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27/04/2023 | FRANCE | N°21/01640

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 27 avril 2023, 21/01640


TP/EL



Numéro 23/01458





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 27/04/2023







Dossier : N° RG 21/01640 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H32P





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail









Affaire :



[K] [Z]



C/



S.A. BNP PARIBAS









Grosse délivrée le

à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 27 Avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 4...

TP/EL

Numéro 23/01458

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 27/04/2023

Dossier : N° RG 21/01640 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H32P

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[K] [Z]

C/

S.A. BNP PARIBAS

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 27 Avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 06 Février 2023, devant :

Mme PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Mme PACTEAU, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame PACTEAU, Conseiller

Madame SORONDO,Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [K] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Thomas GUILLOT, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.A. BNP PARIBAS agissant poursuites et diligences de son Président, représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Karine BÉZILLE de la SELAS LPA-CGR, avocat au barreau de PARIS

sur appel de la décision

en date du 23 AVRIL 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE

RG numéro : F 19/00218

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [K] [Z] a été embauché le 21 mai 2002 par la société Fortis Bank en qualité de directeur d'agence, statut cadre, niveau I, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale de la banque.

Le 1er juin 2010, le contrat de travail a été transféré à la société BNP Paribas.

En dernier lieu, il a occupé le poste de «'chargé affaires entrepreneurs'».

Le 26 février 2019, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 7 mars suivant.

Le 28 mars 2019, il a été licencié pour motif disciplinaire.

Le 2 octobre 2019, il a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 23 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Bayonne a notamment':

- dit que le licenciement de M. [K] [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [K] [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [K] [Z] à payer à la société BNP Paribas la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [K] [Z] aux entiers dépens de l'instance.

Le 14 mai 2021, M. [K] [Z] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 2 août 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [K] [Z] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- et statuant à nouveau :

- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société BNP Paribas à lui verser la somme de 90'000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail,

- condamner la défenderesse à verser au requérant la somme de 3'500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire totale sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- dire que les intérêts légaux sont dus pour l'ensemble des sommes allouées à compter du prononcé de la décision à venir, et ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la défenderesse aux entiers dépens de l'instance, ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 27 octobre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société BNP Paribas demande à la cour de':

- déclarer M. [K] [Z] recevable mais mal fondé en son appel,

- en conséquence, l'en débouter.

- déclarer la société BNP Paribas bien fondée en ses écritures,

- y faisant droit :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [K] [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- statuant à nouveau :

- condamner M. [K] [Z] à lui payer la somme de 2'500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] [Z] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article L.1235-1 du Code du travail, en cas de litige, il appartient au juge, à défaut d'accord, d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur à l'appui d'un licenciement : tout licenciement doit en effet être fondé sur une cause à la fois réelle, donc établie, objective et exacte, ainsi que sérieuse. Pour ce faire, le juge formera sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, éventuellement, après toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il doit se placer à la date du licenciement pour apprécier la ou les cause(s) du licenciement. Les juges du fond ont ainsi pour mission d'apprécier les éléments produits par les parties pour établir l'existence d'une cause réelle et sérieuse. Ils qualifient les faits au regard de la réalité et du sérieux du motif.

S'il subsiste un doute, il profite au salarié.

En l'espèce, selon la lettre en date du 28 mars 2019 dont les termes fixent les limites du litige, M. [Z] a été licencié pour faute simple en application de l'article 27-1 de la convention collective de la banque, pour les motifs suivants':

«'Nous vous reprochons les faits ci-après que vous avez commis dans le cadre de vos fonctions de Chargé d'Affaires Entrepreneurs au sein du Territoire Pays Basque.

Le Territoire Pays Basque a reçu la réclamation d'un client qui faisait partie de votre fonds de commerce au moment des faits. Celui-ci fait état du prêt d'un véhicule haut de gamme à titre gracieux à l'un de nos collaborateurs. Il précise avoir effectué ce prêt car il se sentait redevable vis-à-vis de BNP Paribas et dans l'incapacité de refuser ce service, son conseiller lui accordant des souplesses au-delà des autorisations. Aucun contrat de location n'a été signé entre ce client et BNP Paribas.

Lors d'un premier entretien, vous avez reconnu avoir bénéficié du prêt d'un véhicule pendant 5 semaines, période durant laquelle votre véhicule de service était indisponible (accident puis panne). Vous n'avez pas averti votre Direction, et avez soutenu que cette proposition émanait du client et que vous n'aviez rien sollicité, contrairement à ce que démontrent des sms fournis par ce dernier.

Vous avez précisé que la nature de vos relations avec ce client était tout à fait «'classique'» et ne portait pas à confusion, ce qui n'est pas exact.

Par de tels agissements, vous avez nui à l'image de la Banque et avez mis l'entreprise en difficulté vis-à-vis de ce client qui se trouve aujourd'hui en situation de recouvrement. De ce fait, le client accuse la Banque d'avoir abusé de la situation de dépendance dans laquelle il se trouvait et d'en avoir tiré un profit manifeste.

De plus, cette attitude est totalement contraire au Code de Conduite qui siptule':

«'Les collaborateurs de BNP Paribas ne doivent pas offrir, promettre, accorder, solliciter ou accepter d'un tiers, directement ou indirectement, un avantage quelconque (pécuniaire ou autre) en contrepartie d'une faveur ou d'une influence réelle ou supposée. Toute tentative en ce sens en également interdite.'»

Lors de l'entretien préalable, vous avez indiqué que le client vous avait proposé mais non prêté un véhicule. Or, vous avez été incapable de nous donner le nom du client qui vous aurait prêté ce véhicule.

De plus, vous avez contesté être à l'origine des sms présentés par le client.

Par ailleurs, contrairement à «'la politique de véhicules de service'» dont vous aviez connaissance et aux instructions données par mail qui stipulent que les véhicules sont à usage professionnel exclusivement et qu'il est formellement interdit de transporter dans ce véhicule des personnes autres que des agents BNP Paribas, et ce sans dérogation possible, vous avez utilisé le véhicule de la Banque pour un déplacement sans lien avec votre activité professionnelle.

Vos agissements contreviennent aux règles que vous devez respecter dans le cadre de vos fonctions.

Par ailleurs, ils démontrent que vous n'avez tenu aucun compte des rappels qui vous ont été formulés.

Nous nous trouvons donc dans l'obligation de mettre fin à votre collaboration et de vous notifier votre licenciement pour faute simple.'»

Deux griefs sont ainsi opérés à l'encontre de M. [Z].

- sur l'obtention du prêt de véhicule par un client de la banque

M. [Z] objecte à ce grief sa prescription.

Selon l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il est par ailleurs constant que l'employeur, au sens de ce texte, s'entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir. La connaissance du fait par un collègue qui n'est pas le supérieur hiérarchique du salarié, ni ne dispose du pouvoir disciplinaire à son égard ne fait pas courir ce délai, dont le point de départ doit être fixé au moment où l'employeur a la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits.

En l'espèce, l'information qui constitue ce premier grief a été portée à la connaissance à M. [F], responsable des ressources, par un mail du 24 janvier 2019 émanant d'[Y] [P], responsable du pôle décideur commercial, alerté par Mme [G] qui avait reçu un mail de M. [N], responsable de la société sport Auto Passion le 23 janvier 2019, relatif au prêt d'une Porsche à un collaborateur de la BNP Paribas.

A la lecture d'un courrier postérieur de M. [N], il apparaît que Mme [G] avait eu connaissance de cette information auparavant mais celle-ci, en lien avec la société Sport Auto Passion dans le cadre du mandat ad hoc dont bénéficiait alors cette dernière, ne dispose pas d'un pouvoir hiérarchique ni disciplinaire vis-à-vis de M. [Z].

C'est donc à la date du 24 janvier 2019 que l'employeur, en la personne du responsable des ressources M. [F], a eu connaissance de la réalité, de la nature et de l'étendue des faits.

Dès lors, la procédure de licenciement a été régulièrement introduite dans le délai de deux mois suivant la connaissance des faits par l'employeur par l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, le 26 février 2019.

Ce grief n'est donc pas prescrit.

Concernant le grief en lui-même, il résulte des éléments du dossier, en particulier des opérations bancaires versées aux débats, que M. [Z] était le conseiller financier et le principal interlocuteur de la société Sport Auto Passion à la BNP Paribas.

En octobre 2017, plusieurs opérations bancaires ont été validées par M. [Z] au profit de la société Sport Auto Passion, en particulier le 19 octobre 2017': un virement de 2000 euros a été réalisé dans l'intérêt de cette société, avec le code décision «'forçage'».

Au cours de la même période, ainsi que cela résulte de copie de sms échangés entre M. [N], représentant légal de la société Sport Auto Passion, et d'un numéro intitulé BNP sur le téléphone de ce dernier, que le titulaire de cette dernière ligne a expressément sollicité son client afin qu'il lui prête un véhicule en octobre puis en novembre 2017.

Un échange de mails du 19 octobre 2017 entre la société Sport Auto Passion et un conseiller de la BNP dont le nom n'est pas lisible, est versé aux débats': il en ressort que la société Sport Auto Passion adresse à son interlocuteur l'assurance garage et le certificat d'achat du véhicule et demande la confirmation de la bonne exécution du virement de 2000 euros envoyé la veille. Le conseiller de la BNP répond avoir déjà confirmé le virement par mail précédent.

L'examen de ces pièces permet d'établir que c'est à M. [Z] que la société Sport Auto Passion a prêté un véhicule à deux reprises, contre des souplesses au-delà des autorisations en faveur de cette dernière.

Ce faisant, il a porté atteinte à l'image de la société BNP Paribas, ce qui est caractérisé par le fait que le représentant légal de la société Sport Auto Passion n'a pas voulu dévoiler l'identité du conseiller auquel il avait prêté un véhicule, estimant que cet avantage avait été accordé à l'établissement bancaire avec lequel il se trouvait dans une «'conjoncture tendue de renégociation'».

M. [Z] a également contrevenu au code de conduite de la BNP Paribas.

Ce grief est donc établi et pouvait à lui seul justifier la rupture du contrat de travail aux torts du salarié.

- sur l'utilisation du véhicule de service à des fins personnelles

Il n'est pas contesté par M. [Z] qu'il a utilisé, le 9 janvier 2019, le véhicule de service qui lui était confié pour se rendre à la clinique où il devait subir une intervention chirurgicale.

Toutefois, il résulte des éléments du dossier que cet usage, que le salarié a, dès le lendemain, fait connaître à son employeur en l'informant que le véhicule avait fait l'objet d'un verbalisation pour une infraction au stationnement lors de ce déplacement, a été motivé pour des raisons tenant à une panne inopinée du véhicule de M. [Z] ne lui permettant pas d'emprunter son véhicule pour se rendre à son rendez-vous médical.

Dès lors, si ce grief est réel, les circonstances ne permettent pas de considérer qu'il est sérieux et pouvait justifier un licenciement pour faute simple.

En conséquence de tous ces éléments, il appert que, eu égard à la matérialité du premier grief et son importance, le licenciement de M. [Z] a été prononcé pour une cause réelle et sérieuse, de sorte que celui-ci doit être débouté de toutes ses demandes.

Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

M. [Z], qui succombe à l'instance, devra en supporter les entiers dépens.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la société BNP Paribas l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû engager en appel. Il lui sera donc alloué la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne en date du 23 avril 2021';

Y ajoutant':

CONDAMNE M. [K] [Z] aux dépens de l'instance';

CONDAMNE M. [K] [Z] à payer à la SA BNP Paribas la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01640
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;21.01640 ?
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