JN/EL
Numéro 23/1826
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 25/05/2023
Dossier : N° RG 21/01222 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H2Y4
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 3]
C/
SARL [4]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 16 Mars 2023, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame BARRERE, greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par de Me BARNABA, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
SARL [4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me BELLEGARDE, avocat au barreau de Pau loco Me LOUBES, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 10 MARS 2021
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 18/565
FAITS ET PROCÉDURE
Le 18 juillet 2017, M. [T] [D] (le salarié), né le 27 novembre 1962, salarié de la Société [4] (l'employeur), a été victime d'un accident du travail, le certificat médical initial de même date, faisant état d'une « lésion de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite après chute' ».
Le 22 août 2017, la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 3] (la caisse ou l'organisme social) a notifié à l'employeur, sa décision de prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle.
Le salarié a subi une opération de la lésion du sus épineux droit.
Par certificat médical du 11 mai 2018, le docteur [W], chirurgien orthopédique, a fixé la date de guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure, au 11 mai 2018, et prévu une reprise de travail à temps complet le 14 mai 2018.
Le 30 juin 2018, au vu d'un certificat médical de prolongation de même date, le salarié s'est prévalu d'une nouvelle lésion, relative à des « bouffées d'angoisses réactionnelles à un état conflictuel lors de la reprise du travail ».
Le 2 août 2018, la caisse, après instruction, et conformément à l'avis de son médecin-conseil, a notifié à l'employeur, la prise en charge de cette nouvelle lésion au titre de la législation relative aux risques professionnels, l'estimant imputable à l'accident du travail du 18 juillet 2017.
L'employeur a contesté l'opposabilité à son égard de la décision de la caisse du 2 août 2018, ainsi qu'il suit :
- le 20 août 2018, devant la commission de recours amiable (CRA) de l'organisme social, laquelle n'a pas répondu,
- le 19 novembre 2018, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, au vu de la décision implicite de rejet de la CRA.
Par jugement du 10 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
- dit que la décision de prise en charge de la lésion constatée le 30 juin 2018, notifiée le 2 août 2018 est inopposable à l'employeur,
- condamné la caisse au paiement des entiers dépens.
La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de la caisse le 11 mars 2021.
Le 8 avril 2021, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour, la caisse en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation du 27 septembre 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 16 mars 2023, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 23 décembre 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie [Localité 3], appelante, conclut à l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, demande à la cour de :
- juger opposable à l'employeur la décision du 2 août 2018 de prise en charge de la lésion constatée le 30 Juin 2018 comme imputable à l'accident du travail du 18 Juillet 2017,
- condamner l'employeur à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 7 février 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur- la société [4]- intimé conclut à la confirmation du jugement déféré, et demande en outre à la cour de condamner l'appelante, au paiement de la somme de 2.000 €au au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
SUR QUOI LA COUR
La caisse, pour contester le premier juge, fait valoir en substance, que :
-la nouvelle lésion, doit être distinguée de la rechute, en ce qu'elle bénéficie de la présomption d'imputabilité, que l'employeur peut combattre, par la preuve du caractère injustifié des arrêts travail, ou de leur cause totalement étrangère au travail, ce qu'il ne fait pas au cas particulier,
- par application de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, 1315 devenu 1353 du code civil, et de la jurisprudence de la Cour de cassation, précisée par des arrêts du 9 juillet 2020 et du 12 mai 2022 (cassation civile deuxième, 9 juillet 2020, numéro 19-17 626 ; cassation civile deuxième, 12 mai 2022, numéro 20-20. 655), cette présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime,
- le service médical de la caisse, a retenu que la nouvelle lésion était bien imputable à l'accident du travail du 18 juillet 2017.
L'employeur, conclut à la confirmation du jugement déféré, estimant qu'au cas particulier, il ne s'agit pas d'une « nouvelle lésion », imputable à l'accident du travail initial, dès lors qu'elle intervient postérieurement à la date de guérison apparente, médicalement fixée au 14 mai 2018, si bien que contrairement à la position de la caisse, le salarié est victime d'une rechute, laquelle ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité à l'accident du travail, et qu'en outre, les nouvelles lésions constatées sont sans aucun lien avec celles découlant de l'accident du travail du 18 juin 2017.
Sur ce,
Les parties s'accordent à juste titre, en matière d'accident du travail, à faire une distinction entre la « nouvelle lésion », et la « rechute », admettant de façon concordante, qu'en cas de « nouvelle lésion », simple évolution des lésions initialement constatées, et intervenue antérieurement à toute consolidation, l'assuré peut invoquer le bénéfice de la présomption d'imputabilité à l'accident initial, alors qu'en cas de « rechute », intervenue postérieurement à la consolidation ou la guérison, cette présomption ne s'applique pas, et qu'il appartient à l'assuré dans ses rapports avec la caisse, ou à la caisse dans ses rapports avec l'employeur, de prouver le lien de causalité direct et exclusif de la lésion avec le sinistre initial.
Au cas particulier, il résulte des pièces produites, que :
-l'accident du travail du 18 juillet 2017, a donné lieu à un certificat médical final (pièce numéro 7 de la caisse), qui fixe la « guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure », au 11 mai 2018, et prévoit la reprise du travail à temps complet le 14 mai 2018,
- il est constant que le salarié a repris le travail, conformément à un avis médical d'aptitude avec restrictions établi par le médecin du travail à l'occasion d'une visite de reprise du 17 mai 2018,
- la lésion litigieuse (« bouffées d'angoisses réactionnelles à un état conflictuel lors de la reprise du travail »), est constatée pour la première fois par certificat médical du 30 juin 2018, et donc postérieurement à la date de guérison apparente (11 mai 2018) de l'état de santé du salarié suite à l'accident du travail du 18 juillet 2017.
C'est donc à tort et en contradiction avec les éléments du dossier, et ses propres développements, que la caisse soutient que la lésion litigieuse, serait constitutive d'une « nouvelle lésion », à laquelle la présomption d'imputabilité s'appliquerait.
C'est à juste titre au contraire, que l'employeur soutient au vu d'une date de consolidation du 11 mai 2018, que la présomption d'imputabilité à l'accident du travail du 18 juillet 2017, ne s'applique pas à la lésion constatée par le certificat médical du 30 juin 2018.
Par ailleurs, les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que la lésion médicalement constatée le 30 juin 2018, serait en lien de causalité directe et exclusive avec l'accident du travail du 18 juillet 2017.
À cet égard, la caisse se contente d'invoquer l'avis de son médecin-conseil, favorable à l'imputabilité de la lésion constatée le 30 juin 2018, à l'accident du travail du 18 juillet 2017.
Cependant, cet avis, ainsi que l'a à juste titre retenu le premier juge, est rédigé en termes laconiques, et se contente d'affirmer sans autre précision, que les lésions décrites sur le certificat médical du 30 juin 2018, sont imputable à l'accident du travail, si bien qu'il n'est pas de nature à établir un tel lien de causalité, et ce d'autant qu'il ne tient pas compte des mentions portées sur le certificat médical du 30 juin 2018, lequel fait état d'une tout autre cause, à savoir un conflit au travail, apparu lors de la reprise de son poste par le salarié, que rien ne rattache à l'accident du travail, conflit professionnel au demeurant contesté par l'employeur et qu'aucun élément du dossier ne permet de caractériser.
Le premier juge sera confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La caisse, qui succombe, supportera outre les dépens de première instance, les dépens exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 10 mars 2021,
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 3] aux dépens exposés en appel.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE