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31/01/2023 | FRANCE | N°23/00337

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 31 janvier 2023, 23/00337


N°23/425



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile



ORDONNANCE DU trente et un Janvier deux mille vingt trois





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/00337 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IN6M



Décision déférée ordonnance rendue le 27 Janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,



Nous

, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine ...

N°23/425

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU trente et un Janvier deux mille vingt trois

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/00337 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IN6M

Décision déférée ordonnance rendue le 27 Janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

Monsieur X SE DISANT [Z] [J]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 4]

de nationalité Russe

Retenu au centre de rétention d'Hendaye

Comparant et assisté de Maître Isabelle CASAU, avocat au barreau de Pau et de Madame [I], interprète assermenté en langue russe.

INTIMES :

LE PREFET DE LA CORREZE, avisé, absent,

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 27 janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- ordonné la jonction du dossier RG 23/000108 au dossier RG 23/000107 et, statuant en une seule et même ordonnance,

- déclaré recevable la requête de [Z] [J] en contestation de placement en rétention,

- rejeté la requête de [Z] [J] en contestation de placement en rétention,

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet de la Corrèze,

- rejeté les exceptions de nullité soulevées,

- déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de [Z] [J],

-dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

- ordonné la prolongation de la rétention de [Z] [J] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 27 janvier 2023 à 11 heures 47.

Vu la déclaration d'appel motivée, formée par le conseil de [Z] [J], reçue le 30 janvier 2023 à 11 heures 16.

****

A l'appui de l'appel, pour demander l'infirmation de l'ordonnance entreprise et la remise en liberté de [Z] [J] son conseil fait valoir deux moyens :

- l'illégalité de la décision de placement en rétention administrative au motif que la décision administrative d'interdiction du territoire était entachée d'un vice de légalité externe, à savoir qu'elle n'est ni revêtue du nom et du prénom de son signataire, ni signée de ce dernier. Il est soutenu qu'il se déduit de l'arrêt rendu le 8 novembre 2022 par la CJUE(C704/20 et C 39/21) qu'il appartient au juge des libertés et de la détention de contrôler l'ensemble des irrégularité d'un arrêté de placement en rétention.

- les éléments tirés de la situation personnelle de l'appelant ont été totalement occultés par la préfecture.

Le conseil de [Z] [J] a soutenu ces moyens à l'audience, ajoutant que [Z] [J] vient de présenter une nouvelle demande d'asile, que la mesure de rétention est disproportionnée eu égard à la situation familiale de [Z] [J] lequel justifie par les pièces produites qu'il vit depuis plusieurs années en France avec son épouse et leurs cinq enfants dont un est français et qu'ils sont parfaitement intégrés et offrent de réelles garanties de représentation ; qu'il n'y a compte tenu du contexte géopolitique actuel aucune perspective d'éloignement vers la Russie.

[Z] [J] a été entendu en ses déclarations selon lesquelles il a été renvoyé vers la Russie le 3 décembre 2019, il est revenu en France en octobre 2020 et y réside depuis avec ses enfants et son épouse. Il a précisé que sa famille restée en Tchétchénie l'a informé qu'il avait reçu en octobre une lettre de mobilisation dans l'armée russe.

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond, l'examen de la procédure et des pièces communiquées par le conseil de l'appelant fait apparaître les éléments suivants quant à la situation de ce retenu.

[Z] [J], ressortissant russe d'origine tchétchène né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 4], et qui serait titulaire d'un passeport, demeurant à [Adresse 3] avec son épouse et leurs cinq enfants, a fait l'objet d'un contrôle routier opéré le 24 janvier 2023 par des gendarmes à hauteur du péage autoroutier de [Localité 5] (19). La consultation de différents fichiers a fait apparaître qu'il faisait l'objet de trois fiches de recherches et était classé comme dangereux. Le service des étrangers de la préfecture de la Corrèze ayant indiqué aux gendarmes que [Z] [J] se trouvait en situation irrégulière, il a été placé en retenue.

Il s'est avéré que [Z] [J] avait fait l'objet d'un arrêté portant interdiction administrative du territoire français, pris le 7 septembre 2020 par le Ministre de l'intérieur, dont un exemplaire non signé figure à la procédure. Cet arrêté lui a été notifié le 25 janvier 2023.

Le même jour, le préfet de la Corrèze a pris un arrêté de placement de [Z] [J] en rétention administrative et ce dernier a été conduit au centre de rétention administrative.

Le même jour, une demande de laissez-passer consulaire a été adressée par le préfet de la Corrèze l'Ambassadeur de la Fédération de Russie.

C'est cette mesure de rétention qui a été prolongée par l'ordonnance entreprise, le juge des libertés et de la détention rejetant en outre la requête en contestation de la rétention présentée par [Z] [J].

***

Selon les dispositions de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui fait l'objet d'une décision en rétention peut la contester devant le juge des libertés et de la détention.

Il est constant que si ce texte a donné la compétence exclusive au juge des libertés et de la détention pour apprécier la régularité de la décision de placement en rétention administrative, cette compétence ne saurait être étendue, même par voie d'exception à l'appréciation de la légalité des autres actes administratifs dont l'examen reste de la seule compétence du juge administratif. Ce principe découlant de la séparation des pouvoirs entre le juge judiciaire et le juge administratif n'est pas remis en cause par la décision rendue le 8 novembre 2022 par la CJUE (C-704/90 et C-39/21), puisque dans le système français, c'est toujours un juge, administratif ou judiciaire, qui est chargé de contrôler la légalité et régularité des actes administratifs.

En l'espèce, il y a donc lieu de considérer qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de contrôler la légalité et la régularité de l'arrêté du Ministère de l'intérieur, portant interdiction administrative du territoire français, qui aurait été pris le 7 septembre 2020 à l'encontre de [Z] [J].

Néanmoins, pour apprécier la régularité de la décision de placement en rétention administrative, il appartient au juge judiciaire de s'assurer que la mesure de placement en rétention est fondée sur une mesure d'éloignement. Or figure au dossier soumis par l'autorité administrative à l'appréciation du juge des libertés et de la détention, puis de la Cour, une copie de l'arrêté ministériel du 7 septembre 2020 lequel ne porte aucune signature.

Une décision non signée devant être considérée comme inexistante, il s'ensuit que la mesure de rétention administrative ne repose en l'espèce sur aucune décision d'éloignement exécutoire.

Dès lors, la mesure de placement en rétention administrative dont [Z] [J] fait l'objet doit être considérée comme irrégulière.

Par ailleurs, la décision de placement en rétention apparaît insuffisamment motivée, en ce qu'elle ne fait aucune référence à la situation familiale de [Z] [J], lequel est marié et père de cinq enfants, dont un est français, cette famille résidant à [Adresse 3] depuis plusieurs années.

Il sera ajouté que compte tenu du contexte géopolitique actuel, lié à l'invasion russe en Ukraine le 24 février 2022 et l'exclusion de la Russie du Conseil de l'Europe le 16 mars 2022, il n'existe, ni à court terme, ni à long terme, aucune perspective d'éloignement de [Z] [J] vers cet Etat.

En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise et d'ordonner la mise en liberté de [Z] [J].

PAR CES MOTIFS :

DECLARONS l'appel recevable en la forme.

INFIRMONS l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Corrèze.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le trente et un Janvier deux mille vingt trois à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUS Cécile SIMON

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 31 Janvier 2023

Monsieur X SE DISANT [Z] [J], par mail au centre de rétention d'Hendaye

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Isabelle CASAU, par mail,

Monsieur le Préfet de la Corrèze, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 23/00337
Date de la décision : 31/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-31;23.00337 ?
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