AC/SB
Numéro 23/1517
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 04/05/2023
Dossier : N° RG 21/01198 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H2XP
Nature affaire :
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[P] [Z]
C/
S.A.S.U. CARRE DES DELICES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 12 Janvier 2023, devant :
Madame CAUTRES, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame [R], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU,Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [P] [Z]
née le 28 Avril 1964 à [Localité 5] ([Localité 5])
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/4061 du 30/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 5])
Représentée par Maître BURTIN de la SCP BERRANGER & BURTIN, avocat au barreau de TARBES
INTIMEE :
S.A.S.U. CARRE DES DELICES
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Maître CHAUMONT de la SELARL JUDICONSEIL AVOCATS, avocat au barreau de TARBES et Maître QUILLIVIC de la SELARL JUDICONSEIL AVOCATS, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 09 MARS 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TARBES
RG numéro : 20/00041
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [P] [Z] a cédé son fonds de commerce à la société Le Carré des délices.
Elle a été embauchée le 2 juillet 2019 par la société Le Carré des délices en qualité de vendeur-conseil, statut agent de maîtrise, coefficient 120, suivant contrat à durée déterminée avec un terme au 3 septembre 2019 et régi par la convention collective du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.
Le 11 mars 2020, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 9 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Tarbes a notamment':
- condamné la société Le Carré des délices à payer à Mme [P] [Z] les sommes suivantes :
* un rappel de salaire de 884,92 € concernant les mois de juillet à septembre 2019,
* des congés payés sur le rappel de salaire de 88,49 €,
* une prime de précarité sur le rappel de salaire de 88,49 €,
* 150 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du restant de leurs demandes,
- condamné le défendeur aux dépens.
Le 8 avril 2021, Mme [P] [Z] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 18 octobre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [P] [Z] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* condamné la société Le Carré des délices à lui payer les sommes suivantes :
o un rappel de salaire de 884,92 € concernant les mois de juillet à septembre 2019,
o des congés payés sur le rappel de salaire de 88,49 €,
o une prime de précarité sur le rappel de salaire de 88,49 €,
o 150 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* débouté les parties du restant de leurs demandes,
- débouter la société Le Carré des délices de son appel incident, de ses demandes, fins, moyens et conclusions,
- et statuant à nouveau,
- condamner la société Le Carré des délices à lui payer les sommes suivantes :
* heures supplémentaires non payées 1er juillet 2019 au 3 septembre 2019': 1987,91 €,
* congés payés, la somme de 540,63 €,
* indemnités de fin de CDD : 182,83 €,
* indemnités kilométriques : 2 516,24 €,
* dommages et intérêts : 8 109,51 € (3 mois de salaire),
* frais de justice, article 700 du code de procédure civile : 4 000 €,
* les entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 23 novembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Le Carré des délices demande à la cour de':
- la recevoir en ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
* l'a condamnée à payer à Mme [P] [Z] :
o 884,92 € à titre de rappels de salaires sur les mois de juillet à septembre 2019 outre 88,49 € à titre d'indemnité compensatrice de CP,
o 88,49 € à titre de prime de précarité,
o 150 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'a déboutée de sa demande de condamnation de Mme [P] [Z] à lui verser la somme de 412,84 € bruts pour le mois d'août 2019 au titre d'un trop-versé de salaires,
- et statuant à nouveau :
- débouter Mme [P] [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- juger que Mme [P] [Z] a perçu un trop-versé de salaire de 412,84 € pour le mois d'août 2019 et condamner Mme [P] [Z] à lui payer la somme de 412,84 €,
- condamner Mme [P] [Z] à lui payer une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [P] [Z] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires et le paiement de rappel de salaire sur une durée hebdomadaire de 35 heures
Attendu qu'aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié';
Que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles';
Attendu que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments';
Lorsqu'il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de détail de son calcul, l'importance de celles-ci et les créances salariales s'y rapportant';
Attendu que Mme [Z] expose qu'elle a accompli des heures supplémentaires non rémunérées';
Attendu qu'elle produit notamment':
son contrat de travail initial prévoyant des horaires de travail à titre indicatif du jeudi au samedi de 8 heures à 18 heures et un lieu habituel de travail [Adresse 6]. Le libellé du contrat de travail prévoit 35 heures hebdomadaires alors que la répartition des horaires de travail se base sur 30 heures hebdomadaires ;
ses bulletins de paie mentionnant le paiement de 30 heures hebdomadaires';
un décompte des heures supplémentaires ;
une capture d'écran en date du 6 août et 7 août 2019 de facebook montrant M. [O] à Saint Goustan en Bretagne et au festival interceltique de [Localité 4]. Ces photographies produites sur le lieu de villégiature de M. [O] correspondent à seulement deux jours du mois d'août et n'entrent pas dans la demande au titre des heures supplémentaires du mois de juillet 2019 ';
une copie de la géolocalisation de deux téléphones portables du 2 au 26 août 2019, le sien et celui de sa fille';
Attendu qu'il résulte de tous ces éléments que cette dernière produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments';
Attendu que l'employeur conteste la réalisation d'heures supplémentaires non rémunérées par la salariée'et évoque une coquille dans le contrat de travail sur une durée hebdomadaire à hauteur de 35 heures ;
Attendu qu'il produit notamment':
un certain nombre de SMS émanant de la salariée ;
une attestation de Mme [S] qui indique «'j'ai été embauché pour un CDD de deux mois du 2 juillet 2019 au 3 septembre 2019 par la SAS Le Carré des délices pour la vente de fruits et légumes sur la place d'[Localité 3]. Il était convenu que je travaillais mardi, mercredi et jeudi de huit heures à 18 heures... Madame [Z] devait travailler le vendredi samedi et dimanche sur les mêmes horaires. Sa fille [T] devait l'aider une demi-heure le matin et une demi-heure le soir. Madame [Z] est effectivement venue la première semaine pour l'accompagner me former. L'activité était calme et une seule personne était suffisante. Je m'ennuyais souvent. La deuxième semaine Madame [Z] ou Monsieur [O] passait le matin pour déposer la marchandise que nous installions avec Monsieur [C]'». Elle spécifie que le 16, 17, 18 juillet Madame [Z] était en vacances et qu'elle a signé une rupture d'un commun accord le 31 juillet 2019 tout comme [T] [Z]';
un procès-verbal de constat d'huissier indiquant que Madame [P] [Z] avait une autre activité de récolte de champignons active au mois d'août 2019';
Attendu qu'au vu des éléments produits par les parties, la cour a la conviction, sans qu'il n'y ait besoin de mesure d'instruction, que la salariée n'a pas effectué des heures supplémentaires au-delà de 35 heures par semaine ';
Que par ailleurs le contrat de travail est clair et mentionne une durée hebdomadaire de 35 heures';
Que le conseil de prud'hommes a valablement évalué le rappel de salaire dû à ce titre, ces sommes ne constituant pas des heures supplémentaires alors que la salariée présente une demande globale incluant les heures supplémentaires et le rappel de salaire sur un temps complet';
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a alloué à la salariée la somme de 884,92 euros au titre de rappel de salaire ainsi que celle de 88,49 euros au titre des congés payés afférents';
Sur la demande au titre des frais kilométriques
Si les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, la salariée doit justifier des frais exposés';
Attendu que Mme [Z] ne détaille nullement la somme réclamée et n'apporte au dossier aucun élément permettant de justifier des frais engagés, pas même la marque de son véhicule ni les chevaux fiscaux';
Qu'en effet les seuls relevés des géolocalisations sont totalement insuffisants à justifier des frais par elle engagés';
Attendu qu'elle sera donc déboutée de cette demande, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point';
Sur la demande au titre des dommages et intérêts
Attendu qu'en l'espèce, les parties reprennent devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance';
Qu'en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties au regard de la demande de paiement de dommages et intérêts';
Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris sur ce point';
Sur l'indemnité de fin de contrat
Attendu que l'examen du solde de tout compte démontre que Mme [Z] a bénéficié de la somme de 357,80 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat';
Que c'est donc par une exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont accordé, au titre du complément d'indemnité de fin de contrat, la somme de 88,49 euros, calculé sur le rappel de salaire dû';
Attendu que le jugement déféré sera confirmé sur ce point';
Sur la demande au titre du trop perçu de la somme de 412,84 euros
Attendu qu'aucun élément ne permet de cerner que Mme [Z] ne s'est pas présentée sur son lieu de travail du 2 au 4 août 2019';
Que l'employeur sera donc débouté de sa demande de remboursement d'un trop perçu, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ';
Sur les demandes accessoires
Attendu que Mme [Z], qui succombe en cause d'appel, devra supporter les dépens d'appel';
Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens d'appel';
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes en date du 9 mars 2021';
Et y ajoutant,
CONDAMNE Mme [P] [Z] aux dépens d'appel et dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,