La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2023 | FRANCE | N°21/01644

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 21 mars 2023, 21/01644


JG/ND



Numéro 23/1067





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRET DU 21/03/2023







Dossier : N° RG 21/01644 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H32Z





Nature affaire :



Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité















Affaire :



S.A.S. FRUEHAUF





C/



S.A.S. TRANSPORTS RENE LAPORTE ET FILS


>

























Grosse délivrée le :

à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R E T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement...

JG/ND

Numéro 23/1067

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 21/03/2023

Dossier : N° RG 21/01644 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H32Z

Nature affaire :

Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité

Affaire :

S.A.S. FRUEHAUF

C/

S.A.S. TRANSPORTS RENE LAPORTE ET FILS

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 10 Janvier 2023, devant :

Madame Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame SAYOUS, Greffière présente à l'appel des causes,

Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. FRUEHAUF

immatriculée au RCS d'Auxerre sous le n° 693 650 194, représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean Michel ESCUDE QUILLET, avocat au barreau de PAU

Assistée de me Gérard LEGRAND (SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY), avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

S.A.S. TRANSPORTS RENE LAPORTE ET FILS

immatriculée au RCS de Pau sous le n° 389 941 683, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane SUISSA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 06 AVRIL 2021

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU

Exposé des faits et du litige :

La société par actions simplifiée Transports René Laporte et fils (ci dessous Transports Laporte) a pour activité le transport routier de fret interurbain.

La société par actions simplifiée Fruehauf a pour activité l'assemblage de semi-remorques en vue de leur vente.

Selon factures des 22 et 30 avril 2008, des 5, 14 et 16 mai 2008, des 23 mars, 2, 3, 7, 16 et 27 avril 2009, la société Transports Laporte a fait l'acquisition auprès de la société Fruehauf de vingt semi-remorques équipées de systèmes électroniques de freinage Haldex (fournis par la société Haldex Europe) et d'essieux Saf Dynamic (fournis par SAF Holland France).

Par acte d'huissier du 31 juillet 2015, la société Transports Laporte a assigné, en référé, la société Fruehauf devant le tribunal de grande instance de Pau aux fins d'expertise de ces semi-remorques affirmant avoir constaté une usure anormale et prématurée des consommables de freinage (moyeux, disques, étriers et plaquettes) et déplorer 12 pannes successives, intervenues entre 2012 et 2017, en raison d'une surchauffe excessive du circuit de freinage entraînant la rupture des roulements d'essieux et provoquant l'éclatement des pneus sous l'effet de la chaleur.

Par ordonnance du 7 octobre 2015, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise et a commis [G] [B] notamment aux fins d'examiner les semi-remorques vendues par la société Fruehauf à la société Transports Laporte dotées de systèmes de freinage SAF Dynamic et, entre autres, les semi-remorques immatriculées [Immatriculation 15], [Immatriculation 5], [Immatriculation 12] et [Immatriculation 13] et de déterminer les causes de leur immobilisation et/ou pannes.

Le rapport d'expertise a été signé le 7 mars 2018.

Par exploit en date du 17 juillet 2019, la SAS Transports René Laporte et Fils a attrait devant le tribunal de commerce de Pau la SAS Fruehauf et la SASU Haldex Europe et, le 7 août 2019, la société Fruehauf a appelé en la cause la SAS Saf Holland France aux fins de la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre.

Par jugement en date du 6 avril 2021, le tribunal de commerce de Pau a :

- déc1aré l'action de la société Transports René Laporte et fils recevable et bien fondée ;

- débouté la société Fruehauf, la société Haldex Europe SAS et la société SAF Holland France SAS de leurs demandes de prescription de l'action en responsabilité contractuelle pour défaut de délivrance conforme des semi-remorques ;

- dit et jugé que la société Fruehauf a manqué à son obligation de délivrance conforme à l'égard de la société Transports René Laporte et fils, au titre des semi-remorques qui lui ont été livrées ;

- débouté la société Transports René Laporte et fils de sa demande de condamnation de la société Haldex Europe SAS, « en tant que de besoin » solidairement avec la société Fruehauf, à l'indemniser des préjudices subis ;

- débouté la société Fruehauf de sa demande de condamnation de la société Haldex Europe SAS à la relever et à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être mises à sa charge ;

- constaté que l'action de la société Fruehauf à l'encontre de la société SAF Holland France SAS est fondée sur le défaut de conformité de l'article 1604 du Code civil ;

- dit et jugé que l'expert judiciaire n'a retenu aucun défaut de conformité des essieux fournis par la société Saf Holland France SAS à la société Fruehauf ;

- plus généralement, dit et jugé que l'expert judiciaire n'a relevé aucun défaut de fabrication des essieux de la société Saf Holland France SAS ;

- dit et jugé que la société Fruehauf ne justifie pas d'un quelconque manquement dans la fabrication des essieux ;

- constaté, en effet, que selon les termes du rapport de l'expert judiciaire, les désordres trouvent leur origine dans un équilibrage de l'assemblage des différents éléments composant la semi-remorque qui relève de la responsabilité exclusive de la société Fruehauf ;

- débouté, en conséquence, la société Fruehauf de ses demandes présentées au préjudice de la société Saf Holland France SAS ;

- plus généralement, débouté toutes parties de toutes demandes qui seraient présentées au préjudice de la société Saf Holland France SAS ;

- condamné la société Fruehauf à indemniser la société Transports René Laporte et fils des préjudices subis pour un montant de :

* 79.803,53 euros HT au titre de l'ensemble des frais exposés à titre 'préventif' par la société Transports René Laporte et fils ;

* 85.528,37 euros HT au titre de l'ensemble des frais exposés à titre 'curatif' par la société Transports René Laporte et fils ;

* 3.000.61 euros correspondant à la perte d'exploitation subie par la société Transports René Laporte et fils durant le rapatriement des véhicules à la suite des pannes ;

Soit un montant total de 168.332,51 euros HT

- débouté la société Transports René Laporte et fils du surplus de sa demande ;

- dit que la société Transports René Laporte et fils est mal fondée en sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la société Fruehauf à payer à la société Transports René Laporte et fils la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Transports René Laporte et fils à payer à la société Haldex Europe la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Fruehauf à payer à la société Saf Holland France SAS la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné la société Fruehauf aux entiers dépens de l'instance dont les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 147.84€ en ce compris l'expédition de la présente décision.

Par déclaration en date du 17 mai 2021, la SAS Fruehauf a interjeté appel du jugement du 6 avril 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022 et l'audience de plaidoirie a eu lieu le 10 janvier 2023.

A l'audience, la cour a demandé aux parties si elles disposaient des conditions générales du contrat dans une version plus lisible que celle figurant dans les pièces communiquées et a autorisé le dépôt d'une note en délibéré comportant le cas échéant une telle pièce.

Le 18 janvier 2023, la société Fruehauf a remis une note en délibéré relatant qu'elle ne disposait pas d'un exemplaire des conditions générales de vente dont la qualité d'impression serait meilleure que celui déjà versé aux débats mais qu'elle produisait les conditions générales de vente actuelles qui avaient très peu évoluées. Elle précise que l'article 9 dont elle se prévaut n'a pas enregistré d'autre changement que la substitution du terme "fournisseurs" par le terme "constructeurs".

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

**

Par conclusions en date du 22 juillet 2022, la société Fruehauf demande à la cour de :

Vu le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Pau le 6 avril 2021 ;

Vu les pièces versées aux débats ;

Vu les articles 1603, 1604, 1103, 1104, 1217 et 1231-2 du code civil ;

Vu l'article 1353 du code civil ;

1 - Réformer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Pau le 6 avril 2021, en ce qu'il a :

- déclaré l'action de la société Transports Laporte recevable et bien fondée ;

- débouté la société Fruehauf de sa demande de prescription de l'action en responsabilité contractuelle pour défaut de délivrance conforme des semi-remorques engagée par la société Transports Laporte ;

- dit et jugé que la société Fruehauf a manqué à son obligation de délivrance conforme à l'égard de la société Transports Laporte au titre des semi-remorques qui lui ont été livrées ;

- constaté, que selon les termes du rapport de l'expert judiciaire, les désordres trouvent leur origine dans un équilibrage de l'assemblage des différents éléments composant la semi-remorque qui relève de la responsabilité exclusive de la société Fruehauf ;

- condamné la société Fruehauf à indemniser la société Transports Laporte des préjudices subis pour un montant de :

- 79803,53 € HT au titre de l'ensemble des frais qu'elle a exposé à titre 'préventif' ;

- 85528,37 € HT au titre de l'ensemble des frais qu'elle a exposé à titre 'curatif' ;

- 3000,61 € correspondant à la perte d'exploitation qu'elle a subie durant le rapatriement des véhicules à la suite des pannes ;

Soit un montant total de 168.532,51 € HT ;

- condamné la société Fruehauf à payer à la société Transports Laporte la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société Fruehauf aux entiers dépens de l'instance dont les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 147.84€, en ce compris l'expédition de la présente décision.

2 ' et statuant à nouveau ;

À titre principal :

- déclarer irrecevables et mal fondées les prétentions formées par la société Transports Laporte dès lors qu'elles apparaissent manifestement prescrites et qu'elles se heurtent aux délais fixés aux conditions générales de vente ;

En conséquence, les rejeter.

À titre subsidiaire ;

- rejeter les prétentions de la société Transports Laporte dès lors qu'elles se heurtent aux exclusions de garanties prévues aux conditions générales de vente ;

- rejeter ses prétentions dès lors qu'elles sont mal fondées ou mal dirigées dans la mesure où les désordres proviennent d'une erreur de choix de la société Transports Laporte dans le matériel acquis ;

En conséquence ;

- dire et juger les prétentions formées à l'encontre de la société Fruehauf mal fondées ;

À titre extrêmement subsidiaire ;

- constater que les demandes relatives aux semi-remorques non expertisées sont dépourvues de justificatifs et donc mal fondées ;

- constater que le préjudice sollicité est dépourvu de justificatif ou sans lien avec les désordres dont il est allégué ;

Les rejeter

- constater que le préjudice invoqué ne peut excéder celui qui a été fixé par voie d'expertise.

- condamner la société Transports René Laporte, la société Haldex Europe SAS et la SAF Holland France à payer chacune à la société Fruehauf, la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

*

Par conclusions en date du 28 octobre 2021, la société Transports René Laporte et Fils demande à la cour de :

Vu les articles 2224, 1603, 1604, 1103, 1104, 1217, 1231-2 du Code Civil,

Vu le rapport d'expertise en date du 12 mars 2018,

Rejetant toutes demandes, fins et conclusions contraires,

- déclarer non fondé l'appel interjeté par la société Fruehauf à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Pau le 06 avril 2021 ;

- la débouter en conséquence de l'intégralité de ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré son action recevable et bien fondée ;

- débouté la société Fruehauf de sa demande de prescription de l'action en responsabilité contractuelle pour défaut de délivrance conforme des semi-remorques

- dit et jugé que la société Fruehauf a manqué à son obligation de délivrance conforme à l'égard de la société Transports René Laporte et Fils au titre des semi-remorques qui lui ont été livrées ;

- constaté que selon les termes du rapport de l'expert Judiciaire, les désordres trouvent leur origine dans un équilibrage de l'assemblage des différents éléments composant la semi-remorque, qui relève de la responsabilité exclusive de la société Fruehauf ;

- condamné la société Fruehauf à l'indemniser des préjudices subis pour un montant de

* 79.803,53 € HT au titre de l'ensemble des frais exposés à titre préventif ;

* 85.528,37 € HT au titre de l'ensemble des frais exposés à titre curatif ;

* 3.000,61 € correspondant à la perte d'exploitation qu'elle a subie durant le rapatriement de véhicules à la suite des pannes ;

Soit un montant total de 168.532,51 € HT.

- condamné la société Fruehauf au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

- condamner la société Fruehauf au paiement d'une somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par la société Transports René Laporte et Fils en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens première instance et d'appel.

A titre subsidiaire :

Vu les articles 1109, 1110 et 1178 du Code Civil,

Dire et juger que le consentement donné par elle est vicié dès lors qu'il existe une erreur sur les qualités substantielles des semi-remorques qui lui ont été livrés par la société Fruehauf et en conséquence confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré son action recevable et bien fondée ;

- constaté que selon les termes du rapport de l'expert judiciaire, les désordres trouvent leur origine dans un équilibrage de l'assemblage des différents éléments composant la semi-remorque, qui relève de la responsabilité exclusive de la société Fruehauf ;

- condamné la société Fruehauf à l'indemniser des préjudices subis pour un montant de :

- 79.803,53 € HT au titre de l'ensemble des frais exposés à titre préventif

- 85.528,37 € HT au titre de l'ensemble des frais exposés à titre curatif

- 3.000,61 € correspondant à la perte d'exploitation subie durant le rapatriement de véhicules à la suite des pannes ;

Soit un montant total de 168.532,51 € HT.

- condamné la société Fruehauf au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant, condamner la société Fruehauf au paiement d'une somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par la société Transports Laporte en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIVATION :

A titre liminaire, dans le cadre de la procédure d'appel la société Fruehauf comme la société Transports René Laporte et Fils ne remettent pas en cause les dispositions du jugement entrepris les ayant déboutées de leurs demandes à l'encontre de la société Haldex Europe SAS et de la société Saf Holland France SAS et les ayant condamnées à leur verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

De même, la décision en ce qu'elle a débouté la société Transports René Laporte et Fils de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice d'image et financier n'est pas contestée.

Ces dispositions sont dès lors définitives.

Sur la prescription de l'action de la société Transports René Laporte et Fils fondée sur l'obligation de délivrance conforme :

Selon l'article 2219 du code civil, la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

La société Fruehauf soutient que l'action diligentée par la société Transports René Laporte et Fils est prescrite car les semi-remorques ont été acquises et livrées en 2008 et 2009 et qu'elle a étéassignée devant le tribunal de grande instance de Pau le 31 juillet 2015 puis ensuite devant le tribunal de commerce le 17 juillet 2019.

A l'appui de son argumentation, elle fait valoir le bénéfice des conditions générales de vente signées par les parties qui, dans son article 9 et au titre de la garantie, prévoit que « tout véhicule neuf est garanti contre tous défauts de matière et vices de construction pendant une durée de 12 mois à compter du jour de la remise par le constructeur des documents permettant l'immatriculation ou, à défaut d'immatriculation, à compter au plus tard du troisième mois qui suit la date figurant au bon de livraison ».

A défaut, elle se prévaut des dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce qui prévoit que les obligations nées à l'occasion du commerce entre les commerçants se prescrivent par 5 ans.

Elle ajoute que le point de départ de l'action pour délivrance non conforme est le jour de la délivrance des semi-remorques et non le jour de la découverte du désordre allégué. En outre, elle expose que le point de départ de l'action pour erreur est le jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce qui ne peut correspondre au jour de la remise du rapport d'expertise en ce que la société Transports René Laporte et Fils est un professionnel de la mécanique et a constaté, selon ses propres écritures, dès l'année 2010, les premiers dysfonctionnements sur les semi-remorques litigieux.

A l'inverse, la société Transports René Laporte et Fils fait valoir que les conditions générales de vente ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce pour être abusives ou illicites et ne pas préciser le point de départ du délai d'action.

Elle demande la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a retenu le bénéfice de la prescription quinquenale de son action fondée sur la non délivrance conforme avec pour point de départ le jour de la notification aux parties du rapport d'expertise, soit le 12 mars 2018.

Elle ajoute qu'en tout état de cause, et conformément aux dispositions de l'article 2224 du code de procédure civile, le délai de prescription n'a pu commencer à courir avant la découverte des causes des désordres affectant les semi-remorques, ce qui n'est intervenu qu'à la date du dépôt par l'expert de son rapport car jusque là elles étaient inconnues des parties.

En l'espèce, il n'est pas démontré que la société Transports René Laporte et Filsavait connaissance de l'origine et de l'ampleur des dysfonctionnements affectant le système de freinage des semi-remorques acquises auprès de la société Fruehauf avant le dépôt du rapport d'expertise judiciaire du 7 mars 2016.

De fait, les échanges produits par les parties et intervenus entre elles à compter du 26 juillet 2012 et jusqu'en 2015 concernent 4 pannes de semi-remorques provoquées par la rupture de roulements de moyeux ou essieux ayant affecté, le 25 juillet 2012, le véhicule immatriculé [Immatriculation 8], le 16 mars 2013, le véhicule immatriculé [Immatriculation 9], le 6 mars 2014 le véhicule immatriculé [Immatriculation 16] et le 23 mai 2015 le véhicule immatriculé [Immatriculation 15].

Ils montrent que la surchauffe de leur système de freinage a été mise en cause mais que les co-contractants ne sont accordés à aucun moment sur la cause de ce phénomène et donc sur son imputabilité au constructeur ou à l'utilisateur, chacun renvoyant à l'autre la responsabilité des dysfonctionnements constatés.

En effet, il ressort de leurs correspondances que la cause des pannes restait indéterminée, la société Fruehauf les imputant largement aux conditions d'exploitation des ensembles par l'acquéreuse alors que celle-ci mettait en cause les prestations de la société assembleuse.

Dans ce contexte, par assignation du 31 juillet 2015, la société Transports René Laporte et Fils a saisi le juge des référés qui a ordonné, le 7 octobre 2015, une expertise qui a porté sur 6 des 20 semi-remorques livrées en 2008 et 2009.

Dans son rapport, l'expert a confirmé qu'aucun des techniciens des parties présentes n'avait été capable de déterminer l'origine de la montée en température des freins telleque constatée sur les freins et essieux des semi-remorques acquis en 2008 et 2009 lors des pannes si ce n'est en donnant des hypothèses non étayées.

Il a conclu que les six remorques expertisées présentaient un même problème de tenue à la température des freins résultant d'un problème d'équilibrage général de la remorque et donc de construction.

Il en résulte que c'est à cette date que la société Transports René Laporte et Fils a connu les faits lui permettant d'exercer une action à l'encontre de la société Fruehauf, sa demande en justice ayant interrompu le délai de prescription comme le délai de forclusion en application des articles 2239 et 2241 du code civil.

En effet, en droit, l'article 2241 du code civil dispose que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, lequel recommence à courir dans son intégralité à compter de la décision rendue sur la demande d'expertise conformément à l'article 2231 du même code.

Selon l'article 2239 du code civil, l'exécution d'une mesure d'instruction suspend le délai de prescription, qui recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

Et, il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce que les actions personnelles et mobilières entre commerçants, comme entre commerçants et non-commerçants, se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, l'action de la société Transports René Laporte et Fils est fondée sur le manquement de la société Fruehauf à ses obligations contractuelles et à son obligation essentielle de délivrance conforme prévue à l'article 1604 du code civil.

Ainsi, la clause conventionnelle prévue aux conditions générales de vente ne peut lui être opposée.

De plus, les désordres tels que relevés par l'expert ne pouvant être considérés comme apparents ni même comme révélés par la simple succession de pannes affectant le système de freinage compte tenu de leurs manifestations et des recherches continues effectuées afin de tenter d'y remédier, la fin de non-recevoir opposée à l'action de la société Transports René Laporte et Fils sera rejetée.

Sur le fond :

Le tribunal de commerce de Pau a estimé bien-fondée l'action de la société Transports René Laporte et Fils visant à l'indemnisation des préjudices qu'elle a subis retenant, au vu des conclusions de l'expertise, que la société Fruehauf avait manqué à son obligation de délivrance conforme au titre des semi-remorques livrées.

L'appelante conteste cette analyse et soutient qu'il ne peut lui être reproché un défaut de conformité des véhicules livrés car aucune spécification particulière n'avait été convenue entre les parties et l'expert a conclu que les semi-remorques soumises à son examen n'étaient pas impropres à leur destination.

Elle ajoute que la société Transports René Laporte et Fils n'est pas plus bien-fondée à invoquer une erreur sur les qualités substantielles de la chose car cela revient à dire qu'elle s'est elle-même trompée dans le choix des véhicules commandés qui sont non spécifiques alors qu'elle entendait les faire circuler en montage.

L'intimée maintient au principal que la société Fruehauf a manqué à son obligation contractuelle de délivrance conforme au contrat en ce que les semi-remorques qu'elle lui a livré sont défectueuses et totalement inutilisables pour présenter un problème de construction altérant l'ensemble du système de freinage à l'origine des pannes successives que 12 d'entre elles ont connu.

En droit, l'article 1603 du code civil met à la charge du vendeur deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir ce qu'il vend.

Aux termes de l'article 1604, « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ». Et, selon la jurisprudence, la notion de conformité ou de non-conformité est inhérente à l'obligation de délivrance, le vendeur devant délivrer un bien conforme aux stipulations de l'acte de vente à défaut de quoi il engage sa responsabilité.

La preuve de la non-conformité doit être rapportée par l'acquéreur qui soutient cette exception et le juge doit comparer, à la lumière des stipulations contractuelles, la chose convenue et la chose remise, le défaut de conformité pouvant résulter d'une inadaptation de la chose à la destination convenue.

En l'espèce, l'expertise a permis de conclure que les six semi-remorques expertisées présentaient un même problème de tenue à la température des freins résultant d'un problème d'équilibrage général de la remorque et donc de construction imputable à la société Fruehauf qui ne les rendait pas impropres à leur destination mais nécessitait d'organiser un point de surveillance et de vigilance particulier et un remplacement des consommables (plaquettes, disques, roulement de roues) à une fréquence plus rapprochée que la normale (environ 50%).

L'expert a également précisé que le relevé des boîtiers n'indiquait pas d'utilisation hors du raisonnable des freins et qu'il était dès lors inexact de dire que la conduite était en cause tout comme de dire que l'origine de la panne résidait dans les roulements ou un défaut de fabrication du système de freinage. Il a de même écarté l'hypothèse d'une méthodologie de montage des roulements non adaptée ou celle du montage de pièces non conformes.

Or, les semi-remorques objets du litige ont été acquises neuves dans le cadre d'un contrat liant la société assembleuse à la société acquéreuse dont l'activité est le transport routier de fret interurbain.

Dès lors il ne peut être contesté que les qualités de freinage des véhicules doivent correspondre aux attentes normales d'une semi-remorque, ceci d'autant que les caractéristiques et qualités du système de freinage sont entrées dans le champ contractuel comme le démontre le bon de commande signé le 20 novembre 2007 puisqu'il est notamment mentionné que les semi-remorques vendues doivent être équipées du système freinage Saf Dynamics dont il ressort des échanges qu'il correspond à des qualités particulières pour ses usagers. De plus la correspondance du 10 septembre 2012 confirme ce point.

Cependant, selon les conclusions d'expertise, sur les remorques expertisées, la fréquence de remplacement des plaquettes et disques de frein est anormalement élevée puisqu'intervenant entre 150.000 kms et 200.000 kms alors que le remplacement normal, pour des remorques de ce type, a lieu entre 300.000 et 400.000 kms, ce que ne conteste pas la société Fruehauf dans les échanges étant intervenus entre les parties ni depuis.

Il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que la société Fruehauf a manqué à son obligation de délivrance conforme des semi-remorques envers la société Transports René Laporte et Fils alors qu'elle ne rapporte pas la preuve de ses dires relatifs à un usage de celles-ci non conforme à raison de la conduite de ses chauffeurs ou d'une circulation en montagne inadaptée ou non prévue dans le champ contractuel.

S'agissant de ses demandes en dommages et intérêts, la société Transports René Laporte et Fils demande la confirmation de la décision entreprise.

En revanche, la société Fruehauf reproche aux premiers juges de l'avoir condamnée à payer 168.332,51 euros HT au titre de l'ensemble des frais exposés à titre "préventif", "curatif" et de la perte d'exploitation subie durant le rapatriement des véhicules à la suite des pannes.

Elle exposeque les conditions générales de vente ont valablement été signées par l'intimée et lui sont donc opposables en ce qu'elles limitent voire excluent l'engagement de sa garantie relative à toutes les opérations d'entretien, les pneumatiques et l'usure des pièces d'usures telles que les ressorts, garnitures de freins '. ; les avaries liées à une mauvaise utilisation et notamment le roulage dans des conditions anormales ; les frais de dépose et repose d'équipement ou accessoires non montés d'origine par le constructeur, les frais de déplacement du personnel de l'acheteur et les conséquences de l'immobilisation de matériels tels que perte d'exploitation, préjudice commercial, immobilisation.

Elle demande dès lors le débouté de la société Transports René Laporte de l'intégralité de ses demandes indemnitaires puisque, selon elle, elles se rattachent toutes à l'une des exclusions visées au contrat.

A défaut, elle souligne que la demanderesse à l'action ne rapporte pas la preuve des préjudices qu'elle invoque ne produisant au soutien de ses prétentions que des factures qu'elle a elle-même établies de manière globale sans distinction de la semi-remorque concernée.

Par ailleurs, elle rappelle que l'expertise s'étant limitée à l'examen de 6 semi-remorques, la société Transports Laporte ne peut être accueillie dans sa demande d'indemnisation concernant les autres ensembles routiers qui auraient été victimes d'avaries.

En tout état de cause, elle sollicite que les sommes au paiement desquelles elle a été condamnée soient limitées au montant fixé par voie d'expertise.

Dans le cadre de l'expertise, Monsieur [B] a examiné les remorques objets des immatriculations [Immatriculation 14], [Immatriculation 15], [Immatriculation 10], [Immatriculation 9], [Immatriculation 6] et [Immatriculation 11] et a dit qu'elles présentaient la même panne, qu'elles avaient connu pour intervention le remplacement des plaquettes de frein à plusieurs reprises et ce de manière anormalement rapprochée et qu'il avait dû être procédé au remplacement des roulements de roues de manière préventive tandis que 5 avaient connu le bris du roulement de moyeux, la 6ème ayant été réparée avant de connaître un tel bris.

L'expert a alors constaté que les remorques concernées avaient été immobilisées depuis le 23/05/2015, le 12/11/2015, le 01/12/2015, le 23/12/2015, le 20/01/2016 et le 10/03/2016.

Il a enfin, pour chaque véhicule, précisé les réparations à effectuer afin de les remettre en état.

Il a ainsi chiffré le montant des réparations pour ces 6 semi-remorques à la somme totale de 24.012,05 euros HT et le coût de leur immobilisation à 16.211,00 euros retenant qu'il convenait de proposer 1/1000 de leur valeur à la date du sinistre par jour d'immobilisation, ce qui correspond à la valeur de dépréciation du matériel fixée à 8 euros par jour.

L'expert a ajouté qu'il n'avait pas réalisé de constat sur les remorques réparées, qu'il n'y avait pas eu d'expertise contradictoire ou de constat d'huissier les concernant et qu'il ne lui était pas possible d'imputer de manière certaine les dommages indiqués sur le matériel autre que celui expertisé.

Cependant, au soutien de ses demandes indemnitaires, la société Transports Laporte argue que 12 des 20 camions ont été affectés de pannes dont les 6 semi-remorques objets de l'expertise.

Elle justifie d'ailleurs d'échanges avec la société Fruehauf consécutifs aux pannes, identiques à celles des véhicules objets de l'expertise, que les semi-remorques immatriculées [Immatriculation 8] (le 25 juillet 2012) et [Immatriculation 16] (le 6 mars 2014), celle immatriculée [Immatriculation 9] ayant en revanche connu deux avaries similaires.

Ainsi, sur les 12 semi-remorques concernées seules 4, soit celles immatriculées [Immatriculation 6], [Immatriculation 5], [Immatriculation 7], [Immatriculation 17], n'ont pas été expertisées et n'ont pas fait l'objet d'échanges entre les deux sociétés permettant de rattacher les avaries qu'elles ont pu connaître au défaut d'équilibrage général de la remorque imputable à la société Fruehauf.

Mais, l'ensemble de la flotte des 20 camions livrés en 2008 et en 2009 a bien fait l'objet, comme l'a indiqué l'expert, de points de vigilance et de surveillance particuliers mais aussi de remplacement de consommables à une fréquence supérieure d'environ 50 % à ce qui était normalement attendu.

Cette situation ressort des correspondances échangées entre les parties et le rapport d'expertise a permis de reconstituer l'historique technique des opérations engagées par la société Transports Laporte, lesquelles ont conduit, sur l'ensemble des 20 véhicules acquis en 2008 et 2009, à titre préventif, à des vérifications et réglages portant sur leur système de freinage et la stabilité notamment selon les disponibilités de la société Haldex.

Ils ont également fait l'objet d'un remplacement de toutes les pièces d'usure (disques, plaquettes de frein) et de la totalité des 6 roulements à l'aide des kits roulement SAF préconisés par la société Fruehauf, ce'ci .selon un plan d'action concerté entre les deux sociétés, la SAS Fruehauf mettant alors en garde sur la nécessité de suivre les recommandations de Saf sur ce point.

Il en ressort, en complément des conclusions de l'expertise, que les interventions commandées par la nécessité de prévenir les dysfonctionnements du système de freinage et réparer leurs conséquences a entraîné des frais et remplacements sans lien avec la vétusté ou les exclusions de garanties contractuelles relatif à un usage anormal de la chose mais résultant du défaut de délivrance conforme de celle-ci reproché à la société Fruehauf.

Elle ne peut donc se prévaloir des termes de son contrat pour limiter les demandes de la société Fruehauf.

Par ailleurs, si la société Fruehauf conteste les montants sollicités au titre des frais exposés par la société Transports Laporte, elle ne remet pas en cause le détail de l'engagement de main d''uvre et des prestations s'y rattachant et elle n'a pas proposé une autre grille de prix des interventions permettant de remettre en cause le chiffrage des demandes formées à son encontre.

Or, les premiers juges avaient déjà relevé qu'elle ne communiquait pas ses forfaits pour le type d'intervention concernée ni les temps barèmes du constructeur ou de tout autre réparateur agréé.

En conséquence, l'appréciation des premiers juges sera confirmée en ce qu'elle a justement fixé la somme due par la société Fruehauf à la société Transports Laporte à la somme totale de 168.332,51 euros correspondant à 79.803,53 € HT dus au titre de l'ensemble des frais exposés à titre préventif, 85.528,37 € HT dus au titre de l'ensemble des frais exposés à titre curatif et 3.000,61 € correspondant à la perte d'exploitation subie durant le rapatriement de véhicules à la suite des pannes.

Sur les demandes accessoires, la société Fruehauf succombant dans ses prétentions, elle sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société Transports René Laporte et Fils 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions entreprises ;

Y ajoutant ;

Déboute la SAS Fruehauf de ses demandes ;

Condamne la SAS Fruehauf à payer à la Transports René Laporte et Fils la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS Fruehauf aux dépens d'appel ;

Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 21/01644
Date de la décision : 21/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-21;21.01644 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award