JN/DD
Numéro 23/998
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 16/03/2023
Dossier : N° RG 21/00365 - N°Portalis DBVV-V-B7F-HYNW
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
Société [7]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 19 Janvier 2023, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Société [7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître DUALE loco Maître ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître SERRANO loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 20 JANVIER 2021
rendue par le PÔLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 19/00362
FAITS ET PROCÉDURE
Le 28 janvier 2019, la société [7], entreprise de travail temporaire (l'employeur) a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse ou l'organisme social) une déclaration d'accident du travail survenu le jour même à 7h45, et concernant M.[O] [L] (le salarié), salarié mis à disposition de la SARL [6], en qualité d'ouvrier man'uvre.
Cette déclaration indiquait notamment que l'accident avait eu lieu dans les locaux de l'entreprise utilisatrice, et précisait « en chargeant une baie vitrée dans le fourgon, (le salarié) a ressenti une vive douleur dans le biceps gauche' victime transportée à : urgence, hôpital de [Localité 5] ».
Le certificat médical initial du 28 janvier 2019, établi par le Docteur [V], service des urgences de l'hôpital de [Localité 5], et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 28 février 2019, fait état d'une « rupture tendon distal du biceps brachial G clinique ».
Par courrier du 30 janvier 2019, l'employeur adressait à la caisse des réserves.
Le 14 février 2019, la caisse a notifié à l'employeur, sa décision de prise en charge d'emblée, de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
L'employeur a contesté l'opposabilité à son égard de cette décision ainsi qu'il suit :
- le 9 avril 2019, devant la commission de recours amiable (CRA) de l'organisme social, laquelle n'a pas répondu,
- le 8 juillet 2019, devant le Pôle Social du Tribunal de Grande Instance de Mont de Marsan, devenu le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Mont de Marsan.
Par jugement du 20 janvier 2021, le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Mont de Marsan a :
- déclaré opposable à l'employeur la décision du 14 février 2019 tendant à la prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, de l'accident de travail du salarié survenu le 28 janvier 2019 et ce jusqu'au 28 février 2019,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- condamné l'employeur, partie succombant pour l'essentiel, à assumer la charge des dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.
Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de l'employeur le 25 janvier 2021.
Le 3 février 2021, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour, l'employeur, par son conseil, en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation du 14 septembre 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 5 janvier 2023, contradictoirement reportée à leur demande, pour le parfait respect du principe du contradictoire, à l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions visées par le greffe le 2 novembre 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur, la Société [7], appelant, conclut à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande à la cour de :
- constater que les réserves qu'elle a formulées le 30 janvier 2019 étaient motivées,
- constater que le principe de la contradiction n'a pas été respecté par la caisse,
en conséquence,
- juger que la décision de la caisse, de prise en charge de l'accident litigieux au titre de la législation professionnelle, lui est inopposable.
Selon ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 17 janvier 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie des Landes, intimée formant appel incident, conclut :
-à la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a déclaré opposable à l'employeur la décision de la caisse du 14 février 2019 tendant à la prise en charge de l'accident de travail du salarié du 28 janvier 2019 et jusqu'au 28 février 2019,
- mais à son infirmation, en ce qu'il a limité l'opposabilité à l'employeur de la prise en charge des soins et arrêts de travail prescrits au titre de l'accident du travail du 28 janvier 2019 à ceux prescrits jusqu'au 28 février 2019,
et statuant à nouveau,
- au débouté de l'employeur de sa demande d'inopposabilité à son égard de l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits au salarié au titre de l'accident du travail en cause.
- à ce qu'il soit jugé qu'est opposable à l'employeur la prise en charge de l'intégralité des soins et arrêts de travail prescrits au salarié au titre de l'accident du travail du 28 janvier 2019 jusqu'à sa consolidation ou guérison,
- à la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
SUR QUOI LA COUR
Sur la régularité de la procédure
Selon l'article R441-11 III du code de la sécurité sociale, en sa version applicable à la cause (en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019) :
« En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès ».
Constituent des réserves motivées de la part de l'employeur, au sens des dispositions de l'article R441-11 du code de la sécurité sociale, toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.
L'employeur, au visa des articles R441-11 III du code de la sécurité sociale, de la circulaire du 19 juin 2001, de la CNAMTS numéro 18/2001, pages 8-9, ainsi que de décisions de jurisprudence, rappelle le caractère obligatoire de la formalité substantielle de l'enquête que doit diligenter la caisse, lorsque l'employeur émet des réserves.
Il estime, au cas particulier, que la caisse avait l'obligation, au vu des réserves émises par l'employeur, de procéder à une enquête, faute de quoi il soutient que l'organisme social n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure, cette inobservation étant sanctionnée par l'inopposabilité à l'employeur, de la décision de prise en charge.
L'organisme social, estime au contraire, au visa des dispositions de l'article R441-11 III rappelé ci-dessus, et de décisions de jurisprudence, qu'il a parfaitement rempli son obligation d'information, dès lors que son obligation de diligenter une enquête, suppose que les réserves de l'employeur soient motivées, c'est-à -dire portent sur les circonstances de temps et de lieux de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail. Or, il estime que tel n'est pas le cas, dès lors que les réserves émises, ne serait pas de nature à « jeter un doute sur le caractère professionnel de l'accident ».
Or, au cas particulier, la caisse estime que les réserves exprimées par l'employeur, dont elle rappelle les éléments, n'étaient pas motivées, rendant le grief de l'employeur inopérant.
Sur ce,
Il ressort des éléments du dossier, que l'employeur a exprimé ses réserves en ces termes :
« Nous émettons des réserves sur le caractère professionnel de l'accident cité en référence du fait de l'absence de faits soudains.
D'autre part, aucun témoin ne peut attester l'heure et le lieu indiqué par l'intérimaire ».
Au cas particulier, les réserves émises par l'employeur, consistent à contester la matérialité du fait accidentel, ainsi que les circonstances de temps et de lieu du fait accidentel telles que rapportées par le salarié lui-même. (Cassation civile 2è, 17 février 2022, numéro 20-17. 767-cour d'appel de Pau, 3 mars 1022 numéro 19-1976).
Il s'en déduit que les réserves émises étaient motivées au sens de l'article R441-11 III du code de la sécurité sociale, et imposaient à la caisse de diligenter une enquête.
À défaut, c'est à bon droit que l'employeur se prévaut de l'inopposabilité à son égard, de la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
Le premier juge sera infirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la caisse, qui succombe et qui, seule, forme une demande à ce titre,
La caisse, qui succombe, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 20 janvier 2021,
Et statuant à nouveau,
Déclare inopposable à l'employeur, la société [7], la décision du 14 février 2019 par laquelle la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie, a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident déclaré le 28 janvier 2019 comme étant survenu à M. [O] [L],
Déboute la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie des Landes, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Landes, aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,