JN/DD
Numéro 23/1525
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 04/05/2023
Dossier : N° RG 21/00992 - N°Portalis DBVV-V-B7F-H2F2
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
S.A.S. [6]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 04 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 02 Mars 2023, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. [6]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Maître BOSSUOT-QUIN de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 24 FEVRIER 2021
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 18/157
FAITS ET PROCÉDURE
Le 4 novembre 2016, M. [J] [D] (le salarié), salarié de la Société SAS [6] (l'employeur), y ayant occupé divers postes depuis 1967, a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse ou l'organisme social) une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, faisant état d'un « cancer vessie prostate dû à l'amiante ».
La demande était accompagnée d'un certificat médical initial du 26 octobre 2016 établi par le docteur [W] [V], indiquant que le salarié souffrait actuellement d'un « adénocarcinome colloïde muqueux d'origine radiculo prostatique et vésicale développé sur une métaplasie cylindriques d'une muqueuse urothéliale ».
La caisse, au vu de l'avis du colloque médico administratif du 16 février 2017, a retenu que la maladie déclarée n'était pas inscrite à un tableau des maladies professionnelles, était susceptible d'entraîner une incapacité permanente d'un taux supérieur à 25 %, et a, en application des dispositions de l'article L 461-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, sollicité l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 5], lequel, le 13 décembre 2017, a considéré que les éléments de preuve d'un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée (adénocarcinome vésical), et l'exposition professionnelle incriminée étaient réunis.
Le 19 décembre 2017, la caisse, après instruction, et conformément à l'avis du CRRMP de [Localité 5], a notifié à l'employeur sa décision de prise en charge de la maladie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels.
L'employeur a contesté l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge ainsi qu'il suit :
- le 16 février 2018, devant la commission de recours amiable (CRA) de l'organisme social, laquelle n'a pas répondu,
- le 4 avril 2018, devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des Landes, devenu le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Mont de Marsan.
Le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Mont de Marsan a par jugement mixte du 24 février 2021 :
- dit que la caisse a satisfait à son obligation d'information prévue à l'article R411-14 du code de la sécurité sociale et a respecté le principe du contradictoire,
- avant dire droit, désigné le CRRMP de [Localité 7] afin de recueillir son avis motivé afin de savoir si la maladie décrite dans le certificat médical du 26 octobre 2016 a été causée directement et essentiellement par le travail habituel du salarié,
- renvoyé à une autre audience.
Le 16 mars 2021, l'employeur a interjeté appel de la décision.
Selon avis du 26 septembre 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 2 mars 2023, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon conclusions transmises par RPVA le 15 décembre 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur, la société [6], appelante, conclut à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande à la cour de :
- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge du 19 décembre 2017, la caisse n'ayant pas instruit la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie développée par le salarié conformément aux dispositions d'ordre public du code de la sécurité sociale et au principe du contradictoire.
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 30 janvier 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie des Landes, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, outre la condamnation de l'appelante à lui payer 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR QUOI LA COUR
L'employeur comme devant le premier juge, conteste l'opposabilité à son égard, de la décision de prise en charge, mais devant la cour, il ne se prévaut plus que de la violation du principe du contradictoire, alors que, devant le premier juge, il soulevait à titre principal, une contestation du caractère professionnel de la maladie déclarée.
Sur le non-respect du principe du contradictoire
Au visa des dispositions, en leur version applicable à la cause, des articles R441-14 alinéa 3, R441-11 III, R441-13, D461-9 alinéa 1er, de décisions jurisprudentielles rendues au visa des articles L461-1 et D461-29 du code de la sécurité sociale, l'employeur reproche à la caisse un manquement au respect du principe du contradictoire, et articule ce moyen, autour des trois branches suivantes :
- l'avis rendu par le CRRMP de [Localité 5], retient une exposition à d'autres substances, que l'amiante, alors que seule une exposition à des poussières d'amiante était visée par la déclaration de maladie professionnelle, le certificat médical initial, et la caisse avant la saisine de ce comité, s'agissant d'une situation qui lui fait grief, dès lors qu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ses observations en temps utile à ce sujet,
- la caisse l'a informé par courrier du 5 mai 2017, de la transmission du dossier au CRRMP de [Localité 5], ainsi que de la possibilité de se voir communiquer les pièces du dossier à sa demande et de formuler des observations avant transmission jusqu'au 25 mai 2017, alors que ce comité a reçu les éléments du dossier le 24 mai 2017, sans prendre connaissance des observations adressées par l'employeur le 23 mai 2017, visant à indiquer qu'il n'avait pas pris connaissance de l'ensemble des pièces du dossier d'instruction, faute pour le dossier communiqué, de comprendre le questionnaire ayant dû être complété par le salarié,
-le dossier qui lui a été communiqué, était incomplet faute de comprendre le questionnaire ayant dû être rempli par le salarié.
La caisse s'y oppose, par des conclusions au détail desquelles il est expressément renvoyé, soutenant en substance, que :
- la première branche du moyen n'est pas conforme aux éléments de la cause,
- la troisième branche du moyen est inexacte, car l'employeur ne démontre pas qu'un questionnaire aurait été rempli par le salarié,
- la seconde branche du moyen, doit être jugée infondée, dès lors que l'employeur, informé de la saisine du CRRMP, et du délai ouvert jusqu'au 25 mai 2017, pour transmettre ses observations, n'a adressé ses observations, que par un courrier daté du 23 mai 2017, posté le 24 mai 2017, et réceptionné par la caisse le 26 mai 2017, soit au-delà du délai imparti pour ce faire, et consistant seulement à se prévaloir du caractère incomplet du dossier dont il est venu prendre connaissance le 11 mai 2017.
Sur ce,
Il résulte des articles L 461-1 et D 461-29 et D 461-30 du code de la sécurité sociale, ces derniers en leur version applicable à la cause (en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019), qu'en cas de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles( CRRMP), dont l'avis s'impose à la caisse, l'information du salarié, de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief, s'effectue avant la transmission du dossier audit comité.
La caisse, au titre de son obligation d'information, doit respecter le délai qu'elle a elle-même imparti à l'employeur pour formuler ses observations avant de procéder à ladite transmission.
Au cas particulier, les pièces du dossier établissent que :
-la caisse (sa pièce numéro 8), par un courrier du 5 mai 2017, a informé l'employeur, de ce qu'elle transmettait le dossier au CRRMP pour examen dans le cadre de l'article L461-1 4è alinéa du code de la sécurité sociale, et qu'avant cette transmission, l'employeur avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier jusqu'au 25 mai 2017, et qu'il pouvait également pendant cette période, formuler des observations « qui seront annexées au dossier »,
-la caisse a adressé le dossier au CRRMP, antérieurement à la date du 25 mai 2017 visée par son courrier du 5 mai 2017, dès lors que ce comité indique sans contestation, et sans élément contraire, avoir reçu le dossier complet le 24 mai 2017 (pièce produite sous les numéros 10 et 11 par la caisse et l'employeur).
Le respect du principe du contradictoire, impose à la caisse, non seulement d'indiquer les délais dans lesquels l'employeur est à même de consulter le dossier et de former ses observations, mais également, de respecter les délais qu'elle a elle-même impartis, indépendamment de l'exercice par l'employeur, de sa faculté de consultation et de formuler des observations.
Ce manquement au respect du principe du contradictoire à l'égard de l'employeur, est sanctionné par l'inopposabilité à l'employeur, de la décision rendue dans ces conditions.
Il sera fait droit à la contestation de l'employeur, par infirmation du jugement déféré.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'organisme social, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 24 février 2021,
Statuant à nouveau,
Juge inopposable à l'employeur, la SAS [6], la décision notifiée par l'organisme social le 19 décembre 2017, de prise en charge de la maladie déclarée par M. [J] [D] le 4 novembre 2016, au titre de la législation sur les risques professionnels,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'organisme social, la CPAM des Landes, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,