JN/SB
Numéro 23/1821
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 25/05/2023
Dossier : N° RG 21/01211 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H2YH
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
Société [4] ([4])
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 16 Mars 2023, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Société [4]([4])
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître VILAIN-ELGARD loco Maître DJEBARI de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 10 MARS 2021
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 18/337
FAITS ET PROCÉDURE
Le 18 septembre 2017, M. [T] [X] (le salarié), salarié de la société [4] (l'employeur) en qualité de conducteur dépanneur, a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse ou l'organisme social) une demande de reconnaissance de maladie professionnelle faisant état d'une «tendinite bilatérale des coudes-épicondylite gauche invalidante».
La demande était accompagnée d'un certificat médical initial du 3 août 2017 établi par le Docteur [G] faisant mention d'une «épicondylite gauche invalidante».
Le 12 février 2018, après enquête, la caisse a notifié à l'employeur sa décision de prise en charge de la maladie de «tendinopathie des muscles épicondyliens du coude gauche » au titre de la législation professionnelle, comme inscrite au tableau 57 des maladies professionnelles.
L'employeur a contesté l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge ainsi qu'il suit :
- le 6 avril 2018 devant la commission de recours amiable (CRA) de l'organisme social, laquelle n'a pas répondu,
- le 6 juillet 2018, devant le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, au vu de la décision implicite de rejet de la CRA.
Par jugement du 10 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
- rejeté les demandes formées par l'employeur,
- déclaré opposable à l'employeur la décision du 12 février 2018 de la caisse tendant à la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée le 18 septembre 2017 par le salarié,
- débouté l'employeur de sa demande formée au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'employeur à supporter la charge des entiers dépens.
Cette décision a été notifiée, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de l'employeur le 12 mars 2021.
Le 6 avril 2021, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour, l'employeur en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation du 27 septembre 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 16 mars 2023 à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon conclusions transmises à l'identique par RPVA les 28 novembre 2022 et 30 janvier 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur- la société [4] appelant, conclut à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande à la cour de :
- juger que lui est inopposable la décision du 12 février 2018 de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par le salarié,
- condamner la caisse à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 8 février 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré, et y ajoutant, demande à la cour de condamner l'employeur à lui payer la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR QUOI LA COUR
En application des dispositions de l'article L461-1 du code de la sécurité sociale, « est présumée d'origine professionnelle, toute maladie désignée dans un tableau et contractée dans les conditions qui y sont décrites ».
À ce titre, la maladie telle qu'elle est désignée dans les tableaux des maladies professionnelles est celle définie par les éléments de description et les critères d'appréciation fixés par chacun de ces tableaux.
Au cas particulier, la maladie professionnelle retenue par l'organisme social, et désignée par le tableau numéro 57 B relatif aux « Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail », consiste en une « tendinopathie des muscles épicondyliens du coude gauche » .
Les parties sont en désaccord sur le point de savoir si cette maladie professionnelle est effectivement caractérisée ou non conformément aux exigences du tableau n° 57B, et concomitamment si la décision de prise en charge est opposable à l'employeur.
L'employeur, au soutien de l'inopposabilité à son égard, de la décision de prise en charge, fait valoir en substance que les éléments de l'enquête administrative de la caisse établissent que le salarié n'a pas, s'agissant d'une lésion du côté gauche, été exposé au risque prévu par le tableau, rappelle à cet égard en détail la consistance du poste de travail et les éléments de l'enquête sur lesquels il se fonde, et estime la décision du premier juge contraire à ces constatations.
Il en déduit que la présomption d'immutabilité ne s'appliquait pas et qu'en application des articles L461-1 et D461-30 du code de la sécurité sociale , la caisse aurait dû saisir le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles.
La caisse s'y oppose, demandant confirmation des motifs du jugement déféré, selon lesquels les constatations de l'enquêteur ont confirmé les déclarations du salarié, et mis en évidence la sollicitation des 2 côtés, tant côté droit que côté gauche.
Sur ce,
Seule la condition d'exposition du salarié aux travaux limitativement énumérés par le tableau 57 B, est contestée par l'employeur.
À cet égard, la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie, tel que prévu par le tableau 57 B, est la suivante :
Travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pronosupination.
La caisse, sur laquelle repose la charge de la preuve dans ses rapports avec l'employeur, produit les questionnaires complétés tant par le salarié que par l'employeur, ainsi qu'un rapport d'enquête par lequel l'enquêteur agréé et assermenté, au vu des divergences dans les déclarations respectives des parties, s'est rendu sur les lieux, a pris des photographies de nature à expliciter le contenu du poste de travail du salarié, ainsi que les matériels utilisés.
Il est constant que le salarié, s'agissant d'un droitier, travaille depuis 2016 dans l'entreprise, en qualité de « chargeur de sel vrac », et qu'à ce titre, il utilise une chargeuse sur pneus, qu'il conduit de la main droite à l'aide d'une boule servant à man'uvrer le volant, à raison de 70 à 80 % de son temps de travail, et que les 20 à 30 % de son temps de travail restant, est consacré au nettoyage du sel tombé des tapis et des trémies.
S'agissant de ce nettoyage, il n'est pas contesté que le salarié regroupe le sel tombé au sol, en différents tas, puis le ramasse dans deux brouettes, qu'il vide une fois pleines, à raison de deux fois par jour.
Au vu de ces éléments, il peut être retenu que si la conduite de la chargeuse, expose le salarié au risque prévu par le tableau 57 B, cette exposition ne concerne que la main droite, ainsi d'ailleurs que le reconnaît l'employeur dans son questionnaire, mais nullement la main gauche, uniquement concernée par le présent litige.
S'agissant des opérations de nettoyage, c'est-à-dire de ramassage du sel tombé au sol, il est constant que le salarié y consacre 20 à 30 % de son temps de travail, ce qui établit leur caractère habituel.
La divergence des parties porte sur les deux points suivants :
- le salarié effectue-t-il ces opérations de nettoyage, à l'aide d'une pelle à neige et d'un balai, comme il le soutient, ou au contraire, à l'aide d'une balayeuse, comme l'a indiqué l'employeur au cours de l'enquête administrative (1),
- l'utilisation d'une pelle à neige et d'un balai, induit nécessairement et sans contestation, l'exposition du salarié à des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pro supination, comme exigé par le tableau 57 B ; en revanche, l'employeur estime que ces mouvements ne sont exécutés que du côté droit, et aucunement du côté gauche, alors que le salarié fait état d'une sollicitation des deux côtés (2).
1-l'employeur, dans le questionnaire qu'il a rempli, au titre des « matériels, outils » manipulés par le salarié, a exclusivement indiqué une chargeuse, ainsi qu'un balai et une pelle, et n'a fait mention d'aucune balayeuse, dont il n'a parlé qu'à l'occasion de l'enquête administrative, pour soutenir que le salarié l'utiliserait tous les jours, alors même que ce dernier, au contraire, avait reconnu qu'il y avait bien la présence d'une balayeuse, mais que celle-ci n'était pas adaptée à l'activité, si bien qu'il ne l'utilisait pas, et ce d'autant qu'elle avait été en panne durant plusieurs mois.
Ainsi, les déclarations de l'employeur, dans le questionnaire qu'il a rempli, coïncident avec celles du salarié, dans le questionnaire rempli par ce dernier, où il indique au titre des équipements d'aide à la manutention « balai, pelle de déneigement, brouette et chargeuse, chariot élévateur ».
Enfin, à l'occasion de l'enquête administrative, les photographies prises par l'enquêteur, montrent notamment un tas de sel, ainsi que la « pelle utilisée », et aucune des photographies n'est relative à une quelconque balayeuse.
Ces éléments permettent de retenir pour avérées, les déclarations du salarié, selon lesquelles les opérations de nettoyage, se font à l'aide d'une pelle à neige et d'un balai.
2-L'enquêteur indique dans son rapport par lequel il retranscrit les déclarations qui lui ont été faites, que le salarié « balaie de la main droite et ramasse avec la pelle tenue de la main droite », ce dont l'employeur déduit que ces travaux ne concernent ni la main gauche ni le côté gauche.
Il n'est cependant pas douteux, que pour guider le sel dans la pelle, puis soulever la pelle et la vider dans la brouette, puis enfin pousser la brouette puis aller la vider, le salarié utilise ses deux mains, à des travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pronosupination, tels que visés par le tableau 57 B.
C'est d'ailleurs en ce sens que l'enquêteur a également indiqué dans son rapport que le sel ramassé est vidé dans des bacs installés dans tout le pourtour, et a retenu en conclusion, sans distinguer la droite de la gauche, que le salarié effectue des travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pro supination.
Ainsi, les éléments du dossier permettent de retenir que la condition d'exposition du salarié au risque prévu par le tableau 57 B, est remplie.
La contestation de l'employeur est en conséquence jugée non fondée.
Le premier juge sera confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande d'allouer à la caisse, la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter le surplus des demandes à ce titre.
L'employeur, appelant, qui succombe, supportera outre les dépens de première instance, les dépens exposés en appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 10 mars 2021 (RG N° 18/337)
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [4], à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes, la somme de 1000 €, et rejette le surplus des demandes à ce titre,
Condamne la société [4], aux dépens exposés en appel.
Arrêt signé par Madame SORONDO, Conseiller, suite à l'empêchement de Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, P/LA PRÉSIDENTE empêchée