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16/05/2023 | FRANCE | N°23/01343

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 16 mai 2023, 23/01343


N°231674



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



ORDONNANCE DU seize Mai deux mille vingt trois





Numéro d'inscription au répertoire général RG 23/01343 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IQWJ



Décision déférée ordonnance rendue le 14 Mai 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,



Nou

s, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Ca...

N°231674

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ORDONNANCE DU seize Mai deux mille vingt trois

Numéro d'inscription au répertoire général RG 23/01343 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IQWJ

Décision déférée ordonnance rendue le 14 Mai 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

Monsieur X SE DISANT [F] [W] [B]

né le 03 Mars 1990 à [Localité 2]

de nationalité Guinéenne

Retenu au centre de rétention d'[Localité 3]

Comparant et assisté de Maître Léa GOURGUES, avocat au barreau Pau

INTIMES :

LE PREFET DES DEUX SEVRES, avisé, absent, qui a transmis un mémoire

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 14 mai 2023 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- ordonné la jonction du dossier RG 23/00507 au dossier RG 23/00511 et, statuant en une seule et même ordonnance,

- déclaré recevable la requête de [F] [W] [B] en contestation de placement en rétention,

- rejeté la requête de [F] [W] [B] en contestation de placement en rétention,

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet des Deux-Sèvres,

- rejeté l'exception de nullité soulevée,

- déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de [F] [W] [B],

- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

- ordonné la prolongation de la rétention de [F] [W] [B] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 14 mai 2023 à 12 heures 43.

Vu la déclaration d'appel motivée, transmise par la CIMADE pour le compte de [F] [W] [B], reçue le 15 mai 2023 à 10 heures 52.

Vu les observations du préfet des Deux-Sèvres, reçues le 16 mai 2023 à 09 heures 21 et communiquées par le greffe avant l'audience au conseil de [F] [W] [B].

****

A l'appui de l'appel, [F] [W] [B] fait valoir que :

il souhaite rester en France avec ses deux enfants qui sont sa seule famille,

il veut pouvoir rester car une personne conteste sa paternité et une audience aura lieu en juin, et il veut pouvoir se défendre,

il ne peut pas retourner en Guinée car il y risque des représailles et sa vie est en danger.

Le conseil de [F] [W] [B] a demandé l'infirmation de l'ordonnance entreprise et sa remise en liberté, en reprenant les trois moyens relatifs au droit à une vie familiale, au droit de se défendre et au risque encouru par l'appelant en cas de retour en Guinée.

Par ses observations, le préfet des Deux-Sèvres a demandé la confirmation de l'ordonnance entreprise.

[F] [W] [B] a été entendu en ses déclarations selon lesquelles il doit tout à sa belle-famille qui a tout fait pour lui, qui est devenue sa vraie famille pour toujours et qu'il ne peut pas abandonner.

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond, l'examen de la procédure et des pièces communiquées par le conseil de l'appelant fait apparaître les éléments suivants quant à la situation de ce retenu.

[F] [W] [B], ressortissant guinéen né le 03 mars 1990 à [Localité 2], est entré en France selon ses dires le 8 mars 2017. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'OFPRA le 18 février 2018 et le recours qu'il a formé contre cette décision a été rejeté par la CNDA le 18 septembre 2019.

Le 21 juillet 2020, il a déposé une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français à la suite de sa reconnaissance de l'enfant [Z], née 2 juin 2020, dont la mère est [G] [P] demeurant à [Localité 4]. Par arrêté du 30 avril 2021, le préfet des Deux-Sèvres a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire, au motif notamment qu'il avait produit de faux documents pour établir son identité. Son recours contre cet arrêté a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 16 septembre 2021.

Le 18 février 2022, [F] [W] [B] a été une première fois assigné à résidence au domicile de [G] [P] et il n'a pas respecté son obligation de pointage.

Le 1er mars 2022, il a reconnu par anticipation l'enfant à naître d'[N] [U], demeurant à [Localité 1]. L'époux de cette dernière, nommé [M] [H] a signalé le 12 avril 2022, une « usurpation » de cette grossesse, en affirmant qu'il était le père de l'enfant porté par son épouse, laquelle a mis au monde le 15 juin 2022 une fille prénommée [C].

Le 21 avril 2022, les autorités consulaires guinéennes ont délivré un laissez-passer consulaire, mais l'embarquement sur un vol pour la Guinée prévu le 22 avril a dû être annulé en raison des démarches sanitaires et du non-respect par [F] [W] [B] des obligations liées à son assignation à résidence.

Le 10 août 2022, [F] [W] [B] a été placé en garde à vue pour des violences volontaires sur [N] [U].

Le 12 août 2022, le préfet des Deux-Sèvres a pris à l'encontre de [F] [W] [B] un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec fixation du pays de renvoi et interdiction de retour pendant un an. Le recours formé par [F] [W] [B] à l'encontre de cet arrêté a été rejeté par jugement du tribunal administratif de Poitiers du 05 décembre 2022.

Puis, il a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Niort du 5 janvier 2023, pour des faits de violences volontaires et menaces de mort par conjoint ou concubin commis le 3 janvier 2023 sur la personne d'[N] [U] à une peine de six mois d'emprisonnement et à une peine d'interdiction du territoire français pendant cinq ans. Il a relevé appel de cette décision.

Le 23 janvier 2023 préfet a demandé à [F] [W] [B] ses observations sur la fixation du pays de renvoi à savoir la Guinée et il n'en a présenté aucune. Il a produit un courrier du procureur général près la cour d'appel de Poitiers, précisant que l'exécution de la peine était suspendue du fait de l'appel.

[F] [W] [B] a de nouveau été assigné à résidence au domicile de [G] [P] le 24 janvier 2023 dans la perspective de la mise à exécution de l'interdiction judiciaire du territoire.

Un nouvel arrêté l'assignant à résidence a été pris le 13 mars 2023 pour une durée de six mois, dans l'attente de l'examen de son appel. Il n'a de nouveau pas respecté ses obligations de pointage et une autorisation de visite domiciliaire a été délivrée par le juge des libertés et de la détention de Niort. Les policiers en charge de cette visite ne l'ont pas trouvé chez lui le 5 mai.

Le 10 mai, il s'est présenté au commissariat pour connaître la raison de cette visite et a été placé en garde à vue pour soustraction à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire.

A l'issue, il a été placé en rétention administrative au centre d'[Localité 3] par arrêté du préfet des Deux-Sèvres. Le juge des libertés et de la détention a rejeté sa requête en contestation de cette mesure et l'a prolongé pour vingt-huit jours.

***

Sur le moyen tiré de l'atteinte au droit à une vie privée et familiale.

Il est constant que le contrôle, par le juge judiciaire, du respect de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, accordant à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, ne doit s'entendre qu'au regard de l'arrêté préfectoral de placement en rétention contesté et non au regard du titre d'éloignement ou du choix du pays de retour, critères de la compétence du juge administratif.

En l'espèce le moyen ne doit pas être apprécié en fonction du titre d'éloignement puisque cette analyse relève exclusivement de la juridiction administrative, laquelle a au demeurant rejeté le recours formé par [F] [W] [B] contre l'arrêté du 12 août 2022 en écartant cette atteinte, mais sur les seules bases du placement en rétention administrative.

Toute privation de liberté constitue en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l'objet.

Cependant le seuil d'application de l'article 8 de la CEDH nécessite qu'il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, c'est à dire une atteinte trop importante et sans rapport avec l'objectif de la privation de liberté.

Il convient de rappeler que les droits des étrangers en rétention prévus par les articles L 744-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, accordent à la personne placée en rétention un large droit de visite et de contact familiaux.

[F] [W] [B] est donc tout à fait en mesure de recevoir les visites de sa compagne et de sa fille [Z] et de communiquer avec elles. Quant à la seconde fille qu'il a reconnue, outre que sa paternité est contestée, il est établi par la procédure qu'il a exercé des violences sur la mère de cette enfant. Au surplus, et comme pour la première enfant ainsi que l'avait relevé à deux reprises la juridiction administrative, il ne justifie nullement contribuer de manière effective à l'entretien et l'éducation de [C], ni même avoir le moindre lien avec elle.

Dès lors, aucune atteinte disproportionné au droit consacré par l'article 8 n'est démontrée et ce premier moyen doit être écarté.

Sur le moyen tiré du droit de se défendre.

Dans un arrêt rendu le 06 juin 2007, le Conseil d'Etat a considéré que :

" si l'administration consulaire dispose en principe d'un large pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur les demandes de visa de court séjour dont elle est saisie, elle est toutefois tenue de réserver à ces demandes une suite favorable lorsque l'étranger doit se voir reconnaître le bénéfice des garanties résultant des articles 6 et 13 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, relatives au procès équitable et au recours effectif " et que " tel est le cas, en particulier, lorsque l'étranger doit comparaître personnellement, à la demande de la juridiction, à l'audience au cours de laquelle un Tribunal français doit se prononcer sur le fond d'un litige auquel l'intéressé est partie ".

(CE : 06/06/2007 N° 292076, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Il ressort de cet arrêt que l'étranger éloigné du territoire français et convoqué à une audience pénale ou civile ultérieure, à laquelle sa présence est obligatoire sans possibilité de représentation, dispose du droit de solliciter et d'obtenir un visa de court séjour à cette fin.

Il s'en suit que l'exécution de l'éloignement, et le placement en rétention administrative qui en est la garantie, ne prive pas pour autant l'étranger du droit de déférer personnellement à une audience du tribunal correctionnel ou du tribunal judiciaire statuant en matière civile, en demandant un visa court séjour qui ne pourra lui être refusé. Ainsi sa présence aux audiences relatives à l'appel du jugement correctionnel du 5 janvier 2023 ou à l'hypothétique audience civile portant sur la contestation de sa paternité (pour laquelle aucun justificatif n'est produit) n'est pas compromise par la mesure de rétention.

En conséquence le placement en rétention administrative de [F] [W] [B] ne contrevient pas aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Ce moyen doit également être écarté

Sur le troisième moyen tiré du risque encouru par [F] [W] [B] en cas de retour en Guinée.

Il sera une nouvelle fois rappelé que le juge administratif est seul compétent pour connaître de la légalité des décisions relatives au séjour et à l'éloignement, quand bien même leur illégalité serait invoquée par voie d'exception à l'occasion de la contestation, devant le juge judiciaire, de la décision de placement en rétention.

La contestation de la détermination du pays de renvoi relève de l'appréciation du juge administratif et il doit être relevé que [F] [W] [B] n'a nullement fait état des risques qu'il pourrait encourir dans son pays d'origine lors de son recours contre l'arrêté du 12 août 2022, recours rejeté par jugement du tribunal administratif de Poitiers du 5 décembre 2022. Au surplus, la demande d'asile présentée par [F] [W] [B] avait été rejetée en 2019.

Dès lors ce moyen doit être écarté.

Pour le reste, [F] [W] [B] a fait la démonstration de son refus de respecter la mesure d'éloignement prise à son encontre et n'a pas respecté les obligations de plusieurs assignations à résidence décidées par le préfet. Par ailleurs, il ne remplit pas les conditions d'une assignation judiciaire à résidence, telles que fixées par l'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut d'avoir préalablement remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité ou tous documents justificatifs de son identité

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons recevable l'appel en la forme.

Confirmons l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture des Deux Sèvres.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le seize Mai deux mille vingt trois à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUS Cécile SIMON

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 16 Mai 2023

Monsieur X SE DISANT [F] [W] [B], par mail au centre de rétention d'[Localité 3]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Léa GOURGUES, par mail,

Monsieur le Préfet des Deux Sèvres, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 23/01343
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;23.01343 ?
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