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08/06/2023 | FRANCE | N°21/02609

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 08 juin 2023, 21/02609


TP/DD



Numéro 23/1993





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 08/06/2023







Dossier : N° RG 21/02609 - N°Portalis DBVV-V-B7F-H6MV





Nature affaire :



Demande de requalification du contrat de travail









Affaire :



[X] [U]



C/



[D] [T]









Grosse délivrée le

à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.




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TP/DD

Numéro 23/1993

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 08/06/2023

Dossier : N° RG 21/02609 - N°Portalis DBVV-V-B7F-H6MV

Nature affaire :

Demande de requalification du contrat de travail

Affaire :

[X] [U]

C/

[D] [T]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 20 Mars 2023, devant :

Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame PACTEAU, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [X] [U]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître DUPRE-BIRKHAHN de la SELARL HARNO & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [D] [T]

Exerçant sous le nom commercial et l'enseigne 'Sea Surf and Sun'

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Maître ROUSILLON loco Maître FOURNIER-GUINUT de la SCP DUVIGNAC & ASSOCIES, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

sur appel de la décision

en date du 07 JUILLET 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 20/00096

EXPOSE DU LITIGE

Alors qu'elle était étudiante en deuxième année à l'EDHEC [5] à [Localité 7], Mme [X] [U] a décidé d'effectuer un stage, non obligatoire, d'une durée de deux mois durant l'été 2020.

Elle a répondu à une annonce proposant un stage en qualité de « responsable de boutique » diffusée par M. [D] [T], exerçant sous l'enseigne Sea Surf and Sun.

Une convention de stage tripartite, entre Mme [U], son école et M. [T] a été signée le 25 juin 2020.

Une gratification de 546 euros nets mensuels était fixée. Un logement sur place, dans le camping, était prévu.

Le stage a débuté le 29 juin 2020.

Un avenant à la convention de stage signé le 22 juillet 2020 a ramené la durée du stage à la période du 29 juin 2020 au 17 juillet 2020.

Suivant requête déposée au greffe le 5 août 2020, Mme [U] a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de son stage en un contrat à durée indéterminée et ainsi la condamnation de Monsieur [I] à lui verser diverses sommes, ainsi que la requalification de la rupture du stage en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement des sommes subséquentes.

Aucune partie n'étant présente devant le bureau de jugement, la procédure a fait l'objet d'une radiation le 18 novembre 2020 avant d'être réinscrite au rôle.

Par jugement en date du 7 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Mont de Marsan a :

débouté Mme [U] de sa demande de requalification de stage en contrat de travail,

débouté Mme [U] de l'ensemble de ses demandes,

débouté M. [I] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Mme [U] aux entiers dépens et frais d'exécution.

Par acte en date du 02 août 2021, Mme [U] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 08 avril 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Madame [X] [U] demande à la cour de :

réformer intégralement le jugement du Conseil de Prud'hommes et ainsi, requalifier son stage en un contrat à durée indéterminée ;

Condamner Monsieur [I] à lui verser les sommes suivantes :

1.834 € à titre d'indemnité de requalification ;

1.018,75 euros à titre de salaire du 29 juin au 17 juillet 2020 ;

101,87 euros à titre de congés payés y afférents ;

11.004 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

A titre subsidiaire, condamner Monsieur [I] à lui verser la somme de 315,94 euros nets à titre de gratification ;

Requalifier la rupture de son stage de Madame [U] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner Monsieur [I] à lui verser les sommes suivantes :

347,65 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

34,76 € à titre de congés payés y afférents ;

1.834 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-5 du Code du Travail ;

1.834 € à titre d'indemnité pour procédure irrégulière ;

Condamner Monsieur [I] à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de manquement à l'exécution loyale du contrat de travail ;

Condamner Monsieur [I] à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de manquement à l'obligation de santé et sécurité.

Condamner Monsieur [I] à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner Monsieur [I] aux entiers dépens de l'instance.

Assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 19 février 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Monsieur [D] [T] demande à la cour de :

le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions ;

confirmer le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Mont de Marsan en ce qu'il a débouté Madame [U] de l'intégralité de ses demandes ;

En conséquence, débouter Madame [X] [U] de l'ensemble des demandes, fins et conclusions formées en cause d'appel à son encontre ;

le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident, portant sur sa demande de condamnation de Madame [U] sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile en première instance ;

infirmer par conséquent le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Mont de Marsan l'ayant débouté de sa demande sa demande de condamnation de Madame [U] sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile ;

statuant à nouveau, condamner Madame [X] [U] au paiement de la somme de 2.500,00 € sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile en première instance, outre entiers dépens de première instance ;

condamner Madame [X] [U] au paiement de la somme de 2.500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;

condamner Madame [X] [U] aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

[X] [U] fait valoir que les prestations qu'elle a fournies au profit de M. [T] doivent recevoir la qualification de contrat de travail en tant que chef de magasin selon la classification prévue par la convention collective applicable et non de stage puisque :

elle ne bénéficiait aucunement d'un tuteur ou d'une tutrice pendant son stage,

elle était seule au magasin et n'avait aucune personne pour la superviser ou la former,

[D] [T] lui avait imposé des objectifs.

Il est constant que l'existence d'un contrat de travail suppose réunies trois conditions cumulatives : l'exercice d'une activité professionnelle, une rémunération et l'existence d'un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements du salarié. 

La charge de la preuve du lien de subordination qui caractérise l'existence du contrat de travail, incombe à celui qui se prévaut d'un tel contrat.

Le principe est désormais qu'aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'organisme d'accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou un agent en cas d'absence ou de suspension de son contrat de travail.

Le stagiaire ne saurait en effet être considéré comme une ressource à part entière de l'entreprise. Si les stagiaires ont seuls la charge d'assumer des fonctions qui constituent l'objet même de l'activité de l'entreprise, la requalification s'impose. L'entreprise ne peut retirer aucun profit direct de la présence du stagiaire.

L'accomplissement de tâches professionnelles sous l'autorité de l'entreprise n'est toutefois pas de nature à exclure la mise en 'uvre d'une convention de stage en entreprise, dans la mesure où le stage suppose une mise en situation de travail réelle. Mais si l'exécution de tâches professionnelles sous le contrôle de l'entreprise d'accueil n'exclut pas a priori la qualification de stage, constitue en revanche un motif de requalification l'affectation exclusive aux tâches normales d'un emploi dans l'entreprise ajoutée à l'absence de suivi d'une formation dans un établissement d'enseignement.

L'existence d'une forme d'autorité du maître de stage à l'égard de l'étudiant, parfois qualifiée « d'autorité fonctionnelle » n'est pas en soi de nature à constituer le lien de subordination permettant de caractériser l'existence d'un contrat de travail.

Plusieurs indices sont donc retenus pour requalifier une convention de stage en contrat de travail : la quantité de travail, les responsabilités confiées et le fait d'être considéré comme salarié de l'entreprise, tant vis-à-vis des tiers qu'en interne.

En l'espèce, il résulte des éléments du dossier qu'étudiante à l'EDHEC [5] de [Localité 7], Mme [U] a répondu à une offre de stage libellée en ces termes :

« offre de stage ' responsable de boutique.

La boutique Hoya Surf Shop spécialisée dans la vente d'accessoires, vêtements et équipements de plage recherche un étudiant en école de commerce pour tenir sa boutique sur le camping [6] à [Localité 4] Plage.

Missions :

accueillir et conseiller la clientèle

participer à la mise en place du merchandising et assurer son suivi (stock, réassort, étiquetage, inventaire, retours)

assurer la bonne tenue de la boutique (entretien, propreté, manutention)

organisation d'action commerciale (vente privée, promotions, déstockage)

Profil recherché :

école de commerce ou équivalent

expérience dans la vente préférable

très bonnes notions d'anglais

accueillant, souriant et dynamique

autonome et responsable

Conditions :

stage de 2 mois (juillet et août)

35h

possibilité de logement sur place ».

La convention de stage signée le 25 juin 2020 entre Mme [U], l'entreprise représentée par M. [T] et l'école rappelle que le « stage de formation a pour but essentiel d'assurer l'application pratique de l'enseignement donné à l'école ». Il s'agit d'un « stage opérationnel évolutif : intégration d'une équipe dans le cadre d'un projet puis participation active et premières responsabilités dans le projet/service ».

Les échanges de sms et mails que Mme [U] verse aux débats montrent une liberté de ton entre elle et M. [T] et une rapidité dans la réponse apportée par ce dernier. Il en résulte par ailleurs que si ce dernier n'était pas présent en permanence au magasin aux côtés de Mme [U], il était joignable aisément et se présentait régulièrement sur les lieux, notamment pour livrer du réassort ou pour y prélever la caisse ou fournir de la monnaie.

[X] [U] n'avait pas d'objectifs de vente contractualisés sur la base desquels elle aurait bénéficié d'une rémunération ou aurait été sanctionnée si elle ne les atteignait pas.

En effet, la convention de stage prévoyait la perception d'une gratification évaluée à 546 euros net par mois. Les pièces produites par l'intimé établissent qu'elle bénéficiait en outre d'un emplacement en camping, sans frais pour elle.

Les objectifs auxquels elle fait référence sont les objectifs que M. [T] s'est fixé pour la rentabilité de son commerce et dont il lui a fait part.

Au regard de tous ces éléments, il appert que Mme [U], étudiante, s'est engagée dans un stage aux fonctions de « responsable de boutique », ce qui dénote l'apprentissage de la tenue d'un magasin.

Contrairement à la description faite par la convention collective applicable du poste revendiqué, elle n'animait aucune équipe de vendeur(se)s, ni ne dynamisait les ventes de son équipe.

Elle était certes principalement seule dans la boutique du camping [6] à [Localité 4] Plage, mais avait nécessairement reçu toutes les indications et les conseils d'[D] [T] pour la mise en place des lieux. Elle pouvait par ailleurs le joindre facilement et ce dernier avait conservé la gestion financière de la boutique.

[X] [U] a ainsi, durant les deux semaines et demi passées dans la boutique d'[D] [T] et alors qu'elle suivait une formation dans un établissement d'enseignement, été mise en situation de travail réelle, dans le cadre d'un stage aux fonctions de « responsable de boutique » dont elle n'avait pas les responsabilités telles que décrites dans la convention collective vis-à-vis des tiers. Elle a été associée étroitement à la gestion de la boutique du camping au sein de laquelle elle effectuait son stage, mais le simple fait qu'elle s'y trouvait seule ne saurait entraîner la requalification de son stage en contrat de travail à durée indéterminée alors qu'elle bénéficiait du soutien et du tutorat de M. [T], joignable par téléphone ou message chaque jour, et régulièrement présent à la boutique.

En conséquence, elle doit être déboutée de sa demande de requalification de sa convention de stage en contrat à durée indéterminée ainsi que des demandes financières subséquentes.

Il convient en outre de rejeter ses demandes concernant la rupture de cette convention qui ne consiste donc pas en un licenciement qui serait dépourvu de cause réelle et sérieuse et dont la procédure préalable n'aurait pas été appliquée.

[X] [U] doit enfin être déboutée de ses prétentions indemnitaires pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité qui supposent l'existence d'un contrat de travail.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Mme [U], qui succombe en son appel, devra en supporter les entiers dépens.

En revanche, l'équité et la situation des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. M. [T] sera en conséquence débouté de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement du conseil de prud'hommes de Mont de Marsan en date du 7 juillet 2021 ;

Y ajoutant :

CONDAMNE Mme [X] [U] aux dépens d'appel ;

DEBOUTE M. [D] [T] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02609
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.02609 ?
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