AC/DD
Numéro 23/1518
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 04/05/2023
Dossier : N° RG 21/01173 - N°Portalis DBVV-V-B7F-H2U2
Nature affaire :
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[S] [K]
C/
S.A.S. INSIGHT
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 12 Janvier 2023, devant :
Madame CAUTRES, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [S] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître PENEAU de la SCP PENEAU-DESCOUBES PENEAU, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
INTIMÉE :
S.A.S. INSIGHT
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître MARCO loco Maître DENIEL de la SELARL DSE AVOCATS, avocat au barreau de BREST
sur appel de la décision
en date du 18 MARS 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 18/00099
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [S] [K] a été embauché le 1er juillet 2010 par la société Insight en qualité d'agent commercial, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des bureaux d'étude technique.
Le 25 octobre 2017, le contrat a été rompu par l'effet d'une rupture conventionnelle homologuée.
Le 14 septembre 2018, il a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 18 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan a notamment :
- débouté M. [S] [K] de sa demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires,
- condamné M. [S] [K] aux entiers dépens,
- condamné M. [S] [K] à verser à la société Insight la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [S] [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le 7 avril 2021, M. [S] [K] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 11 décembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [S] [K] demande à la cour de :
- dire et juger recevable et bien fondé son appel,
- constater l'absence de réponse de la société Insight à la sommation qui lui a été notifiée le 5 avril 2022,
- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- condamner la société Insight à lui payer la somme de 7 699,82 € bruts au titre des heures supplémentaires effectuées entre 2014 et 2017,
- condamner la société Insight à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de 1ère instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 22 novembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Insight demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [S] [K] de l'ensemble de ses demandes,
- débouter M. [S] [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- recevoir sa demande et condamner M. [S] [K] au paiement de la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance et en appel,
- condamner M. [S] [K] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
Que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Attendu que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;
Que lorsqu'il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de détail de son calcul, l'importance de celles-ci et les créances salariales s'y rapportant ;
Attendu qu'il convient de constater que M. [K], au stade de la cour d'appel ne sollicite des heures supplémentaires qu'à compter du 27 octobre 2014 pour tenir compte des règles légales de prescription ;
Attendu que M. [K] expose qu'il a accompli de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées ;
Attendu qu'il produit notamment :
son contrat de travail prévoyant expressément en son article IV « La durée hebdomadaire de travail de Monsieur [K] [S] est de 35 heures, effectuées selon l'horaire en vigueur dans la société. Représentant de la société, Monsieur [K] [S] est tenu d'agir en conformité absolue avec les directives de celle-ci, et d'appliquer les méthodes commerciales qui lui seront indiquées. Il devra notamment :
- communiquer son itinéraire à l'avance, chaque semaine, et respecter les plans de tournée qui pourraient lui être fournis ;
- appliquer les tarifs et conditions de vente de la société sans aucune dérogation, à moins d'autorisations expresse ;
- effectuer les démonstrations et essais conformément aux instructions données par la société;
- enregistrer les commandes et les transmettre aussitôt, en veillant à servir correctement les documents mécanographiques en usage dans la société ;
- intervenir auprès des clients pour hâter les règlements et aplanir les litiges.
Pour lui permettre d'être en liaison constante avec la société, Monsieur [K] [S] devra, chaque jour de travail, adresser à la société une feuille de journée et un rapport individuel sur chacun des clients visités, selon les modèles et instruction qui lui seront communiquées. Il devra également rédiger aux dates et aux conditions fixées par la société, des comptes rendus périodiques » ;
ses bulletins de salaire ;
un certain nombre de courriels où le salarié demande à la responsable de l'action commerciale de le positionner sur telle ou telle activité dans son planning ;
les remboursements de frais professionnels depuis 2014 ;
les tableaux des heures de déplacement depuis 2014 ;
une attestation de M. [O], ancien salarié, qui indique que les salariés étaient libres de s'organiser mais devaient prévenir des déplacement et rédiger des comptes rendus ;
un exemple de semaines de travail ;
la photocopie des agendas ;
Attendu qu'il résulte de tous ces éléments que ce dernier produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;
Attendu que l'employeur conteste le fait que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées ;
Attendu que l'employeur produit au dossier notamment les éléments suivants :
un courriel interne de la responsable de l'action commerciale relatant les échanges réalisés avec M. [K] concernant ses déplacements pour la période du 22 au 24 mars 2017 ;
le règlement intérieur indiquant que les locaux sont ouverts de 9 heures à 17 heures ;
des remboursements de frais de déplacement ;
un planning récapitulatif des années 2014 à 2017. Il convient de noter que l'année entière tient sur une seule page. Les plannings semaine par semaine ne sont pas produits ;
une attestation de la responsable commerciale, Mme [U] qui indique que M. [K] n'avait pas une gestion optimale de ses déplacements alors qu'il lui avait été précisé qu'il ne devait pas réaliser d'heures supplémentaires. S'il y avait des heures supplémentaires elles devaient être récupérées rapidement. En aucun cas Mme [U] n'indique que le salarié n'informait pas de ses plannings et déplacements ;
un courriel de M. [E] au salarié de juillet 2017 qui indique « si un rv s'annule au dernier moment une fois que vous êtes sur site ou à proximité, bien entendu vous pouvez soit faire de la prospection, soit de la visite client proche de votre lieu ou patienter à l'aéroport en essayant d'occuper le temps au mieux...Un déplacement professionnel ne peut excéder 7 heures de travail, si le trajet excède 7 heures, le surplus est compensé. Nous demandons que le déplacement professionnel n'excède pas 7 heures » ;
un autre courriel de M. [E] de juillet 2017 qui indique « pour les déplacements, jusqu'à ce jour, vous êtes en auto gestion sur la planification de vos présentations, visites et organisation de vos trajets et déplacements. Les déplacements professionnels sont compris dans votre temps de travail hebdomadaire » ;
un certain nombre de courriels de 2013 entre la société et M. [K] de l'année 2013, période prescrite quant à la demande d'heures supplémentaires présentée ;
un certain nombre de tickets justifiant des frais engagés ;
Attendu qu'au vu des éléments produits par les parties, la cour a la conviction, sans qu'il n'y ait besoin de mesure d'instruction, que le salarié a effectué des heures supplémentaires qu'il convient d'évaluer à la somme de 5 133,21 euros, outre celle de 513,32 euros au titre des congés payés afférents ;
Que le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que l'employeur, qui succombe, devra supporter les entiers dépens ;
Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce d'allouer à M. [K] la somme de
2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes de Mont de Marsan en date du 18 mars 2021 ;
CONDAMNE la SAS Insight à payer à M. [S] [K] la somme de 5 133,21 euros au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires ainsi que celle de 513,32 euros au titre des congés payés afférents ;
CONDAMNE le SAS Insight aux entiers dépens et à payer à M. [S] [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,