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25/05/2023 | FRANCE | N°21/01217

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 25 mai 2023, 21/01217


JN/EL



Numéro 23/1827





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 25/05/2023







Dossier : N° RG 21/01217 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H2YS





Nature affaire :



A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse









Affaire :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES



C/



S.A.R.L. [6]









Grosse délivrée le

à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au ...

JN/EL

Numéro 23/1827

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 25/05/2023

Dossier : N° RG 21/01217 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H2YS

Nature affaire :

A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse

Affaire :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

C/

S.A.R.L. [6]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 16 Mars 2023, devant :

Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame BARRERE, greffière.

Madame [T], en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me BARNABA, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.R.L. [6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me JUNQUA-LAMARQUE de la SARL JUNQUA-LAMARQUE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 24 MARS 2021

rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 20/102

FAITS ET PROCÉDURE

Le 6 mai 2019, M. [S] [B] (le salarié), embauché au sein de la SARL [6] (l'employeur) en qualité de mécanicien responsable d'atelier, a adressé à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes (la caisse ou l'organisme social) une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, faisant état d'une « tendinopathie fissuraire du supra épineux. Conflit sous acromial. Bursite sous acromio deltoïdien épaule gauche ».

La demande était accompagnée d'un certificat médical initial du 3 mai 2019 établi par le Docteur [O], prescrivant un arrêt travail, et faisant mention de « tendinopathie épaule gauche limitante. IRM du 28/03/2019 : tendinopathie fissurée du supra épineux. Bursite (...) ».

Ce certificat indique le 15 septembre 2017, comme date de la première constatation médicale de la maladie professionnelle.

Le 23 mai 2019, l'employeur, par son conseil, a informé la caisse, du contexte dans lequel s'inscrivait cette déclaration de maladie et les éléments lui permettant de penser qu'elle n'était pas la cause réelle de l'arrêt travail du salarié (arrêts de travail successifs du salarié, déclaré apte à la reprise de son poste, selon aménagement, au moyen d'un mi-temps thérapeutique, le tout suivi d'un manque d'implication et d'erreurs inhabituelles du salarié, signalés par l'employeur dans un courrier d'information, à réception duquel, le salarié, après avoir provoqué un incident sur son lieu de travail, et exprimé une menace de se faire déclarer inapte, aurait fait l'objet d'un nouvel arrêt travail, puis d'un refus de reprise de poste, suite à une demande d'inaptitude, refusée par la médecine du travail) ; au vu de ces éléments, l'employeur a sollicité que la caisse procède à un contrôle.

Le 7 octobre 2019, après enquête, la caisse a notifié à l'employeur, sa décision de prise en charge de la maladie de « rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche », au titre de la législation professionnelle, comme inscrite au tableau numéro 57 des maladies professionnelles.

L'employeur a contesté l'opposabilité de la décision de prise en charge ainsi qu'il suit :

- le 12 novembre 2019 devant la commission de recours amiable (CRA) de l'organisme social, laquelle n'a pas répondu dans le délai réglementaire, mais seulement le 7 juillet 2020, par une décision de maintien de la décision de la caisse,

- le 20 février 2020, devant le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, au vu de la décision implicite de rejet de la CRA.

Par jugement du 24 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :

- déclaré inopposable à l'employeur la décision de la caisse de prendre en charge la maladie déclarée par le salarié, le 9 mai 2019, au titre de la législation professionnelle, ainsi que toutes les conséquences qui en découlent,

- débouté l'employeur de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la caisse à supporter la charge des entiers dépens.

Cette décision a été notifiée, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de la caisse le 25 mars 2021.

Le 8 avril 2021, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour, la caisse en a régulièrement interjeté appel.

Selon avis de convocation du 27 septembre 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 16 mars 2023 à laquelle elles ont comparu.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses conclusions n°III récapitulatives et responsives transmises par RPVA le 6 mars 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie des Landes, appelante, conclut à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande à la cour de :

- débouter l'employeur de l'intégralité de ses demandes,

- déclarer opposable à l'employeur la décision du 7 octobre 2019 de la caisse tendant à la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée le 6 mai 2019 par le salarié,

- condamner l'employeur à payer à la caisse la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'employeur aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Selon conclusions transmises par RPVA le 30 janvier 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur- la société [6] intimé, conclut :

' A titre principal : à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions,

' A titre subsidiaire : à ce que lui soit déclarée inopposable, la décision du 07 octobre 2019 de la caisse,

'Par conséquent, et en tout état de cause à :

- sa décharge des conséquences financières résultant de la prise en charge de la maladie déclarée par le salarié,

- la condamnation la caisse à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI LA COUR

En application des dispositions de l'article L461-1 du code de la sécurité sociale, « est présumée d'origine professionnelle, toute maladie désignée dans un tableau et contractée dans les conditions qui y sont décrites ».

À ce titre, la maladie telle qu'elle est désignée dans les tableaux des maladies professionnelles est celle définie par les éléments de description et les critères d'appréciation fixés par chacun de ces tableaux.

Au cas particulier, la maladie professionnelle retenue par l'organisme social, et désignée par le tableau numéro 57 A relatif au «Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail », consiste en une «rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche ».

Les parties sont en désaccord sur le point de savoir si cette maladie professionnelle est effectivement caractérisée ou non.

La caisse conteste le premier juge, en ce qu'il a jugé la décision de prise en charge, inopposable à l'employeur, au motif que la caisse ne justifiait pas du bien-fondé de la date de première constatation médicale, et avait ainsi privé l'employeur de son droit d'être informé sur les conditions de fixation de cette date.

L'employeur conclut au contraire à la confirmation du jugement déféré, au motif qu'au vu d'un rappel chronologique qu'il effectue en page 4 de ses conclusions, cette date du 15 septembre 2017 serait incompréhensible, contestant par ailleurs la condition relative au délai de prise en charge, et à l'exposition au risque.

I/ Sur la date de première constatation médicale de la maladie déclarée

Le délai de prise en charge, est constitué par le délai entre la date de la cessation de l'exposition au risque et la date de la première constatation médicale de la pathologie.

Pour déterminer la date de première constatation médicale, il doit être pris en compte l'ensemble des pièces produites par les parties, et notamment la constatation médicale de toute lésion de nature à révéler l'existence de la maladie.

La pièce caractérisant la première constatation médicale de la maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial, n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci et n'est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à la disposition de l'employeur en application de l'article R441-14 alinéa 3 du code de la sécurité sociale.

En cas de contestation, il appartient seulement aux juges du fond de vérifier si les pièces du dossier constitué par la caisse ont permis à l'employeur d'être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue par le médecin conseil.

Au cas particulier, les éléments du dossier établissent que :

-le certificat médical initial fixe la date de première constatation médicale au 15 septembre 2017,

-le médecin-conseil de la caisse, sur la fiche de colloque médico- administratif en date du 10 septembre 2019, fixe de même cette date de première constatation médicale, au 15 septembre 2017, au vu du certificat médical initial du Docteur [O], (et objective par ailleurs la maladie, dont il indique que les conditions médicales réglementaires sont remplies, et précise de code syndrome, en indiquant que c'est une I.R.M. du 28 mars 2019, qui lui a permis de vérifier lesdites conditions),

-cette fiche fait sans contestation partie du dossier constitué par la caisse, que l'employeur a été invité à venir consulter, par un courrier du 17 septembre 2019, qui n'est pas produit aux débats, mais qui est cependant visé sans contestation aucune, par la commission de recours amiable, dans sa décision du 7 juillet 2020.

Il ressort de ces éléments, que l'employeur a été suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles la date de première constatation médicale a été retenue, étant rappelé qu'en application des dispositions de l'article D461-1-1 du code de la sécurité sociale, c'est le médecin-conseil de la caisse qui fixe cette date.

II/Sur la contestation du délai de prise en charge

Le délai de prise en charge, est constitué par le délai entre la date de la cessation de l'exposition au risque et la date de la première constatation médicale de la pathologie.

Le délai de prise en charge de la maladie professionnelle litigieuse, tel que prévu au tableau n° 57 A, est de 1 an sous réserve d'une durée d'exposition d'un an.

Au cas particulier, et contrairement à la position de l'employeur, le délai de prise en charge est rempli, dès lors qu'il est constant et établi par les pièces du dossier, et notamment par les questionnaires remplis par chacune des parties, que :

-le salarié travaille pour le compte de l'employeur depuis le 24 octobre 1996,

- il n'est justifié d'aucun changement de poste depuis cette date,

-à la date de première constatation médicale, du 15 septembre 2017, le salarié exerçait donc ses fonctions depuis plus d'un an, et remplissait ainsi la condition relative à la durée d'exposition au risque (sans préjuger de l'exposition au risque, qui est contestée),

- il a cessé d'être exposé au risque, à compter du 23 février 2018, date à laquelle l'employeur expose sans contestation, que le salarié a été placé en arrêt travail ininterrompu jusqu'à son licenciement, daté par l'enquête de la caisse, au 1er juillet 2019,

- pour que le délai de prise en charge soit observé, la maladie aurait dû être constatée médicalement pour la première fois, au plus tard le 23 février 2019,

- tel est le cas, dès lors que la date de première constatation médicale de la maladie, du 15 septembre 2017, est antérieure à la date à laquelle le salarié a cessé d'être exposé au risque.

III/ Sur l'exposition au risque

L'employeur conteste que le salarié ait été exposé aux gestes professionnels dans les termes visés au tableau numéro 57 A, faisant valoir particulièrement, que le tableau renvoie à des durées quotidiennes minimales, dont il estime qu'elles ne sont pas en l'espèce caractérisées.

À cet égard, la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie, tel que prévu par le tableau 57 A, est la suivante :

« Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction (**) :

- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé

ou

- avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé ».

Sur ce,

La caisse, sur laquelle repose la charge de la preuve dans ses rapports avec l'employeur, produit les questionnaires complétés tant par le salarié que par l'employeur, ainsi qu'un rapport d'enquête par lequel son enquêteur agréé et assermenté, rappelle les emplois occupés par le salarié, ainsi que les déclarations de chacune des parties, recueillies par téléphone, chacune d'entre elles maintenant les déclarations effectuées au moyen du questionnaire.

Le point constant est que le salarié travaille dans l'entreprise depuis le 24 octobre 1996, et a fait l'objet, le 1er juillet 2019, d'un licenciement pour inaptitude.

En revanche, les parties sont contraires, sur la consistance du poste de travail occupé par le salarié.

Ainsi celui-ci, déclare que durant 10 ans à compter de son embauche, il a préparé les voitures au niveau esthétique, puis qu'il a été amené progressivement à effectuer de plus en plus de travaux mécaniques, pour être ensuite polyvalent (mécanique, vente, conseil').

C'est au titre des travaux de mécanique, qu'il estime avoir été exposé au risque prévu par le tableau 57A, dans chacune de ses deux branches (angle supérieur ou égal à 60 % et angle supérieur ou égal à 90 %), et pour chacune d'entre elles, plus de deux heures par jour, et plus de trois jours par semaine, à l'occasion des travaux sous véhicule effectués sous pont élévateur, tels que changement de distribution, carter moteur, boîte à vitesses, démarreur.

L'employeur, au contraire, fait valoir que depuis 2010, le salarié est responsable de la réception des véhicules d'occasion, effectue le diagnostic technique afin de définir les réparations nécessaires à la remise en état, oriente vers différents services et sous-traitants (carrossier, électronicien), s'occupe du service après-vente, de la mécanique légère telle que changement de filtre, de pneus, effectue des diagnostics électroniques et des vidanges, mais fait valoir que la « grosse mécanique » est sous-traitée à un garage partenaire (le garage Hirigoyen), si bien qu'il estime que le poste de travail du salarié depuis 2010, de responsable du service après-vente, pour laquelle il bénéficie d'un bureau afin de recevoir au mieux la clientèle, et selon laquelle il était chargé de vérifier le bon fonctionnement du véhicule avant la livraison à l'acheteur, n'implique pas de mouvement aux postures de bras décollés.

La caisse ne produit ni contrat travail, ni fiche de poste, ni éléments extérieurs aux parties, susceptible de les départager.

En revanche, l'employeur produit l'attestation du garage [5], de même que l'attestation d'un de ses salariés, qui confirment ses déclarations.

Il s'en déduit que les éléments du dossier ne démontrent pas que la condition d'exposition du salarié au risque posé par le tableau 57A, soit remplie.

Dans ces conditions, la caisse ne démontre pas le caractère professionnel de la maladie qu'elle a prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

En conséquence, c'est à juste titre que l'employeur se prévaut de l'inopposabilité d'une telle décision à son égard.

Le premier juge sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande d'allouer à l'employeur, la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter le surplus des demandes à ce titre.

La caisse, appelante, qui succombe, supportera outre les dépens de première instance, les dépens exposés en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du pôle social tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 24 mars 2021,

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Landes, à payer à la SARL [6] la somme de 600 €, et rejette le surplus des demandes à ce titre,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Landes, aux dépens exposés en appel.

Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, Greffière,

à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01217
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.01217 ?
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