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16/03/2023 | FRANCE | N°21/00682

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 16 mars 2023, 21/00682


AC/DD



Numéro 23/1005





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 16/03/2023









Dossier : N° RG 21/00682 - N°Portalis DBVV-V-B7F-HZLB





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[X] [G] [P]



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PAU-PYRENEES






>







Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions...

AC/DD

Numéro 23/1005

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 16/03/2023

Dossier : N° RG 21/00682 - N°Portalis DBVV-V-B7F-HZLB

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[X] [G] [P]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PAU-PYRENEES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 07 Décembre 2022, devant :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame PACTEAU, Conseiller

Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [X] [G] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Présente et assistée de Maître REFALO, avocat au barreau de PAU

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE PAU-PYRENEES

Prise en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 21 DECEMBRE 2020

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F19/00118

EXPOSÉ DU LITIGE

À l'issue d'un stage de 4 mois, Mme [X] [G] [P] a été embauchée le 9 juillet 2001 par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Pau-Pyrénées en qualité d'agent administratif, statut employé, niveau 2, suivant contrat à durée déterminée régi par la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale.

Le 1er janvier 2002, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée en qualité d'agent administratif, niveau 2, coefficient 170.

Mme [X] [G] [P] a successivement travaillé dans plusieurs services.

Le 20 mars 2014, le médecin du travail l'a déclarée apte en précisant cependant qu'elle ne devait pas effectuer de port de charge.

À compter du 17 mars 2014, elle a été affectée à un poste de technicien traitement de l'information au service flux entrant - courrier.

À compter du 5 mai 2014, elle a été placée en arrêt de travail.

À compter du 28 décembre 2015, elle n'a plus perçu d'indemnité journalière de sécurité sociale.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Pau-Pyrénées lui a demandé de lui rembourser les sommes qu'elle a versées en tant qu'employeur au-delà du 28 décembre 2015 et jusqu'à février 2016.

Le 6 mars 2017, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste ainsi qu'à tout poste dans l'entreprise.

Elle a été convoquée à un entretien préalable fixé le 13 avril 2017.

Le 19 avril 2017, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 21 novembre 2017, le tribunal du contentieux de l'incapacité a reconnu son invalidité.

Le 3 mai 2019, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 21 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Pau a notamment :

- dit que Mme [X] [G] [P] n'apporte pas d'éléments susceptibles de caractériser des agissements répétés de harcèlement moral survenus après le 19 avril 2014,

- dit que la prescription quinquennale doit trouver à s'appliquer,

- dit que les prescriptions de deux années par rapport à l'exécution du contrat et de douze mois après le licenciement doivent trouver à s'appliquer,

- dit que l'intégralité des demandes de Mme [X] [G] [P] est prescrite,

- en conséquence, débouté Mme [X] [G] [P] de l'ensemble de ses prétentions,

- dit n'y avoir lieu à application des demandes déposées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie supportera ses propres dépens.

Le 3 mars 2021, Mme [X] [G] [P] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 3 juin 2021 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [X] [G] [P] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- juger que son action est recevable et non prescrite,

- juger qu'elle fait état d'agissements répétés ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail, ayant porté atteinte aux droits de la salariée et à sa dignité, altéré sa santé physique et mentale et ayant compromis son avenir professionnel,

- juger que son licenciement pour inaptitude découle directement de la situation subie,

- juger que l'ensemble de ces agissements répétés caractérise une situation de harcèlement moral,

- en conséquence,

- condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Pau-Pyrénées de lui payer :

* 15 000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution fautive du contrat de travail,

- 3 712 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre l'indemnité de congés payés sur préavis de 371 €,

- 3 000 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 20 juillet 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Pau-Pyrénées demande à la cour de : - rejetant toute demande, fin ou prétention contraire,

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de 1'appel interjeté par Mme [X] [G] [P].

- à titre principal,

- con'rmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- en conséquence,

- con'rmer que :

* Mme [X] [G] [P] n'apporte pas d'éléments susceptibles de caractériser des agissements répétés de harcèlement moral survenus après le 19 avril 2014,

* la prescription quinquennale doit trouver à s'appliquer,

* les prescriptions de deux années par rapport à l'exécution du contrat et de douze mois après le licenciement doivent trouver à s'appliquer,

* l'intégralité des demandes de Mme [X] [G] [P] est prescrite,

- dire et juger que Mme [X] [G] [P] doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions,

- à titre subsidiaire,

- constater qu'il n'existe pas de présomption d'existence de faits et d'agissements constitutifs de harcèlement moral,

- dire et juger qu'elle démontre que les agissements répertoriés par Mme [X] [G] [P] sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral,

- en conséquence,

- débouter Mme [X] [G] [P] de sa demande tendant à la condamner à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice quelle aurait subi du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral,

- en tout état de cause, débouter Mme [X] [G] [P] de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de congés payés sur préavis,

- condamner Mme [X] [G] [P] au paiement de la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

Attendu que l'action fondée sur un harcèlement moral est soumise au délai de droit commun de 5 ans de l'article 2224 du code civil ;

Qu'ainsi, Mme [G] [P] n'est pas prescrite en son action en nullité du licenciement pour cause de harcèlement moral dès lors que le dernier fait de harcèlement allégué est la mise en 'uvre de la procédure de licenciement par lettre du 19 avril 2017 et qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 3 mai 2019 ;

Attendu que le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point ;

Sur le harcèlement moral

Attendu que l'article L 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel  ;

Attendu que l'article L 1154-1 du code du travail, prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné doit établir des faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que Mme [G] [P] fait valoir qu'elle a été victime de la part de son employeur de faits de harcèlement moral, caractérisés par une absence d'évolution de carrière, des changements répétés et brutaux de services sans information préalable, un poste de travail non adapté, une absence de décision de l'employeur suite à l'entretien du 2 avril 2014, une mise à l'écart, des propos indignes et vexatoires à son encontre non sanctionnés, une absence de prise en compte de ses diplômes, une absence de solution par l'employeur la maintenant dans une situation professionnelle et financière difficile et son licenciement pour inaptitude ;

Attendu que Mme [G] [P] produit notamment au dossier les éléments suivants :

- une attestation de formation de la salariée en qualité d'assistante de direction spécialisée au sein des ressources humaines de la caisse primaire d'assurance maladie ;

- un rapport intitulé « rapport sur la façon de servir de Mme [G] [P] » en date du 4 décembre 2001 émettant un avis très favorable à sa titularisation dans le cadre des embauches RTT ;

- une décision de l'employeur positionnant la salariée au niveau 3, coefficient 185 à compter du premier décembre 2002 ;

- un rapport intitulé « façon de servir de Mme [G] [P] » en date du 5 mars 2003 concluant au fait que « [X] est une bonne secrétaire. Elle pourra parfaitement bien remplir le poste sur lequel elle va être affectée en faisant preuve d'organisation et d'autonomie. Elle devrait donc, à mon sens obtenir sans souci son coefficient de carrière » ;

- son évaluation de l'année 2004 mentionnant un travail rapide et de qualité ;

- une décision de l'employeur en date du 10 novembre 2005 affectant la salariée au service « qualité des fichiers » en qualité de secrétaire, niveau 3, coefficient 205 ;

- son évaluation professionnelle de 2005 mentionnant qu'au service coordination CAME et GA, elle fait preuve d'efficacité et d'organisation avec un travail de qualité. Il est spécifié « elle doit maintenant s'attacher à gérer les priorités et donner les résultats correspondants à son activité à sa hiérarchie sans que celle-ci soit obligée de les réclamer » ;

- son évaluation du 19 mai 2006 notant sa nouvelle affectation depuis novembre 2005 au service des fichiers. Il est spécifié que la salariée s'est intégrée à l'équipe et fait preuve d'investissement ;

- son évaluation professionnelle du 17 mai 2007 qui fait état d'une bonne technicité, du fait que la salariée accomplit désormais de nouvelles tâches. Il est spécifié que la salariée doit optimiser le temps passé à la réalisation de ses principales activités afin de traiter les dossiers dans le délai préalablement défini. Il est enfin dit que son autonomie est correcte ;

- une décision de l'employeur en date du 11 avril 2008 affectant la salariée à compter du 14 avril 2008 à mi-temps au service « accueil, réclamations écrites » et mi-temps au service « courrier ». L'évaluation professionnelle réalisée le 4 mai 2009 précise que ce mi-temps s'est prolongé premier février 2009 et que la salariée a ensuite été à temps plein au service réclamations ;

- son évaluation professionnelle du 4 mai 2009 aux termes de laquelle la salariée questionne son évaluateur sur son absence de promotion en 7 années. Il est spécifié que Mme [G] [P] a une productivité basse et qu'un tutorat est en place ;

- une fiche médicale d'aptitude au travail au 25 août 2009. Le médecin du travail a préconisé « un siège réglable adapté et un repose documents » ;

- un document démontrant l'intervention auprès de la salariée d'un intervenant concernant la prévention des risques le 10 janvier 2010 ;

- son évaluation professionnelle du 19 mai 2010 où il est mentionné « Mme [G] [P] a eu du mal à trouver sa place dans le service. En effet, elle n'a pas le profil de technicien et le fait qu'elle n'a pas eu la formation tam-tam l'a pénalisé dans la réalisation de son activité. Mais elle n'a pas souhaité intégrer la session de janvier 2010. Elle a donc fait beaucoup d'efforts pour pallier ces difficultés et elle a également fait le nécessaire pour s'intégrer dans l'équipe ce qui s'est traduit par une nette amélioration de l'ambiance du service ». Il est également mentionné que les efforts doivent être poursuivis et la productivité améliorée. Mme [G] [P] a expliqué lors de cette évaluation qu'elle n'a pas pu intégrer la session tam-tam de janvier 2010 en raison du fait qu'elle venait de terminer un stage qui lui imposait la rédaction d'un mémoire. La salariée pose aussi la question suivante à son évaluateur « concernant mon évolution professionnelle à la CPAM de Pau et les multiples affectations qui m'ont été imposées, et compte tenu de la souffrance que cela a provoqué, je repose la question responsable : serait-il possible que je puisse enfin en avoir une explication ». L'évaluateur lui a répondu que cela ne relevait pas de sa compétence ;

- le 31 août 2010 le médecin du travail a déclaré Mme [G] [P] apte au travail avec les préconisations suivantes « apte avec siège de travail adapté : réglage du dossier et du siège indépendant, accoudoirs réglables, dossier permettant le maintien dorso-lombaire » ;

- différents courriels démontrant que l'employeur, sur demande du médecin du travail a sollicité la dotation d'un siège ergonomique et porte documents. Le 11 août 2010 est présent un courriel indiquant que l'employeur n'a pas acquis le matériel spécifique en raison de son coût et de l'absence de financement ;

- le médecin du travail a délivré le même jour un avis d'aptitude au travail « avec siège adapté à son handicap et à l'évolution : assise réglable en hauteur et en profondeur, maintien dorso-lombaire, accoudoir réglable » ;

- les 19 juillet 2011 et 18 novembre 2011 le médecin du travail, lors d'une visite médicale de reprise, est défavorable à une reprise à temps plein. Il indique « apte avec aménagement du poste.temps partiel thérapeutique » ;

- un courrier de l'employeur à Mme [G] [P] libellé comme suit « le docteur [R], médecin du travail vient de rédiger une fiche médicale d'aptitude datée du 13 février 2012 comportant notamment une recommandation de mutation dans un autre service. Ce document fait suite à un avis du 14 novembre 2011 sollicitant « une mutation à envisager » à la suite duquel vous étiez entretenue avec la sous-directrice chargée de ressources humaines. Lors de cet entretien vous avait exprimé des difficultés dans le service réclamations écrites dans lequel vous travaillez actuellement. Madame [S] vous avait à cette occasion rappeler que vous aviez également rencontré des difficultés d'ordre varié dans d'autres services auxquels vous avez été précédemment affectée : documentation, coordination CAME, QDF et vous aviez pu échanger sur les types de postes qui pourraient vous intéresser. Dans un souci réel d'apaisement et eu égard à la volonté de prendre en compte les éléments 'santé' qui doivent expliquer la demande du Docteur [R], je vous informe qu'aujourd'hui un poste disponible au service correspondant informatique. Ce poste de secrétaire me paraît correspondre à votre souhait de recentrer votre activité sur du secrétariat et paraît être dans vos compétences puisque dans le passé vous avaient assuré des tâches similaires dans cette unité alors dénommée CILU. Aussi, je vous informe que vous serez affectés au service correspondant informatique à compter du 10 avril 2012, sauf à ce que vous m'informiez par écrit de la volonté de conserver votre poste actuel ». Il convient de noter que la salariée ne produit pas au dossier les deux avis du médecin du travail mentionnés dans ce courrier ;

- une décision de l'employeur en date du 4 juin 2012 affectant la salariée à compter du 24 mai 2012 au service « coordination informatique » en qualité de secrétaire, niveau 3, coefficient 215 ;

- un courrier de contestation par la salariée de son évaluation professionnelle 2012 et une réponse de l'évaluateur maintenant l'évaluation ;

- son évaluation professionnelle du 9 juillet 2013 mentionnant son adaptation, son implication et sa gestion en toute autonomie du BANDOC ;

- le 20 mars 2014 le médecin du travail a déclaré la salariée « apte au poste avec restrictions suite à étude de poste du 13 mars 2014 : pas de manutention répétée de charges supérieures à 5 kg, notamment pas de ramassage de courrier » ;

- un courriel de la salariée en date du 4 novembre 2013 revendiquant des points de compétence. L'employeur a adressé un courrier en réponse à cette demande le 27 janvier 2014 s'engageant de traiter la demande avec diligence ;

- un courrier de l'employeur au médecin du travail en date du 2 juin 2013 (semblant plus probable au vu du corps du courrier de l'année 2014) libellé comme suit « je vous prie de trouver ci-joint copie de la lettre adressée par Madame [G] [P] suite à son affectation au pôle flux entrants en qualité de technicien traitement de l'information. Comme vous pouvez le constater, celle-ci évoque difficultés de santé liés à des tâches exigeant des mouvements répétitifs ayant entraîné des problèmes de santé nécessitant un traitement médical. Dans ces conditions vous serait-il possible de vous prononcer de nouveau sur l'aptitude au poste de travail de technicien traitement de l'information aux services flux entrants de Madame [G] [P]. Par ailleurs pensez-vous qu'un poste de travail au pôle prestations en qualité de technicien prestations serait adapté à l'état de santé de Madame [G] [P] ' En effet comme je l'ai indiqué à Madame [G] [P] il n'existe pas de poste de secrétaire au sens où elle l'entend, ce type de poste ayant vocation à disparaître du fait du développement de la bureautique au profit d'emploi c'ur de métier ». Il convient de mentionner que Mme [G] [P] ne produit pas à son dossier son courrier ainsi visé dans la lettre de l'employeur ;

- un courrier de l'employeur à la salariée en date du 2 juin 2013 (en réalité 2014) ;

- une décision de l'employeur affectant la salariée au service des flux entrants en qualité de technicien traitement de l'information, niveau 3, coefficient 2015 à compter du 17 mars 2014 ;

- un courrier des délégués du personnel Force Ouvrière dénonçant le fait que, concernant Mme [G] [P], l'employeur a modifié unilatéralement la qualification de la salariée ;

- un certain nombre de courriels entre la salariée et les ressources humaines sur les diplômes et leur non prise en compte dans la carrière de Mme [G] [P].

Il convient de noter qu'aucun diplôme n'est produit au dossier ;

- un certain nombre de certificats médicaux de 2016 faisant état d'un syndrome dépressif de la salariée ;

- la reconnaissance de travailleur handicapé de Mme [G] [P] à compter du premier mars 2016 jusqu'au 28 février 2019 ;

- les recommandations du médecin du travail suite à l'examen de pré-reprise de Mme [G] [P] le 25 juillet 2016 mentionnant « je ne pense pas qu'elle puisse reprendre son poste aux flux entrants à l'issue des arrêts » ;

- des certificats médicaux de 2017 ayant diagnostiqué chez la salariée une fibromyalgie sévère ;

- les recommandations du médecin du travail suite à l'examen de pré-reprise de Mme [G] [P] le 13 février 2017 mentionnant « la reprise du poste n'est pas envisageable à l'issue de l'arrêt, aussi je m'oriente vers une inaptitude à son poste et à tout poste dans la structure » ;

- un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie du 24 février 2017 notifiant à Mme [G] [P] un indu de 1883,79 euros (salaire non dus dans la période du 21 janvier au 29 février 2016) ;

- un avis d'inaptitude du médecin du travail en date du 6 mars 2017 libellé comme suit « inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise. Aucun aménagement de poste ni aucun reclassement n'est envisageable » ;

- un jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité de Bordeaux en date du 21 novembre 2017 jugeant que « dit qu'à la date du 5 avril 2016, Mme [G] [P] présente un état d'invalidité réduisant des deux tiers sa capacité de travail ou de gain et la rendant absolument incapable d'exercer une activité professionnelle et fait droit à la demande de pension d'invalidité de Mme [G] [P] ». Selon cette même décision elle a été classée en invalidité de deuxième catégorie. Les motifs de la décision précisent « en se plaçant à la date du 5 avril 2016 l'examen de Mme [G] [P] montre un état dépressif chronique d'intensité importante » ;

- des attestations de connaissances de Mme [G] [P] n'ayant été témoins d'aucun fait dans le cadre de ses fonctions au sein de la caisse primaire d'assurance maladie mais relatant son état de santé ;

Attendu que ces éléments, pris dans leur ensemble avec analyse de leur chronologie reconstituée par la cour, établissent des faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral ;

Qu'il incombe donc à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que l'employeur produit au dossier notamment les éléments suivants :

- le curriculum vitae de Mme [G] [P] mentionnant sa formation d'assistante de direction obtenue en 2000-2001 ;

- un projet de réorganisation des services de 2002 affectant l'accueil, le conseil, les prestations, le centre de compétence, l'action sociale, la documentation, la correspondance informatique et les liaisons utilisateurs justifiant les mouvements au sein du personnel ;

- un procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 17 décembre 2004 présentant le nouvel organigramme de la CPAM ;

- un compte rendu d'entretien en date du 24 septembre 2004 rédigé par Mme [S] ayant reçu en entretien Mme [G] [P] concernant des propos tenus par une autre salariée à son endroit considérés comme désobligeants. Il est mentionné « La demande de Mme [G] [P] est la suivante : pouvoir travailler dans le respect mutuel, que le management de l'équipe soit assuré par M.... ou Mme... comme cela est convenu, que la répartition de sa charge de travail entre les deux services soit plus claire et que, le cas échéant, les arbitrages soient réalisés par M.... ». L'employeur a ainsi pris en compte les doléances de la salariée aux fins d'y remédier ;

- un procès-verbal de réunion du comité d'entreprise en date du 17 octobre 2005 concernant l'évolution des CAME et l'adéquation entre la charge de travail et l'effectif dans les unités de travail ;

- une demande de congé sans solde de la salariée en novembre 2008 de deux mois pour un stage de validation de son diplôme DESA ayant reçu un avis favorable ;

- des échanges de courriels entre la salariée et l'employeur sur la formation tam-tam et le souhait de différer le suivi de celle-ci ;

- un justificatif de commande de fauteuil ergonomique au 6 juin 2011 ;

- un certain nombre de courriel entre l'employeur et l'AGEFIPH concernant le financement du poste de travail de la salariée ;

- un courrier de Mme [G] [P] en date du 14 octobre 2011 à son employeur libellé comme suit « sensibilisée par la création d'un nouveau service dans le cadre des flux entrants, je souhaiterais m'y associer en proposant ma candidature au poste de technicien traitement de l'information ». L'employeur a ainsi tenu compte, postérieurement à l'arrêt de travail de la salariée de ses desiderata professionnels ;

- un avis du médecin du travail en date du 14 novembre 2011 indiquant « apte avec aménagement de poste de travail : temps partiel thérapeutique, mutation à envisager ». L'employeur a donc en opérant à un changement de service de la salariée, respecté les préconisations du médecin du travail ;

- un avis du médecin du travail en date du 13 février 2012 mentionnant « apte avec aménagement de poste : poursuite du mi-temps thérapeutique, mutation recommandée dans un autre service » ;

- un procès-verbal de réunion des délégués du personnel en date du 28 mars 2014 où l'employeur présente ses excuses à Mme [G] [P] pour n'avoir pas informé la salariée de son affectation au service flux entrants avant la décision, admettant une maladresse dans la gestion du dossier. Il est mentionné une proposition de recevoir la salariée le 2 avril 2014 ;

- un courrier de la salariée à son employeur en date du 23 mai 2014 libellé comme suit « je me permets de vous solliciter suite à notre rencontre du 2 avril dernier. Lors de cet entretien portant sur mon changement d'affectation notifié le 24 mars, vous avez évoqué la possibilité d'une nouvelle proposition de poste, plus adapté à mes compétences. La décision que vous avez prise, sans ménagement, de m'affecter à l'ouverture courrier, avec des tâches exigeant des mouvements répétitifs a entraîné des problèmes de santé nécessitant un traitement médical. De plus, je considère comme dévalorisante cette affectation en qualité de technicien traitement de l'information au service flux entrants. Ce poste en effet nécessite moins de qualification que mon ancienne affectation au service informatique en qualité de secrétaire ». Ce courrier, surprenant en son libellé, doit être rapproché de celui déjà évoqué plus haut d'une candidature spontanée de la salariée pour une affectation à ce poste. Cet étonnement est d'ailleurs mis en avant dans le courrier de l'employeur en date du 2 juin 2013 (en réalité 2014) produit également par la salariée ;

- un extrait de la codification des emplois au sein des organismes de sécurité sociale mentionnant :

-pour une secrétaire : personnel assistant un responsable ou une équipe de travail, spécialisé sur des activités de secrétariat classique,

-pour un agent administratif : personne chargée de diverses tâches administratives,

-technicien de prestations : personne chargée de la liquidation des prestations ;

- le récapitulatif des formations suivies par Mme [G] [P] de 2011 à 2013 sans que ne figure la formation tam-tam ;

- un extrait de la convention collective sur le paiement des salaires durant un arrêt de travail démontrant que l'indu réclamé par l'employeur était justifié ;

Attendu que l'employeur démontre ainsi que les décisions prises à l'égard de Mme [G] [P] sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement quant à tous les points soulevés par la salariée ;

Attendu que compte tenu de l'ensemble de ces éléments le harcèlement moral soutenu par Mme [G] [P] n'est pas caractérisé et celle-ci sera déboutée de ses demandes de ce chef ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par l'employeur et de paiement de l'indemnité compensatrice de préavis

Attendu que conformément à l'article L. 1471-1 du code du travail toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ;

Attendu qu'au vu de tous les éléments indiqués plus haut ce n'est qu'au moment de la rupture de son contrat de travail que Mme [G] [P] a connu les faits lui permettant d'exercer son droit ;

Que sa demande de dommages et intérêts n'est nullement prescrite ;

Attendu que la chronologie de la relation contractuelle, décrite avec détails au travers des pièces analysées concernant la demande de harcèlement moral que l'employeur n'a pas commis de faute dans l'exécution du contrat de travail ;

Que rien au dossier ne permet d'établir que l'employeur a commis des fautes intentionnelles ;

Attendu que l'adaptation de son poste de travail, si elle a pu mettre du temps à être réalisée, ne l'a été que par l'effet de l'intervention de l'AGEPHIP du fait de la qualité de travailleur handicapée de la salariée ;

Attendu que les changements d'affectation, comme l'attestent les pièces déjà évoquées n'ont pas été brutaux et unilatéraux, certains relevant de directives de l'employeur, d'autres de l'état de santé de la salariée et des prescriptions du médecin du travail et enfin de la volonté propre de Mme [G] [P] ;

Attendu que les éléments médicaux produits au dossier ne démontre nullement l'employeur fautif quant à l'aggravation de l'état de santé de la salariée, celui-ci ayant toujours respecté les préconisations du médecin du travail et n'ayant pas pris à la légère les plaintes de la salariée sur divers registres ;

Attendu que compte tenu des pièces déjà évoquées plus haut, aucun manquement de l'employeur ne peut justifier l'allocation de dommages et intérêts et de l'indemnité compensatrice de préavis au profit de Mme [G] [P].

Sur les demandes accessoires

Attendu que Mme [G] [P] qui succombe, devra supporter les dépens d'appel.

Qu'il apparaît équitable en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes de Pau en date du 21 décembre 2020 sauf en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que les demandes de Mme [X] [G] [P] sont recevables comme étant non prescrites,

DEBOUTE Mme [X] [G] [P] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et de l'exécution fautive du contrat de travail et de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis,

CONDAMNE Mme [X] [G] [P] aux dépens d'appel et DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00682
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.00682 ?
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