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28/06/2023 | FRANCE | N°23/01809

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 28 juin 2023, 23/01809


N°23/2301



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



ORDONNANCE DU vingt huit Juin deux mille vingt trois





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/01809 - N° Portalis DBVV-V-B7H-ISF6



Décision déférée ordonnance rendue le 26 Juin 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,
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Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, ass...

N°23/2301

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ORDONNANCE DU vingt huit Juin deux mille vingt trois

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/01809 - N° Portalis DBVV-V-B7H-ISF6

Décision déférée ordonnance rendue le 26 Juin 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

APPELANT

Monsieur X SE DISANT [V] [R]

né le 01 Janvier 1982 à [Localité 1]

de nationalité Marocaine

Retenu au centre de rétention d'[Localité 2]

Comparant et assisté de Maître Mathieu APPAULE, avocat au barreau de Pau et de Monsieur [M], interprète assermenté en langue arabe

INTIMES :

LE PREFET DE LA VIENNE, avisé, absent, qui a transmis ses observations

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 26 juin 2023 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet ,

- ordonné la prolongation de la rétention de [V] [R], pour une durée de quinze jours à l'issue de la fin de la deuxième prolongation de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 26 juin 2023 à 12 heures 05.

Vu la déclaration d'appel motivée transmise par la CIMADE pour le compte de [V] [R], reçue le 27 juin 2023 à 11 heures 29.

A l'appui de l'appel pour demander l'infirmation de l'ordonnance entreprise, [V] [R] fait valoir un unique moyen, tiré du défaut de perspective d'éloignement, en soutenant que pour autoriser la prolongation exceptionnelle de l'article L742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge doit toujours rechercher si un laissez-passer consulaire sera délivré à bref délai ; que l'ordonnance entreprise ne démontre pas quels éléments factuels permettent d'espérer une délivrance consulaire à bref délai et se borne à caractériser une obstruction à l'éloignement du fait de son refus de consentir à la délivrance d'un passeport, en soulignant à ce sujet que cette demande préfectorale est bien tardive puisqu'entreprise pour la première fois 58 jours après le placement en rétention et la veille de la troisième présentation devant le juge des libertés et de la détention.

Il soutient en outre que lui imputer le retard dans la délivrance d'un passeport reviendrait à lui faire supporter la charge des diligences en vue de l'éloignement, lesquelles incombent à l'autorité administrative.

A l'audience, le conseil de [V] [R] a soutenu ce moyen.

[V] [R] a été entendu en ses explications selon lesquelles il a l'intention de partir de lui-même au Maroc. Il a ajouté que s'il n'avait pas accepté de signer une demande de passeport, c'est parce qu'il ne voulait pas que les autorités marocaines sachent qu'il allait rentrer dans son pays.

Postérieurement à l'audience, fixée à 09 heures 30, le préfet de la Vienne a fait parvenir des observations par courrier électronique reçu le 28 juin 2022 à 09 heures 55.

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Les observations du préfet de la Vienne, parvenues postérieurement à l'audience, doivent être déclarées irrecevables.

Sur le fond,

L'examen de la procédure fait apparaître les éléments d'appréciation suivants, s'agissant de la situation de l'appelant.

[V] [R], ressortissant marocain né le 1er janvier 1982 à [Localité 1], serait entré en France pour la première fois en 2000. Après avoir fait l'objet d'une première mesure d'éloignement en 2005, il serait selon ses dires de nouveau entré en France en juin 2021.

[V] [R] a été interpellé le 13 juillet 2021 et incarcéré à compter du 15 juillet 2021, en exécution d'une peine de deux ans d'emprisonnement prononcée le 20 août 2021 par le tribunal correctionnel de Poitiers pour des faits de menace de crime contre les personnes avec ordre de remplir une condition.

Par un arrêté en date du 27 janvier 2023, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 février 2023, le préfet de la Vienne a pris à l'encontre de [V] [R] une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec fixation du pays de renvoi (Maroc) et interdiction de retour pendant trois ans.

A sa levée d'écrou, [V] [R] a été placé en rétention administrative au centre d'[Localité 2] par arrêté du préfet de la Vienne en date du 11 avril 2023.

Par ordonnance du 13 avril 2023, le juge des libertés et de la détention de Bayonne a prolongé la rétention de [V] [R] pour une durée de vingt-huit jours.

Par ordonnance du 11 mai 2023, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention de [V] [R] pour une nouvelle durée de trente jours, décision confirmée par ordonnance du magistrat délégué par le premier président de la Cour d'appel de Pau du 12 mai 2023.

Par ordonnance du 09 juin 2023, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention de [V] [R] pour une de quinze jours. L'appel interjeté par [V] [R] de cette ordonnance a été déclaré irrecevable par ordonnance du magistrat délégué par le premier président de la Cour d'appel de Pau en date du 11 juin 2023.

Le 24 juin 2023, le préfet de la Vienne a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de quatrième prolongation de la rétention administrative de [V] [R], à laquelle il a été fait droit par l'ordonnance entreprise.

*****

L'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration exerce toute diligence à cet effet.

Selon les dispositions de l'article L742-5, à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau prolonger la rétention au-delà de la durée maximale de la rétention prévue à l'article 742-4 (soit soixante jours), lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° l'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement, une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9° de l'article L. 611-3 ou du 5° de l'article L.631-3 ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3.

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

Il convient avant tout de constater que, contrairement à ce qui a été indiqué dans le dispositif de la décision déférée, il s'agit là d'une quatrième prolongation.

L'examen de la procédure fait apparaître que l'autorité administrative a accompli de multiples diligences, dès avant le placement en rétention de [V] [R], aux fins d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer consulaire auprès des autorités consulaires marocaines.

Depuis le placement en rétention de [V] [R], ces autorités consulaires ont été relancée les 5, 17, 22, 25 mai, le 6 juin, sans qu'aucune réponse ne soit apportée, si ce n'est l'exigence de soumettre [V] [R] à un examen médical, ce qui a été fait le 17 mai 20223. Plusieurs routings avaient été programmés et un nouveau routing est prévu pour le 04 juillet 2023.

Force est de constater que le préfet de la Vienne ne justifie pas, ni même n'allègue dans sa requête que les documents de voyage seront délivrés à bref délai.

Sa requête est uniquement fondée sur le fait que le 19 juin 2023, il a été soumis à [V] [R] un formulaire de demande de passeport et qu'il n'a pas consenti à effectuer cette demande, ce qui constitue une obstruction au sens de l'article L745-5. Il doit être précisé qu'il avait déjà opposé un tel refus le 8 juin.

Le refus opposé par [V] [R] de signer un imprimé de demande de délivrance d'un passeport pourrait en soi caractériser une obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Néanmoins, il doit être relevé que l'autorité administrative, qui a pourtant commencé à accomplir des diligences afin d'exécuter la mesure d'éloignement dès le 28 novembre 2022, a attendu le 8 juin puis le 19 juin 2023, soit cinquante-huit jours après le placement en rétention de [V] [R], pour envisager qu'il serait possible de palier le défaut de délivrance d'un laissez-passer consulaire par une demande de délivrance d'un passeport. Ceci caractérise de la part de l'autorité administrative un défaut de diligence.

En outre, à supposer même que [V] [R] ait accepté de présenter cette demande de passeport, il est illusoire de penser qu'un tel document sera délivré par les autorités marocaines dans un délai de quinze jours alors que depuis sept mois, elles n'ont pas accédé à la demande de délivrance d'un laissez-passer consulaire.

Dès lors, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise, de rejeter la requête en prolongation exceptionnelle de rétention présentée par le préfet de la Vienne et d'ordonner la mainlevée de la mesure de rétention de [V] [R].

PAR CES MOTIFS :

Déclarons l'appel recevable en la forme,

Déclarons irrecevables les observations de préfet de la Vienne.

Infirmons l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau,

Rejetons la requête en prolongation exceptionnelle de la rétention par le préfet de la Vienne.

Ordonnons la remise en liberté immédiate de [V] [R].

Rappelons à [V] [R], conformément aux dispositions de l'article L742-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il a l'obligation de quitter le territoire français.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Vienne.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le vingt huit Juin deux mille vingt trois à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUS Cécile SIMON

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 28 Juin 2023

Monsieur X SE DISANT [V] [R], par mail au centre de rétention d'[Localité 2]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Mathieu APPAULE, par mail,

Monsieur le Préfet de la Vienne, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 23/01809
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;23.01809 ?
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