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16/03/2023 | FRANCE | N°21/00798

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 16 mars 2023, 21/00798


PS/SB



Numéro 23/1006





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 16/03/2023









Dossier : N° RG 21/00798 - N° Portalis DBVV-V-B7F-HZV7





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[X] [H]



C/



S.A.S. HERVE THERMIQUE














>Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l...

PS/SB

Numéro 23/1006

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 16/03/2023

Dossier : N° RG 21/00798 - N° Portalis DBVV-V-B7F-HZV7

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[X] [H]

C/

S.A.S. HERVE THERMIQUE

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 14 Décembre 2022, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [X] [H]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Maître CASTILLON de la SELARL CASTILLON AVOCAT, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.A.S. HERVE THERMIQUE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Maître CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU, et Maître GEORGET de la SAS ENVERGURE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

sur appel de la décision

en date du 07 JANVIER 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE

RG numéro : 18/00267

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [X] [H] a été embauché le 30 juillet 2012 par la société Herve Thermique en qualité de chargé de clients, statut cadre, coefficient 108 position B, échelon II.1, coefficient 108, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des cadres du bâtiment. Il est mentionné que son site de rattachement est l'agence de [Localité 5].

À compter de juillet 2013, il a occupé un poste de manager d'activité, étant précisé que la société Herve Thermique soutient qu'il ne s'agit que d'un changement d'intitulé du poste tandis que M. [X] [H] soutient qu'il s'agit d'une nouvelle affectation.

En dernier lieu, il a occupé un poste de niveau H, position B, coefficient 120.

Le 27 février 2018, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 8 mars suivant.

Le 3 avril 2018, la société Herve Thermique lui a proposé un poste de technicien de maintenance, statut ETAM, qu'il a refusé le 19 avril suivant.

Le 2 mai 2018, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 14 mai suivant.

Le 17 mai 2018, il a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Le 3 décembre 2018, il a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 7 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Bayonne a :

- débouté M. [X] [H] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Herve Thermique de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [X] [H] aux entiers dépens de l'instance.

Le 10 mars 2021, M. [X] [H] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 10 février 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [X] [H] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société Herve Thermique de sa demande tendant à le condamner au paiement de la somme de 2.000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que la société Herve Thermique a manqué à son obligation d'adaptation et de formation,

- en conséquence, condamner la société Herve Thermique au paiement des sommes suivantes :

. 29.420 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à l'obligation visée à l'article L.6321-1 du code du travail,

. 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Herve Thermique aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 8 septembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Herve thermique demande à la cour de':

- in limine litis,

- dire et juger irrecevable la demande nouvelle formulée à hauteur d'appel par M. [X] [H],

- à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- en conséquence,

- dire et juger que le licenciement de M. [X] [H] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [X] [H] de ses demandes,

- à titre subsidiaire,

- réduire à de plus justes proportions le quantum des dommages et intérêts sollicités par M. [X] [H],

- reconventionnellement,

- condamner M. [X] [H] à lui payer une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [X] [H] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à l'obligation visée à l'article L.6321-1 du code du travail

La société Hervé Thermique soutient que cette demande est irrecevable pour être nouvelle en cause d'appel. M. [H] fait valoir qu'il s'agit d'une demande qui constitue l'accessoire, voire la conséquence de la demande tendant à faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les articles 564 à 566 du code de procédure civile disposent':

- article 564': A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

- article 565': Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

- article 566': Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La demande d'indemnisation du manquement invoqué de l'employeur à son obligation de formation du salarié durant la relation contractuelle ne tend pas aux mêmes fins que l'unique demande présentée en première instance d'indemnisation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de cette demande. Etant nouvelle en cause d'appel, elle est irrecevable.

Sur le licenciement

En application des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse'; en cas de litige relatif au licenciement, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, étant précisé que l'employeur doit fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables et que la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions de l'article L.1235-2 du code du travail, fixe les limites du litige ; s'il subsiste un doute, il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle, incapacité du salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié. L'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur. L'insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile et ne doit pas être liée au propre comportement de l'employeur ou à son manquement à l'obligation d'adapter ses salariés à l'évolution des emplois dans l'entreprise.

La lettre de licenciement est rédigée comme suit':

«'Vous êtes embauché dans notre société depuis le 30 juillet 2012 et occupez actuellement, la fonction de Manager d'Activité sur le site de [Localité 5].

A ce titre, il vous appartient d'assumer la responsabilité de votre structure en définissant vos objectifs annuels et les moyens matériels et humains nécessaires pour les réaliser. Vous devez gérer l'activité commerciale de cette dernière en vous assurant de la satisfaction de vos clients tout en développant votre portefeuille de clientèle. De par votre rôle de manager, vous devez également coordonner vos équipes et vous assurer du développement de leurs compétences. Enfin, votre rôle de gestionnaire, implique un suivi irréprochable dans le budget de vos affaires et de votre échéancier.

Or, force est de constater que vous éprouvez de réelles difficultés dans la prise de vos fonctions puisque vous cumulez depuis 2013, un certain nombre de dysfonctionnements dont nous vous avons fait part de manière régulière, ainsi que des actions correctives à mettre en place rapidement, lesquelles à ce jour, sont restées sans effet dans les domaines ci-après':

Domaine budgétaire':

Depuis votre intégration dans l'entreprise, nous constatons une dégradation de la rentabilité de votre structure de maintenance.

Objectif (K€)

Résultat (K€)

Ecart projection

Maintenance

Trvxrégie

Total

Maintenance

Trvx

Total

Total

2013

-237

122

-115

-260

101

-159

-44

2014

-264

119

-145

-282

111

-171

-26

2015

-227

126

-101

-265

177

-88

13

2016

-241

199

-42

-293

146

-147

-105

2017

-237

183

-54

-406

184

-222

-168

Ce tableau met en évidence la chute de la rentabilité de votre activité notamment sur les deux derniers exercices.

De plus, excepté sur l'exercice 2015, vous n'avez jamais respecté l'objectif de rentabilité que vous vous êtes fixé. L'écart entre votre objectif et votre résultat final tend même à se dégrader sur les deux derniers exercices.

L'analyse de ce constat révèle une incapacité de votre part, à adapter votre outil de production à la réalité du marché. Vos prévisions budgétaires initiales sont en réalité régulièrement dépassées, ce qui vous oblige à mettre à jour vos carnets et génère une mauvaise rentabilité de vos affaires, malgré le développement de votre portefeuille clients.

Le bilan de l'exercice 2017 est, à ce titre, révélateur de votre manque de rigueur budgétaire et de votre incapacité à fiabiliser votre projection de résultats, puisque votre structure de maintenance a vu son résultat s'effondrer sur les trois derniers mois de l'exercice de ' 160 K€.

A ce propos, je tiens à souligner que vous êtes coutumier du fait, puisque nous avions noté de pareilles dégradations en fin d'année 2016.

Mois/année

Projection de résultat

en K€

Mois/année

Projection de résultat en K€

2017-01

-190

2016-01

-182

2017-02

-171

2016-02

-11

2017-03

-152

2016-03

-21

2017-04

-75

2016-04

-39

2017-05

-76

2016-05

-38

2017-06

-66

2016-06

8

2017-07

-59

2016-07

1

2017-08

-46

2016-08

9

2017-09

-70

2016-09

-9

2017-10

-132

2016-10

-10

2017-11

-69

2016-11

-15

2017-12

-222

2016-12

-147

Il est à noter également que de manière très récurrente, vos mises à jour de budget ne sont pas faites en amont de nos réunions opérationnelles mensuelles, ce qui laisse peu de visibilité à vos pairs et à votre supérieur hiérarchique, pour apprécier la mesure de vos actions et vous guider le cas échéant.

En outre, nous avons constaté que vos travaux en cours de 40€ de novembre dernier auraient dû être facturés ou, à défaut, corrigés en fin d'exercice, s'agissant de pertes identifiées par vos soins sur l'exercice 2017. Au lieu de cela, lors de la reprise des budgets des contrats sur 2018, ces travaux en cours ont été repris, reportant ainsi la perte sur l'exercice 2018.

Ce constat met en évidence vos lacunes en termes de gestion budgétaire et d'utilisation des outils associés.

Enfin, lors des réunions des managers d'activité du territoire de janvier et février dernier, vos objectifs ont été refusés à deux reprises par vos collègues.

En effet, les autres managers d'Activité de votre territoire ont jugé que votre stratégie était inadaptée à l'organisation mise en place, du fait qu'une décision avait été prise par l'ensemble des managers en fin d'année 2017, que l'activité travaux des sites de [Localité 5] [Localité 7] serait assumée par le manager d'Activité [T] [F]. Or, lors de la présentation de votre stratégie en réunion des managers de janvier 2018, vous avez présenté une organisation vous permettant de développer l'activité travaux sur [Localité 5] et [Localité 7]. Cette proposition allait à l'encontre de la stratégie du territoire.

Elle fut donc refusée en réunion. Vos collègues vous ont demandé de présenter une nouvelle stratégie lors de la réunion suivante, programmée en février 2018.

Durant cette nouvelle réunion, vous avez de nouveau présenté votre organisation et votre projection de résultats pour l'année 2018. Force a été de constater que la simulation des coûts de votre structure n'intégrait pas les charges et salaires liés à l'ensemble des membres de votre équipe. Ainsi, les autres managers d'activité de votre territoire vous ont questionné sur l'inadéquation entre votre volume d'affaires et la taille de votre équipe. Ils ont mis en doute votre capacité à avoir une vision fiable de votre projection de résultat et plus généralement à rentabiliser votre activité.

Domaine managérial':

Comme nous en avons échangé lors de notre entretien, et de manière régulière au cours de nos réunions mensuelles, il vous appartient de sélectionner votre équipe, veiller à la montée en compétence de vos techniciens, et entretenir une communication fluide avec l'ensemble des collaborateurs de manière à favoriser une ambiance conviviale et collaborative au sein de votre structure.

Or, vos difficultés à communiquer de manière claire et non équivoque génèrent des dysfonctionnements et des incompréhensions que ce soit avec vos pairs, lors des réunions mensuelles, comme avec le personnel de votre structure.

De même, il ressort des échanges que vous avez avec vos pairs, que vous ne déléguez pas une partie de votre travail, ce qui génère pour vous une perte de temps et une dispersion dans les nombreux sujets que vous avez à traiter. Or, vous disposez d'une équipe constituée de personnel compétent qu'il conviendrait de former aux outils internes, de manière à les faire évoluer d'une part, et vous permettre de déléguer d'autre part certains sujets.

Par ailleurs, en début d'année, vous avez initié la procédure de rupture conventionnelle de Monsieur [M] [A], assistant de gestion au sein de votre structure. Un premier entretien a eu lieu le 4 janvier 2018 au cours duquel vous étiez censé lui expliquer la procédure engagée et le calendrier retenu. Or, en date du 29 janvier 2018, date du deuxième entretien, j'ai pu constater que Monsieur [A] n'avait pas eu d'information claire sur son projet de départ, puisque j'ai été amené moi-même amené à lui expliquer l'ensemble de la démarche. A ce titre, lors de notre entretien du 8 mars dernier, vous m'avez indiqué que Monsieur [A] avait «'joué au candide'» et qu'il était parfaitement informé du calendrier. Néanmoins, vous n'avez pas rebondi sur ce point lors du rendez-vous et Monsieur [A] a convenu avoir des explications plus précises suite à mon intervention.

De même, je vous au demandé au mois de décembre 2017, de voir si [O] [E], responsable de chantier sous votre responsabilité, serait motivé pour devenir animateur du territoire pour le réseau Santé Sécurité Environnement. Suite à votre échange avec Monsieur [E], vous m'avez confirmé que ce dernier était motivé par le sujet et qu'il acceptait ce rôle d'animation journalistique au niveau du territoire, ce que j'ai donc annoncé en réunion opérationnelle du 25 janvier dernier. Or, quelque temps après cette annonce, vous m'avez indiqué qu'il y avait eu un quiproquo et que Monsieur [E] n'était finalement pas intéressé par l'animation du domaine SSE au niveau du territoire, mais qu'il se positionnait animateur au niveau de votre structure.

Par ailleurs, les problèmes de communication récurrents avec votre assistante, [U] [D] génèrent des tensions au sein de l'équipe. A ce titre, nous pouvons citer pour exemple la déprogrammation par vos soins, de l'autoévaluation de Madame [D], 2 jours avant sa date prévue, sans qu'aucune communication ou information de votre part ne lui soit faite verbalement. Le climat entre Madame [D] et vous-même étant tendu depuis plusieurs mois, cette annulation faite sans consultation, ni information préalable, a été extrêmement mal vécue par cette dernière.

En outre, vos difficultés d'appréhender votre stratégie commerciale et votre organisation de chantier, vous a amené à faire des choix non lucratifs au niveau des recrutements.

A ce titre, sur le courant de l'année 2017, vous avez recruté 3 techniciens de maintenance et un responsable de chantiers sans commercialiser de nouveau contrat. Aujourd'hui, votre équipe est trop nombreuse en vue des contrats en cours et de la charge de travail. Lors de notre entretien, vous avez tenu à expliquer que vous vous positionniez dans «'l'anticipation d'un développement futur de votre structure'». Cependant, je vous ai fait remarquer qu'en 5 ans dans notre entreprise, vous n'aviez mené aucune étude de rentabilité de votre structure au préalable et que cette absence d'analyse vous amenait à faire des choix peu stratégiques, voire à perte s'agissant de ces recrutements.

Enfin, notre animateur territoire production maintenance, Monsieur [L] [Y] vous a fait remonter les messages d'insatisfaction de vos clients tels LA POSTE et BPACA qui restent en attente de vos actions. Lors de notre entretien, vous avez indiqué que vos techniciens ne répondaient pas à vos demandes d'où les écarts constatés sur ces contrats. Cependant, tel que votre évaluation l'a mis en exergue en septembre dernier, une partie de votre équipe n'a pas confiance en vous et a le sentiment que vous prenez des décisions à l'affect. Il semble exister un sentiment de défiance entre certains membres de votre équipe. Malgré les résultats de votre évaluation, vous semblez ne pas vous remettre en question à ce niveau puisque aucune action n'a été entreprise et ne parvenez pas à fédérer votre équipe.

Bien que vous ayez pris conscience des axes de progression qu'il vous est nécessaire de développer pour assurer la pérennité de votre structure, je constate malheureusement au fil des mois, que la situation de votre structure se dégrade et que vous ne mobilisez pas les ressources et moyens que le groupe met à votre disposition.

Vous comprendrez aisément que cette situation, laquelle s'analyse en une insuffisance professionnelle, est inacceptable, compte tenu des graves dysfonctionnements tant en interne qu'en externe qu'elle génère.

Dans ces conditions et afin de vous éviter un licenciement eu égard à votre ancienneté, j'ai pris la décision de vous proposer le 3 avril dernier, par lettre recommandée avec AR, un repositionnement sur un poste de Technicien de Maintenance où vous n'auriez plus les mêmes responsabilités financières et les mêmes rapports hiérarchiques avec votre équipe.

Ne pouvant procéder à une modification des clauses de votre contrat de travail sans votre accord préalable, je vous ai demandé de me répondre par voie écrite, en vous laissant un délai de réflexion jusqu'au 20 avril 2018.

Par courrier recommandé avec AR reçu le 23 avril 2018, vous nous indiquiez votre refus de repositionnement.

De ce fait, je vous ai donc convoqué à un nouvel entretien qui s'est déroulé le 14 mai dernier, au cours duquel j'ai à nouveau évoqué avec vous les dysfonctionnements précités.

Dans ces circonstances, je me vois donc contraint de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle.'»

M. [H] fait valoir que':

- qu'il ne lui a pas été assigné d'objectifs de rentabilité et que l'emp1oyeur ne fournit aucune pièce comptable propre à étayer ses allégations relativement aux résultats qui lui sont imputés, ni aucun élément de comparaison par rapport à son prédécesseur ou à d'autres agences comparables ;

- que les objectifs invoqués ne sont pas clairement déterminés';

- que la question de la mise à jour des budgets n'est apparue que lors de la réunion du 24 avril 2018';

- qu'il lui était impossible de suivre seul 400 budgets, et qu'il avait rappelé le 24 avril 2018 que le nombre d'heures passées renseigné par les techniciens était incorrectement renseigné de sorte que les ECMO («'états comparatifs de main d''uvre en étaient faussés)';

- que l'employeur procède par allégation s'agissant de la mauvaise information de M. [A] et de M. [E]';

- que la déprogrammation de l'entretien d'autoévaluation de Mme [D] a été faite à sa demande et constitue un fait anodin';

- que ses propos lors de la réunion du 25 janvier 2018 expriment une difficulté liée à l'attitude négative de Mme [D] depuis le départ de son collègue, M. [A] et qu'il ne peut en être déduit des difficultés de communication qui lui sont imputables';

- que les circonstances justifiaient l'embauche de 3 techniciens de maintenance et d'un responsable de chantier, que les embauches étaient soumises à validation par son supérieur hiérarchique via des modules intranet dédiés et que l'employeur lui a proposé une affectation à un poste de technicien de maintenance';

- que le manque de confiance invoqué de son équipe ne repose sur un aucun élément objectif';

- qu'il a été engagé comme chargé de client, étant alors chargé de gérer l'activité commerciale de la structure «'maintenance'» sur les secteurs des Pyrénées Atlantiques et des Landes';

- que des fonctions de manager d'activité, comportant des tâches budgétaires et managériale, lui ont été confiées en juillet 2013, sans son accord express'; il n'a signé ni avenant ni fiche de poste'; il ne lui a été dispensé aucune formation en lien avec ce poste et avec la délégation de pouvoirs, étant observé en outre que concernant l'embauche de salariés, elle devait être validée par son supérieur hiérarchique';

- qu'il avait un volume excessif et anormal de travail'; l'emp1oyeur a étendu son secteur d'activité au département des Hautes-Pyrénées quelques mois après son embauche, puis a étendu ses fonctions à l'activité travaux des Landes, des Pyrénées Atlantiques et des Hautes-Pyrénées et enfin à la direction de l'agence dans son ensemble à compter d'avril 2017consécutivement au départ de M. [V]'; qu'il a vainement alerté sa hiérarchie relativement à cette surcharge';

- qu'il a vainement alerté sa hiérarchie de la situation du secteur travaux, avec des résultats inquiétants, des chantiers inachevés et une clientèle insatisfaite';

- qu'il n'existait pas, ni fin 2017 ni même en janvier 2018, de décision prise par l'employeur d'affecter l'activité travaux à M. [F]';

- que la société Hervé Thermique lui a proposé un contrat d'apporteur d'affaires postérieurement à son licenciement.

La société Hervé Thermique fait valoir':

- qu'il est question dans la lettre de licenciement de résultat d'exploitation et que les chiffres y mentionnés sont incontestables';

- que M. [H] ne peut contester des objectifs qu'il a lui-même fixés';

- que la fiche de poste qu'il produit a valeur contractuelle';

- que lors de la prise de fonction de M. [H] en 2012, l'activité maintenance de l'agence de [Localité 5] était sinistrée et qu'il ne lui a pas été reproché des prévisionnels négatifs sur cette activité mais de ne pas avoir atteint les objectifs qu'il s'était lui-même fixés';

- qu'il incombait à M. [H] de mettre à jour régulièrement les budgets et qu'il disposait pour cela de l'outil informatique ECMO (état comparatif de main d''uvre) ou PA (prévision actualisée) permettant d'avoir en temps réel une vue sur le coût réel des chantiers';

- que M. [H] ne peut invoquer une surcharge de travail car il lui appartenait de déléguer et de gérer sa structure';

- que M. [H] a effectivement présenté en janvier 2018 un plan d'action englobant l'activité travaux alors que la décision avait été prise de confier cette activité à M. [F]';

- que M. [H] a été défaillant dans l'information donnée à M. [A] et à M. [E] et avait des difficultés de communication avec Mme [D]';

- que M. [H] a embauché en 2017 trois techniciens de maintenance alors que le niveau d'activité ne le justifiait pas';

- que M. [H] était rejeté par une partie de son équipe';

- que les fonctions de M. [H] n'ont pas varié et que son poste a seulement changé de dénomination de chargé de client en manager d'activité'; quand bien même il serait considéré qu'il a changé de poste, il a accepté ce changement puisqu'il a accepté la délégation de pouvoir du 1er octobre 2014

- qu'il a proposé à M. [H] un contrat d'apporteur d'affaires car ses capacités commerciales n'étaient pas en cause.

Au vu des pièces produites, il est à considérer que M. [H] a occupé successivement deux postes, à savoir initialement un poste de chargé de clients, et ensuite un poste de manager d'activité puisque':

- le contrat de travail fait état d'un poste de «'chargé de clients'»';

- le certificat de travail établi par l'employeur le 22 août 2018 indique qu'il a été employé «'aux postes suivants': du 30/07/2012 au 30/06/2013 chargé de clients, du 01/07/2013 au 22/08/2018, manager d'activité'», et l'employeur n'étaye par aucun élément l'allégation suivant laquelle il s'agit là d'un même poste nommé différemment ;

- la «'feuille de support'» tenant lieu de fiche de poste invoquée par l'employeur n'est pas signée par le salarié';

- la sous-délégation de pouvoirs produite par l'employeur est postérieure de plus de deux ans à la date de l'embauche puisqu'elle date du 1er octobre 2014.

Or, l'employeur ne fournit aucun élément démontrant qu'il a formé M. [H] à son nouveau poste alors qu'il lui incombait d'adapter le salarié à l'évolution de ses fonctions.

Il est en outre démontré par l'attestation de Mme [D] que suite à ce changement de poste, l'employeur a d'abord affecté à M. [H] la seule activité maintenance puis également à l'activité travaux. Par ailleurs, il résulte de l'évaluation de M. [H] de septembre 2017 (conclusion de l'équipe': «' [X] est complètement débordé, il n'a pas le temps de faire les choses, il a un trop grand secteur géographique avec la difficulté de deux secteurs travaux et maintenance...'»'; conclusion de M. [H]': «'J'ai l'impression que j'en ai trop, personne ne m'a dit de ralentir le développement. J'ai besoin d'aide je ne suis pas un surhomme je m'essouffle'! Il faut que je délègue et surtout trouver la personne à qui déléguer. Je n'ai plus le temps d'avance'») et du compte-rendu de réunion du 14 novembre 2017 produits par l'employeur que la question de la pertinence de cette organisation et du volume de travail en découlant pour M. [H] a été posée dès 2017 à l'employeur'; ce dernier, qui ne fournit aucun élément de nature à caractériser qu'il a effectivement décidé de quelque changement que ce soit, en fin d'année 2017 comme en janvier 2018, ne peut reprocher à M. [H] d'avoir présenté un plan d'action en janvier 2018 englobant encore l'activité travaux.

Par ailleurs, la société Hervé Thermique ne fournit aucun élément comptable propre à étayer les résultats invoqués dans la lettre de licenciement, ni aucun élément propre à déterminer que les objectifs assignés étaient raisonnables et compatibles avec le marché, ce que le fait qu'ils ont été fixés par le salarié ne suffit pas à caractériser.

De même, les documents produits par l'emp1oyeur relatifs à la rupture conventionnelle passée avec M. [A] (demande de celui-ci par courrier du 21 décembre 2017, convocations à deux entretiens préalables, convention) ne permettent pas de caractériser le grief de défaillance de M. [H] dans l'information donnée à M. [A]. Le grief de défaillance dans l'information donnée à M. [E] s'agissant de la fonction d'animateur réseau SSE du territoire n'est pas non plus établi, étant observé que lors de la réunion du 9 février 2018, il a été indiqué par M. [G], manager de territoire, que «'[O] [E] avait compris qu'il aurait le rôle d'animateur métiers et non territoire'» sans qu'il soit permis d'imputer cette incompréhension à un fait de M. [H]. Il ressort en outre de l'échange de mails entre M. [H] et Mme [D] des vendredi 2 mars et lundi 5 mars que la déprogrammation de l'évaluation de cette dernière a été faite, non, comme allégué par l'emp1oyeur, sans consultation ni information préalable, mais à la demande de Mme [D], et il ne peut être considéré qu'est avérée une relation conflictuelle avec elle imputable à M. [H] alors que le seul fait concret dont elle atteste sur ce point est cette déprogrammation et que, si ce dernier a fait état lors d'une réunion des managers d'activité du territoire du 9 février 2018 d'un «'problème avec son assistante'», il a précisé l'avoir convoquée pour faire le point. Par ailleurs, lors de l'évaluation en septembre 2017 de M. [H] par son équipe, cette dernière a conclu «'[X] est complètement débordé, il n'a pas le temps de faire les choses, il a un trop grand secteur géographique avec la difficulté de deux secteurs travaux et maintenance. Il doit laisser plus de liberté faire confiance, déléguer. Phrase d'un technicien "à son arrivée, j'ai dit à l'équipe qu'il allait nous casser les pieds mais c'est la personne qu'il nous faut et je garde cet avis". [X] est humain. Il faut mettre en place une organisation entre les travaux la maintenance et les agences [Localité 5] [Localité 7]. A [Localité 7], il n'y a pas assez de commercial, on ne le voit pas assez à [Localité 7]. [X] doit faire attention aux copinages'». Cette évaluation n'est pas significative, comme allégué par l'employeur, d'un manque de confiance de ses subordonnés. Enfin, le grief d'embauche de techniciens de maintenance en trop grand nombre en 2017 manque de sérieux dès lors que l'employeur a proposé à M. [H], par courrier du 3 avril 2018, une modification de son contrat de travail tenant à son affectation à un poste de technicien de maintenance, ce sans modification de son rattachement à l'agence de [Localité 5].

Il résulte de ces éléments que l'insuffisance professionnelle n'est pas caractérisée et, en tout état de cause, n'est pas imputable au salarié. Dès lors, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, lorsque la réintégration est refusée par l'employeur ou le salarié, le juge octroie à ce dernier une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés au tableau figurant à cet article.

L'ancienneté du salarié est appréciée au jour où l'employeur envoie la lettre recommandée. M. [H] avait une ancienneté de 5 ans de sorte que l'indemnité est comprise entre 3 mois et 6 mois de salaire brut. Il est raisonnable d'allouer à M. [H], âgé de 53 ans lors de son licenciement, dont le salaire mensuel brut était de 3.965,50 € par mois, et qui ne fournit pas d'éléments relativement à sa situation postérieure, une indemnité égale à 4 mois de salaire brut, soit 15.862 €.

En application de l'article L. 1235-4, il doit être ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, à hauteur de six mois d'indemnités.

Sur les autres demandes

La société Hervé Thermique sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [H] une somme de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne du 7 janvier 2021,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable car nouvelle la demande de dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à l'obligation visée à l'article L.6321-1 du code du travail,

Dit le licenciement de M. [X] [H] sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Hervé Thermique à payer à M. [X] [H] la somme de 15.862 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Hervé Thermique à rembourser aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [X] [H], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, à hauteur de six mois d'indemnités,

Condamne la société Hervé Thermique aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la Hervé Thermique France à payer à M. [X] [H] la somme de 3.500'€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00798
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.00798 ?
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