PS/BE
Numéro 23/01869
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 2
Arrêt du 30 mai 2023
Dossier : N° RG 20/00379 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HPSF
Nature affaire :
Demande relative à la liquidation du régime matrimonial
Affaire :
[X] [I]
C/
[Y] [W]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 03 Avril 2023, devant :
Monsieur SERNY, Magistrat honoraire chargé du rapport,
assisté de Madame BARREAU, Greffière, présente à l'appel des causes,
Monsieur [T], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur GADRAT, Président,
Madame DELCOURT, Conseiller,
Monsieur SERNY, Magistrat honoraire,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
Grosse délivrée le :
à :
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [X] [I]
née le 30 Avril 1988 à [Localité 5] (MAROC)
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 3]
[Localité 1]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/1094 du 29/05/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
Représentée par Me Vincent LIGNEY de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU
assistée de Me Alexandre NOVION, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIME :
Monsieur [Y] [W]
né le 24 Août 1968 à [Localité 6] (93)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Michel COCOYNACQ, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 17 SEPTEMBRE 2019
rendue par le PRESIDENT DU TJ DE TGI BAYONNE
RG numéro : 19/00658
Vu l'acte d'appel initial du 04 février 2020,
Vu le jugement dont appel rendu le 17 septembre 2019 par le tribunal judiciaire de BAYONNE qui a :
- évalué à 80.000 euros la récompense due par [Y] [W] à l'indivision post-communautaire pour avoir financé à hauteur de ce montant l'achat du bien commun vendu le 27 août 2018 au prix de 158.500 euros,
- fixé à 17.867,84 euros la somme à porter au crédit du compte d'indivision du mari,
- retenu un passif bancaire de 60.321,47 euros,
- renvoyé les parties devant le notaire ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 juillet 2020 transmises par [Y] [W] qui conclut :
- à l'irrecevabilité des conclusions adverse soulevant l'irrecevabilité de l'assignation en partage,
- au rejet des prétentions formées en cause d'appel par [X] [I],
- à la confirmation du jugement et à l'allocation de 3.000 euros en compensation de frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 avril 2020 par [X] [M] [I] qui conclut à l'irrecevabilité de la demande au regard de l'article 1360 du code civil et au rejet des prétentions adverses par voie d'infirmation totale du jugement dont appel, outre paiement de 1.500 euros en compensation de frais irrépétibles.
Vu l'ordonnance de clôture délivrée le 20 mars 2023.
Le rapport ayant été fait à l'audience.
MOTIFS
PREALABLE
Contrairement à ce qu'énonce le jugement, il appartient au juge d'établir un état liquidatif si cela lui est demandé ; des conclusions demandant la fixation d'une soulte valent demande d'établissement d'un état liquidatif si cela est juridiquement possible dans le respect de la règle de l'unicité du partage qui prohibe les partages partiels, et suppose qu'il n'y ait plus de bien indivis à vendre tant que les attributions ne sont pas décidées.
SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE
Les dispositions de l'article 1360 du code civil ont été respectées puisque [Y] [W] a transmis à [X] [M] [I] un projet de liquidation des comptes avant de saisir le tribunal. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen d'irrecevabilité.
HISTORIQUE
Les époux [Y] [W], né le 24 août 1968 à [Localité 6] et [X] [I] née le 30 avril 1988 à [Localité 5] (Maroc) se sont mariés sans contrat à [Localité 4] le 27 août 2011.
Par contrat du 21 septembre 2011 ils ont acquis un bien immobilier situé à [Adresse 8] au prix de 180.000 euros outre 9.162 euros de frais.
Par Ordonnance de Non Conciliation du 08 juillet 2015, ils ont été autorisés à résider séparément.
Autorisé judiciairement par jugement du 27 juillet 2017, [Y] [W] a, pour le compte de l'indivision, vendu au prix de 156.000 euros, un immeuble acquis durant le mariage.
Le divorce a été prononcé le 30 juin 2017.
SUR LA DATE D'EFFET DU DIVORCE
Le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :
- lorsqu'il est prononcé par consentement mutuel, à la date de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n'en dispose autrement ;
- lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l'ordonnance de non-conciliation.
A la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge.
Faute de décision contraire du juge du divorce, la date de dissolution du régime matrimonial est la date du 08 juillet 2015.
SUR LA DATE DE JOUISSANCE DIVISE
Selon l'article 829 du code civil, en vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant.
Cette date est la plus proche possible du partage.
Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité.
Les dispositions de ce texte issu de la loi 2006-0728 consacrent la jurisprudence selon laquelle le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité.
Le bien ayant été vendu, la date de jouissance divise peut être fixée à la date de sa vente. Les fonds consignés s'accroissent des intérêts servis par le notaire séquestre.
ACTIF DE L'INDIVISION POST-COMMUNAUTAIRE
Durant la vie commune, les époux ont acquis au prix de 180.000 euros un immeuble situé à [Adresse 8] (40) selon acte du 21 septembre 2011 reçu par Me [S], notaire à [Localité 4].
L'acte précise que le mari finance l'acquisition à hauteur de 80.000 euros lui appartenant en propre et pour le montant des frais d'acquisition ; le solde est payé par recours à un emprunt de 100.000 euros.
Les frais se sont élevés à 9.182 euros.
L'immeuble a été revendu à perte le 27 août 2018 au prix de 156.500 euros selon acte reçu par Me [S] notaire à [Localité 4].
EVALUATION DES RECOMPENSES ET DES DETTES ENTRE EPOUX
Selon l'article 1469 du code civil rendu applicable par l'article 59 de la loi du 23/12/85, la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes représentant la dépense faite et le profit subsistant.
Elle ne peut toutefois être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.
Elle ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.
Par ailleurs, selon l'article 1473 du code civil, les récompenses dues à la communauté ou par la communauté portent intérêt de plein droit du jour de la dissolution ; toutefois, lorsque la récompense est égale au profit subsistant, les intérêts courent de la liquidation.
Au cas d'espèce, le mari demande à récupérer sa récompense en nominal ; l'immeuble ayant été vendu à un prix inférieur à son prix d'achat, la dépense engagée est supérieure au montant du profit subsistant mais elle était nécessaire pour acquérir le bien ; ce montant de la dépense sera porté au crédit de son compte d'indivision soit 80.000 euros ; la récompense est due en nominal.
COMPTES D'INDIVISION
En la matière, les créances et dettes réciproques entre chaque indivisaire et l'indivision ne sont pas exécutoires ; elles ne donnent lieu qu'à inscription dans un compte dont le solde sera, lors du partage, payé en moins prenant sur la part de l'époux s'il est redevable envers l'indivision ou par prélèvement accroissant à la part d'actif net revenant à l'indivisaire.
Dépenses financées par les deniers personnels de l'un des copartageants
Selon l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à la valeur dont ce bien se trouve augmentée au temps du partage ou de son aliénation. En outre, il est tenu compte à chaque indivisaire des impenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation des biens indivis encore qu'elles ne les aient pas améliorés.
Sont, en application de ce texte, inscrits au crédit du compte d'indivision les remboursements d'emprunts effectués sur leurs deniers personnels par l'un ou l'autre des époux copartageants de la communauté dissoute ainsi que toutes les charges usuelles exposées pour l'utilisation et la conservation des biens indivis, en particulier les impôts fonciers et les primes d'assurance.
[Y] [W] demande à récupérer la moitié des remboursements d'un prêt annexe de 10.000 euros totalement amorti ce qui revient à porter la totalité des remboursements au crédit de son compte d'indivision ; cette demande ne peut pas être accueillie parce que [Y] [W] ne situe pas la date de l'amortissement du prêt par rapport à la date de dissolution du régime matrimonial ; il eut fallu connaître le capital restant dû à cette date.
[Y] [W] demande aussi à récupérer la somme de 12.510 euros ; cette somme représente la moitié du montant de 35 échéances de 714,88 payées après la dissolution du régime matrimonial jusqu'à la vente ; cela revient à porter au crédit de son compte d'indivision une somme de 25.020 euros.
Faits de jouissance privative
Selon l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est redevable d'une indemnité soumise à la prescription quinquennale de l'article 815-10 du même code. Cette indemnité s'inscrit au débit du compte d'indivision du coindivisaire concerné.
L'épouse ne réclame pas d'indemnité d'occupation pour occupation du bien indivis par le mari après la séparation et jusqu'à la vente.
PASSIF DE LA COMMUNAUTE
Selon l'article 1409 du code civil, la communauté se compose passivement :
- A titre définitif, des aliments dus par les époux et des dettes contractées par eux pour l'entretien du ménage et l'éducation des enfants, conformément à l'article 220 ;
- A titre définitif ou sauf récompense, selon les cas, des autres dettes nées pendant la communauté.
Ce passif est égal au montant des dettes de la communauté et de l'indivision post-communautaire. Il comprend notamment le montant du capital restant dû à au jour de la jouissance divise sur les emprunts contractés par la communauté durant la vie du régime matrimonial.
L'acte de prêt ayant servi à financer le bien immobilier est annexé à l'acte d'achat ; il a été contracté au taux financier de 3,5% remboursable en 180 échéances fixes de 714,88 euros payées à partir du 01 septembre 2011 ; le capital restant dû s'élevait, lors de la vente du 27 août 2018, à 60.859,06 euros après paiement de l'échéance du mois d'août 2018. [Y] [W] dispose d'une crénce de 35 remboursements de 714,88 euros en remboursement du prêt immobilier après la dissolution du régime, présumés payés par le mari.
Ce compte sera actualisé sur la base des éléments du compte d'indivision dont la cour n'a pas connaissance (TF, TH, assurances)
APERCU LIQUIDATIF INDICATIF
Il n'est pas demandé à la cour de liquider les comptes :
- il manque des articles du compte d'indivision comme les impôts locaux ,
- elle ne connait pas le montant des intérêts servis par l'organisme consignataire,
Il apparait cependant de façon certaine que l'actif net de l'indivision post-communautaire est à ce jour négatif parce que le bien a été vendu à perte et que depuis la séparation, les échéances payées par le mari en principal et intérêt ont accru ce passif. Si la décision de vendre ou d'attribuer était intervenue dès la séparation ou peu après, l'actif net aurait eu des chances d'être positif.
Date de dissolution du régime matrimonial
08-juil-15
Date de jouissance divise
19-juin-18
Nombre de mois écoulés depuis cette date
35 Mois
Compte d'indivision et de récompense du mari
Euros
Crédit
Remboursement de l'emprunt principal 35*714,88
25 020,80
Remboursement d'un prêt de 10000 Euros amorti
0,00
Créance de récompense en nominal (dépense faite)
80 000,00
Total Crédit
105 020,80
Débit
Indemnité d'occupation
0,00
Total Débit
0,00
Solde droit de prélèvement comme s'il était tiers créanciers
105 020,80
Actif indivis
Solde après la vente extinction du passif de 60 859 euros
95 641,00
Total
95 641,00
Passif indivis
Dette envers le mari résultant de la durée de l'indivision
105 020,80
Total
105 020,80
Actif net
-9 379,80
Droits de chacun sur l'actif net
-4 689,90
Attributions au mari
Ses droits
Droits sur l'actif net
-4 689,90
Droit de prélèvement pour créance sur l'indivision
105 020,80
Total
100 330,90
Reçoit
Totalité des fonds
95 641,00
A recevoir Part contributive de l'épouse au paiement du passif
4 689,90
Total
100 330,90
Soulte à recevoir (signe positif) ou à payer (signe négatif)
0,00
Attributions à l'épouse
Ses droits
Droits sur l'actif net
-4 689,90
Total
-4 689,90
Reçoit
L'obligation de payer sa part du passif à son mari
-4 689,90
Total
-4 689,90
Il en résulte que, sauf à parfaire devant notaire
1- la totalité des fonds disponibles reviennent au mari comme s'il était un tiers créancier,
2- il supporte la moitié du passif par application de l'article 1485 du code civil soit 4.689,90 euros ;
3- et devient créancier de son épouse pour l'autre moitié du passif puisqu'elle a la même obligation que lui en vertu du même texte alors qu'il est par ailleurs seul créancier ; elle paye sa part de passif à son ex-mari comme s'il était un tiers.
SUR LES DEPENS
Il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront prélevés en frais privilégiés de partage sur les fonds à distribuer.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en dernier ressort :
* confirme le jugement en ce que
- il a déclaré [Y] [W] recevable en son action en partage,
- il a reconnu à [Y] [W] un droit à récompense de 80.000 euros en nominal sur la communauté
* le réforme ou y ajoutant pour le surplus,
* constate que la communauté a été dissoute le 08 juillet 2015,
* dit qu'une somme de 25.020,88 euros sera portée au crédit de son compte d'indivision pour avoir assumé 35 échéances de remboursement d'emprunts,
* dit que la totalité des fonds disponibles provenant de la vente reviennent à [Y] [W],
* renvoie les parties devant le notaire séquestre des fonds pour leur distribution après inscription dans les comptes d'indivision de postes actifs ou passif non discutés en justice
* dit que les dépens entreront en frais privilégiés de partage, qui comprendront la rémunération du notaire séquestre, dont distraction au profit des avocats en la cause qui en font la demande,
* dit qu'ils seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle (AJ 20/1094) comme lorsque chaque partie garde à sa charge les dépens par elle exposés,
* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt signé par Xavier GADRAT, Président et Julie BARREAU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
Julie BARREAU Xavier GADRAT