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23/03/2023 | FRANCE | N°23/00839

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 23 mars 2023, 23/00839


N°23/1104



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



ORDONNANCE DU vingt trois Mars deux mille vingt trois





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/00839 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IPJ4



Décision déférée ordonnance rendue le 21 Mars 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,
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Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, as...

N°23/1104

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ORDONNANCE DU vingt trois Mars deux mille vingt trois

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/00839 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IPJ4

Décision déférée ordonnance rendue le 21 Mars 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

Monsieur X SE DISANT [L] [Z] [H]

né le 19 Octobre 1988 à [Localité 4]

de nationalité Algérienne

Retenu au centre de rétention d'[Localité 2]

Comparant et assisté de Maître Mathieu APPAULE, avocat au barreau de Pau et de Monsieur [R], interprète assermenté en langue arabe.

INTIMES :

LE PREFET DE LA HAUTE-VIENNE, avisé, absent, qui a transmis ses observations

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 21 mars 2023 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet de la Haute-Vienne,

- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

- ordonné la prolongation de la rétention de [L] [Z] [H] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 21 mars 2023 à 16 heures 32.

Vu la déclaration d'appel motivée, formée par [L] [Z] [H], transmise par la CIMADE, reçue le 22 mars 2023 à 12 heures 01.

Vu les observations complémentaires transmises par le conseil de [L] [Z] [H], reçues le 22 mars 2023 à 20 heures 04.

Vu les observations du préfet de la Haute-Vienne, reçues le 23 mars 2023 à 08 heures 57 et communiquées par le greffe avant l'audience au conseil de [L] [Z] [H].

****

A l'appui de l'appel, pour demander l'infirmation de l'ordonnance entreprise et la mainlevée de sa rétention, [L] [Z] [H] fait valoir un unique moyen tiré d'un défaut de diligence imputable à l'autorité administrative au motif que cette dernière n'aurait pas informé le tribunal administratif de Limoges de son placement en rétention alors que pendant son incarcération, il a introduit un recours devant cette juridiction à l'encontre de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français avec refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour, qui lui a été notifié le 8 février 2023. Il soutient que son placement en rétention modifie le contentieux administratif car « d'une part c'est désormais le tribunal administratif de Pau qui est compétent et d'autre part le régime de l'urgence s'applique avec un passage à juge unique et non collégiale ».

Par ses observations écrites, le conseil de [L] [Z] [H] soutient ce même moyen en faisant en outre grief au premier juge de n'avoir pas vérifié que l'information du placement en rétention de [L] [Z] [H] avait été donnée par l'autorité préfectorale à la juridiction administrative. Il demande l'annulation de l'ordonnance entreprise et la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et en ce cas qu'il lui soit donné acte de ce qu'il renonce par avance au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Le conseil de [L] [Z] [H] a soutenu ce moyen à l'audience.

Par ses observations, le préfet de la Haute-Vienne a demandé le rejet du recours en faisant valoir d'une part qu'il avait informé la juridiction administrative de Limoges de la levée d'écrou de [L] [Z] [H] conformément aux dispositions de l'article L614-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part que le 22 mars 2023, il a informé cette même juridiction du placement en rétention administrative de [L] [Z] [H].

[L] [Z] [H] a été entendu en ses déclarations selon lesquelles il parle couramment le français, le lit et l'écrit et qu'il a signalé à la permanente de la CIMADE qu'il n'avait pas besoin d'interprète, ce à quoi elle a répondu que cela n'était pas grave et qu'elle demandait tout de même un interprète pour l'assister. Il a précisé qu'il était convoqué devant le tribunal administratif de Limoges fin mars, à une date qu'il ne connaissait pas mais qu'il avait remis tous les documents utiles à la CIMADE. Il a ajouté qu'il disposait d'une possibilité d'hébergement chez un frère à [Localité 3].

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond, l'examen de la procédure et des pièces communiquées par les parties fait apparaître les éléments suivants quant à la situation de ce retenu.

[L] [Z] [H], ressortissant algérien né le 19 octobre 1988 à [Localité 4], qui déclare être arrivé en France depuis 2009, a été condamné depuis, à de multiples reprises et sous des identités différentes, en se prétendant de nationalité tunisienne. C'est en 2020 que le Consulat d'Algérie à [Localité 1] auquel il avait été demandé la délivrance d'un laissez-passer consulaire à l'identité de [O] [M] a fait connaître au préfet de la Haute-Vienne sa véritable identité.

Le 21 avril 2021, il a fait l'objet d'un premier arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pendant trois ans, mesure qu'il n'a pas respectée.

Le 15 octobre 2021, il a sollicité auprès de la préfecture de la Haute-Vienne la délivrance d'un certificat de résidence algérien en tant que parent d'un enfant français, prénommé [V], né le 7 décembre 2021 à [Localité 3], dont la mère est [U] [K], enfant qu'il a reconnu par anticipation le 25 juin 2021.

Le 1er septembre 2022, [L] [Z] [H] a été placé en détention dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate, puis condamné le 6 octobre 2022 par le tribunal correctionnel de Limoges à six mois d'emprisonnement avec maintien en détention pour violences suivies d'incapacité d'excédant pas huit jours par concubin, commises au préjudice de la mère de son enfant. Une peine de quatre mois d'emprisonnement, antérieurement prononcée à son encontre, a également été ramenée à exécution.

Le 3 février 2023, après avoir recueilli l'avis de la commission de séjour sur l'attribution d'un titre de séjour à [L] [Z] [H], lequel avis a été défavorable, le préfet de la Haute-Vienne a pris un arrêté rejetant la demande de titre de séjour présentée par [L] [Z] [H], lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai avec fixation du pays de renvoi et prolongation de deux ans de la précédente interdiction de retour. Cet arrêté a été notifié à l'intéressé le 8 février 2023

A sa levée d'écrou intervenue le 18 mars 2023, [L] [Z] [H] a été placé en rétention administrative au centre d'[Localité 2] par arrêté du même jour et c'est cette mesure qui a été prolongée pour vingt-huit jours par l'ordonnance entreprise.

***

Il convient de rappeler que la rétention administrative étant une mesure privative de liberté, il appartient au juge judiciaire, en tant que gardien des libertés individuelles, de s'assurer du caractère suffisant des diligences de l'administration, à défaut de quoi, la mainlevée de la mesure doit être ordonnée.

Il résulte de l'article L 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet dès le placement en rétention.

Il est constant que constitue une telle diligence la notification par l'administration de l'arrêté de placement en rétention au tribunal administratif saisi d'un recours contre une décision d'éloignement, cette notification faisant courir le délai dont cette juridiction dispose pour statuer.

L'article L. 614-9 du CESEDA, relatif à l'obligation de quitter le territoire français et à la procédure applicable en cas de placement en rétention de l'étranger, dispose que le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction, statue au plus tard quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours. Dans le cas où la décision d'assignation à résidence ou de placement en rétention intervient en cours d'instance, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue dans un délai de cent quarante-quatre heures à compter de la notification de cette décision par l'autorité administrative au tribunal.

En application de l'article R. 776-21 du code de justice administrative, lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence après avoir introduit un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné statue dans le délai de cent quarante-quatre heures prévu au second alinéa du même article L. 614-9. Ce délai court à compter de la transmission par le préfet au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence.

En l'espèce, il convient en premier lieu de relever qu'aucun justificatif n'est produit par l'appelant et son conseil quant à la réalité du recours qu'il dit avoir exercé contre l'arrêté préfectoral du 3 février 2023, ni quant aux suites qui y ont été données, ni quant à la date d'audience fixée devant la juridiction administrative.

Les seuls éléments d'information figurant à la procédure concernant ce recours ont été fournis par l'autorité administrative et ne sont pas contredits. Il convient donc de s'y référer pour retenir que [L] [Z] [H] a saisi le tribunal administratif de Limoges d'un recours contre l'arrêté du 3 février 2023 et que l'audience devant cette juridiction est prévue ce jour, 23 mars 2023.

Ainsi que le fait valoir le préfet de la Haute-Vienne, il doit être observé que ce dernier a respecté les dispositions de l'article L614-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il a informé dès le 17 mars 2023 le tribunal administratif de Limoges de la levée d'écrou anticipée de [L] [Z] [H], prévue pour le lendemain.

En cause d'appel, le préfet produit un document établissant qu'il a informé le tribunal administratif de Limoges du placement en rétention administrative de [L] [Z] [H]. Cette information a été délivrée le 22 mars à 16 heures 49, soit postérieurement à l'audience devant le premier juge. Elle doit être considérée comme tardive pour avoir été réalisée quatre jours après le placement en rétention administrative de [L] [Z] [H].

Toutefois, il doit être retenu que l'audience devant le tribunal administratif était d'ores et déjà prévue pour le 23 mars 2023. Or, dans l'hypothèse où dès le 18 mars 2023, jour du placement en rétention de [L] [Z] [H], le préfet aurait avisé le tribunal administratif de cette situation, le délai de 144 heures prévu aux articles L614-9 et R776-21 aurait expiré le 24 mars 2023. Ainsi aucun retard effectif dans l'examen du recours de [L] [Z] [H] devant la juridiction administrative ne peut être imputé à l'autorité préfectorale et le délai mis pour informer ladite juridiction du placement en rétention de l'appelant ne peut être considéré comme un défaut de diligences ayant entraîné un allongement de la durée de la rétention.

En outre et contrairement à ce que soutient le conseil de [L] [Z] [H] dans ses écritures, le premier juge n'a pas indiqué dans sa décision qu'il appartenait à l'étranger d'aviser lui-même le tribunal administratif. Il s'agit d'une critique totalement dénuée de pertinence, le juge des libertés et de la détention ayant uniquement indiqué que l'étranger « peut lui-même aviser le tribunal administratif de son placement en rétention afin que cette juridiction statue selon le délai prescrit s'il s'avérait que la préfecture requérante n'aurait pas encore transmis sa décision de placement en rétention à la juridiction administrative ».

Par ailleurs, il résulte des pièces de la procédure que l'autorité préfectorale a saisi les autorités consulaires algériennes dès le 18 mars 2023 aux fins de délivrance d'un laissez-passer consulaire et qu'elle est toujours dans l'attente d'une réponse. Ainsi, la juridiction administrative aura nécessairement statué avant que la mesure d'éloignement puisse être mise à exécution, de sorte que, là encore, l'information tardive du tribunal administratif par le préfet n'a pas affecté la durée du maintien en rétention.

Il y a donc lieu de considérer que les diligences accomplies en vue de la mise en 'uvre de la mesure d'éloignement sont suffisantes en l'espèce. Dès lors, le moyen soulevé est infondé et doit être rejeté.

Par ailleurs, [L] [Z] [H], qui ne justifie d'aucune garantie effective de représentation et qui s'est déjà soustrait à une précédente mesure d'éloignement, ne remplit pas les conditions d'une assignation à résidence, telles que fixées par l'article L.743-13, en ce sens qu'il n'a pas préalablement remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité et tous documents justificatifs de son identité.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

Enfin, s'agissant de la demande présentée par le conseil de [L] [Z] [H] au titre des frais irrépétibles, outre que l'article 761-1 du code de la justice administrative est inapplicable devant le juge judiciaire, il convient de la rejeter, puisque la décision entreprise a été confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons recevable l'appel en la forme.

Confirmons l'ordonnance entreprise.

Rejetons la demande de [L] [Z] [H] fondée sur les dispositions des articles 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Haute-Vienne.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le vingt trois Mars deux mille vingt trois à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUS Cécile SIMON-ROUX

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 23 Mars 2023

Monsieur X SE DISANT [L] [Z] [H], par mail au centre de rétention d'[Localité 2]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Mathieu APPAULE, par mail,

Monsieur le Préfet de la Haute-Vienne, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 23/00839
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;23.00839 ?
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