AC/SB
Numéro 23/1992
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 08/06/2023
Dossier : N° RG 21/02526 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H6FK
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[L] [M]
C/
S.A.R.L. LANDES EVASION
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 20 Mars 2023, devant :
Madam PACTEAU, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame [Y], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU,Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [T] [S] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître LAGUNE loco Maître CHIMITS de la SCP MC AVOCATS, avocat au barreau de DAX
INTIMEE :
S.A.R.L. LANDES EVASION
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître MARIOL loco Maître DE MARNIX, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
sur appel de la décision
en date du 29 JUIN 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE DAX
RG numéro : 18/00158
EXPOSE DU LITIGE
'
M. [L] [M], qui bénéficiait d'une reconnaissance de travailleur handicapé en raison d'une pathologie reconnue comme étant une maladie professionnelle, a été embauché par la SARL Landes Evasion en qualité de chauffeur d'autocar, suivant contrat à durée déterminée de 6 mois à compter du 25 mars 2006, prolongé jusqu'au 29 octobre 2006.
'
La relation de travail s'est poursuivie sous la forme d'un contrat à durée indéterminée à compter du 13 novembre 2006.
'
Après différents arrêts de travail pris en charge en tant que rechutes de sa maladie professionnelle, M. [M] a été déclaré inapte par le médecin du travail le 9 novembre 2017, avec mention d'un possible reclassement à un poste administratif.
'
Le 2 décembre 2017, il a été convoqué à un entretien préalable.
'
Suivant courrier en date du 15 décembre 2017, M. [M] a été licencié pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement.
'
Contestant la qualification de l'inaptitude à l'origine de son licenciement, M. [M] a saisi la juridiction prud'homale le 12 décembre 2018.
'
Par jugement en date du 29 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Dax, statuant en formation de départage, a':
'''' débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes,
'''' dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
'''' débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire,
'''' condamné M. [M] aux dépens.
'
Par acte en date du 27 juillet 2021, Monsieur [M] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
'
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 18 octobre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Monsieur [L] [M] demande à la cour de :
'
'''' infirmer le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Dax,
'''' statuant de nouveau, condamner la société Landes Evasion à lui verser :
'''' 6.723,29 euros au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement
'''' 4.121,26 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de 2 mois
'''' 412,13 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
'''' 3.500 euros au titre des frais irrépétibles
'''' condamner la SARL Landes Evasion à lui remettre un bulletin de salaire rectifié et une attestation Pôle Emploi rectifiée sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai de huit jours suivant la notification de la décision à intervenir
'''' condamner la société Landes Evasion aux entiers dépens.
'
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 7 janvier 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la SARL Landes Evasion demande à la cour de :
'
'''' confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Dax du 29 juin 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [M] de l'intégralité de ses demandes ;
'''' infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Dax du 29 juin 2021 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour un montant réclamé de 3000 euros.
'''' en conséquence, statuant à nouveau, condamner Monsieur [M] à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile des frais irrépétibles engagés en première instance ;
'''' condamner Monsieur [M] à lui verser la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
'
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 février 2023.
'
MOTIFS DE LA DECISION
'
Il est constant que la maladie professionnelle doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve que cette affection doit être imputée aux conditions de travail de l'assuré au sein des entreprises précédentes.
'
En revanche, il est tout aussi acquis que si, en vertu de l'article L.1226-6 du code du travail, les règles particulières aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne sont pas applicables aux rapports entre un employeur et son salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle survenu ou contractée au service d'un autre employeur, ce salarié peut prétendre au bénéfice de la protection légale lorsqu'il existe un lien de causalité entre la rechute de l'accident initial survenu chez un précédent employeur et les conditions de travail du salarié ou tout autre événement inhérent à ses fonctions au service du nouvel employeur.
Dans cette hypothèse, la charge de la preuve de ce lien de causalité incombe au salarié qui l'invoque et non à l'employeur qui n'a pas à démontrer que l'inaptitude de son salarié ne lui est pas imputable.
'
En l'espèce, M. [M], alors salarié de la SAS Servary en tant que cariste magasinier, a été licencié le 13 octobre 2005, pour inaptitude médicale à son précédent poste de travail et impossibilité de reclassement. Le médecin du travail avait donné des préconisations, à savoir':
'''' pas de port de charges supérieures à 10 kg,
'''' pas de mouvements répétés de rotation ou de flexion extension du tronc,
'''' pas de station debout prolongée.
'
A la suite de son licenciement, M. [M] a déposé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle le 8 novembre 2005, reconnue comme telle par la caisse primaire d'assurance maladie le 13 mars 2006.
'
Après avoir réalisé un stage de conducteur de transport routier interurbain de voyageurs du 5 décembre 2005 au 24 février 2006, M. [M] a été engagé par la SARL Landes Evasion à compter du 25 mars 2006, d'abord en contrat à durée déterminée, puis en contrat à durée indéterminée à partir du 13 novembre 2006.
'
[L] [M] a été placé en arrêt de travail le 27 mars 2012.
Par courrier du 13 avril 2012, la caisse primaire d'assurance maladie a notifié à M. [M] qu'après examen, le médecin conseil a estimé que la rechute du 27 mars 2012 était imputable à la maladie professionnelle du 8 novembre 2005.
'
[L] [M] a été de nouveau placé en arrêt de travail le 25 avril 2016.
Par courrier du 24 mai 2016, la caisse primaire d'assurance maladie lui a indiqué que, sur avis du médecin conseil, cette rechute était imputable à sa maladie professionnelle du 8 novembre 2005.
'
Les arrêts de travail postérieurs mentionnaient leur lien avec la maladie professionnelle du 8 novembre 2005, jusqu'à l'avis d'inaptitude de M. [M] par le médecin du travail puis son licenciement.
'
La situation de M. [M] est celle prévue par l'article L.1226-6 précité, contrairement à ce qu'il soutient.
'
Pour démontrer le lien entre son inaptitude et ses conditions de travail, M. [M] produit les rapports médicaux d'évaluation puis de révision du taux d'IPP en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, consécutivement à sa maladie professionnelle du 8 novembre 2005 déclarée en tant que «'hernies discales opérées en 1992 et 2005'».
Le premier rapport, conclu le 13 avril 2007 alors qu'il était déjà embauché par la SARL Landes Evasion, relève une consolidation au 1er mars 2007 avec soins préventifs d'aggravation à compter du 2 mars 2007.
Le médecin conseil a alors noté son reclassement professionnel en tant que chauffeur de car.
Ce rapport est à mettre en corrélation avec les fiches d'aptitude et de visite établies parallèlement par le médecin du travail. En 2006 et 2008, M. [M] a été déclaré apte, sans réserves, de même qu'en 2009, 2010 et 2011.
Le deuxième rapport médical pour la révision du taux d'IPP en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle a été établi dans le cadre de la rechute du 27 mars 2012 pour «'lombosciatalgie invalidante. Examen TDM demandé'».
Ce rapport, qui mentionne une reprise du travail le 23 avril 2012, a été conclu le 9 décembre 2013 par le médecin conseil qui a fixé la consolidation au 16 décembre 2013 en maintenant le taux d'IPP à 15%.
Sur cette même période, l'avis du médecin du travail du 3 décembre 2012 versé par l'employeur déclare le salarié apte.
Le dernier rapport fait suite à la rechute déclarée le 25 avril 2016 pour «'lombalgie invalidante avec impotence fonctionnelle totale irradiant MI droite et gauche'».
Il a été conclu le 31 octobre 2017, portant le taux d'IPP à 17% et fixant une consolidation au 8 novembre 2017, soit la veille de l'avis d'inaptitude rédigé par le médecin du travail sur la base duquel M. [M] a été licencié.
Le dernier avis du médecin du travail versé aux débats par la SARL Landes Evasion date du 21 novembre 2014': il concluait à une aptitude sans réserve du salarié.
'
Aucun élément médical, que ce soit du côté du médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie ou de celui du médecin du travail rencontré très régulièrement par M. [M] qui bénéficiait d'un suivi médical renforcé du fait de sa qualité de travailleur handicapé, ne met en lien ses problèmes de santé depuis 2007 avec ses conditions de travail au sein de la SARL Landes Evasion. Cette dernière n'avait à respecter aucune restriction ou aménagement du poste de travail de M. [M]. Les éléments visés à ce titre par ce dernier concernaient son précédent employeur chez lequel il occupait le poste de cariste.
[L] [M], qui n'a jamais contesté les décisions de la caisse ni sollicité d'expertise médicale pour faire rechercher si son poste de chauffeur de car pouvait avoir une incidence sur ses problèmes de santé, ne saurait pas plus tirer argument d'articles de presse généraux relatifs au risque de troubles musculosquelettiques chez les chauffeurs de bus, qui ne le visent pas personnellement.
Enfin, les attestations versées aux débats sont insuffisantes, en l'absence de tout élément médical objectif, pour établir un lien de causalité entre les conditions de travail de l'appelant et ses conditions de travail au sein de la SARL Landes Evasion, alors même que le médecin du travail n'a relevé aucune difficulté à ce sujet.
'
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes de Dax a débouté M. [M], en considérant qu'il ne démontrait pas que son inaptitude était d'origine professionnelle et imputable à la SARL Landes Evasion, d'autant qu'il ne fournissait aucun élément d'organisation établissant une dégradation de ses conditions de travail.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
'
[L] [M], qui succombe en son appel, devra supporter les dépens de la présente procédure.
Toutefois, l'équité et les situations respectives des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL Landes Evasion qui sera donc déboutée de sa demande sur ce fondement.
'
PAR CES MOTIFS,
'
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
'
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Dax en date du 29 juin 2021';
'
Y ajoutant':
'
CONDAMNE M. [L] [M] aux dépens d'appel';
'
DEBOUTE la SARL Landes Evasion de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,