JP/CS
Numéro 23/1410
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 25 avril 2023
Dossier : N° RG 22/02575 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IKKE
Nature affaire :
Action en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre des dirigeants
Affaire :
[M] [U]
C/
LE PROCUREUR GENERAL
LE TRESORIER PAYEUR GENERAL DE LA GIRONDE POLE DE GESTION DES PATRIMOINES PRIVES
S.E.L.A.R.L. EKIP'
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 28 février 2023, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l'appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
Le Ministère Public a eu connaissance de la procédure le 6 octobre 2022.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [M] [U]
né le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Romuald PALAO de la SELARL DERBY AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMES :
Monsieur PROCUREUR GENERAL
[Adresse 11]
[Localité 9]
LE TRESORIER PAYEUR GENERAL DE LA GIRONDE POLE DE GESTION DES PATRIMOINES PRIVES pris en sa qualité de curateur à la succession de Monsieur [Z] [U] désigné à cette fonction suivant ordonnance du Président du Tribunal Judiciaire de Dax du 3 août 2020.
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Elisabeth DE BRISIS de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO, avocat au barreau de DAX
S.E.L.A.R.L. EKIP' Prise en la personne de Maître [K] [I], domicilié en cette qualité audit siège, agissant es-qualité de liquidateur de l'EURL [Z] [U], désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de DAX du 10 juillet 2019
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Camille ESTRADE, avocat au barreau de PAU
Sur appel de la décision
en date du 14 SEPTEMBRE 2022
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX
Par jugement réputé contradictoire du 14 septembre 2022 le tribunal de commerce de DAX a :
Vu le rapport du juge commissaire,
Vu les réquisitions de Madame le Procureur de la République,
- Constaté que l'existence de l'insuffisance d'actif de l 'EURL [Z] [U] est certaine et s'élève à la somme de 836 823,77 euros,
- Dit qu'en qualité de dirigeant de droit de l' EURL [Z] [U], Monsieur [M] [U] a sciemment omis de déclarer son état de cessation dans les 45 jours de sa connaissance, qu'il a frauduleusement augmenté le passif de cette dernière et qu'il a détourné à son profit une partie de son actif,
- Dit que les fautes de gestion ainsi commises par Monsieur [M] [U] se trouvent directement a l'origine de l'aggravation de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de l' EURL [Z] [U].
- Constaté que l'état de cessation des paiements de l' EURL [Z] [U] a été créé sous la gestion de Monsieur [Z] [U] qui n'en a pas fait la déclaration dans les 45 jours de sa survenance, ce qui a contribué à créer et aggraver l'insuffisance d'actif,
- Condamné solidairement, en application de l'article 651-2 du code de commerce, Monsieur [M] [U] et Monsieur le Trésorier Payeur Général de la Gironde, es qualité de curateur à la succession vacante de [Z] [U], à payer à la SELARL EKIP es qualité, l|'intégralité de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de l' EURL [Z] [U], estimée par le liquidateur à 836 823,77 euros,
- Prononcé à l'encontre de Monsieur [M] [U] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale, pour une durée de 10 ans, sur le fondement de l'article L. 653-8 du Code de commerce,
- Condamné solidairement Monsieur [M] [U] et Monsieur le Trésorier Payeur Général de la Gironde, es qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [Z] [U], à payer à la SELARL EKIP es qualité, une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- Condamné solidairement Monsieur [M] [U] et Monsieur le Trésorier Payeur Général de la Gironde, es qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [Z] [U], aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 22 septembre 2022 [M] [U] a interjeté appel de la décision.
Par décision du 15 décembre 2022 le Premier Président près la cour d'appel de Pau, a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Dax le 14 septembre 2022 à l'encontre du directeur régional des finances publiques de nouvelle Aquitaine et de Gironde et débouté [M] [U] de ses autres demandes.
[M] [U] conclut à :
Vu l'article L 651-2 du code du commerce
Vu les pièces produites,
- INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Dax pour l'ensemble de ses dispositions.
A titre subsidiaire, au besoin,
- ORDONNER une expertise financière et comptable complète de l'EURL [Z] [U] et désigner l'expert qu'il plaira à la COUR avec notamment pour mission
de déterminer :
* Le détail exhaustif de la dette
* L'imputation et la ventilation de cette dette aux administrations successives de Monsieur [Z] [U], [M] [U] ou à Me [Y]
* Un bilan comptable complet pour la gestion du 6 septembre 2018 au jour de la démission de Monsieur [M] [U] (mai 2019) en précisant si la gestion de ce dernier a permis d'améliorer la santé financière de la Société ou au contraire généré une aggravation du passif
* Les dates auxquelles ont été révélées les différentes dettes et à quel moment Monsieur [M] [U] aurait pu avoir connaissance d'un état de cessation des paiements de la Société
* De procéder à toutes investigations, auditions et recherches utiles
Dans l'attente,
- ORDONNER la suspension de l'exécution provisoire prononcée par le Tribunal de Commerce le 14 septembre 2022
En toute hypothèse,
- ORDONNER la mainlevée des nantissements judiciaires suivants :
* De parts sociales à la SCI BREGUE suivant acte de la SCP METRAL LABERENE, Huissiers de Justice à ST VINCENT DE TYROSSE en date du 25 février 2021, enregistré au greffe du Tribunal de DAX le 26 février 2021
* De valeurs mobilières à la SAS GOUCHOT suivant acte de la SCP METRAL LABERENE, Huissiers de Justice à ST VINCENT DE TYROSSE en date du 25 février 2021, enregistré au greffe du Tribunal de DAX le 26 février 2021
* De valeurs mobilières à la SAS SCARLET suivant acte de la SCP METRAL LABERENE, Huissiers de Justice à ST VINCENT DE TYROSSE en date du 25 février 2021, enregistré au greffe du Tribunal de DAX le 26 février 2021
- CONDAMNER Maître [K] [I] à régler une somme de 3.000 € au titre de
l'article 700 du Code de Procédure Civile
- CONDAMNER Maître [K] [I] aux entiers dépens.
La SELARL EKIP prise en la personne de Maître [K] [I], agissant en qualité de liquidateur de l' EURL [Z] [U] conclut à :
Vu l'article L651-2, L.653-4 et L. 653-8 du Code de Commerce
Vu l'article 564 du CPC
Vu la jurisprudence précitée
- Dire et juger l'appel interjeté par Monsieur [M] [U] injustifié et mal fondé,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
o Jugé que l'existence de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de l' EURL [Z] [U] est certaine et s'élève à la somme de 836 823,77 €.
o Dit et jugé qu'en qualité de dirigeant de droit de l'EURL [Z] [U], Monsieur [M] [U] a sciemment omis de déclarer son état de cessation dans les 45 jours de sa connaissance, qu'il a frauduleusement augmenté le passif de cette dernière et qu'il a détourné à son profit son actif.
o Dit et Jugé que les fautes de gestion ainsi commises par Monsieur [M] [U] se trouvent directement à l'origine de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de l'EURL [Z] [U].
o Jugé que l'état de cessation des paiements de l'EURL [Z] [U] a été
créé sous la gestion de [Z] [U] qui n'en a pas fait la déclaration dans les
45 jours de sa survenance, ce qui a contribué à créer et aggraver l'insuffisance d'actif.
o Condamné solidairement Monsieur [M] [U] et Monsieur le Trésorier Payeur Général de la Gironde ès qualité de curateur à la succession vacante de [Z] [U], à payer à la SELARL EKIP' ès qualité l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de l'EURL [Z] [U], provisoirement évaluée à 836 823,77 €, en application de l'article L. 651-2 du Code de commerce.
o Prononcé contre Monsieur [M] [U] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale sur le fondement de l'article L. 653-8 du Code de commerce.
o Condamné solidairement Monsieur [M] [U] et Monsieur le Trésorier Payeur Général de la Gironde ès qualité de curateur à la succession vacante de [Z] [U] à payer à la SELARL EKIP' ès qualité une indemnité de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
o Ordonné l'exécution provisoire du jugement
o Condamné solidairement Monsieur [M] [U] et Monsieur le Trésorier Payeur Général de la Gironde ès qualité de curateur à la succession vacante de [Z] [U] aux dépens de l'instance.
À titre incident,
- Réformer le jugement en ce qu'il a limité la durée de l'interdiction de gérer prononcée
contre Monsieur [M] [U] à 10 ans.
Statuant à nouveau,
- Prononcer contre Monsieur [M] [U] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale d'une durée de 15 ans.
- Dire et juger que la demande d'expertise comptable et financière est une demande nouvelle
La déclarer irrecevable
A défaut,
- Dire et juger que la demande n'est pas fondée,
- Débouter Monsieur [M] [U] de sa demande.
- Condamner solidairement Monsieur [M] [U] et Monsieur le Directeur régional des Finances publiques de nouvelle Aquitaine et de Gironde ès qualité de curateur à la succession vacante de [Z] [U] à payer à la SELARL EKIP' ès qualité, une indemnité de 8000€ en règlement des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
- Condamner solidairement Monsieur [M] [U] et Monsieur le Directeur régional des Finances publiques de nouvelle Aquitaine et de Gironde ès qualité de curateur à la succession vacante de [Z] [U] tant de première instance que d'appel avec distraction au profit de Maître Camille ESTRADE en application de l'article 699 du CPC,
- Débouter Monsieur [M] [U] et Monsieur le Directeur régional des Finances publiques de nouvelle Aquitaine et de Gironde ès qualité de curateur à la succession vacante de [Z] [U] de leurs demandes, fins et prétentions contraires, des fins de leur appel principal et incident.
Le Directeur Régional des Finances Publiques de Nouvelle Aquitaine et de Gironde a sollicité par voie de conclusions récapitulatives d'intimé du 19 janvier 2023 :
Vu les articles L.651-2 du Code de commerce et 810-4 du Code civil,
A titre liminaire,
Vu l'article 803 du Code de procédure civile,
Prononcer la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 11 janvier 2023,
Sur le fond,
' Juger le présent appel incident recevable et bien-fondé,
En conséquence,
' Réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de DAX le 14 septembre 2022 en ce qu'il a :
- Constaté que l'état de cessation des paiements de l'EURL [Z] [U] avait été créée sous la gestion de Monsieur [Z] [U] qui n'en a pas fait la déclaration dans les 45 jours de sa survenance, ce qui a contribué à créer et aggraver l'insuffisance d'actif ;
- Condamné solidairement Monsieur [M] [U] et Monsieur le Trésorier Payeur de la Gironde, ès qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [Z] [U], à payer à la SELARL EKIP' ès qualité, l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de l'EURL [Z] [U], estimée par le liquidateur à 836 823,77 euros ;
- Condamné solidairement Monsieur [M] [U] et Monsieur le Trésorier Payeur Général de la Gironde, ès qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [Z] [U] à payer à la SELARL EKIP', ès qualité, une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
- Condamné solidairement Monsieur [M] [U] et Monsieur le Trésorier Payeur Général de la Gironde, ès qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [Z] [U] aux entiers dépens ;
Et statuant à nouveau,
A TITRE PRINCIPAL,
' Juger que la SELARL EKIP', ès qualité de liquidateur de l'EURL [Z] [U], ne démontre pas l'existence d'une faute de gestion commise par Monsieur [Z] [U] de son vivant et lors de sa gestion,
En conséquence,
' Débouter la SELARL EKIP' es-qualité de ses demandes de condamnation solidaire de Monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques de Nouvelle Aquitaine et de Gironde, ès qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [Z] [U], au paiement de l'intégralité de l'insuffisance d'actif de l'EURL [Z] [U],
A TITRE SUBSIDIAIRE,
' Juger que le Directeur Régional des Finances Publiques de Nouvelle Aquitaine et de Gironde, ès qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [Z] [U], ne saurait être tenu des fautes imputables à la gestion de Monsieur [M] [U],
En conséquence,
' Cantonner la responsabilité de Monsieur [Z] [U] aux montants imputables à l'insuffisance d'actif non déclarée dans les 45 jours de sa survenance sous la gérance de Monsieur [Z] [U],
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
' Limiter le montant des condamnations prononcées à l'encontre de le Directeur Régional des Finances Publiques de Nouvelle Aquitaine et de Gironde, ès qualité de curateur à la succession vacante de Monsieur [Z] [U], au montant de l'actif disponible de la succession de Monsieur [Z] [U].
' Débouter la SELARL EKIP' es-qualité de toute autre fins ou prétentions plus amples
ou contraires,
' Statuer ce que de droit sur les dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2023.
SUR CE
Sur le rabat de l'ordonnance de clôture :
L'article 803 du code de procédure civile prévoit que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
La SELARL EKIP' a transmis des conclusions par RPVA la veille de l'ordonnance de clôture soit le 10 janvier 2023.
Le Directeur régional des finances publiques de nouvelle Aquitaine de Gironde sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture afin de pouvoir y répliquer et que ses conclusions notifiées par RPVA le 19 janvier 2023 soient déclarées recevables .
Il y a lieu de rabattre l'ordonnance de clôture afin de respecter le principe du contradictoire et de permettre un échange régulier des pièces et conclusions des parties en reportant la date de la clôture à celle de l'audience de plaidoirie du 28 février 2023.
Au fond :
En1997, [Z] [U] a créé l' E U RL [Z] [U] ayant pour activité l'installation, l'entretien et le dépannage de systèmes de chauffage.
Le 1er octobre 2012 il a embauché son fils unique [M] en qualité de chauffagiste.
Fin 2016, [Z] [U] est tombé malade et est décédé le [Date décès 7] 2018.
Le 6 septembre 2018, [M] [U] a été désigné administrateur provisoire de l'EURL, par ordonnance du président du tribunal de commerce de DAX.
Le 2 octobre 2018, à la suite d'une requête de [M] [U], le président du tribunal de commerce de Dax a refusé la désignation d'un mandataire ad hoc, la société étant en état de cessation des paiements.
[M] [U] a poursuivi l'activité de la société qui a été condamnée par le conseil des prud'hommes de Dax à verser à divers salariés des sommes d'environ 80 000 €.
Par ordonnance du 23 mai 2019, le président du tribunal de commerce de Dax a désigné Me [Y] comme administrateur provisoire en remplacement de [M] [U].
Me [Y] a déclaré l'état de cessation des paiements de l' E U RL [Z] [U].
Par jugement du 10 juillet 2019, le tribunal de commerce de Dax a prononcé la liquidation judiciaire immédiate de l' EURL [Z] [U] en fixant la date de cessation des paiements au [Date décès 8] 2018, date du décès de [Z] [U] et a nommé en qualité de liquidateur la SELARL EKIP.
En septembre 2019, [M] [U] a créé la SAS SCARLET ayant une activité similaire à celle de l' EURL [Z] [U] et a embauché 5 anciens salariés.
Le 9 septembre 2020, le tribunal de commerce de Dax a reporté au maximum légal, le 10 janvier 2018 la date de cessation des paiements de l' EURL [Z] [U].
Les héritiers de [Z] [U] ayant renoncé à la succession, par ordonnance du 3 août 2020, le trésorier payeur général de la Gironde a été désigné en qualité de curateur à la succession.
Par ordonnance du 26 novembre 2020, le président du tribunal de commerce de Dax a autorisé la SELARL EKIP' es qualité à inscrire deux nantissements conservatoires sur les actions détenues par [M] [U] dans la SAS SCARLET et la SAS GOUCHOT ainsi qu'un nantissement sur les parts sociales lui appartenant dans la SCI BREGUE.
Par acte d' huissiers des 3 et 4 mars 2021, la SELARL EKIP' es qualité a fait assigner [M] [U] et Monsieur le trésorier-payeur général de la Gironde es qualité sur le fondement de l'article L651-2 du code de commerce, en responsabilité pour insuffisance d'actif et pour obtenir leur condamnation au paiement de l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de l' EURL [Z] [U] et la condamnation de [M] [U] à une mesure de faillite personnelle.
Le jugement dont appel a reconnu les fautes de gestion de [M] [U], ayant contribué à créer et aggraver l'insuffisance d'actif s'élevant à la somme de 836 823,77 € et a condamné solidairement [M] [U] et le trésorier-payeur général de la Gironde à payer cette somme à la SELARL EKIP' es qualité, outre la condamnation de [M] [U] pour faillite personnelle.
Sur la demande d'organisation d'une expertise :
[M] [U] sollicite à titre subsidiaire une demande d'expertise comptable et financière pour obtenir un détail exhaustif de la dette et la ventilation de cette dette aux administrations successives de [Z] [U], [M] [U] ou Me [Y].
Une telle demande nouvelle en appel est recevable puisqu'elle se rattache par un lien suffisant à l'objet principal du litige.
Cependant elle sera rejetée, une telle demande présentée tardivement ne présentant aucun intérêt ni aucune utilité, alors que la cour dispose de tous les éléments permettant d'apprécier la responsabilité de [M] [U] dans les faits qui lui sont reprochés en sa qualité de dirigeant de la société en faillite.
Sur l'insuffisance d'actif :
L'insuffisance d'actif doit s'apprécier au jour où la juridiction statue.
L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif exige une faute, à savoir une faute de gestion, une contribution de cette faute à la création du préjudice, et un préjudice qui est constitué par l'insuffisance d'actif.
L'insuffisance d'actif représente la différence entre le montant du passif admis, et correspondant à des créances antérieures au jugement d'ouverture, et le montant de l'actif de la personne morale débitrice, tel qu'il résulte des réalisations effectuées dans le cadre de la liquidation judiciaire.
Le rapport du juge-commissaire du 20 janvier 2022 indique un passif vérifié d'un montant de 856 318,90 €.
Le montant correspondant à l'état du passif actualisé produit par la SELARL EKIP' n'est pas contesté.
L'état des créances montre un passif antérieur admis pour un montant total de 880 600,01 €.
L' extrait de compte analytique permet de constater que la réalisation des actifs corporels de 12 700 €, la vente de matériel immobilier pour 2412 €, le recouvrement compte client de 20 961,50 euros, les intérêts à la caisse des dépôts et consignations de 41,22 €, le recouvrement des comptes financiers pour la somme de 7661,52 euros soit au total la somme de 43 776,24 € ne suffit pas à combler le passif.
L'insuffisance d'actif s'élève à 836 823,77 € et sera donc admise pour ce montant en confirmation du jugement déféré.
Sur les fautes de gestion reprochées à [M] [U] :
L' article L651-2 du code de commerce énonce : «Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou pour certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.»
Sur le défaut de déclaration de la cessation des paiements dans les 45 jours :
L'article L631-4 du code de commerce dispose que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les 45 jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
Il est reproché à [M] [U] un défaut de déclaration de la cessation des paiements dans les 45 jours.
[M] [U] considère que le tribunal a commis une erreur de droit manifeste en ne caractérisant pas notamment à quel moment, il pouvait avoir connaissance de l'état de cessation des paiements de la société.
En effet, il précise n'avoir jamais été associé à la gestion de l'entreprise avant le décès de son père en août 2018 puisqu'il était simple salarié et technicien.
En septembre 2018 il a saisi immédiatement le tribunal de commerce devant les premières difficultés afin de voir désigner un mandataire ad hoc ce qui lui a été refusé. Cette demande aurait pourtant permis de faire un bilan exhaustif de la société et il conteste avoir jamais fait état d'une cessation de paiement à cette époque. Maître [I] avait d'ailleurs accepté par anticipation ce rôle de mandataire ad hoc.
Il soutient que pendant toute la période concernée la trésorerie de l'entreprise va rester positive ce qui ne lui permettaient pas d'avoir connaissance de l'ampleur des dettes. Il en veut pour preuve que le mandataire produit les liasses fiscales de 2016 et 2017 qui font état de chiffres à l'équilibre.
Selon lui c'est donc une erreur du tribunal qui a refusé de désigner un mandataire pour faire le point sur la situation financière de l'entreprise qui doit être admise et non pas sa propre responsabilité. Il a en effet découvert la situation économique de l'entreprise au gré des courriers de relance il ne saurait être tenu pour responsable de dettes qui étaient bien antérieures et dont le mandataire reconnaît que certaines avaient plus de cinq ans au moment de la liquidation. De plus si au moment du jugement de liquidation, la cessation de paiement ne faisait plus aucun doute, il apparaît que le tribunal a été incapable de dire à quel moment la cessation de paiement est intervenue alors même qu'il avait renégocié l'ensemble des dettes auprès de ses créanciers à l'automne 2018.
Il produit l'attestation de Monsieur [L] suivant laquelle : « avant la fin de l'année 2018 l'ensemble des créanciers connus ont été contacté et ont accepté la proposition faite par [M] [U]. Les remboursements des échéanciers ont alors débuté. À ce stade, aucune dette nouvelle a été créée, bien au contraire puisque des dettes anciennes étaient payées.»
En avril 2019 alors que l'administration fiscale, pourtant consultée en automne 2018, faisait état d'une nouvelle dette ancienne et d'un montant important, il choisissait de déposer le bilan, eu égard au prévisionnel de chiffre d'affaires.
L'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report.
Il est établi et non contesté que par jugement du 9 septembre 2020, le tribunal de commerce de Dax a reporté au maximum légal, c'est-à-dire au 10 janvier 2018 la date de cessation des paiements de l' EURL [Z] [U].
[M] [U] n'a pas contesté la date de cessation des paiements arrêtée au 10 janvier 2018.
Cette décision est définitive comme cela résulte des justificatifs versés aux débats, certificat de non appel et avis BODACC des 14 et 15 septembre 2020.
Désigné comme administrateur provisoire de l' EURL à compter du 6 septembre 2018, il ne pouvait ignorer cette situation très obérée.
Il résulte de l'ordonnance du 2 octobre 2018 prise par le président du tribunal de commerce de Dax et versée aux débats, la mention expresse : « lors de son audition le dirigeant nous a indiqué que la désignation d'un mandataire ad hoc est nécessaire pour la reconstitution de la comptabilité ainsi que l'établissement de l'inventaire de l'actif et du passif de la société.
Attendu cependant que la requérante indique être en cessation des paiements, que de surcroît elle indique que la mission du mandataire ad hoc ne sera d'aucune utilité pour surmonter les difficultés de la société. »
Dans le dispositif de la décision il est indiqué : «vu l'état de cessation des paiements de l'EURL [Z] [U], vu l'inutilité de la désignation d'un mandataire ad hoc. »
[M] [U] ne peut donc soutenir qu'à cette époque en octobre 2018, il n'avait aucune visibilité sur la situation financière et comptable réelle de la société et qu'il n'est pas précisé à quel moment il pouvait avoir connaissance de l'état de cessation de paiement de la société alors qu' en sa qualité de dirigeant il aurait dû déclarer cette cessation des paiements dans les 45 jours suivants le 10 janvier 2018, date retenue par jugement définitif du 9 septembre 2020.
[M] [U] a d'ailleurs présenté sa démission le 13 mai 2019 et a reconnu, dans une lettre du 30 juillet 2019, que : « tous les efforts faits n'avaient pas permis de remettre l'entreprise sur les rails. Si les dettes avaient diminué, rien n'avait suffi à retrouver une situation viable».
Le défaut de déclaration de la cessation des paiements dans les délais requis pour l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire lui est donc imputable .
Il s'agit d'une faute de gestion caractérisée et non d'une simple négligence puisque les éléments et circonstances précités démontrent que c'est en toute connaissance de cause qu'il n'a pas procédé à cette déclaration de cessation des paiements dans les délais requis.
Il ne peut prétendre que le défaut de désignation d'un mandataire ad hoc est fautif alors qu'il n'était pas en mesure lui-même d'avoir une visibilité sur la situation financière et comptable réelle de la société. En effet, le dirigeant social ne peut s'exonérer de sa responsabilité, comme comme l'a précisé la Cour de cassation, en prétextant que le mandataire ad hoc avait été nommé, cette nomination ne privant de toute façon pas le dirigeant de l'exercice de ses pouvoirs.
Sur l'aggravation du passif :
La SELARL EKIP' reproche à [M] [U], une aggravation du passif en faisant valoir que le bilan arrêté sous sa gestion le 30 septembre 2018 fait état d'un montant total de dettes de 297 467 € d'un compte courant d'associé le concernant débiteur de 21 074 €, ce qui est en soi constitutif d'une faute de gestion pénalement sanctionnée.
Le bilan établi par [M] [U] lui-même démontre donc que le passif de l'EURL a augmenté au cours de sa gestion alors même que le décès de [Z] [U] a permis de bénéficier de versements exceptionnels au titre d'une assurance homme-clé pour 183 000 €.
[M] [U] estime n'être en rien responsable de ces dettes qui étaient bien antérieures à sa prise de fonction comme en attestent les différents échéanciers qu'il a été amené à négocier dès sa prise de fonction. Ces différents échéanciers ont permis à la société de poursuivre son activité en faisant face à ses obligations financières, en rémunérant ses salariés et on s'acquittant de ses dettes. Il soutient avoir ainsi pu faire face au passif exigible avec l'actif disponible.
L'antériorité des dettes à la gestion de [M] [U] n'est pas contestée mais il lui est reproché précisément une faute de gestion consistant à la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire alors qu'il avait connaissance de l'importance des dettes de la société et que loin de parvenir à équilibrer la situation comme il le prétend, le passif s'est aggravé durant sa gestion.
S' agissant du compte-courant d'associé, débiteur de 21 074 €, les comptes arrêtés au 30 septembre 2018 font état d'un passif de 297 467 € dont ce compte courant débiteur de [M] [U]. Il ne peut se décharger de sa responsabilité au motif que c'est son père qui avait constitué ce compte-courant débiteur alors qu'il lui appartenait en tant que dirigeant de la société de le rembourser et c'est précisément ce qui lui est reproché alors qu'il a maintenu ce compte courant débiteur après l'état de cessation de paiement de l'entreprise.
Il lui est reproché d'avoir contribué à aggraver le passif en se versant frauduleusement 36 023,13 € bruts de salaires et autres primes que le conseil de prud'hommes de Dax l'a condamné à rembourser et qui ont généré un passif supplémentaire de 23 594,08 euros pour l'EURL au titre de ses charges patronales.
Il lui est aussi reproché d'avoir embauché son ami M.[B] alors que la situation de la société était compromise et en alourdissant la masse salariale.
Il a également laissé la société se faire condamner à payer à des salariés des primes de 13e mois indues ou prescrites. Il aurait ainsi ménagé les salariés attachés au fonds de commerce qu'il avait déjà entrepris de détourner.
[M] [U] ne s'explique pas sur ces différents points se contentant d'indiquer qu'il ne pouvait s'opposer à des dettes de nature salariale fondées en leur principe et qu'il cumulait deux activités au sein de la société ;il a été normalement rémunéré à ce titre sans que l'on puisse considérer que cette rémunération soit excessive.
La SELARL EKIP' démontre au contraire suffisamment que de par sa gestion il a aggravé le passif de la société en ne prenant pas les bonnes décisions ni les bonnes initiatives en ce qui concerne le paiement des salaires, l'embauche de l'un de ses amis, ou le versement de ses propres salaires dans des proportions qui n'étaient pas compatibles avec la situation déficitaire de la société.
Sur les détournements d'actifs :
[M] [U] conteste le détournement de véhicules précisant qu'il s'agit de véhicules fort anciens, à l'état d'épaves et qui nécessitaient des travaux importants.
Il considère qu'il était légitime pour lui de créer une entreprise postérieurement à la liquidation ce qui ne justifie en rien un détournement d'actif.
Il estime n'être en rien responsable de la difficulté du repreneur de fidéliser ses clients.
Le peu de valeur alléguée des véhicules, ne justifie pas le détournement à son profit de véhicules appartenant à l' EURL [Z] [U] et les attestations des acquéreurs de ces véhicules démontrent au contraire que ces véhicules conservaient une valeur marchande.
Il est également prouvé par la SELARL EKIP', par la production d'un courrier adressé au liquidateur dans le cadre de la réalisation de l'actif, que [M] [U] se serait livré à un détournement du fichier clients au sein de sa nouvelle société SCARLET ainsi qu'à un détournement d'une partie du matériel.
[M] [U] se contente de faire remarquer qu'il est des activités qui nécessitent un intuitu personae et qu'il n'est en rien responsable de la difficulté du repreneur à fidéliser ses clients.
Il ne s'explique pas davantage sur les accusations de détournement du fichier clientèle.
Le lien de causalité est établi entre ces fautes de gestion et l'insuffisance d'actifs reprochée.
En effet, ces fautes de gestion caractérisées ont contribué à l'aggravation du passif, s'agissant de l'existence d'un compte courant débiteur, du détournement d'actif et du défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements en temps utile en maintenant une situation déficitaire préjudiciable à la société .
Sur le montant de la condamnation :
L'article L651-2 al 1 du code de commerce dispose que : « le tribunal peut décider que les dettes de la personne morale sont supportées en tout ou partie par les dirigeants. »
En application du principe de proportionnalité, même si les conditions de fond de l'action en comblement de passif sont réunies il appartient aux juridictions du fond de décider souverainement de prononcer ou non la condamnation. Ce caractère facultatif est assorti de la possibilité pour le juge de moduler le montant de la condamnation.
En l'espèce,compte tenu du nombre et de la gravité des fautes commises, il y a lieu de condamner [M] [U] à payer la totalité de l'insuffisance d'actif soit la somme de 836 823,77 € en confirmation du jugement déféré.
Sur l' interdiction de gérer :
L'article L653-8 du code de commerce énonce que dans les cas prévus aux articles L653-3 à L653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l' interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale toute exploitation agricole toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
[M] [U] s'est rendu coupable de plusieurs fautes de gestion au détriment de l'entreprise dont il avait la responsabilité à la suite de son père décédé et au sein de laquelle il travaillait d'abord en qualité de salarié depuis de nombreuses années.
Il invoque la disproportion de cette sanction et la nécessité dans laquelle il se trouvera de déposer le bilan en étant totalement ruiné.
Cependant, au-delà des considérations sur son intérêt personnel, la gravité des fautes de gestion commises au détriment de l'intérêt social justifie l'interdiction de gérer prononcée par le tribunal de commerce et la durée de 10 ans qui a été décidée. La demande incidente de la SELARL EKIP', de voir porter cette durée à 15 ans sera rejetée , cette durée, correspondant à la durée maximale prévue à l'article L653-11 du code de commerce, étant disproportionnée en l'espèce.
Sur la responsabilité de [Z] [U], ancien dirigeant de l'EURL [Z] [U] :
Le directeur régional des finances publiques de nouvelle Aquitaine et de Gironde anciennement dénommé trésorier-payeur générale de la Gironde fait valoir qu'il a été nommé en qualité de curateur deux ans après le décès de [Z] [U] et qu'il lui est par conséquent impossible de défendre la gestion de l'entreprise du vivant de [Z] [U].
Il considère que le liquidateur ne démontre pas l'existence d'une faute de gestion commise par [Z] [U] de son vivant et lors de sa gestion et demande à titre principal le débouté de la SELARL EKIP', à titre subsidiaire il sollicite le cantonnement de la responsabilité de [Z] [U] aux montants imputables à l'insuffisance d'actif non déclarée dans les 45 jours de sa survenance sous la gérance de [Z] [U].
En tout état de cause il demande que le montant des condamnations prononcées à son encontre soit limité au montant de l'actif disponible de la succession de [Z] [U].
Le juge-commissaire, dans son rapport du 20 janvier 2022, relève des fautes de gestion commises par [M] [U] et note que l'état de cessation des paiements a été créé sous la gestion de [Z] [U].
Par jugement du 9 septembre 2020, le tribunal de commerce de Dax a reporté au maximum légal, c'est-à-dire au 10 janvier 2018, la date de cessation des paiements de l' EURL [Z] [U].
Ce dernier est décédé le [Date décès 7] 2018 et le 6 septembre 2018 [M] [U] a été désigné administrateur provisoire de l' EURL.
La date de cessation des paiements a été fixée alors que [Z] [U] était le dirigeant de l'entreprise et sa responsabilité dans la situation d'insuffisance d'actif de l'entreprise est donc engagée puisqu'il n'a pas déclaré l'état de cessation des paiements de l'entreprise dans les 45 jours de sa survenance.
Par ailleurs le liquidateur démontre par la déclaration de créance de la Banque COURTOIS, la déclaration de créance PROBTP et le fait que les bilans des exercices clos à partir de septembre 2016 font tous état de majorations de retard, la réalité des fautes de gestion commises par ce dirigeant sur plusieurs exercices.
Le compte-courant débiteur a été constitué par [Z] [U] alors qu'il s'agit d'une infraction pénale d'abus de bien social.
Ces éléments caractérisent des fautes de gestion commises dès 2013 par [Z] [U] ayant contribué à l'insuffisance d'actif et ces fautes n 'ont pas été rectifiées sous la gestion de [M] [U] qui a poursuivi une activité déficitaire de la société dont il a détourné une partie de l'actif au détriment des créanciers, la stratégie concordante de [Z] et [M] [U] étant à l'origine directe et exclusive de l'ensemble de l'insuffisance d'actif.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur la condamnation solidaire de [M] [U] et du curateur à payer à la SELARL EKIP es qualité, l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de l'EURL [Z] [U] estimée par le liquidateur à la somme de 836 823,77 €, sauf à préciser que la condamnation sera prononcée envers le directeur régional des finances publiques de nouvelle Aquitaine et de Gironde anciennement dénommé trésorier-payeur général de la Gironde.
Sur la demande du directeur régional des finances publiques de nouvelle Aquitaine de limiter le montant des condamnations prononcées à son encontre es qualité de curateur la succession vacante de [Z] [U], au montant de l'actif disponible de la succession de [Z] [U]:
Cette demande se fonde sur les dispositions de l'article 810-4 du Code civil suivant lesquelles : « le curateur est seul habilité à payer les créanciers de la succession. Il n' est tenu d'acquitter les dettes de la succession que jusqu'à concurrence de l'actif. »
La SELARL EKIP rappelle le caractère d'ordre public des dispositions du livre VI du code de commerce face aux règles de droit commun du Code civil qui ne permettent pas d'échapper aux mécanismes propres aux procédures collectives. Elle relève que le curateur ne justifie pas de l'impécuniosité de la succession puisqu'il reconnaît que [Z] [U] était propriétaire d'un certain nombre de biens immobiliers dont il déclare ignorer la valeur exacte, le patrimoine n'ayant fait l'objet d'aucune évaluation.
Il résulte des termes de l'ordonnance du 3 août 2020 prise par la présidente du tribunal judiciaire de Dax, que la succession de [Z] [U] a été déclarée vacante et que le trésorier-payeur général de la Gironde a été nommé en qualité de curateur de cette succession sur le fondement des articles 809-2 à 810-12 du Code civil.
Ces règles doivent donc s'appliquer et ne font pas obstacle aux règles de la procédure collective s'agissant de prononcer la condamnation solidaire du curateur ès qualité. à régler l'intégralité de l'insuffisance d'actif dans la limite toutefois de l'actif successoral.
Cette disposition a été rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 mai 1995 qui a cassé un arrêt de cour d'appel en ce qu'il avait prononcé condamnations à l'encontre du directeur général des impôts ès qualité sans les limiter au montant de l'actif successoral recueilli.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande du directeur régional des finances publiques de nouvelle Aquitaine et de Gironde de limiter le montant des condamnations prononcées à son encontre es qualité de curateur au montant de l'actif disponible de la succession de [Z] [U].
Sur la demande de mainlevée des nantissements judiciaires présenté par [M] [U] :
Compte tenu de l'importance du montant de l'insuffisance d'actif, des réserves émises par le curateur sur l'impécuniosité de la succession, il y a lieu de rejeter cette demande de mainlevée, le maintien de ces garanties s'avérant indispensable pour combler l'insuffisance d'actif.
[M] [U] et le directeur régional des finances publiques de nouvelle Aquitaine et de Gironde seront condamnés in solidum à verser une somme de 5000 € à la SELARL EKIP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture à la date du 28 février 2023.
Déclare recevable la demande d'expertise présentée par [M] [U].
Rejette la demande d'expertise présentée par [M] [U].
Rejette la demande de mainlevée des nantissement conservatoires formée par [M] [U].
Infirmant partiellement le jugement déféré :
Limite le montant des condamnations prononcées à l'encontre du directeur régional des finances publiques nouvelles Aquitaine et de Gironde es qualité de curateur à la succession vacante de [Z] [U] au montant de l'actif disponible de la succession de [Z] [U].
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions sauf à préciser que les condamnations prononcées le sont à l'encontre du Directeur régional des finances publiques de nouvelle Aquitaine et de Gironde es qualité anciennement dénommé trésorier-payeur général de la Gironde.
Rejette les autres demandes des parties.
Condamne in solidum [M] [U] et le Directeur régional des finances publiques de nouvelle Aquitaine et de Gironde es qualité à payer à la SELARL EKIP' prise en la personne de Maître [K] [I] es qualité de liquidateur de l' EURL [Z] [U], la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit [M] [U] et le Directeur régional des finances publiques de nouvelle Aquitaine et de Gironde es qualité tenus in solidum aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,