AC/LB
Numéro 23/1516
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 04/05/2023
Dossier : N° RG 21/01199 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H2XR
Nature affaire :
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[L] [K]
C/
S.A.S.U. LE CARRE DES DELICES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 12 Janvier 2023, devant :
Madame CAUTRES, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [L] [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître BURTIN de la SCP BERRANGER & BURTIN, avocat au barreau de TARBES
INTIMEE :
S.A.S.U. LE CARRE DES DELICES
[Adresse 6]
[Localité 3]
réprésentée par Maître CHAUMONT de la SELARL JUDICONSEIL AVOCATS, avocat au barreau de TARBES, et Maître QUILLIVIC de la SELARL JUDICONSEIL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 09 Mars 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TARBES
RG numéro : F 20/00042
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [V] [K] a cédé son fonds de commerce à la société Le Carré des délices.
Mme [L] [K], sa fille, a été embauchée à compter du 2 juillet 2019 par la SASU Le Carré des délices en qualité de vendeur-conseil, suivant contrat à durée déterminée à temps partiel du premier juillet 2019 avec un terme au 3 septembre 2019 et régi par la convention collective du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.
Par avenant en date du 2 juillet 2019 la durée du travail a été portée à 100 heures par mois.
Le 31 juillet 2019, les parties ont régularisé une rupture d'un commun accord, avec mention du dernier jour travaillé au 31 juillet 2019.
Le 11 mars 2020, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 9 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Tarbes a notamment :
- condamné la société Le Carré des délices à payer à Mme [V] [K] ès-qualité de représentante de sa fille mineure Mme [L] [K], les sommes suivantes :
* prime de précarité soit la somme de 121,36 €,
* 150 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du restant de leurs demandes,
- condamné la partie défenderesse aux dépens.
Le 8 avril 2021, Mme [L] [K] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 18 octobre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [L] [K] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Le Carré des délices à lui payer une somme de 121,36 € et une autre de 150 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a déboutée de ses demandes,
- débouter la société Le Carré des délices de son appel incident, de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions,
- et statuant à nouveau,
- condamner la société Le Carré des délices à lui payer les sommes   suivantes :Â
* salaire d'août : 1 514,53 €,
* heures supplémentaires juillet : 1 591,76 €,
* congés payés : 406,46 €,
* indemnités fin de contrat à durée déterminée : 296,43 €,
* dommages et intérêts : 6 096,85 € (3 mois de salaire),
* frais de justice, article 700 du code de procédure civile : 4 000 €,
* les entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 1er octobre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Le Carré des délices demande à la cour de :
- la recevoir en ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à [L] [K] la somme de 121,36 € au titre de la prime de précarité et la somme de 150 € au titre des frais irrépétibles, et confirmer ledit jugement pour le surplus,
- et statuant à nouveau :
- débouter Mme [L] [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Mme [L] [K] à lui payer une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [L] [K] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires
Attendu qu'aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
Que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Attendu que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;
Lorsqu'il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de détail de son calcul, l'importance de celles-ci et les créances salariales s'y rapportant ;
Attendu que Mme [K] expose qu'elle a accompli des heures supplémentaires non rémunérées ;
Attendu qu'elle produit notamment :
- son contrat de travail initial prévoyant des horaires de travail à titre indicatif du jeudi au samedi de 8 heures-8 heures 30 et 17 heures 30-18 heures et le lieu habituel du travail place saint Hippolyte à [Localité 3] ;
- l'avenant du 2 juillet 2019 ne prévoyant nullement la répartition du travail sur les jours et semaines ;
- un décompte des heures supplémentaires ;
- une capture d'écran en date du 6 août et 7 août 2019 de facebook montrant M. [T] à [Localité 5] en Bretagne et au festival interceltique de [Localité 4]. Ces photographies produites sur le lieu de villégiature de M. [T] correspondent à seulement deux jours du mois d'août et n'entrent pas dans la demande au titre des heures supplémentaires du mois de juillet 2019  ;
- une copie de la géolocalisation de deux téléphones portables du 2 juillet au 26 août 2019, le sien et celui de sa mère ;
Attendu qu'il résulte de tous ces éléments que Mme [K] produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;
Attendu que l'employeur conteste la réalisation d'heures supplémentaires non rémunérées par la salariée ;
Attendu qu'il produit notamment :
- un certain nombre de SMS émanant de la mère de l'appelante ;
- une attestation de Mme [X] qui indique « j'ai été embauché pour un CDD de deux mois du 2 juillet 2019 au 3 septembre 2019 par la SAS Le Carré des délices pour la vente de fruits et légumes sur la place d'[Localité 3]. Il était convenu que je travaillais mardi, mercredi et jeudi de huit heures à 18 heures... Madame [K] devait travailler le vendredi samedi et dimanche sur les mêmes horaires. Sa fille [L] devait l'aider une demi-heure le matin et une demi-heure le soir.
Madame [K] est effectivement venue la première semaine pour l'accompagner me former. L'activité était calme et une seule personne était suffisante. Je m'ennuyais souvent. La deuxième semaine Madame [K] ou Monsieur [T] passait le matin pour déposer la marchandise que nous installions avec Monsieur [E] ». Elle spécifie que le 16, 17, 18 juillet Madame [K] était en vacances et qu'elle assignait une rupture d'un commun accord le 31 juillet 2019 tout comme [L] [K] ;
- un procès-verbal de constat du huissier indiquant que Madame [V] [K] avait une autre activité de récolte de champignons active au mois d'août 2019 ;
Attendu qu'au vu des éléments produits par les parties, la cour a la conviction, sans qu'il n'y ait besoin de mesure d'instruction, que la salarié a effectué des heures supplémentaires qu'il convient d'évaluer à la somme de 159 euros, outre celle de 15,90 euros au titre des congés payés afférents ;
Que le jugement déféré sera infirmé sur la demande au titre des heures supplémentaires sur le mois de juillet 2019 ;
Sur la demande au titre du rappel de salaire pour le mois d'août 2019
Attendu qu'il n'est pas contesté au dossier que Mme [L] [K] a signé une rupture d'un commun accord à effet le 31 juillet 2019 avec établissement d'un solde de tout compte, et d'une attestation pôle emploi ;
Attendu que le fait que M. [T] ait été en congé deux jours au mois d'août n'a aucune incidence sur le fait que Mme [K] ait pu travailler au mois d'août 2019 ;
Attendu que le système de géolocalisation produit au dossier par la salariée ne démontre qu'une présence sur certains temps à [Localité 3] sur les seuls jours des 9, 10 et 11 août 2019 et du 23 au 26 août 2019 ;
Que la lecture du détail des géolocalisations montre que Mme [K] a été présente sur le stand au 7 rue de l'école que le 10 août 2019 de 15 heures 30 à 16 heures ;
Que le reste du temps elle est localisée à une autre adresse à [Localité 3] ne correspondant à rien sur le plan de l'activité de vente de fruits et légumes, alors même que la salariée dans ses écritures prend le soin de détailler les points de localisation des lieux liés à l'activité professionnelle ;
Attendu que dans ces conditions rien ne démontre au dossier que Mme [K] a travaillé après la rupture de son contrat de travail ;
Qu'elle sera déboutée de sa demande de paiement d'un rappel de salaire de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ;
Sur la demande au titre du travail dissimulé
Attendu que le dispositif de ses dernières écritures ne reprend pas la demande réalisée à ce titre dans le corps des conclusions, soit la somme de 3 009 euros ;
Que la cour n'y répondra donc pas conformément à l'article 954 du code de procédure civile ;
Sur la demande de dommages et intérêts
Attendu qu'en l'espèce, les parties reprennent devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ;
Qu'en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties au regard de la demande de ce chef ;
Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande au titre des dommages et intérêts ;
Sur la demande au titre de l'indemnité de fin de contrat
Attendu que les premiers juges ont réalisé une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce quant au principe du versement d'une indemnité de fin de contrat par l'employeur ;
Attendu que pour tenir compte des heures supplémentaires allouées par la présente cour il convient d'allouer à la salariée la somme de 137,26 € au titre de l'indemnité de fin de contrat ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens d'appel ;
Qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes en date du 9 mars 2021 sauf en ce qui concerne les heures supplémentaires du mois de juillet 2019 et l'indemnité de fin de contrat ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmer et y ajoutant,
CONDAMNE la SASU Le Carré des délices à payer à Madame [L] [K] les sommes suivantes :
159 euros au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires du mois de juillet 2019 ;
15,90 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire sur heures supplémentaires ;
137,26 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat ;
DIT que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens d'appel et dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,