fondement des articles L. 124-3 du code des assurances, 1382 et 1383 anciens, 1240 et 1241 du code civil, que :
- l'article L. 124-3 alinéa 2 du code des assurances n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, dans la mesure où il suppose qu'une action directe ait été engagée contre l'assureur, ce qui n'est pas le cas, et l'action de la SCA CAVE D'[Localité 6] engagée le 15 décembre 2016 est désormais prescrite, la Société GROUPAMA D'OC étant contrainte de s'exécuter directement entre les mains de la société [F] en vertu de l'arrêt du 12 janvier 2015 ;
- subsidiairement même si l'action était recevable, l'assuré n'est pas débiteur du droit propre de la victime sur l'indemnité d'assurance, raison pour laquelle celle-ci n'est pas soumise à la procédure de vérification des créances en cas de procédure collective de l'assuré ; le paiement effectué par l'assureur à l'assuré avant indemnisation de la victime a pour conséquence que ce paiement n'est pas libératoire et que l'assureur s'expose à payer 2 fois mais aucune demande ne peut être formée contre le liquidateur ès qualités ;
- le versement effectué par la SA [F] entre les mains du liquidateur ne constituait pas un paiement mais une simple remise de sommes d'argent pour affectation au profit de ses créanciers, et la règle de la répétition de l'indu ne peut trouver à s'appliquer, qui conduirait en outre la SCP [J] BRU à restituer la somme à la SA [F] et non pas à la société GROUPAMA D'OC ;
- quand bien même la restitution de cette somme serait ordonnée au profit de la SCA CAVE D'[Localité 6], aucune faute ne pourrait être retenue contre la SCP [J] BRU ès qualités, tenu à répartir l'actif d'une société liquidée selon les règles d'ordre public applicable en matière, dès lors que les fonds ont été versés antérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire ;
- les fonds ont été versés par l'assureur avant que la SCA CAVE D'[Localité 6] n'exerce son action directe contre la SA [F], et Maître [J] ne pouvait savoir si la SA [F] avait verser une indemnisation à la SCA CAVE D'[Localité 6] alors qu'elle était in bonis depuis le 5 septembre 2011 ;
-la SCA CAVE D'[Localité 6] est responsable de son préjudice lié au retard dans la perception de cette somme faute pour elle d'avoir exercé son action directe contre la Société GROUPAMA D'OC à l'occasion de la procédure menée devant le tribunal de grande instance de Bayonne ; aucun dommages-intérêts ni intérêts de retard ne pourraient être appliqués à la somme de 105 311,81 € reçu par la SCP VITANI BRU.
Par ses dernières conclusions en date du 30 novembre 2023, la GROUPAMA d'OC, intimée, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bayonne le 25 juillet 2022.
Y rajoutant,
- Condamner la société CAVE D'[Localité 6] à régler à GROUPAMA D'OC la somme de 3 000 € sur le fondement de l'art 700 du code de procédure civile.
- La condamner aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la Société GROUPAMA D'OC fait notamment valoir que :
- Le délai de prescription de l'action directe de la Cave d'[Localité 6] contre GROUPAMA D'OC était à l'époque de 10 ans (responsabilité contractuelle) à compter de la réception des travaux laquelle est intervenue le 31 juillet 2001 ;
- l'action directe de la SCA CAVE D'[Localité 6] engagée le 16 décembre 2016 était donc prescrite s'agissant d'une action distincte de celle de l'assuré contre son assureur, qui n'interrompt pas la prescription au bénéfice du tiers lésé ;
- la délivrance de l'assignation en référé à l'assuré déclenche la prescription biennale de l'article 714-1 du code des assurances, comme le rappelait encore récemment la 3e chambre civile de la Cour de cassation ; donc en l'espèce, l'assignation de la SA [F] par la SCA CAVE D'[Localité 6] du 29 avril 2002 a fait courir le délai de prescription biennale, et la SCA CAVE D'[Localité 6] ne peut prétendre à une prolongation du délai de prescription, et ce même si on prend comme point de départ l'assignation au fond délivré à la SA [F] par la SCA CAVE D'[Localité 6] le 6 décembre 2005 ;
- l'assignation en référé de la Société GROUPAMA D'OC du 19 février 2003 par la société SICOE pour extension des opérations d'expertise ne constitue pas une cause d'interruption de la prescription biennale puisqu'elle n'a pas été signifiée par le créancier lui-même (la SCA CAVE D'[Localité 6]) au débiteur (la SA [F]) ;
- l'assignation au fond du 6 décembre 2005 n'a pas non plus interrompu la prescription dans la mesure où aucune prétention contre la Société GROUPAMA D'OC n'est formulée par la SCA CAVE D'[Localité 6] devant le tribunal judiciaire ni devant la cour d'appel de Pau, et la SCA CAVE D'[Localité 6] n'est pas intervenu à la procédure devant la Cour de cassation ni devant la cour de renvoi de Toulouse ;
- l'action directe était donc prescrite le 31 juillet 2011 ;
- la participation de la Société GROUPAMA D'OC aux opérations d'expertise judiciaire ne vaut pas renonciation à se prévaloir de la prescription, qui en outre n'était pas acquise lors de ces opérations ;
- la prescription n'était pas non plus suspendue tant que la question du droit à garantie n'avait pas été tranchée entre GROUPAMA et son assuré dès lors que la SCA CAVE D'[Localité 6] n'était pas dans l'impossibilité d'agir mais pouvait exercer son action directe contre La Société GROUPAMA D'OC ;
- la Société GROUPAMA D'OC n'a commis aucune faute en réglant les sommes dues le 24 juin 2015 à son assuré en exécution de la décision de la cour d'appel de Toulouse l'obligeant à relever et garantir la SA [F] de toutes les condamnations prononcées contre elle, celle-ci étant alors in bonis en vertu du plan de redressement prononcé le 9 septembre 2011.
- le commandement de payer n'a été délivré par la SCA CAVE D'[Localité 6] à la Société GROUPAMA D'OC que le 4 février 2016, mais la SCA CAVE D'[Localité 6] n'avait aucun titre exécutoire contre cette dernière qui n'a été condamnée, à payer qu'à l'égard de la SA [F] ;
- la SCA CAVE D'[Localité 6] est seule fautive de n'avoir pas agi avec diligence et dans les délais impartis dès la première instance contre GROUPAMA, dont le non-paiement de l'indemnisation entre ses mains ne constitue pas la cause de son préjudice.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur'la recevabilité de l'action directe de la SCA CAVE D'[Localité 6] contre la Société GROUPAMA D'OC, assureur de la SA [F] ET FILS :
En vertu de l'article L 114-1 du code des assurances, toute action dérivant d'un contrat d'assurance est prescrite par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance, le délai ne courant, quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
En vertu de l'article L124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
L'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable, et ne peut être exercée contre l'assureur, au-delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré.
Le jugement du 15 juin 2009 a retenu la responsabilité de la Société [F] et FILS sur le fondement de la responsabilité contractuelle estimant que la réalisation et l'installation de cuves de vinification ne constituaient pas un ouvrage de construction relevant des dispositions des articles 1792 et suivants.
En matière contractuelle s'agissant de personnes commerçantes, la prescription d'une action en responsabilité était de 10 ans à compter de la livraison selon l'article L110-4 du code de commerce dans sa version en vigueur avant le 19 juin 2008. Par l'effet de cette loi, la prescription des actions contractuelles a été réduite à 5 ans à compter du 19 juin 2008, d'application immédiate pour les actions qui n'étaient pas encore prescrites à cette date.
Il ressort de la combinaison de ces textes que l'action directe de la victime contre l'assureur devait s'exercer avant le 31 juillet 2011, la réception des travaux ayant eu lieu le 31 juillet 2001, augmenté du délai supplémentaire de 2 ans si l'assureur était encore exposé au recours de son assuré, c'est-à-dire précisément seulement si son assuré n'avait pas encore agi contre lui. Ce délai de 2 ans ne s'applique donc pas à la victime si l'assuré responsable des dommages a réclamé la garantie de son assureur avant le 31 juillet 2011.
En l'espèce, les désordres sont apparus avant même la réception du 31 juillet 2001, et la CAVE D'[Localité 6] a engagé son action contre la Société [F] et FILS, d'abord par voie de référé pour obtenir une expertise le 29 avril 2002 étendue à la Société GROUPAMA D'OC le 19 février 2003, puis au fond en indemnisation les 5 et 6 décembre 2005, assignations visant également la Société GROUPAMA D'OC, sans toutefois que la CAVE D'[Localité 6] réclame sa condamnation à quelque titre que ce soit.
La Société [F] et FILS, assurée auprès de la Société GROUPAMA D'OC, disposait d'un délai de 2 ans à compter de sa mise en cause par la CAVE D'[Localité 6] pour demander la garantie de son assureur, délai suspendu par les opérations d'expertise.
Dans le cadre de l'instance au fond par la CAVE D'[Localité 6], la Société [F] et FILS a réclamé, à titre subsidiaire, dans ses conclusions du 2 octobre 2006, la garantie de son assureur pour toute condamnation prononcée contre elle au profit de la demanderesse.
Ainsi la Société GROUPAMA D'OC a fait l'objet d'un recours en garantie de son assurée la Société [F] et FILS dès 2006 ayant abouti au jugement du 15 juin 2009 au titre des désordres subis par la CAVE D'[Localité 6], peu important que cette action ait abouti en première instance d'abord puis en appel à une mise hors de cause de la Société GROUPAMA D'OC pour être ensuite, sur renvoi après cassation accueillie par la cour d'appel de Toulouse.
Le fait pour la Société GROUPAMA D'OC d'avoir participé aux opérations d'expertise, d'en avoir discuté les conclusions et d'avoir effectué des vérifications dans le cadre de l'action en recours en garantie de son assurée, ne constitue en aucun cas un renoncement à soulever la prescription de l'action directe de la CAVE D'[Localité 6], qui ne l'avait pas engagée contre elle et n'avait jamais présenté de demande à son encontre dans la procédure qu'elle avait initiée.
En conséquence, au jour de son assignation le 15 décembre 2016 devant le tribunal judiciaire de Bayonne, l'action directe de la CAVE D'[Localité 6] contre la Société GROUPAMA D'OC était bien prescrite, cet assureur n'étant plus 'exposé' au recours de son assurée la Société [F] et FILS depuis le 2 octobre 2006, ce risque étant réalisé à cette date, et il appartenait donc à la CAVE D'[Localité 6] de présenter ses demandes contre la Société GROUPAMA D'OC, que ce soit au titre de l'action directe ou au titre de l'action en garantie de la Société [F] et FILS, avant le 31 juillet 2011 comme il a été dit ci-dessus constituant le terme de son délai d'action sur le fondement contractuel.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré prescrite l'action directe de la CAVE D'[Localité 6] contre la Société GROUPAMA D'OC.
Sur'la demande de condamnation de la SCA CAVE D'[Localité 6] au titre de la responsabilité délictuelle :
Selon l'article 1240 du code civil dans sa version en vigueur lors de l'introduction de l'instance, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à réparation.
La jurisprudence considère que l'ouverture au bénéfice du tiers lésé d'une action directe contre l'assureur du responsable du dommage n'interdit pas à ce tiers au contrat d'assurance de fonder sa demande sur la seule responsabilité délictuelle de l'assureur auquel il reproche de lui avoir causé fautivement un préjudice.
* contre la Société GROUPAMA D'OC :
Si l'article L 124-3 alinéa 2 du code des assurances, dispose l'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré, cette règle ne concerne que le règlement de l'assureur condamné à payer le tiers lésé dans le cadre de l'action directe énoncée à l'article L124-3 alinéa 1 du code des assurances précité.
La jurisprudence considère en effet que l'appel en garantie ne crée de lien juridique qu'entre l'appelant en garantie (assuré) et l'appelé (assureur) à l'exclusion de tout lien entre le demandeur à l'action principale (tiers lésé) et l'appelé en garantie (assureur).
Par conséquent, dès lors que l'action directe du tiers lésé contre l'assureur du responsable est prescrite, cette règle de l'article L124-3 alinéa 2 du code des assurances, n'est pas opposable à l'assureur qui verse l'indemnité d'assurance à son assurée et non à la victime directement.
Ainsi en l'espèce, il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 12 janvier 2015 que la Société GROUPAMA D'OC est condamnée à relever et garantir la Société [F] et FILS des condamnations prononcées à son encontre y compris l'indemnité de procédure, sauf réserve de la franchise de 3 049 €, à l'exclusion des pénalités de retard et des frais de pose et dépose.
Le 29 juin 2015 la Société GROUPAMA D'OC a adressé à Maître ALRAN, conseil de la Société [F] et FILS exerçant son activité dans le cadre d'un plan de redressement judiciaire depuis le 5 septembre 2011 sous le mandat de la SCP [J] BRU en qualité de commissaire à l'exécution du plan, un chèque de 118'391,81 €, franchise déduite et comprenant les frais et intérêts de droit en application de l'arrêt de la cour d'appel, payé par GROUPAMA en sa qualité d'assureur garant de la Société [F] et FILS pour les condamnations prononcées contre elle par l'arrêt confirmatif de la Cour d'Appel de Pau du 8 décembre 2011.
N'ayant pas été condamnée par la cour d'appel de Pau, ni par la cour d'appel de Toulouse à payer l'indemnisation directement à la CAVE D'[Localité 6], et n'ayant jamais été sollicitée directement par celle-ci tout au long des procédures concernant son assurée, le versement effectué par la Société GROUPAMA D'OC le 29 juin 2015 au conseil de la Société [F] et FILS, en vue de la réparation des désordres de la CAVE D'[Localité 6] dont elle était responsable, ne constitue pas une faute, mais l'exécution exacte de la décision de la cour d'appel de Toulouse dans le seul cadre s'imposant à elle du recours en garantie, qui n'impose pas la vérification du paiement préalable par son assurée de l'indemnisation qu'elle garantit.
La Société [F] et FILS avait en outre bien qualité pour recevoir ces fonds de sa compagnie d'assurance, étant alors in bonis, la résolution du plan et la liquidation judiciaire n'intervenant que le 27 octobre 2015.
La demande de condamnation de la Société GROUPAMA D'OC présentée par la CAVE D'[Localité 6] sera donc rejetée, aucune faute n'étant démontrée contre la Compagnie GROUPAMA.
* contre la SCP VITANI BRU :
La situation juridique de l'assurée étant indépendante du sort de l'indemnité d'assurance, la jurisprudence considère qu'il n'y avait pas lieu de soumettre la créance de la victime contre l'assurée à la procédure de vérification des créances.
Il ressort des pièces versées au dossier que M. [I] [F] a mandaté le 4 septembre 2015 son conseil Maître ALRAN pour adresser à la SCP [J] BRU en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Société [F] et FILS, la somme de 105'311,81 € au titre de l'indemnité payée par la Société GROUPAMA D'OC après déduction des frais d'honoraires de l'avocat.
Le chèque est établi le 22 septembre 2015, et placé le 14 décembre 2015 sur un compte à terme ouvert par la SCP [J] BRU ès qualités désormais de liquidateur judiciaire de la Société [F] et FILS.
La SCP [J] BRU ès qualités ne pouvait cependant pas ignorer en recevant le chèque en septembre 2015, l'objet de ce versement et le caractère indemnitaire de cette somme payée par l'assureur de la société [F] pour l'indemnisation des désordres de la CAVE D'[Localité 6], le courrier joint au chèque faisant expressément référence au litige [F]/GROUPAMA. Il ne pouvait pas ignorer la procédure opposant la Société [F] à son assureur, et il se devait d'interroger M. [F] sur le règlement des dommages intérêts à la CAVE D'[Localité 6].
A la réception de ce chèque, la Société [F] n'étant pas encore en liquidation judiciaire, il appartenait à la SCP [J] BRU, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société, sinon de payer directement la CAVE D'[Localité 6], du moins de l'informer du versement de l'indemnité lui revenant, ce qu'elle n'a pas fait, ne permettant pas à cette société de la lui réclamer ou d'engager une action en exécution de sa créance avant la mise en liquidation judiciaire de la société [F].
L'indemnité d'assurance de 105'311,81 € n'étant placée sur les comptes de la Société [F] ET FILS qu'en vue de son règlement à la CAVE D'[Localité 6], la SCP [J] BRU ès qualités doit restituer cette indemnité d'assurance qui revenait à celle-ci en septembre 2015.
La Cour infirme donc le jugement et ordonne le paiement par la SCP [J] BRU ès qualités de mandataire liquidateur, de la somme de 105'311,81 € à la CAVE D'[Localité 6] avec intérêts de droit à compter de l'assignation du 15 décembre 2016.
Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive de la CAVE D'[Localité 6] :
En vertu de l'article 1231-6 du code civil le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
Il n'est pas démontré de mauvaise foi de la part de la SCP [J] BRU ès qualités dans sa mission ou son retard à verser l'indemnité à la CAVE D'[Localité 6] qui a elle-même omis d'engager l'action directe contre l'assureur GROUPAMA.
La demande de dommages-intérêts pour résistance abusive sera donc rejetée.
Statuant à nouveau sur les mesures accessoires :
La cour condamne la SCP [J] BRU ès qualités aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'elle devra verser la somme de 5 000 € à la CAVE D'[Localité 6] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande de la Société GROUPAMA D'OC de ce chef sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 25 juillet 2022 en ce qu'il a jugé prescrite l'action directe de la société CAVE D'[Localité 6] contre la compagnie GROUPAMA D'OC et en ce qu'il a débouté la société CAVE D'[Localité 6] de sa demande de condamnation en dommages-intérêts de la compagnie GROUPAMA D'OC ;
Infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SCP [J] BRU ès qualités de mandataire liquidateur de la société [F] ET FILS à restituer à la société CAVE D'[Localité 6] la somme de 105 311,81 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2016 ;
Rejette la demande d'indemnisation de la société CAVE D'[Localité 6] au titre de la résistance abusive de la SCP [J] BRU ès qualités ;
Condamne la SCP [J] BRU ès qualités de mandataire liquidateur de la société [F] ET FILS aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SCP [J] BRU ès qualités de mandataire liquidateur de la société [F] ET FILS à payer à la société CAVE D'[Localité 6] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de la compagnie GROUPAMA D'OC fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE