SF/SH
Numéro 23/01046
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 21/03/2023
Dossier : N° RG 21/01361 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H3DX
Nature affaire :
Demande en paiement relative à un autre contrat
Affaire :
[S] [M]
C/
S.A.S. SUEZ EAU FRANCE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 06 Février 2023, devant :
Madame de FRAMOND, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,
En présence de Madame DOLET, greffière stagiaire
Madame [F], en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Madame de FRAMOND, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [S] [M]
né le 04 Avril 1985 à [Localité 6] (ARMÉNIE)
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté et assisté de Maître DABADIE, avocat au barreau de PAU
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/1114 du 15/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)
INTIMEE :
S.A.S. SUEZ EAU FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Maître DABAN, avocat au barreau de PAU
assistée de Maître DELAVALLADE, de la SCP DELAVALLADE-RAIMBAULT, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 04 FÉVRIER 2021
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 11-19-000388
EXPOSE DU LITIGE
Le 20 mai 2019, la société SUEZ EAU France, anciennement LYONNAISE DES EAUX, a obtenu une ordonnance portant injonction de payer aux termes de laquelle M. [S] [M] était condamné à lui payer la somme de 3 982,84 € en principal, outre 51,48 € au titre des frais accessoires.
L'ordonnance a été signifiée le 23 mai 2019 et M. [S] [M] a formé opposition le 28 mai 2019 soutenant notamment que le bénéficiaire de la distribution d'eau était la Société MONTE CRISTO CLUB, dont il n'est que le gérant.
Par jugement du 4 février 2021, le tribunal judiciaire de Pau a :
Débouté M. [S] [M], de l'intégralité de ses demandes,
Condamné M. [S] [M] à payer la somme de 3.982,84 €, outre intérêts à compter de la mise en demeure du 21 novembre 2018 à la société SUEZ EAU France,
Condamné M. [S] [M] à payer à la société SUEZ EAU France la somme de 528,74 €, outre intérêt à compter de la mise en demeure du 21 novembre 2018,
Condamné M. [S] [M] à payer à la société SUEZ EAU France la somme de 300 € le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamné M. [S] [M] aux entiers dépens,
Débouté les parties de toutes autres demandes,
Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Dans sa motivation , le tribunal retient que la facture valant contrat du 9 janvier 2015 a été établie au nom de M. [M] [S] et non au nom de la société MONTE CRISTO, que seul M. [S] [M] est réputé avoir la qualité de co-contractant de la société SAS SUEZ EAU France anciennement LYONNAISE DES EAUX.
M. [S] [M] ne peut pas utilement mettre en avant le bail conclu entre la société MONTE CRISTO CLUB et la SCI DES GAVES, propriétaires des murs dans la mesure où cette convention n'a jamais été portée à la connaissance de la société SUEZ EAU France. En outre, le tribunal constate que la consommation d'eau figurant sur les factures paraît également extrêmement faible s'agissant d'une discothèque et correspond davantage à celle d'un individu.
M. [M] a relevé appel par déclaration du 19 avril 2021, critiquant le jugement en toutes ses dispositions.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 juillet 2021, M. [M], appelant, demande à la cour de :
In limine litis, annuler le jugement du 04/02/2021,
A tout le moins le réformer,
Déclarer irrecevable la société SUEZ EAU FRANCE en ses demandes à l'égard de M. [S] [M],
A tout le moins la débouter,
Condamner la société SUEZ EAU FRANCE à payer à M. [M] la somme de 1 000 € de dommages et intérêts,
Condamner la société SUEZ EAU FRANCE à payer à M. [M] la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société SUEZ EAU FRANCE aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions M. [M] fait valoir principalement que :
- la décision déferrée est nulle pour avoir indiqué qu'elle était rendue en dernier ressort, alors que le taux de 1er ressort applicable à l'espèce était de 4 000 € et le montant de ses demandes supérieures à ce taux, et pour avoir indiqué qu'elle était exécutoire de plein droit alors que l'article 514 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, n'est entré en vigueur que pour les instances introduites après le 1er janvier 2020.
- la fourniture d'eau dont il est demandé le paiement a été faite au profit de la société MONTE CRISTO CLUB, personne morale, le nom apparaissant qui plus est sur les factures, et non pas au bénéfice du concluant qui n'en était uniquement que le Président';
- le seul locataire de l'immeuble du [Adresse 2] était la société MONTE CRISTO CLUB, discothèque qui a ouvert tardivement en raison de travaux, et seulement deux soirs par semaine, puis a été fermée définitivement, d'où la consommation d'eau modérée.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 décembre 2022, la SAS SUEZ EAU FRANCE, intimée, demande à la cour de :
Confirmer le jugement rendu le 04 février 2021 par le Tribunal Judiciaire de PAU dans son intégralité ;
Rejeter la demande de nullité du jugement rendu le 04 février 2021 par le Tribunal Judiciaire de PAU en ce qu'il doit être considéré comme régulier ;
Débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner M. [S] [M] au paiement de la somme de 1 500 € au bénéfice de la société SUEZ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions la SAS SUEZ EAU FRANCE fait valoir principalement, sur le fondement des articles 1103 et 1199 du code civil, L.2224-12-4 III bis et R. 2224-19-9 du Code Général des Collectivités Territoriales et de l'article 3 du décret d'application n°2012-1078 du 24 septembre 2012, que :
- les cas de nullité prévus par l'article 446 du code de procédure civile n'inclut pas l'erreur sur le ressort de la décision rendue
- l'obligation au paiement de la consommation enregistrée par les systèmes de comptage étalonnés mis en place par la Société gestionnaire du service public peut découler soit de la signature d'un contrat, soit simplement de la considération de la pose du branchement et de la consommation. L'abonnement résulte de la seule pose du branchement qui constitue l'offre et la consommation d'eau qui en est l'acceptation, un contrat écrit n'est pas nécessairement exigé.
- M. [M], ayant sollicité l'ouverture du branchement , a bénéficié de l'alimentation en eau dans son local situé [Adresse 2], a donc la qualité d'abonné du service de l'eau'; il a eu une consommation moyenne ne correspondant pas à la consommation d'une discothèque.
- M. [M] n'a jamais informé la société SUEZ que l'abonnement profitait en fait à la société MONTE CRISTO CLUB.
- c'est à M. [M] de démontrer la défaillance du compteur de distribution de l'eau ayant enregistré une surconsommation alors qu'en l'espèce, il s'agit de fuites d'eau sur la propriété de M. [M] dont l'abonné est entièrement responsable.
- la SAS SUEZ EAU FRANCE conteste toute faute dans la gestion de cette fuite d'eau survenue sur le domaine privé.
- M. [M] ne remplissait pas les critères pour bénéficier du dispositif dit « WARSMANN », issu de la loi du 17 mai 2011 de simplification du droit, prévoyant un dégrèvement de facture en cas de fuite sur des canalisations privatives faute d'avoir adressé une facture d'un plombier mentionnant la localisation de la fuite et la date de sa réparation.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du jugement':
Conformément à l'article 536 du code de procédure civile, une qualification erronée sur le ressort de la décision rendue est sans conséquence sur l'exercice des voies de recours par les parties': L'appel exercé dans le délai légal à l'encontre d'un jugement inexactement qualifié de décision rendue en dernier ressort est recevable. Le jugement n'est donc pas nul pour cette simple erreur de la mention sur le ressort.
De même, la mention erronée du rappel de l'exécution provisoire de droit en application du nouvel article 514 du code de procédure civile, s'agissant d'une décision rendue dans une instance engagée avant le 1er janvier 2020, date avant laquelle cette version n'était pas en vigueur, n'entraîne pas la nullité du jugement, mais l'inefficacité de ce rappel.
La demande de nullité du jugement sera donc rejetée.
Sur la recevabilité de la demande en paiement de la SAS SUEZ EAU FRANCE contre M. [M]':
Selon l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
M. [M], gérant de la Société MONTE CRISTO en cours de formation, a signé le 27 août 2014 à effet du 1er septembre 2014, un bail commercial avec la SCI des GAVES, propriétaire d'un local situé dans la zone industrielle INDUSPAL à [Adresse 7]. Ladite société MONTE CRISTO CLUB a ensuite été immatriculée au RCS le 3 mai 2016, puis radiée le 1er octobre 2018, une procédure de liquidation judiciaire ayant été ouverte le 8 janvier 2019 ayant abouti à une liquidation clôturée le 19 juin 2019.
Toutefois, la SAS SUEZ EAU FRANCE produit une facture en date du 9 janvier 2015 adressée à M. [S] [M] personnellement (à son domicile de [Localité 4]) pour sa consommation d'eau [Adresse 7] démontrant ainsi sa qualité de cocontractant avec la SAS SUEZ EAU FRANCE pour son occupation de cet immeuble. Aucune pièce de M. [M] ne démontre qu'il ait signifié ou modifié le contrat d'abonnement auprès de la SAS SUEZ EAU FRANCE pour y faire figurer sa Société MONTE CRISTO CLUB en cours de formation, ou après l'immatriculation de celle-ci le 3 mai 2016.
La SAS SUEZ EAU FRANCE produit les factures d'eau émises ensuite, notamment en 2018, au nom de M. [S] [M], même si certaines ajoutent sous son nom le nom de MONTE CRISTO, sans aucune mention de l'existence d'une SARL de ce nom. De même, la conclusion du bail commercial, contrat conclu avec la propriétaire des locaux, n'a aucune incidence sur le choix de M. [M] de souscrire auprès de la SAS SUEZ EAU FRANCE le contrat d'abonnement à son seul nom. Il lui appartenait de faire modifier le contrat d'abonnement auprès de celle-ci après l'immatriculation de sa société au RCS, le fournisseur d'eau ne pouvant présumer la forme sociale de l'activité de M. [M], installé dans ces locaux, qui pouvait exercer en son nom personnel.
M. [M] est donc bien le client à titre personnel de la SAS SUEZ EAU FRANCE en vertu de ces factures valant contrat d'abonnement dès lors qu'elles établissent le branchement au réseau de distribution et la fourniture d'eau et la fin de non recevoir soulevée par M. [M] est infondée, l'action de la SAS SUEZ EAU FRANCE est bien recevable.
Sur' la demande en paiement des factures :
Le fournisseur d'eau prouve sa créance en produisant les relevés des compteurs d'eau, présumés correspondre à la consommation réelle de l'abonné.
En l'espèce, la SAS SUEZ EAU FRANCE produit les différentes factures et courriers adressés à M. [M] en 2018, sur la créance impayée dont le montant n'est pas contesté en appel par ce dernier.
La Cour adopte les mêmes motifs que le 1er juge pour confirmer la condamnation de M. [M] à payer la somme de 3 982,84 € avec intérêts à compter de la mise en demeure du 21 novembre 2018 et la somme de 528,74 € , avec les mêmes intérêts, au titre de la majoration de 25% de la redevance d'assainissement par application de l'article R2224-19-9 du code des collectivités territoriales pour le défaut de paiement dans les trois mois de la présentation de la quittance et dans les 15 jours de la mise en demeure.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions, et la demande de M. [M] en dommages intérêts rejetée.
La cour, ajoutant sur les mesures accessoires, déboute M. [S] [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne à payer à la SAS SUEZ EAU FRANCE de ce chef la somme de 700 € outre les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Rejette la demande de nullité du jugement rendu le 4 février 2021';
Déclare la SAS SUEZ EAU FRANCE recevable en son action contre M. [S] [M] ;
Confirme le jugement rendu le 4 février 2021 en toutes ses dispositions';
Y ajoutant,
Condamne M. [S] [M] à payer à la SAS SUEZ EAU FRANCE la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de M. [S] [M] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [S] [M] aux entiers dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés en la forme prévue en matière d'aide juridictionnelle.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE