La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2023 | FRANCE | N°23/01762

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 26 juin 2023, 23/01762


N°23/2202



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



ORDONNANCE DU vingt six Juin deux mille vingt trois





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/01762 - N° Portalis DBVV-V-B7H-ISBR



Décision déférée ordonnance rendue le 22 Juin 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,



Nous, Anne BAUDIER, Conseillère, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Ca...

N°23/2202

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ORDONNANCE DU vingt six Juin deux mille vingt trois

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/01762 - N° Portalis DBVV-V-B7H-ISBR

Décision déférée ordonnance rendue le 22 Juin 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Anne BAUDIER, Conseillère, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

APPELANT

Monsieur X SE DISANT [W] [T]

né le 03 Février 2003 à [Localité 1]

de nationalité Sénégalaise

Retenu au centre de rétention d'[Localité 2]

Comparant et assisté de Maître Mathieu APPAULE, avocat au barreau de Pau

INTIMES :

LE PREFET DES PYRENEES ATLANTIQUES, avisé, absent, qui a transmis ses observations

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 22 juin 2023 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- ordonné la jonction de la procédure enregistrée sous le numéro RG 23/00683 à la procédure enregistrée sous le numéro RG 23/00682 et, statuant en une seule et même ordonnance,

- déclaré recevable la requête de [W] [T] en contestation de placement en rétention,

- rejeté la requête de [W] [T] en contestation de placement en rétention,

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet des Pyrénées Atlantiques,

-dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

-ordonné la prolongation de la rétention de [W] [T] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 22 juin 2023 à 16 heures 50.

Vu la déclaration d'appel motivée, transmise par la CIMADE pour le compte de [W] [T], reçue le 23 juin 2023 à 12 heures 19.

Vu les observations du préfet des Pyrénées Atlantiques reçues le 26 juin 2023 à 8 heures 32 et communiquées par le greffe avant l'audience au conseil de [W] [T].

****

A l'appui de l'appel, [W] [T] fait valoir que :

son placement en rétention administrative contrevient au principe fondamental de séparation des pouvoirs

- il est placé sous contrôle judiciaire or son maintien en rétention est incompatible avec son droit à se défendre et à l'accès à un procès équitable

Le conseil de [W] [T] a sollicité l'infirmation de l'ordonnance entreprise et sa remise en liberté, en reprenant les deux moyens évoqués dans la déclaration d'appel.

Par ses observations, le préfet des Pyrénées Atlantiques a demandé la confirmation de l'ordonnance entreprise.

[W] [T] a été entendu en ses déclarations selon lesquelles il pourrait être placé sous assignation à résidence puisqu'il dispose d'un passeport et qu'il réside à l'Hôtel le relais à [Localité 3]. Il explique qu'il est venu à [Localité 3] car il a obtenu un contrat de travail en maçonnerie, mais que son employeur ne lui a pas payé la totalité de son salaire, si bien qu'il a saisi l'inspection du travail qui lui a trouvé l'hôtel. Il précise qu'il est intégré en France et qu'il a passé des diplômes tant lorsqu'il était mineur qu'en détention.

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond, l'examen de la procédure et des pièces communiquées par le conseil de l'appelant fait apparaître les éléments suivants quant à la situation de ce retenu.

[W] [T], ressortissant sénégalais né le 03 février 2003 à [Localité 1] au Sénégal, est entré en France selon ses dires, au début de l'année 2019, à l'âge de 16 ans et a été pris en charge par le Conseil Départemental des Pyrénées Atlantiques dans le cadre d'une procédure d'Assistance Éducative. A sa majorité, il a signé un contrat jeune majeur qui a été renouvelé jusqu'au 31 décembre 2021.

Le 25 juin 2021, [W] [T] a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L.423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 13 octobre 2021, notifié le 20 octobre 2021, le préfet des Pyrénées Atlantiques a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Son recours contre cet arrêté a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Pau du 11 avril 2022, mais il s'est maintenu sur le sol français.

Le 19 juin 2023, [W] [T] a été placé en garde à vue pour des faits de vol en réunion sous la menace d'une arme.

Le 20 juin 2023, le préfet des Pyrénées Atlantiques a pris à l'encontre de [W] [T] un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec fixation du pays de renvoi et interdiction de retour pendant trois ans.

Il a été placé en rétention administrative au centre d'[Localité 2] par arrêté du préfet des Pyrénées Atlantiques du 20 juin 2023. Le juge des libertés et de la détention a rejeté sa requête en contestation de cette mesure et l'a prolongé pour vingt-huit jours par décision du 22 juin 2023.

***

Sur le moyen tiré de la violation du principe de séparation des pouvoirs et sur le moyen tiré du droit de se défendre :

L'intéressé prétend que son placement en rétention administrative serait irrégulier dès lors contreviendrait au principe de séparation des pouvoirs. Il considère en effet qu'une autorité administrative ne peut faire obstacle au déroulement d'une instruction en cours et aux mesures prises par le juge d'instruction. Il estime également que la mesure de rétention administrative ne lui permettra pas d'assurer sa défense dans le cadre de la procédure d'instruction ouverte à son encontre pour des faits de viol.

Or, dans un arrêt rendu le 06 juin 2007, le Conseil d'Etat a considéré que :

"si l'administration consulaire dispose en principe d'un large pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur les demandes de visa de court séjour dont elle est saisie, elle est toutefois tenue de réserver à ces demandes une suite favorable lorsque l'étranger doit se voir reconnaître le bénéfice des garanties résultant des articles 6 et 13 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, relatives au procès équitable et au recours effectif " et que " tel est le cas, en particulier, lorsque l'étranger doit comparaître personnellement, à la demande de la juridiction, à l'audience au cours de laquelle un Tribunal français doit se prononcer sur le fond d'un litige auquel l'intéressé est partie "(CE : 06/06/2007 N° 292076, 6ème et 1ère sous-sections réunies).

Il ressort de cet arrêt que l'étranger éloigné du territoire français et convoqué à une audience pénale à laquelle sa présence est obligatoire sans possibilité de représentation, dispose du droit de solliciter et d'obtenir un visa de court séjour à cette fin.

Par ailleurs, comme tout retenu, l'intéressé dispose pendant sa rétention du droit de contacter un avocat qui pourra le visiter afin de préparer sa défense, tout comme, sous réserve de production d'une convocation, il sera conduit sous escorte aux rendez-vous judiciaires qu'il doit honorer.

Il s'en suit que l'exécution de l'éloignement, et le placement en rétention administrative qui en est la garantie, ne prive pas pour autant l'étranger du droit de déférer personnellement à une convocation du juge d'instruction ou à une audience du tribunal correctionnel ou de la cour d'assises, en demandant un visa court séjour qui ne pourra lui être refusé. Ainsi sa présence aux convocations du juge d'instruction n'est pas compromise par la mesure de rétention.

Par ailleurs, si [W] [T] ne produit pas l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, il ressort de la procédure que, dans le cadre de cette mesure de sûreté, il lui est fait interdiction de se rendre dans le département des Pyrénées Atlantiques, sauf pour motif judiciaire, de détenir une arme et d'entrer en contact avec la victime de l'infraction et obligation de remettre son document d'identité au greffe du service de l'instruction.

En conséquence le placement en rétention administrative de [W] [T] ne contrevient pas aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Ce moyen doit également être écarté

Pour le reste, [W] [T] a fait la démonstration de son refus de respecter la mesure d'éloignement prise à son encontre. Par ailleurs, comme l'a très justement relevé le premier juge, il a tenté de prendre la fuite lorsqu'il a été interpellé par les policiers dans le cadre de l'enquête de police, puis il a donné une fausse identité lors de son placement en garde à vue, ce qui tend à démontrer qu'il n'est pas disposé à répondre aux convocations des services de police et à se maintenir à la disposition des services de l'État.

Enfin, il ne remplit pas les conditions d'une assignation judiciaire à résidence, telles que fixées par l'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut de pouvoir justifier de véritables garanties de représentation et notamment d'un logement personnel et stable. S'il invoque une attestation d'hébergement, il ne la produit pas aux débats et force est de constater qu'il résidait lors de son interpellation dans un hôtel, hébergement précaire.

La cour ignore s'il a remis son passeport au greffe de l'instruction, comme il en avait l'obligation en vertu du contrôle judiciaire.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons l'appel recevable en la forme.

Confirmons l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture des Pyrénées Atlantiques.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le vingt six Juin deux mille vingt trois à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUS Anne BAUDIER

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 26 Juin 2023

Monsieur X SE DISANT [W] [T], par mail au centre de rétention d'[Localité 2]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Mathieu APPAULE, par mail,

Monsieur le Préfet des Pyrénées Atlantiques, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 23/01762
Date de la décision : 26/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-26;23.01762 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award