PS/DD
Numéro 23/1833
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 25/05/2023
Dossier : N° RG 21/00631 - N°Portalis DBVV-V-B7F-HZHO
Nature affaire :
Demande en paiement de prestations
Affaire :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
C/
[B] [H]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 26 Janvier 2023, devant :
Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame SORONDO, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
INTIMÉE :
Madame [B] [H]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Maître TRAORÉ, avocat au barreau de PAU loco Maître DE BRISIS de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
sur appel de la décision
en date du 27 JANVIER 2021
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 19/00474
FAITS ET PROCEDURE
Le 14 mars 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après CPAM) des Landes a réceptionné une demande d'accord préalable valant prescription médicale datée du 2 mars 2019, concernant Mme [B] [H], portant sur 30 transports aller-retour de son domicile situé à [Localité 3] à la clinique [6] à [Localité 5] au moyen de son véhicule personnel dans le cadre de «'consultations FIV sur endométriose'».
Par courrier du 18 mars 2019, elle a retourné cette demande à Mme [H] en lui demandant de faire apposer par son médecin son cachet d'identification et de faire préciser les conditions de ses séjours à la clinique [6] (hospitalisation de jour, consultation...).
La caisse a été rendue destinataire d'une demande de règlement concernant deux transports des 14 et 22 mars 2019, puis, le 16 avril 2019, de la demande d'accord préalable valant prescription médicale complétée.
Par courrier du 4 avril 2019, la caisse a notifié à Mme [H] un refus de prise en charge des deux déplacements des 14 et 22 mars 2019. Mme [H] a contesté ce refus devant la commission de recours amiable de la caisse qui l'a maintenu par décision du 30 avril 2019.
Le 18 avril 2019, après avis du service médical, la caisse a notifié à Mme [H] une décision de refus de prise en charge des transports à venir. Mme [H] a contesté ce refus devant la commission de recours amiable de la caisse qui l'a maintenu par décision du 25 juin 2019
Par courrier réceptionné le 16 septembre 2019, Mme [H] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Mont de Marsan, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, d'une contestation des décisions de la commission de recours amiable de la caisse.
Par jugement du 27 janvier 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a':
- dit que la CPAM des Landes devra prendre en charge les frais de transports en série pour les allers-retours en voiture particulière effectués par Mme [H] les 3 mai, 24 mai, 31 mai, 3 juin, 5 juin, 7 juin et 2 juillet 2019 entre son domicile situé à [Localité 3] et le centre d'assistance médicale à la procréation le plus proche situé à [Localité 7],
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- condamné la CPAM des Landes à verser à Mme [H] la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la CPAM des Landes aux entiers dépens.
Ce jugement a été notifié aux parties par courriers recommandés avec demandes d'avis de réception. La CPAM de Landes en a accusé réception le 28 janvier 2021.
Par courrier recommandé expédié le 25 février 2021 et réceptionné le 26 février 2021 au greffe de la cour, la CPAM des Landes a interjeté appel de ce jugement.
Selon avis de convocation en date du 15 septembre 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été convoquées à l'audience du 26 janvier 2023 à laquelle elles ont comparu.
PRETENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 30 novembre 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, la CPAM des Landes, appelante, demande à la cour de':
- dire son appel recevable,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la CPAM des Landes devra prendre en charge les frais de transports en série pour les allers-retours en voiture particulière effectués par Mme [H] les 3 mai, 24 mai, 31 mai, 3 juin, 5 juin, 7 juin et 2 juillet 2019 entre son domicile situé à [Localité 3] et le centre d'assistance médicale à la procréation le plus proche situé à [Localité 7], et condamné la CPAM des Landes à verser à Mme [H] une somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant de nouveau,
- débouter Mme [H] de ses demandes,
- En conséquence,
- dire et juger que c'est à bon droit qu'elle a refusé de prendre en charge les frais de transport en série pour les allers-retours en voiture particulière effectués par Mme [H] entre son domicile situé à [Localité 3] et le centre d'assistance médicale à la procréation, que celui-ci soit situé à [Localité 5] ou [Localité 7],
- à titre subsidiaire, en présence d'un litige d'ordre médical, ordonner avant dire droit une mesure d'expertise médicale,
- condamner Mme [H] à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 17 janvier 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, Mme [H], intimée, demande à la cour de':
- débouter la CPAM des Landes de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- juger que les condamnations seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter du 16 septembre 2019, soit la date de saisine du pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan,
- condamner la CPAM des Landes à lui régler la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la CPAM des Landes aux entiers dépens.
SUR QUOI LA COUR
Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande de prise en charge concernant les transports des 14 et 22 mars 2019 (mentionnés par erreur dans les motifs du jugement comme datant des 22 et 24 mars 2019).
Sur les frais de transport des 3 mai, 24 mai, 31 mai, 3 juin, 5 juin, 7 juin et 2 juillet 2019
La CPAM des Landes soutient que sa décision de refus de prise en charge des transports postérieurs est justifiée aux motifs que':
- le centre d'assistance médicale à la procréation le plus proche du domicile de Mme [H] n'est pas celui de la clinique [6] à [Localité 5], mais celui de [Localité 7], de sorte qu'en toute hypothèse, elle n'aurait pu prendre en charge que des trajets entre [Localité 3] et [Localité 7]';
- la demande d'entente préalable s'inscrit dans le cadre d'une ALD, à savoir une endométriose, et les frais de transport des patients reconnus en ALD ne sont pris en charge que si ces derniers présentent une incapacité ou une déficience telles que définies par le référentiel de prescription fixé par l'arrêté du 23 décembre 2006';
- s'agissant de transport en série prescrits au titre d'un même traitement, dès lors que le médecin conseil, a été d'avis, le 17 avril 2019, que «'les transports restants ne sont pas justifiés'» puis, de nouveau interrogé en considération d'un certificat médical indiquant que Mme [H] a débuté le protocole FIV le 24 mai 2019, a maintenu cet avis le 12 juin 2019'; s'agissant d'un litige d'ordre médical, une mesure d'expertise devrait à tout le moins être ordonnée.
Mme [H] fait valoir que la demande de prise en charge s'inscrit dans le cadre de transports en série au cours d'un même traitement, lesquels sont pris en charge s'agissant des assurés ou ayants droit «'se trouvant dans l'obligation de se déplacer'», peu important l'avis défavorable du médecin conseil.
Sur ce,
La prise en charge des frais de transport est régie notamment par les dispositions ci-après':
- article L.322.5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige': Les frais de transport sont pris en charge sur la base, d'une part, du trajet et du mode de transport les moins onéreux compatibles avec l'état du bénéficiaire et, d'autre part, d'une prescription médicale établie selon les règles définies à l'article L.162-4-1, notamment celles relatives à l'identification du prescripteur, y compris lorsque ce dernier exerce en établissement de santé...
- article R.322-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige': Sont pris en charge les frais de transport de l'assuré ou de l'ayant droit se trouvant dans l'obligation de se déplacer :
1° Pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à son état dans les cas suivants :
a) Transports liés à une hospitalisation ;
b) Transports liés aux traitements ou examens prescrits en application de l'article L.324-1 pour les malades reconnus atteints d'une affection de longue durée et présentant l'une des déficiences ou incapacités définies par le référentiel de prescription mentionné à l'article R.322-10-1 ;
c) Transports par ambulance justifiés par l'état du malade dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article R.322-10-1 ;
d) Transports en un lieu distant de plus de 150 kilomètres dans les conditions prévues aux articles R.322-10-4 et R.322-10-5 ;
e) Transports en série, lorsque le nombre de transports prescrits au titre d'un même traitement est au moins égal à quatre au cours d'une période de deux mois et que chaque transport est effectué vers un lieu distant de plus de 50 kilomètres ;
f) Transports liés aux soins ou traitements dans les centres mentionnés au 3° du I de l'article L.312-1 du code de l'action sociale et des familles et dans les centres médico-psycho-pédagogiques, mentionnés au 19° de l'article L.160-14 du présent code.
2° Pour se soumettre à un contrôle en application de la législation de la sécurité sociale dans les cas suivants :
a) Pour se rendre chez un fournisseur d'appareillage agréé pour la fourniture d'appareils mentionnés aux chapitres 5,6 et 7 du titre II de la liste des produits et prestations établie en application de l'arrêté prévu à l'article R.165-1';
b) Pour répondre à une convocation du contrôle médical ;
c) Pour répondre à la convocation d'un médecin-expert ou consultant désigné par une juridiction saisie d'une contestation relevant du 1° de l'article L.142-1, de l'article L.142-2 excepté son 4° ;
d) Pour se rendre à la consultation d'un expert désigné en application de l'article R.141-1';
e) Pour se rendre à la convocation de la commission saisie en application de l'article R.142-8.
Article R.322-10-1 du code de la sécurité sociale': Les transports pris en charge par l'assurance maladie peuvent être assurés par les moyens suivants :
1° L'ambulance ;
2° Le transport assis professionnalisé, véhicule sanitaire léger et taxi ;
3° Les transports en commun terrestres, l'avion ou le bateau de ligne régulière, les moyens de transport individuels.
Un référentiel de prescription arrêté par le ministre chargé de la sécurité sociale précise les situations dans lesquelles l'état du malade justifie respectivement la prescription des modes de transport prévus au présent article en fonction de l'importance des déficiences et incapacités et de leurs incidences.
Article R.322-10-4 du code de la sécurité sociale': Est, sauf urgence attestée par le médecin prescripteur, subordonnée à l'accord préalable de l'organisme qui sert les prestations après avis du contrôle médical la prise en charge des frais de transport :
a) Exposés sur une distance excédant 150 kilomètres ;
b) Mentionnés aux e et f du 1° de l'article R. 322-10 ;
c) Par avion et par bateau de ligne régulière.
Dans le cas prévu au a) le contrôle médical vérifie notamment que les soins ne peuvent être dispensés dans une structure de soins située à une distance n'excédant pas 150 kilomètres.
L'absence de réponse dans un délai de quinze jours à compter de l'expédition de la demande vaut accord préalable.
R.322-10-5 du code de la sécurité sociale':
I.-Le remboursement des frais de transport mentionnés aux b à f du 1° de l'article R. 322-10 est calculé sur la base de la distance séparant le point de prise en charge du malade de la structure de soins prescrite appropriée la plus proche.
II.-Les tarifs servant de base au remboursement des frais de transport aux assurés qui utilisent leur véhicule personnel sont fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
Il résulte de ces textes que les frais de transport de l'assuré se trouvant dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à son état sont pris en charge dans des cas limitativement énumérés.
En l'espèce, Mme [H] s'est vu prescrire 30 transports allers-retours en moyen de transport individuel de son domicile à [Localité 3] au centre d'assistance médicale à la procréation de la clinique [6] à [Localité 5] aux fins de «'consultations FIV sur endométriose'». Les cases «'transports en série'» et «'transport en lien avec une affection de longue durée avec déficience ou incapacité ALD exonérante'» étaient toutes deux cochées. Au vu du certificat du 29 mai 2019 du docteur [P] [G], gynécologue médicale ' infertilité qui exerce dans ledit centre, elle y a effectivement suivi un protocole de fécondation in vitro à compter du 24 mai 2019. Neuf déplacements allers-retours ont été réalisés les 14 mars, 22 mars, 3 mai, 24 mai, 31 mai, 3 juin, 5 juin, 7 juin et 2 juillet 2019. Les trois premiers ne l'ont pas été dans le cadre du protocole de fécondation in vitro puisqu'ils sont antérieurs au 24 mai 2019, et, au vu du courrier de contestation du refus de l'accord préalable de Mme [H], ils l'ont été dans le cadre du suivi de l'endométriose, et s'agissant de celui du 3 mai 2019, d'IRM à cette fin.
Mme [H] est reconnue atteinte d'une affection de longue durée s'agissant d'une endométriose. Le déplacement du 3 mai 2019, réalisé dans le cadre du suivi de cette affection, ne peut être pris en charge en application de l'article R.322-10 1° b du code de la sécurité sociale puisqu'il est admis que Mme [H] ne présente pas l'une des déficiences ou incapacités définies par le référentiel de prescription mentionné à l'article R.322-10-1 du code de la sécurité sociale. Il ne peut non plus être pris en charge en application de l'article R.322-10 1° e du code de la sécurité sociale puisque n'étant pas de ceux réalisés dans le cadre du protocole FIV. Le jugement doit donc infirmé en ce qu'il a admis sa prise en charge.
Les déplacements des 24 mai, 31 mai, 3 juin, 5 juin, 7 juin et 2 juillet 2019, ont tous été réalisés dans le cadre du protocole FIV, donc d'un même traitement. Ils sont au nombre de six sur une même période de deux mois, à une distance de plus de 50 kilomètres, étant cependant observé que le centre d'assistance médicale à la procréation le plus proche du domicile de Mme [H] est situé à [Localité 7], distant de 79,9 km, et non à [Localité 5], distant de 91,7 km.
Ces déplacements ont tous été réalisés dans le cadre du protocole FIV, donc d'un même traitement approprié à l'état de santé de Mme [H] par ailleurs pris en charge par la caisse en application de l'article R.160-17 I 2° du code de la sécurité sociale. Nonobstant les avis du même médecin conseil de la caisse, «'transports restants non justifiés actuellement'» et «'maintien avis initial'» des 17 avril et 12 juin 2019, leur prise en charge doit être admise, sur la base de la distance entre [Localité 3] et [Localité 7], ce sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, étant observé que seul le deuxième avis du médecin conseil a été émis alors qu'un protocole FIV était effectivement décidé, médicalement attesté et même entamé et que, si certes, il en a été informé puisque le certificat du 29 mai 2019 du docteur [G] en faisant état lui a été soumis, la question qui lui a été posée s'est limitée à celle d'une prise en charge dans le cadre d'une ALD («'Compte tenu du certificat médical joint en contestation, justifiez-vous les 28 transports à destination de [6], dans le cadre d'une ALD'''»), à l'exclusion d'une prise en charge dans le cadre de transports en série.
Au vu de ces éléments, le jugement doit être confirmé relativement aux transports des 24 mai, 31 mai, 3 juin, 5 juin, 7 juin et 2 juillet 2019. Il n'y a pas lieu à intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2019.
Sur les autres demandes
Les dépens exposés en appel seront à la charge de la CPAM des Landes, qui succombe. Elle sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce même fondement à payer la somme de 600 € à Mme [H].
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 27 janvier 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan hormis s'agissant du transport du 3 mai 2019,
Statuant de nouveau sur le transport du 3 mai 2019 et y ajoutant,
Rejette la demande de prise en charge du transport du 3 mai 2019,
Condamne la CPAM des Landes aux dépens exposés en appel,
Condamne la CPAM des Landes à payer à Mme [H] la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame SORONDO, Conseiller, par suite de l'empêchement de Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, POUR LA PRÉSIDENTE EMPECHÉE,