SF/CD
Numéro 23/01048
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 21/03/2023
Dossier : N° RG 21/01712 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H4BE
Nature affaire :
Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de dommages
Affaire :
SA GAN ASSURANCES
C/
SA SMA,
Société SEMI DE TARBES,
SCI JOB
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 06 Février 2023, devant :
Madame de FRAMOND, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,
en présence de Madame DOLET, greffière stagiaire,
Madame de FRAMOND, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Madame de FRAMOND, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SA GAN ASSURANCES
prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée et assistée de Maître GIRAL de la SELARL BAQUÉ-GIRAL, avocat au barreau de TARBES
INTIMEES :
SA SMA
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Localité 5]
Société SEMI DE TARBES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentées par Maître POTHIN-CORNU, avocat au barreau de PAU
Assistées de Maître LANÉELLE de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE
SCI JOB
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître LIGNEY de la SELARL DUALE - LIGNEY - BOURDALLE, avocat au barreau de PAU
Assistée de Maître CLARAC (venant aux droits de Maître CABIRAN-MARTY), avocat au barreau de TOULOUSE
sur appel de la décision
en date du 06 AVRIL 2021
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TARBES
RG numéro : 18/00422
EXPOSE DU LITIGE
La SCI JOB est propriétaire d'un bâtiment situé [Adresse 1], acquis le 21 juillet 2012 pour un prix de 40 000 € et destiné à la création de 10 appartements locatifs.
Cet immeuble est assuré auprès de la compagnie GAN, selon un contrat d'assurance multirisques souscrit le 28 août 2012 en qualité de propriétaire non occupant.
La société d'économie mixte de Tarbes (ci-après dénommée SEMI de Tarbes) est propriétaire non occupante d'un immeuble mitoyen au bâtiment désigné ci-dessus et qui est assuré auprès de la SA SMA.
Le 7 mars 2017 un incendie a en grande partie détruit l'immeuble appartenant à la SCI JOB et s'est propagé à la couverture de l'immeuble appartenant à la SEMI.
Une expertise amiable effectuée par le Cabinet POLYEXPERT au contradictoire de l'ensemble des parties a été diligentée afin de connaître la cause de l'incendie et de chiffrer le montant des dommages.
Se heurtant à un refus de garantie de son assureur, la SCI JOB a assigné, par acte du 26 février 2018, la compagnie GAN devant le tribunal de grande instance de Tarbes, afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.
La SMA, après avoir indemnisé la SEMI, s'est vue également opposer par le GAN un refus à son recours, si bien que la SMA et la SEMI sont intervenues volontairement à la procédure, selon conclusions notifiées par RPVA le 12 décembre 2018.
Sur incident diligenté par la SCI JOB, le juge de la mise en état a, par ordonnance rendue le 24 juin 2020, autorisé la SCI JOB à procéder aux travaux de démolition de l'immeuble lui appartenant, avec l'obligation (pour un éventuel complément ou contre-expertise ultérieure) de conserver après dépose les poutres et autres parties de la construction sur lesquels l'expert a retrouvé les traces du point de départ de l'incendie qui se trouve au 1er étage, en bout du bâtiment principal, côté nord.
Par jugement du 6 avril 2021, le tribunal judiciaire de Tarbes, a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la Société d'Économie Mixte de Tarbes et de son assureur la SA SMA ;
- débouté la compagnie d'assurances GAN de l'ensemble de ses demandes ;
- dit que le GAN doit garantir le sinistre subi par la SCI JOB ;
- débouté la Société d'Économie Mixte de Tarbes et son assureur la SA SMA de l'ensemble de leurs demandes ;
et avant dire droit sur l'indemnisation de la SCI JOB :
- ordonné une expertise judiciaire ;
- désigné pour y procéder M. [C] [F] avec pour mission de :
* convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leurs conseils éventuels par lettre simple,
* se faire remettre les contrats d'assurance, l'ensemble des rapports d'expertise amiable, et plus généralement tout document utile au litige et recueillir les explications des parties et de leur conseil sur les difficultés soulevées,
* déterminer la valeur vénale de l'immeuble situé [Adresse 1] appartenant à la SCI JOB,
* déterminer pour ce même immeuble la valeur de reconstruction à neuf, vétusté déduite,
* donner tous éléments techniques et de fait de nature à permettre au tribunal de statuer sur l'évaluation et l'indemnisation du préjudice subi par la SCI JOB,
* plus généralement, de donner au tribunal tous éléments utiles à la solution du litige ;
- dit que l'expert devra s'expliquer techniquement dans le cadre des chefs de mission sur les dires et observations des parties qu'il aura recueillies après leur avoir indiqué à quel point il en est arrivé dans ses investigations, en faisant précéder ses conclusions de la diffusion d'un pré-rapport ;
- dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 à 283 du code de procédure civile, qu'il pourra entendre toutes personnes, qu'il aura la faculté de s'adjoindre tous spécialistes de son choix dans une spécialité différente de la sienne, charge de joindre leur avis au rapport ;
- dit que le GAN devra consigner la somme de 1 500 € à valoir sur les frais d'expertise à la régie d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Tarbes dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement ;
- dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;
- dit que l'expert fera connaître sans délai son acceptation, qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime, il sera pourvu aussitôt à son remplacement d'office ou sur simple requête de la partie la plus diligenté, par ordonnance du magistrat chargé du contrôle des expertises ;
- donné délégation au magistrat chargé du contrôle des expertises pour en suivre les opérations et statuer sur tous incidents ;
- dit que l'expert sera saisi par un avis de consignation et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original du rapport définitif en double exemplaire au greffe dans un délai de quatre mois à compter de la date figurant sur l'avis de consignation de la provision, sauf prorogation demandée au juge chargé du contrôle des expertises ;
- rappelé que l'article 173 du code de procédure civile fait obligation à l'expert d'adresser copie du rapport à chacune des parties, ou pour elles à leur avocat ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- sursit à statuer sur les autres demandes.
Dans sa motivation, le tribunal considère que la SA SMA et la SA SEMI de Tarbes ont intérêt à agir, dès lors que l'incendie ayant détruit l'immeuble de la SCI JOB s'est propagé à l'immeuble de la SA SEMI de Tarbes. Il retient que pour qu'un assuré encoure les sanctions édictées par les articles L. 113-8 et L.113-9 du code des assurances (nullité ou réduction proportionnelle de l'indemnité), il faut apprécier le caractère inexact des déclarations effectuées en fonction des questions claires et précises posées par l'assureur.
Or, en l'espèce, l'assureur ne produit aucun questionnaire préalable, portant en particulier sur la surface à assurer, la durée des travaux ou encore les conditions d'occupation du bien. L'évaluation amiable des dommages ne s'étant pas déroulée au contradictoire du GAN qui refusait sa garantie, et l'indemnisation réclamée par la SCI JOB, contestée par le GAN se fondant sur le seul rapport de son expert, le cabinet EXAA, le tribunal ordonne une expertise judiciaire afin de déterminer tant la valeur de reconstruction déduction faite de la vétusté, que la valeur vénale du bien.
Sur le recours de la SA SMA et la SA SEMI de Tarbes, le tribunal retient que même en admettant une négligence de la SCI JOB, favorisant la présence de squatteurs, il n'est pas établi que cette présence est à l'origine de l'incendie et de sa propagation à l'immeuble voisin, et la responsabilité de la SCI JOB ne peut donc être engagée sur le fondement de l'article 1242 alinéa 2 du code civil envers la SA SEMI de Tarbes et la SA SMA.
La SA GAN ASSURANCES a relevé appel par déclaration du 21 mai 2021 enrôlé sous le numéro 21/01712.
La SA SEMI de Tarbes et la SA SMA ont également relevé appel du jugement par déclaration du 1er juin 2021 enregistré sous le numéro 21/01825, critiquant le jugement en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes contre la SCI JOB et la SA GAN ASSURANCES.
Par ordonnance du 6 décembre 2021, cette dernière procédure a été jointe à l'appel initié par la SA GAN ASSURANCES, sous le numéro 21/01712.
Dans ses dernières conclusions notifiées à la SCI JOB le 2 août 2021, et dans des conclusions notifiées le 29 novembre 2021 à la SA SEMI de Tarbes et la SA SMA avant la jonction des procédures d'appel, la SA GAN ASSURANCES, appelante, demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a débouté la Société d'Économie Mixte de TARBES et son assureur la SA SMA de l'ensemble de leurs demandes ;
- réformer le Jugement dont appel en ce qu'il a débouté la Compagnie GAN de l'ensemble de ses demandes et dit que le GAN devait garantir le sinistre subi par la SCI JOB.
En conséquence, et statuant à nouveau :
- prononcer la nullité du contrat en date du 28 août 2012 ;
- dire et juger que les primes d'assurances versées, resteront acquises à la compagnie GAN à titre de dommages et intérêts ;
- dire et juger sans objet l'expertise judiciaire ordonnée avant dire droit par le premier juge ;
- infirmer dès lors le jugement en ce qu'il avait ordonné cette mesure d'instruction ;
- condamner la SCI JOB au remboursement des frais d'expertise avancés par la compagnie GAN au seul bénéfice de l'exécution provisoire ;
A titre subsidiaire :
- constater qu'il y a lieu de réduire dans la proportion de 100 % le montant de l'indemnité due ;
En tout état de cause :
- débouter la SCI JOB de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la SCI JOB à garantir la compagnie GAN des éventuelles condamnations prononcées à son encontre envers la SA SEMI de Tarbes et la SA SMA ;
- condamner la SCI JOB, la SA SEMI de Tarbes et la SA SMA in solidum au versement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.
Au soutien de ses prétentions, la SA GAN ASSURANCES fait valoir principalement, sur le fondement des articles L 113-8 et L 113-9 du code des assurances, que la SCI JOB a, de mauvaise foi, manqué à ses obligations contractuelles, en omettant volontairement de renseigner son assureur sur l'état du bien et sur son occupation, le contrat souscrit le 28 août 2012 ne couvrait le risque augmenté par la présence de travaux de réfection que dans une durée limitée à une année, alors que ceux-ci n'avaient toujours pas commencé 5 années après la souscription du contrat, conduisant à la dégradation de l'immeuble, et en outre il était squatté au moment de l'incendie, alors qu'il incombe au souscripteur de déclarer à son assureur par lettre recommandée avec accusé réception toutes circonstances nouvelles pouvant aggraver les risques ou en créer de nouveaux, et rendant de ce fait inexactes et caduques les réponses faites à la souscription du contrat.
La SA GAN ASSURANCES fait valoir qu'elle n'avait pas nécessairement à formaliser par écrit la collecte d'information sur l'immeuble avant la signature du contrat dès lors que l'assuré en signe ensuite les conditions particulières.
Subsidiairement, elle demande la réduction de l'indemnité, mais au regard des fautes de son assurée dans ses déclarations (superficie assurée, état du bien, délai pour les travaux, occupation par des squatteurs) cette réduction doit être de 100 % car elle aurait pu résilier le contrat si les informations avaient été données.
Elle s'oppose aux demandes de la SA SEMI de Tarbes et la SA SMA faute de fondement à leur demande, et en toutes hypothèses, la SCI JOB doit la garantir au regard de ses fautes justifiant d'annuler le contrat d'assurance ou de réduire son indemnisation.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 31 août 2021, la SA SEMI de Tarbes et la SA SMA, appelantes, demandent à la cour de :
- infirmer partiellement le jugement du tribunal de Tarbes en ce qu'il a rejeté les demandes de la SEMI de Tarbes, et de son assureur, la SMA ;
- déclarer la SCI JOB responsable de la survenance de l'incendie au titre de ses agissements et négligences fautifs ;
- condamner in solidum la SCI JOB et le GAN assurances à régler :
* 31 923,20 € à la SMA SA, au titre de l'indemnité immédiate réglée,
* 500 € à la SEMI de Tarbes, au titre de sa franchise contractuelle ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de leurs prétentions la SA SEMI de Tarbes et la SA SMA font valoir principalement, sur le fondement de l'article 1242 alinéa-2 du code civil que la SCI JOB s'est rendue coupable de négligence, constitutive d'une faute, ayant contribué, de façon certaine, à la survenance de l'incendie.
La gestion et la surveillance de l'immeuble à l'origine du départ de feu étaient, en effet, particulièrement négligées depuis de nombreuses années, ce qui a notamment permis l'instauration d'un squat dont avait connaissance la SCI JOB en décembre 2016. Elle ne démontre pas ses diligences pour faire cesser ce trouble, et le jour de l'incendie, les voisins ont confirmé la présence d'individus non autorisés dans ledit immeuble, contredisant ainsi les assertions de la SCI JOB.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 décembre 2022, la SCI JOB intimée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tarbes le 6 avril 2021 en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
- débouter la compagnie GAN de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la compagnie d'assurances GAN à garantir le sinistre subi par la SCI JOB le 6 mars 2017 ;
- débouter la SEMI de Tarbes et la compagnie SMA de l'ensemble de leurs demandes ;
Subsidiairement :
- dire et juger que la compagnie GAN devra garantir intégralement la SCI JOB de toute condamnation de quelque nature que ce soit (dommages et intérêts, frais et intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens) et ce conformément aux dispositions du contrat d'assurance ;
En tout état de cause,
Condamner in solidum la compagnie GAN, la compagnie SA SMA et la SEMI de Tarbes à payer à la SCI JOB la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire.
Au soutien de ses prétentions la SCI JOB fait valoir principalement, sur le fondement des articles L113-1, L113-8 et L113-9 du code des assurances ainsi que 1240 alinéa 2 du code civil, que :
- le fait que l'immeuble n'ait pas été occupé ne peut constituer une non garantie, puisque c'est prévu dans les clauses contractuelles ; de même que le retard des travaux ne figure pas dans les motifs d'incidence sur la garantie souscrite ; il n'existe pas plus dans le contrat de clause particulière permettant à la compagnie d'assurances GAN de refuser sa garantie au motif que l'immeuble serait squatté ;
- c'est pour des raisons purement financières et eu égard à la mauvaise conjoncture économique des années 2013, 2014, 2015, que la SCI JOB avait mis en attente ce projet, mais les démarches administratives avaient été effectuées ;
- la SCI JOB conteste toute mauvaise foi, elle n'était tenue de déclarer que les circonstances nouvelles et qui modifiaient le risque pour la SA GAN ASSURANCES, à charge pour celle-ci de démontrer cette incidence, or, les travaux étaient prévus dès le départ, leur report ne change rien au risque envisagé, et la SCI JOB est intervenue en 2016 lors de la découverte du squat pour remettre un cadenas condamnant l'accès aux locaux ;
- la Cour doit relever à tout le moins que l'inexactitude de la déclaration à la souscription ou en cours de contrat doit procéder d'une réponse personnellement donnée par l'assuré à une question précise posée par l'assureur, or aucun formulaire n'a été versé aux débats par l'assureur permettant de vérifier les questions posées, en particulier sur la présence de squatteurs ;
- sur la demande subsidiaire de la SA GAN ASSURANCES, rien ne permet à ce jour de déterminer le montant des primes qui auraient été demandées par l'assureur, la sanction de la réduction proportionnelle de primes ne saurait être de 100 % et aboutir à une absence totale d'indemnité, et cette règle doit donc être écartée ;
- sur sa demande d'indemnisation, la SCI JOB a toujours été confrontée à la ferme position de refus de garantie de la Compagnie GAN. Elle ne remet pas en cause la nécessité d'une expertise judiciaire, l'expertise amiable ayant été contestée par la SA GAN ASSURANCES et celle-ci, dans le cadre de l'exécution provisoire, est en cours ;
- sur les demandes de la SA SEMI de Tarbes et la SA SMA, la SCI JOB conclut au rejet dès lors que le lien de causalité entre leurs dommages et l'incendie, dont la cause est restée indéterminée, n'est pas démontré, le fait que l'immeuble ait été squatté est manifestement insuffisant à emporter la condamnation de la SCI JOB et de son assureur, d'autant que les traces de squat, ont été relevées dans une autre partie du bâtiment que celui où le feu a pris, le bien ne disposait ni d'eau ni d'électricité et ne présentait aucune dangerosité particulière, la SCI JOB est intervenue rapidement dès qu'elle a eu connaissance du squat en décembre 2016 ;
- en aucun cas, la SCI JOB ne saurait être condamnée à relever et garantir indemne la Compagnie GAN des éventuelles condamnations prononcées à son encontre à l'égard de la société SEMI de Tarbes assurée auprès de SMA, en l'absence de toute faute démontrée de sa part. Au contraire, c'est elle qui devrait être garantie par la SA GAN ASSURANCES en vertu du contrat souscrit.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'indemnisation de la SCI JOB contre la SA GAN ASSURANCES :
Sur la nullité du contrat d'assurance :
Selon l'article L 113-2 2° du code des assurances, l'assuré est obligé de répondre exactement aux questions précises posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel celui-ci l'interroge, lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à lui faire apprécier les risques qu'il prend en charge ;
Aux termes de l'article L113-8 du code des assurances, indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.
Il résulte des articles L 112-3 alinéa 4 et L 113-8 du code des assurances que l'assuré n'est pas tenu de déclarer spontanément les éléments utiles à l'appréciation du risque couvert mais qu'il lui incombe seulement de répondre avec exactitude aux questions préalablement posées par l'assureur, et que celui-ci ne peut se prévaloir de la réticence ou de la fausse déclaration intentionnelle de l'assuré que si celles-ci procèdent des réponses qu'il a apportées aux dites questions.
Il ressort de l'avenant au contrat d'assurance n° 121499696 souscrit par la SCI JOB auprès de la SA GAN ASSURANCES à effet du 29 août 2012 que l'immeuble de celle-ci situé au [Adresse 1] qu'elle venait d'acquérir le 21 juillet 2012 était assuré contre l'incendie et que cet immeuble, selon les déclarations faites par l'assurée et mentionnées dans l'avenant :
- n'avait subi aucun sinistre au cours des 36 derniers mois,
- n'était pas classé aux monuments historiques,
- avait une surface entre 751 et 1000 m²,
- que les locaux étaient à usage exclusif d'habitation,
- qu'il était pris acte que l'immeuble était en travaux d'aménagements intérieurs pour une durée d'un an et à futur usage d'immeuble collectif divisé en 10 appartements,
- que les biens assurés n'avaient pas fait l'objet d'une résiliation par le précédent assureur dans les 24 derniers mois,
- qu'il n'était pas destiné à des activités industrielles, discothèque, bar, etc,
- n'est pas un château ou assimilé,
- que les biens assurés ne sont pas totalement inoccupés à la souscription du contrat.
Il n'est toutefois pas produit de formulaire de déclaration préalable du risque dans lequel figurerait des questions précises qui auraient donné lieu aux réponses transcrites dans l'avenant mais la preuve de l'existence de questions peut toutefois résulter des affirmations figurant dans le formulaire de déclaration du risque, lorsque les déclarations consignées sont suffisamment précises et individualisées pour induire l'existence d'une question précise posée par l'assureur lors de la souscription du contrat.
Si toutes les déclarations rapportées ci-dessus ne peuvent résulter que de questions au moins verbales effectivement posées sur l'immeuble assuré, l'indication par la SA GAN ASSURANCES qu'elle prend acte de ce que le risque (l'immeuble) est en travaux d'aménagements intérieurs pour une durée d'un an et à futur usage d'immeuble collectif divisé en 10 appartements, ne révèle aucune question précise et préalable sur ce point, mais apparaît comme une simple information notée suite à une déclaration spontanée du souscripteur.
Le fait que les travaux n'ont finalement pas été engagés avant l'incendie survenu 4 ans plus tard ne rend pas mensonger la déclaration faite par la SCI JOB, la nullité n'étant encourue qu'en cas de fausses déclarations intentionnelles.
A l'instar du 1er juge, la Cour considère qu'il ne peut donc, sur le fondement des textes susvisés, être prononcé l'annulation du contrat d'assurance souscrit par la SCI JOB pour fausse déclaration intentionnelle, non démontrée en l'espèce.
Sur la réduction de l'indemnisation :
Selon l'article L113-2 3° l'assuré est obligé de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l'assureur, notamment dans le formulaire mentionné au L113-3-2 2°.
L'assuré doit, par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, déclarer ces circonstances à l'assureur dans un délai de quinze jours à partir du moment où il en a eu connaissance ;
Selon l'article L113-9 du code des assurances, l'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance.[...]
Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés.
La jurisprudence constante exige cependant, comme pour la souscription initiale, que le risque aggravé par la circonstance nouvelle dont l'absence de déclaration fait encourir une réduction de l'indemnisation, corresponde à une réponse de l'assuré à une question posée par l'assureur lors de la souscription du contrat.
Comme il a été vu plus haut, le report des travaux d'aménagement de l'immeuble pendant plus de 4 ans ne constitue pas une circonstance d'aggravation du risque à déclarer dès lors que la SA GAN ASSURANCES n'en faisait pas, lors de la souscription, un élément d'appréciation du risque objet d'une question spécifique.
Par contre, si la SCI JOB avait bien déclaré en 2012 être propriétaire non occupante des lieux, elle avait également déclaré que l'immeuble n'était pas totalement inoccupé au jour de la souscription ce qui ne pouvait résulter que d'une demande précise de l'assureur sur les conditions d'occupation de l'immeuble.
Cependant, les travaux n'ayant pas été engagés, et au regard de l'état de vétusté de l'immeuble, celui-ci était devenu inhabitable comme l'a constaté POLYEXPERT, et du fait de l'absence de surveillance de l'immeuble, a pu être investi illégalement par des squatteurs dont il est connu qu'ils constituent un risque notamment d'incendie dans des immeubles où il n'y a ni eau ni électricité, et où ils sont par conséquent susceptibles de faire de feu pour s'y réchauffer et éclairer.
En omettant de déclarer en décembre 2016 que du fait de l'absence de réalisation des travaux d'aménagement initialement prévus, l'immeuble restait totalement inoccupé ce qui le rendait vulnérable à l'occupation illicite par des squatteurs, celle-ci n'a pas permis à son assureur de mesurer l'aggravation des risques pour l'immeuble assuré et d'en tirer les conséquences sur les primes d'assurance à appliquer, sans que cette omission ne relève d'une mauvaise foi de la SCI JOB (la présence de squatteurs n'ayant été découverte que moins de 3 mois avant l'incendie).
Il s'ensuit que la demande de réduction de l'indemnisation par la SA GAN ASSURANCES doit être accueillie, mais il n'est pas démontré que la SA GAN ASSURANCES aurait résilié le contrat d'assurance souscrit, dès lors que les travaux de réhabilitation étaient en cours fin 2016 et que des mesures plus efficaces que le changement d'un simple cadenas pouvaient empêcher l'occupation illicite des locaux. Une réduction de 50 % de l'indemnisation due à la SCI JOB en vertu de son contrat d'assurance sera donc appliquée, et la SA GAN ASSURANCES sera donc condamnée à indemniser la SCI JOB à hauteur de 50 % du préjudice subi par elle, évalué selon les conditions du contrat d'assurance souscrit.
Sur la mesure d'expertise ordonnée par le 1er juge :
Dès lors que le préjudice de la SCI JOB n'a pas été évalué par une expertise au contradictoire de la SA GAN ASSURANCES, assureur de celle-ci, l'organisation d'une expertise judiciaire doit être confirmée ainsi que la mission, non contestée.
Sur la demande d'indemnisation de la SA SMA et la SEMI de Tarbes contre la SCI JOB
En application de l'article 1242 alinéa 2 du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
La responsabilité de la SCI JOB ne peut être engagée que s'il est rapporté la preuve d'une faute de celle-ci et d'un lien de causalité entre cette faute et l'incendie ayant provoqué le dommage subi par la SA SMA et la SEMI de Tarbes.
Selon le cabinet POLYEXPERT, au vu des traces laissées sur les lieux, l'incendie a été vraisemblablement causé par des squatteurs dont les affaires ont été retrouvées au 1er étage de l'immeuble où s'est déclaré l'incendie, et qui avaient été repérés par le voisinage ainsi que la presse l'a rapporté lors de l'incendie.
Le rapport du cabinet TEXA mandaté par la SA SMA et la SEMI de Tarbes sur la propagation de l'incendie à l'immeuble de celle-ci précise que le feu a pris au 1er étage selon les pompiers mais dans la partie nord du bâtiment, inaccessible avant l'incendie car sans escalier d'accès, si ce n'est par un jet de bouteille incendiaire, et que les affaires des squatteurs ont été trouvées dans la partie sud (rez-de-chaussée et étage) de l'immeuble.
Toutefois, il résulte aussi du procès-verbal du 13 mars 2017 par lequel le gérant de la SCI JOB a porté plainte pour l'incendie ayant ravagé son immeuble qu'il avait découvert un squatteur en décembre 2016, l'avait chassé et avait changé le cadenas de la porte d'accès (et ce à deux reprises). L'auteur de l'incendie n'a pas pu être identifié et la plainte a été classée sans suite le 16 juin 2017.
Il ne ressort pas de ces éléments la preuve d'une faute personnelle de la SCI JOB ou de personnes dont elle est responsable qui serait à l'origine de l'incendie dont la cause et l'imputabilité reste inconnue, et la demande de la SA SMA et la SEMI de Tarbes doit être rejetée, et le jugement confirmé de ce chef.
Les demandes de garantie subsidiaires de la SA GAN ASSURANCES et de la SCI JOB deviennent donc sont sans objet.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions y compris sur la mesure d'expertise, excepté sur la réduction de l'indemnisation de la SCI JOB les dépens et l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant réservés compte tenu de la mesure d'expertise en cours.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 6 avril 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de réduction de l'indemnisation due à la SCI JOB par la SA GAN ASSURANCES en vertu de son contrat d'assurance.
Confirme pour le surplus notamment en ce qu'il a réservé les dépens et les indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Limite l'indemnisation de la SCI JOB par la SA GAN ASSURANCES à 50 % des sommes qui lui sont dues en application de la garantie souscrite au titre de l'incendie de son immeuble situé [Adresse 1].
Condamne la SA GAN ASSURANCES aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE