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01/06/2023 | FRANCE | N°23/01494

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 01 juin 2023, 23/01494


N°23/1935



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



ORDONNANCE DU 1er juin deux mille vingt trois





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/01494 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IRFV



Décision déférée ordonnance rendue le 29 Mai 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,


>Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de...

N°23/1935

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ORDONNANCE DU 1er juin deux mille vingt trois

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/01494 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IRFV

Décision déférée ordonnance rendue le 29 Mai 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

APPELANT

M. X SE DISANT [F] [S] ALIAS [S] [B] ALIAS [X] [J]

né le 16 Mars 1985 à [Localité 2]

de nationalité Tunisienne

Retenu au centre de rétention d'[Localité 3]

Comparant et assisté de Maître Mikele DUMAZ ZAMORA, avocat au barreau de Pau et de Monsieur [E], interprète assermenté en langue arabe

INTIMES :

LE PREFET DE LA GIRONDE, avisé, absent,

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 29 mai 2023 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet de la Gironde,

- déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de X se disant [B] [F] [S] alias [B] [S] alias [J] [X],

- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

- ordonné la prolongation de la rétention de [B] [F] [S] alias [B] [S] alias [J] [X] pour une durée de trente jours à l'issue de la fin de la première prolongation de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 29 mai 2023 à 11 heures 50.

Vu la déclaration d'appel motivée, transmise par la CIMADE pour le compte de [B] [S], reçue le 30 mai 2023 à 10 heures 03.

****

A l'appui de l'appel, pour demander l'infirmation de l'ordonnance entreprise, [B] [F] [S] fait valoir un unique moyen tiré du défaut de perspective d'éloignement, en indiquant en outre qu'il dispose d'une adresse en Espagne.

Le conseil de [B] [F] [S] a soutenu ce moyen à l'audience, en rappelant que l'intéressé, reconnu en 2017 par les autorités tunisiennes comme étant ressortissant de cet Etat, a déjà fait l'objet de placement en rétention administrative, notamment de novembre 2022 à janvier 2023, sans que la mesure d'éloignement ne puisse être mise à exécution ;

Le conseil de [B] [F] [S] ajoute que la réalité des diligences de l'autorité administrative n'est pas contestée mais que l'absence de délivrance d'un laissez-passer consulaire à ce jour établit qu'il n'existe pas de perspective raisonnable d'éloignement.

Le conseil de [B] [F] [S] fait enfin valoir que l'article 3 de l'annexe 2 de l'accord franco-tunisien publié par le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 prévoit des délais stricts pour l'identification des nationaux, qui n'ont pas été respectés.

[B] [F] [S] alias [B] [S] alias [J] [X] a été entendu en ses déclarations, selon lesquelles il vit et travaille en Espagne et qu'il n'est revenu en France que pour récupérer ses affaires restées chez sa compagne à [Localité 1]. Il a précisé qu'il vivait en Espagne depuis sa dernière sortie du centre de rétention d'[Localité 3] en janvier 2023. Il a ajouté que s'il était remis en liberté, il demanderait à son amie de lui porter ses effets personnels en Espagne.

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond, l'examen de la procédure et des pièces communiquées par le conseil de l'appelant fait apparaître les éléments suivants quant à la situation de ce retenu.

[B] [F] [S] alias [B] [S] alias [J] [X], ressortissant tunisien né le 16 mars 1985 à [Localité 2], fait l'objet d'une interdiction définitive du territoire français prononcée le 16 mars 2020 par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand pour des faits d'agressions sexuelles aggravées, peine confirmée 15 juillet 2020 par la Cour d'appel de Riom.

Après avoir été plusieurs fois placé en rétention administrative en vue de la mise à exécution de cette mesure d'éloignement, [B] [F] [S] a été une nouvelle fois placé en rétention administrative par arrêté du préfet de la Gironde en date du 28 avril 2023.

Par un arrêté du 29 avril 2023, notifié le 30 avril 2023, le préfet de la Gironde a fixé le pays de renvoi.

La mesure de rétention administrative a été prolongée pour vingt-huit jours par ordonnance du magistrat délégué par le premier président de la Cour d'appel de Bordeaux en date du 2 mai 2023.

[B] [F] [S] a été transféré au centre de rétention administrative d'[Localité 3].

Par requête en date du 27 mai 2023, le préfet de la Gironde a demandé au juge des libertés et de la détention de Bayonne de prolonger la rétention de [B] [F] [S] pour trente jours, ce qui a été accordé par la décision entreprise.

***

S'agissant de l'unique moyen tiré de l'absence de perspective raisonnable d'éloignement, l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration exerce toute diligence à cet effet.

En outre, et selon l'article L 742-4 du même code, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L.742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours, dans les cas suivants :

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;

b) de l'absence de moyens de transport.

L'examen de la procédure fait apparaître, sans que ce ne soit contesté, que l'autorité administrative a accompli de multiples diligences depuis le placement en rétention administrative de [B] [F] [S] aux fins d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer consulaire en vue de l'éloignement de [B] [F] [S] vers le pays de destination fixé par arrêté du 29 avril 2023.

Si le laisser-passer attendu n'a pas été délivré, ce n'est pas en raison d'un défaut de diligence de l'administration préfectorale puisque cette dernière, placée dans une telle situation d'attente ne dispose d'aucun de moyen de contrainte sur une autorité diplomatique étrangère qui demeure souveraine dans le traitement des demandes qui lui sont présentées. Toujours est-il que rien ne permet d'affirmer que ces multiples démarches n'aboutiront pas dans les jours ou semaines à venir, en tout cas avant l'expiration du délai légal de la rétention.

En outre, [B] [F] [S] se prévaut des dispositions l'Accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié par l'Accord-cadre du 28 avril 2008, relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie, ce dernier ainsi que ses annexes ayant été publiés au journal officiel du 26 juillet 2009, et plus particulièrement de l'article 3 de l'annexe 2, laquelle est relative à l'identification des nationaux.

Or, ce texte dans son entier est ainsi rédigé :

« 3. La nationalité de la personne est considérée comme présumée sur la base d'un des documents suivants :

- l'un des documents périmés mentionnés à l'alinéa précédent, à l'exception du passeport périmé depuis moins de cinq ans et du laissez-passer consulaire périmé depuis moins d'un an

- la carte d'immatriculation consulaire ;

- un acte de naissance ou tout autre document d'état civil ;

- un certificat de nationalité ;

- un décret de naturalisation ;

- la photocopie de l'un des documents précédemment énumérés ;

- les déclarations de l'intéressé dûment recueillies par les autorités administratives ou judiciaires de la Partie requérante ;

- tout autre document, y compris le résultat d'une expertise effectuée par un expert indépendant auprès des cours et tribunaux, contribuant à prouver la nationalité de la personne concernée.

Lorsque l'un des documents mentionnés ci-dessus est disponible, la Partie requérante transmet à l'autorité consulaire de la Partie requise l'original exploitable du relevé des empreintes décadactylaires ainsi que trois photographies d'identité de la personne concernée.

L'autorité consulaire de la Partie requise dispose d'un délai de cinq jours à compter de la réception de l'un des documents mentionnés ci-dessus pour examiner ce document et délivrer le laissez-passer consulaire si la nationalité de l'intéressé est établie. ».

L'article 4 de cette annexe 2 précise : « Toutefois, s'il existe des doutes sérieux quant à la nationalité de l'intéressé, il est procédé à son audition, dans un délai de 72 heures à compter de la réception par l'autorité consulaire de la Partie requise, des éléments mentionnés ci-dessus. A l'issue de cette audition, si la nationalité de la personne concernée est établie, le laissez-passer consulaire est délivré dans un délai de 48 heures »

Quand bien même [B] [F] [S] aurait été reconnu en 2017 par les autorités tunisiennes comme étant un ressortissant de cet Etat, ces textes n'ont aucune vocation à s'appliquer dans le cas présent, puisque [B] [F] [S], qui se prétend tunisien, n'a produit aucun des documents listés par l'article 3 précité et a déclaré, lors de son audition du 28 avril 2023, qu'il ne pouvait produire aucun document établissant son identité, étant observé par ailleurs que l'intéressé est connu sous plusieurs alias.

Il sera en outre observé que la lecture de l'article 3, non pas de l'annexe mais de cet accord cadre franco-tunisien, relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, établit au contraire qu'il n'est prévu aucun délai impératif de réponse d'un État à l'autre puisqu'il évoque des réponses « dans les meilleurs délais ».

Dès lors, l'unique moyen soulevé doit être écarté.

Enfin, [B] [F] [S], qui ne dispose d'aucune garantie effective de représentation en France, ne remplit pas les conditions d'une assignation à résidence, telles que fixées par l'article L.743-13, en ce sens qu'il n'a pas préalablement remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité et tous documents justificatifs de son identité. Il est outre par ailleurs acquis qu'il s'est soustrait à plusieurs reprises à l'exécution de l'interdiction définitive du territoire français. S'il prétend désormais s'être installé en Espagne en janvier 2023, il n'en a nul fait aucunement état lors de son audition du 28 avril 2023, indiquant au contraire que toute sa vie se trouvait en France. A telle enseigne qu'il a encore été contrôlé sur le territoire national le 28 avril 2023

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

DECLARONS l'appel recevable en la forme.

CONFIRMONS l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Gironde.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le1er juin deux mille vingt trois à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUS Cécile SIMON

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 1er juin 2023

Monsieur X SE DISANT [F] [S] ALIAS [S] [B] ALIAS [X] [J], par mail au centre de rétention d'[Localité 3]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Mikele DUMAZ ZAMORA, par mail,

Monsieur le Préfet de la Gironde, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 23/01494
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;23.01494 ?
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