JN/SB
Numéro 23/1604
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 11/05/2023
Dossier : N° RG 20/01221 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HR6E
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l'employeur
Affaire :
[C] [S]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BAYONNE,
Association EHPAD ARDITEYA VIEIL ASSANTZA
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 15 Mars 2023, devant :
Madame NICOLAS, Président
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [C] [S]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Maître ETCHEVERRY de la SCP ETCHEVERRY-ETCHEGARAY, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEES :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE BAYONNE
[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Dispensée de comparaître
Association EHPAD ARDITEYA VIEIL ASSANTZA
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître MONEGER loco Maître DUBERNET DE BOSCQ, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 15 MAI 2020
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE
RG numéro : 16/00309
FAITS ET PROCÉDURE
Le 3 mars 2011,Mme [S] (la salariée), cadre administratif de l'association Assantza, gérant un EHPAD , a sollicité de la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de Bayonne (la caisse ou l'organisme social), la reconnaissance d'une maladie ne figurant pas sur les tableaux des maladies professionnelles, s'agissant d'un syndrome dépressif, constatée selon certificat médical initial du 13 décembre 2010 du docteur [H].
Le 13 octobre 2015, la caisse, après instruction, au vu d'un jugement du tribunal contentieux de l'incapacité du 23 mai 2014, fixant le taux prévisible d'incapacité permanente partielle à 30%, et conformément à l'avis du comité régional des maladies professionnelles de Bordeaux, préalablement consulté, a retenu l'origine professionnelle de la maladie déclarée.
Cette décision, contestée par l'employeur devant la commission de recours amiable, puis judiciairement, a été déclarée inopposable à l'employeur par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bayonne, du 6 avril 2018 (RG 116-2018).
Le 19 mai 2016, la salariée a saisi cette même juridiction d'une action en reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de sa maladie.
Par jugement distinct (RG n° 117-2018) du 6 avril 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociales de Bayonne a :
$gt; dit que la maladie professionnelle dont la salariée a été victime, est due à la faute inexcusable de l'association Arditeya- Vieil Assantza, son employeur,
$gt; fixé au maximum prévu par la loi la majoration de la rente servie à la salariée par la CPAM qui en récupérera le montant sur l'association Arditeya- Vieil Asantza, conformément aux articles L452-2 et L45-3 du code de la sécurité sociale,
$gt; ordonné une expertise médicale, confiée au Docteur [V] [J], aux frais avancés de la caisse,
$gt;alloué à la salariée une provision de 5000€ dont la caisse fera l'avance,
$gt;condamné l'association Arditeya- Vieil Asantza à:
-rembourser à la CPAM ladite provision,
-payer à la salariée la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
$gt;débouté l'association Arditeya- Vieil Asantza de l'ensemble de ses demandes,
$gt;prononcé l'exécution provisoire,
$gt;rappelé qu'il était statué sans frais.
Appel a été interjeté de cette décision.
Par arrêt en date du 27 mai 2021, la présente cour, avant dire droit, au visa de l'article R142-24-2 du code de la sécurité sociale, a ordonné la saisine d'un deuxième CRRMP, s'agissant du CRRMP de Toulouse, pour qu'il donne son avis sur le point de savoir si la maladie déclarée est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime, au sens des dispositions de l'article L461-4 de code de la sécurité sociale.
Le comité Occitanie a rendu son avis.
Par arrêt du 19 janvier 2023, auquel il est expressément renvoyé pour plus ample exposé, la présente cour, a :
-confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bayonne en date du 6 avril 2018,
Y ajoutant,
-jugé que les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de la salariée, ne seront pas inscrites au compte employeur de l'association Arditeya- Vieil Assantza,
-condamné l'association Arditeya- Vieil Assantza, à rembourser à la caisse primaire d'assurance-maladie de Bayonne, les sommes dont elle aura fait l'avance, en application des articles L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale,
-précisé que l'action de l'organisme social contre l'employeur, l'association Arditeya- Vieil Assantza, en remboursement des majorations pour faute inexcusable, ne pourra s'exercer que dans les limites de l'application du taux d'incapacité permanente partielle de la victime, opposable à l'employeur, de 14 %,
-jugé en l'état irrecevables, les demandes par lesquelles la caisse sollicite la limitation de l'indemnisation allouée à la salariée,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné l'association Arditeya- Vieil Assantza à payer à Mme [S] [C], la somme de 2000 €, et rejeté le surplus des demandes à ce titre,
-condamné l'association Arditeya- Vieil Assantza aux dépens exposés en appel.
Par jugement du 15 mai 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Bayonne, a :
-fixé le préjudice de la salariée comme suit :
-6429,60 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,
-4000 €au titre des souffrances endurées,
-dit que la CPAM fera l'avance des sommes ainsi allouées à la salariée après déduction de la provision déjà allouée,
-débouté la salariée du surplus de ses demandes,
-condamné l'employeur à rembourser à la CPAM les sommes ainsi avancées par elle, avec intérêt légal à compter du jour du règlement,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
-condamné l'employeur à verser à la salariée la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné l'employeur aux dépens.
Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue de la salariée, le 22 mai 2020.
Chacune des parties en a régulièrement interjeté appel, ainsi qu'il suit :
-s'agissant de la salariée, le 8 juin 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour par son conseil, procédure enrôlée sous le numéro 20/1221,
-s'agissant de l'employeur, le 19 juin 2020, par déclaration adressée au greffe de la cour par RPVA, par son conseil, procédure enrôlée sous le numéro 20/1217.
Selon ordonnance du 2 février 2022, du magistrat instructeur, ces procédures ont été jointes sous le numéro 20/1221.
Selon avis de convocation contenant calendrier de procédure, en date du 2 février 2022, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 23 juin 2022, reportée - dans l'attente de l'arrêt de la cour, rendu entre-temps et le 19 janvier 2023 -au 15 mars 2023, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 6 mars 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la salariée, Mme [S] [C], conclut :
1-à la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il a :
-dit que la caisse fera l'avance des sommes allouées à la salariée au titre du préjudice résultant de la faute inexcusable de son employeur,
-condamné l'employeur à lui verser la somme de 1000 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens,
2-à l'infirmation des autres dispositions du jugement entrepris, et statuant à nouveau, demande à la cour de :
-fixer ainsi qu'il suit la réparation du préjudice qu'elle a subi, tant sur le fondement de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, que conformément aux dispositions de droit commun :
-6000 € au titre des souffrances physiques et morales endurées,
-8000 € au titre du préjudice d'agrément,
-110'000 € au titre du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
-10'578 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,
-10'000 € au titre du préjudice social et familial,
-déclarer l'arrêt à intervenir, opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie, laquelle devra faire l'avance des sommes ainsi fixées,
-condamner l'employeur à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Selon ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 9 mars 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur, l'association Arditeya- Vieil Assantza, appelant, conclut :
À titre principal :
1- à l'infirmation du jugement déféré, en ce qu'il :
- fixe le préjudice de la salariée, comme suit :
-6429,60 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,
-4000 €au titre des souffrances endurées,
-condamne l'employeur à verser à la salariée la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau, l'employeur demande à la cour de fixer le préjudice de la salariée conformément aux conclusions émises par le Docteur [J], à savoir au maximum à :
-2247 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,
-1500 € au titre des prétendues souffrances endurées,
2-à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus,
À titre subsidiaire, à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris,
En tout état de cause, au débouté de la salariée de l'ensemble de ses demandes, et à la condamnation de cette dernière à lui payer 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Selon ses conclusions visées par le greffe le 27 février 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de Bayonne intimée, demande à la cour de:
-statuer sur le caractère inexcusable de la faute commise par l'employeur dans la survenance de la maladie déclarée par la salariée,
-en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, de :
- limiter le montant des sommes à allouer à la salariée :
- aux chefs de préjudices énumérés à l'article L.452-3 (1er alinéa) du code de la sécurité sociale : les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
- ainsi qu'aux chefs de préjudices non déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale,
- condamner l'employeur à rembourser à la caisse les sommes dont elle aura l'obligation de faire l'avance, les éventuels frais d'expertise, conformément aux dispositions du 3ème alinéa de l'article L452-3-1 du code de la sécurité sociale, la caisse assurant l'avance des sommes ainsi allouées.
SUR QUOI LA COUR
I/ Sur la date de consolidation
Les éléments du dossier établissent de façon univoque, que la date de consolidation de l'état de santé de la salariée, suite à la maladie professionnelle litigieuse, résulte d'une décision non contestée de la caisse, qui l'a fixée au 31 décembre 2015.
Le docteur [J], expert judiciaire, qui n'avait pas pour mission de fixer cette date, ainsi d'ailleurs qu'il le rappelle expressément dans le corps de son rapport, retient à juste titre le 31 décembre 2015, comme date de consolidation, même s'il indique, à titre de précision, qu'une stabilisation clinique a pu être observée à compter du 6 décembre 2011.
II/ Sur l'indemnisation
Pour mémoire, il sera rappelé que :
-selon certificat médical initial du Docteur [H], la salariée, née le 26 décembre 1957, a présenté une « dépression réactionnelle à un harcèlement moral au travail », ayant donné lieu à la mise en place d'un traitement antidépresseur, instauré le 31 décembre 2010, et à 3 consultations d'une psychologue du travail,
- cet état de santé a justifié des arrêts de travail, reconduits jusqu'au 11 juillet 2011, date à laquelle, dans le cadre d'une visite de reprise, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à tout emploi dans l'entreprise, en visant la notion de danger immédiat, son avis étant émis après une seule visite médicale, au visa de l'article R4624-31 du code du travail,
-le 16 août 2011, elle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude sans possibilité de reclassement.
Le rapport d'expertise du Docteur [J] du 19 février 2019, après un rappel de l'historique médical, et au vu d'une expertise psychiatrique sollicitée d'un sapiteur psychiatre, le docteur [T] [P], par un rapport détaillé et circonstancié auquel il est expressément renvoyé pour plus ample exposé, retient que la salariée, a présenté le 13 décembre 2010, une maladie professionnelle déclarée le 3 mars 2011, prenant la forme d'un syndrome dépressif, dans le cadre d'un harcèlement au travail, dont la consolidation médico-légale a été fixée au 31 décembre 2015, en dépit d'une stabilisation clinique observée à compter du 6 décembre 2011.
Il retient ainsi :
-un déficit fonctionnel temporaire partiel :
'de 50 %, du 13 décembre 2010 au 28 juin 2011,
'de 25 %, du 29 juin au 16 août 2011,
'de 10 %, du 17 août au 5 décembre 2011,
-des souffrances endurées évaluées à 2/7,
- l'absence de caractérisation d'un préjudice esthétique, d'agrément, sexuel, d'installation,
-l'absence de recours à une aide humaine ou matérielle avant ou après consolidation,
-un préjudice économique, constitué par une minoration de ses rémunérations et une perte de ses droits à la retraite du 13 décembre 2010 au 15 août 2011,
-l'absence de nécessité d'aménagement de son domicile ou de son véhicule.
La salariée, réitère devant la cour, les demandes qu'elle a formées devant le premier juge, et dont il a déjà été rappelé dans quelle mesure celui-ci y avait fait droit ou les avait rejetées.
Les principes d'indemnisation applicables à la cause, rapportés aux éléments du dossier, permettent de :
1-fixer à 4000 €, par confirmation du jugement déféré, l'indemnisation allouée à la salariée, au titre des souffrances endurées, évaluées à 2/7 par l'expert, étant jugé que :
-la salariée se prévaut des observations du Docteur [L] [E] selon lequel ce chef de préjudice devrait être évalué à 3/7, en application d'un« barème de référence», relatif à un « traitement psychotrope, associant antidépresseurs, anxiolytiques, hypnotiques ou psychothérapie hebdomadaire au-delà d'un an et jusqu'à la date de consolidation médico-légale, et poursuite du traitement au-delà d'un an »,
- or l'indemnisation se fait « in concreto », c'est-à-dire au vu de la situation personnelle de la victime,
- au cas particulier, si les arrêts de travail ont été reconduits successivement, il n'est nullement établi, que le traitement antidépresseur instauré le 31 décembre 2010, ait été reconduit, ni pour quelle durée, alors même que le sapiteur psychiatre a relevé que la salariée restait extrêmement floue par rapport au déroulé de son suivi et de son traitement, et observant que la salariée parle d'une amélioration de son état qui lui a permis d'arrêter le traitement, étant observé ainsi que rappelé par l'expertise, que dès le 29 juin 2011, elle validait l'oral d'un Master 2 dans lequel elle s'était engagée, et qu'elle validera totalement le 5 décembre 2011 après soutenance de son mémoire,
-les éléments sur lesquels la salariée fonde sa contestation, ne sont pas de nature à remettre en cause l'évaluation faite par l'expert judiciaire de ce poste de préjudice à 2/7 ;
2-débouter la salariée, par confirmation du jugement déféré, s'agissant de l'indemnisation réclamée en réparation du préjudice d'agrément, étant jugé que :
-le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure,
- la salariée, comme devant le premier juge, invoque son hyperémotivité, qui selon elle limiterait considérablement la pratique des activités auxquelles la salariée pouvait auparavant se livrer, et produit pour en justifier, des attestations de ses proches, selon lesquelles, pour l'essentiel, la salariée ne supporterait plus de voir, à la télévision, des scènes de violence visuelles ou sonores, en raison de son hyperémotivité,
- ces éléments ne font la démonstration ni du fait que la salariée s'adonnait avant consolidation, à une activité spécifique sportive ou de loisirs, ni d'une impossibilité ou d'une limitation de cette pratique antérieure, étant à cet égard observé que le sapiteur psychiatre, retient une amélioration de son état après le licenciement pour inaptitude en date du 16 août 2011, date à partir de laquelle la salariée a repris des activités normales, et que le médecin expert, en réponse à un dire du conseil de la salariée, sur le même sujet, après rappel de la définition du préjudice d'agrément, ne relève, à compter de la date de consolidation du 31 décembre 2015, aucune impossibilité à la pratique de la lecture ou du cinéma,
- le préjudice d'agrément n'est pas caractérisé,
3- fixer à 2916 €, par infirmation à la baisse du jugement déféré, l'indemnisation allouée par le premier juge, en réparation du déficit fonctionnel temporaire partiel, étant rappelé que chacune des parties conteste à cet égard, soit le rapport d'expertise, soit la décision du premier juge, la salariée estimant que son déficit fonctionnel temporaire, aurait dû être évalué à 50 % du 3 mars 2011 au 30 janvier 2012, et à 25 %, du 31 janvier 2012 jusqu'au 31 décembre 2015, alors que l'employeur, estime que la base d'indemnisation retenue par le premier juge, de 24 € par jour pour un déficit fonctionnel total, doit être ramenée à 20 € par jour, et appliquée pour les périodes de déficit fonctionnel temporaire telles que retenues par l'expert judiciaire ; les éléments du dossier, permettent à la cour de juger que :
- la base indemnitaire journalière de 24 € par jour pour un déficit fonctionnel total, adoptée par le premier juge, est adaptée aux éléments de l'espèce, et doit être confirmée,
- la salariée conteste l'expertise, au vu des observations du Docteur [L] [E], selon lequel le taux de 50 % aurait dû être retenu jusqu'au 31 janvier 2012, début de la prise en charge par le médecin psychiatre, puis ramené à 25 %, jusqu'à la date de consolidation, au vu de la définition du barème de référence, visant des « désordres neuropsychologiques avec difficultés de mémorisation, phobies, syndrome d'évitement justifiant un suivi médical régulier par un spécialiste »,
- or l'indemnisation se fait « in concreto », c'est-à-dire au vu de la situation personnelle de la victime,
-au cas particulier, l'expert retient que le 6 décembre 2011, une première date de consolidation avait été proposée, qu'il juge pertinente au regard de l'évolution clinique observée, mais que cependant, au terme d'une procédure médico- administrative, la caisse a retenu le 31 décembre 2015 comme étant la date de consolidation ; que cependant, il estime que le taux de 50 %, doit prendre fin, à la date du 28 juin 2011, précédant celle à laquelle la salariée a débuté sa formation en Master 2, cet avis coïncidant avec celui du sapiteur psychiatre, le docteur [P], selon lequel, le fait que la salariée ait pu reprendre des formations, est un signe de l'amélioration de son état de santé,
- les éléments sur lesquels la salariée fonde sa contestation, ne sont pas de nature à remettre en cause l'évaluation faite par l'expert judiciaire de ce poste de préjudice,
- l'évaluation de ce poste de préjudice, sur la base indemnitaire de 24 € par jour pour un déficit fonctionnel temporaire total, se chiffre à la somme de 2916 €, selon le détail suivant :
'déficit fonctionnel temporaire partiel :
'de 50 %, du 13 décembre 2010 au 28 juin 2011, 197 jours x ( 24 €x 50 %) : 2364 €
'de 25 %, du 29 juin au 16 août 2011, 48 jours x ( 24 €x 25 %) : 288 €
'de 10 %, du 17 août au 5 décembre 2011,110 jours x ( 24 €x 10 %) : 264 € ;
4-débouter, par confirmation du jugement déféré, la salariée de sa demande d'indemnisation en réparation de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, étant jugé que :
-l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale permet au salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, imputés à la faute inexcusable de l'employeur de demander réparation de la perte et/ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, à la condition d'apporter la preuve qu'à la date de la demande en réparation, il bénéficiait d'une formation ou d'une situation professionnelle de nature à lui laisser espérer une promotion.
Il doit s'agir, en outre, de chances sérieuses et pas simplement hypothétiques, d'obtenir une telle promotion.
Enfin, le préjudice doit être distinct de celui résultant d'un déclassement professionnel déjà compensé par l'attribution de la rente majorée( ou du capital qui s'y substitue), c'est-à-dire que la perte de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, ne se confond pas avec la perte de gains professionnels futurs, le déclassement professionnel, l'incidence professionnelle, postes déjà compensés par l'attribution de la rente majorée.
Au titre de la réparation de ce préjudice, la salariée- peut-être induite en erreur par le fait que l'expert propose à tort de retenir un préjudice économique constitué par une perte de gains professionnels- invoque un préjudice économique, constitué par la différence, entre les salaires qu'elle aurait dû percevoir, et les indemnités qu'elle a perçues, de même que la perte des droits à la retraite enregistrée du 13 décembre 2010 au 15 août 2011, rappelle qu'elle a été licenciée, a tenté une réorientation professionnelle, puis qu'elle a fait valoir ses droits à la retraite de manière anticipée.
La salariée réclame ainsi, l'indemnisation d'une perte de gains professionnels, de l'incidence professionnelle, et de minoration de ses droits à la retraite, s'agissant de postes de préjudice déjà indemnisés par la rente viagère majorée qu'elle perçoit.
Par ailleurs, si les éléments du dossier retiennent que postérieurement à la constatation de la maladie, elle a suivi une formation, et l'a validée, il est rappelé sans contestation par l'expert, qu'elle travaillait pour le compte du même employeur, depuis 2006, comme cadre administratif, si bien que depuis cinq ans, sa position professionnelle était stable, les éléments du dossier ne démontrant pas l'existence d'une chance de promotion professionnelle, que la maladie serait venue compromettre.
Ce préjudice n'est pas caractérisé.
5-fixer à 10'000 €, par infirmation à la hausse du jugement déféré, l'indemnisation allouée à la salariée, au titre du déficit fonctionnel permanent, dont elle réclame indemnisation, sous la qualification impropre de préjudice « social et familial », étant jugé que :
- en application de l'article 12 du code de procédure civile, le juge a l'obligation de donner ou restituer l'exacte qualification aux faits et actes litigieux, sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée,
- la salariée sollicite sous l'intitulé de « préjudice social et familial », demande indemnisation d'un préjudice qui se concrétise, ainsi qu'en attestent ses proches, par un isolement et l'évitement de toute situation pouvant occasionner un stress,
- ce préjudice entre dans la définition du déficit fonctionnel permanent, qui tend à indemniser la réduction définitive, c'est-à-dire après consolidation, du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo- physiologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnel, familial et social),
- selon un revirement de jurisprudence en date du 20 janvier 2023, il est désormais jugé devant les juridictions judiciaires, que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente égale ou supérieure au taux de 10 % prévu à l'article R. 434-1 du code de la sécurité sociale, ne répare pas le déficit fonctionnel permanent,
- au cas particulier, ce déficit fonctionnel permanent, s'agissant de sa composante exclusivement personnelle, et non professionnelle, a été fixé ainsi qu'il suit :
-à 12 %, ( outre 2 % de taux professionnel), par la caisse, selon décision du 17 février 2016,
- à 20 %, (outre 5 % de taux professionnel), par jugement du 13 février 2018, du tribunal du contentieux de l'incapacité de Bordeaux, sur contestation par la salariée, de la décision de la caisse du 17 février 2016, à l'occasion d'une procédure à laquelle l'employeur n'était pas partie,
-la salariée née le 26 décembre 1957, était âgée de 58 ans au jour du 31 décembre 2015, date de consolidation de son état de santé,
- au vu de ces éléments, et de la valeur du point d'indemnisation d'un tel poste de préjudice, sa demande est fondée tant à l'égard de l'employeur, que de la caisse, et il y sera fait droit dans sa totalité.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande d'allouer à la salariée, la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter le surplus des demandes à ce titre.
L'employeur, qui succombe, supportera en sus des dépens de première instance, les dépens exposés en appel, en ce compris les frais d'expertise.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Dans les limites de sa saisine,
Infirme partiellement le jugement du tribunal pôle social du tribunal judiciaire de Bayonne en date du 15 mai 2020, et seulement en ce qu'il a :
- débouté la salariée, de sa demande d'indemnisation au titre du « préjudice social et familial »,
- fixé le préjudice de la salariée au titre du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 6429,60 €,
Et statuant à nouveau des seuls chef infirmés,
Juge que sous la dénomination de « préjudice social et familial », Mme [C] [S] réclame en réalité indemnisation de son « déficit fonctionnel permanent »,
Fixe les préjudices de la salariée, Mme [C] [S], au titre du déficit fonctionnel temporaire, et du déficit fonctionnel permanent, ainsi qu'il suit :
-2916 €, au titre du déficit fonctionnel temporaire,
-10'000 €, au titre du déficit fonctionnel permanent,
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'employeur, l'association Arditeya- Vieil Assantza, à payer à la salariée, Mme [C] [S], la somme de 1000 €, et rejette le surplus des demandes à ce titre,
Condamne l'association Arditeya- Vieil Assantza aux dépens exposés en appel en ce compris les frais d'expertise.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,