La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2023 | FRANCE | N°23/00785

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 17 mars 2023, 23/00785


N°23/1038



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



ORDONNANCE DU dix sept Mars deux mille vingt trois





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/00785 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IPEU



Décision déférée ordonnance rendue le 15 Mars 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

<

br>
Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assis...

N°23/1038

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ORDONNANCE DU dix sept Mars deux mille vingt trois

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/00785 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IPEU

Décision déférée ordonnance rendue le 15 Mars 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

Monsieur X SE DISANT [F] [C]

né le 05 Janvier 1980 à [Localité 5]

de nationalité Tunisienne

Retenu au centre de rétention d'[Localité 1]

Comparant et assisté de Maître Lidwine MALFRAY, avocat au barreau de Pau et de Monsieur [B], interprète assermenté en langue arabe.

INTIMES :

LE PREFET DE LA SARTHE, avisé, absent

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 15 mars 2023 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet de la Sarthe,

- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de [F] [C] régulière,

- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

- ordonné la prolongation de la rétention de [F] [C], pour une durée de trente jours à l'issue de la fin de la première prolongation de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 15 mars 2023 à 11heures 45.

Vu la déclaration d'appel motivée transmise par la CIMADE pour le compte de [F] [C], reçue le 16 mars 2023 à 10 heures 58.

****

A l'appui de l'appel, pour soutenir que sa privation de liberté dans un centre de rétention n'est plus justifiée, [F] [C] fait valoir un unique moyen tiré de l'absence de perspectives d'éloignement, en soutenant que :

les délais fixés par l'annexe 2 de l'accord entre le France et la Tunisie publié par décret n°2009-905 du 24 juillet 2009, pour examiner les documents et délivrer les cas échéant un laisser-passer ou pour l'identification d'un ressortissant tunisien au moyen de son audition, n'ont pas été respectés, puisque, depuis son placement au centre de rétention d'[Localité 1] le 12 février 2023, il n'a toujours pas été entendu par les autorités tunisiennes,

conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à la préfecture de démontrer en quoi elle aurait des raisons d'espérer une réponse positive des autorités tunisiennes alors que tous les délais prévus dans l'accord précité ont été dépassés,

la préfecture a pris à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire et a fixé l'Algérie comme pays de destination comme indiqué dans l'article 1 de l'arrêté de placement pris à son encontre par la « préfecture des' ».

A l'audience, le conseil de [F] [C] a soutenu ce moyen tiré de l'absence de perspective d'éloignement et du non-respect des délais prévus par l'accord franco-tunisien.

[F] [C] a été entendu en ses explications selon lesquelles il souhaite être libéré dès que possible. Il a confirmé se trouver en France depuis septembre 2021, ne pas avoir de passeport, l'ayant laissé en Tunisie. Il a indiqué avoir une partie de sa famille en France ([Localité 4], [Localité 6], [Localité 2], [Localité 3]) et avoir une s'ur installée en Allemagne.

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond,

L'examen de la procédure fait apparaître les éléments d'appréciation suivants, s'agissant de la situation de l'appelant.

[F] [C], se disant ressortissant tunisien, né le 5 janvier 1980 à [Localité 5], est arrivé selon ses dires en France en septembre 2021. Célibataire et sans enfant, sans domicile fixe, il est dépourvu de documents d'identité et de voyage et n'a entrepris aucune démarche en vue d'obtenir un titre de séjour.

A la suite de son interpellation pour vol par les services de police du Mans, le préfet de la Sarthe a pris à son encontre le 12 février 2023 un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai « pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible », avec interdiction de retour pendant trois ans.

Sur recours de l'intéressé, le tribunal administratif de Pau a, par jugement du 16 février 2023 annulé cet arrêté uniquement en ce qu'il fixe une interdiction de retour pendant trois ans.

Le 12 février 2023, [F] [C] a été placé au centre de rétention administrative d'[Localité 1], mesure prolongée pour vingt-huit jours par décision du juge des libertés et de la détention de Bayonne du 15 février 2023.

Le 13 février 2023, l'autorité administrative a sollicité les autorités consulaires tunisiennes aux fins de reconnaissance et de délivrance d'un laissez-passer consulaire et le 14 février, elle a adressé les empreintes de [F] [C] au consulat tunisien à [Localité 7]. Une relance a été adressée le 7 mars 2023 et le 10 mars, le Consul a répondu n'avoir toujours pas eu de réponse des autorités tunisiennes compétentes.

Le préfet de la Sarthe a donc saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention administrative de [F] [C], à laquelle il a été fait droit par l'ordonnance entreprise.

****

S'agissant du moyen tiré de l'absence de perspective d'éloignement proche, l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration exerce toute diligence à cet effet.

Les perspectives raisonnables d'éloignement doivent s'entendre comme celles qui peuvent être réalisées dans le délai maximal de rétention administrative applicable à l'étranger et doivent être appréciées au regard de la situation de chaque étranger et des diligences effectives et adaptées à l'évolution des conditions des modalités d'exécution forcée de la mesure d'éloignement dont la mise en 'uvre incombe à l'autorité administrative.

En outre, et selon l'article L 742-4 du même code, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L.742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours, notamment lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement.

L'examen de la procédure fait apparaître que l'autorité administrative a accompli de multiples diligences, rappelées ci-dessus, depuis le placement en rétention de [F] [C], aux fins d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer consulaire auprès des autorités consulaires tunisiennes. Si le laisser-passer attendu n'a pas été délivré, ce n'est pas en raison d'un défaut de diligence de l'administration préfectorale puisque cette dernière, placée dans une telle situation d'attente ne dispose d'aucun de moyen de contrainte sur une autorité diplomatique étrangère qui demeure souveraine dans le traitement des demandes qui lui sont présentées. Toujours est-il que rien ne permet d'affirmer que ces multiples démarches n'aboutiront pas dans les jours ou semaines à venir, en tout cas avant l'expiration du délai légal de la rétention.

En outre, [F] [C] se prévaut des dispositions l'Accord franco-tunisien du 17 mars 1988, modifié par l'Accord-cadre du 28 avril 2008, relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie, ce dernier ainsi que ses annexes ayant été publiés au journal officiel du 26 juillet 2009, et plus particulièrement de l'article 3 de l'annexe 2, laquelle est relative à l'identification des nationaux.

Or, ce texte dans son entier est ainsi rédigé :

« 3. La nationalité de la personne est considérée comme présumée sur la base d'un des documents suivants :

- l'un des documents périmés mentionnés à l'alinéa précédent, à l'exception du passeport périmé depuis moins de cinq ans et du laissez-passer consulaire périmé depuis moins d'un an

- la carte d'immatriculation consulaire ;

- un acte de naissance ou tout autre document d'état civil ;

- un certificat de nationalité ;

- un décret de naturalisation ;

- la photocopie de l'un des documents précédemment énumérés ;

- les déclarations de l'intéressé dûment recueillies par les autorités administratives ou judiciaires de la Partie requérante ;

- tout autre document, y compris le résultat d'une expertise effectuée par un expert indépendant auprès des cours et tribunaux, contribuant à prouver la nationalité de la personne concernée.

Lorsque l'un des documents mentionnés ci-dessus est disponible, la Partie requérante transmet à l'autorité consulaire de la Partie requise l'original exploitable du relevé des empreintes décadactylaires ainsi que trois photographies d'identité de la personne concernée.

L'autorité consulaire de la Partie requise dispose d'un délai de cinq jours à compter de la réception de l'un des documents mentionnés ci-dessus pour examiner ce document et délivrer le laissez-passer consulaire si la nationalité de l'intéressé est établie. ».

L'article 4 de cette annexe 2 précise : « Toutefois, s'il existe des doutes sérieux quant à la nationalité de l'intéressé, il est procédé à son audition, dans un délai de 72 heures à compter de la réception par l'autorité consulaire de la Partie requise, des éléments mentionnés ci-dessus. A l'issue de cette audition, si la nationalité de la personne concernée est établie, le laissez-passer consulaire est délivré dans un délai de 48 heures »

Ces textes n'ont donc aucune vocation à s'appliquer dans le cas présent, puisque [F] [C], qui se prétend tunisien, n'a produit aucun des documents listés par l'article 3 précité

Il sera en outre observé que la lecture de l'article 3, non pas de l'annexe mais de cet accord cadre franco-tunisien, relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, établit au contraire qu'il n'est prévu aucun délai impératif de réponse d'un État à l'autre puisqu'il évoque des réponses « dans les meilleurs délais ».

Enfin, et contrairement à ce qui est soutenu dans la déclaration d'appel, l'autorité administrative n'a aucunement fixé l'Algérie comme pays de renvoi, l'arrêté du 12 février 2023 prévoyant en son article 1 : « pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible ». Il en est de même de l'arrêté de placement en rétention.

Dès lors, le moyen soulevé doit être écarté.

Par ailleurs, [F] [C], qui ne dispose d'aucune garantie effective de représentation, ne remplit pas les conditions d'une assignation à résidence, telles que fixées par l'article L.743-13, en ce sens qu'il n'a pas préalablement remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité et tous documents justificatifs de son identité.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons recevable l'appel en la forme.

Confirmons l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Sarthe.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le dix sept Mars deux mille vingt trois à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUS Cécile SIMON

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 17 Mars 2023

Monsieur X SE DISANT [F] [C], par mail au centre de rétention d'[Localité 1]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Lidwine MALFRAY, par mail,

Monsieur le Préfet de la Sarthe, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 23/00785
Date de la décision : 17/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-17;23.00785 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award