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27/01/2023 | FRANCE | N°23/00303

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 27 janvier 2023, 23/00303


N°23/368



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile



ORDONNANCE DU vingt sept Janvier deux mille vingt trois





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/00303 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IN24



Décision déférée ordonnance rendue le 25 Janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,



Nous,

Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine SA...

N°23/368

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU vingt sept Janvier deux mille vingt trois

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/00303 - N° Portalis DBVV-V-B7H-IN24

Décision déférée ordonnance rendue le 25 Janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

Monsieur X SE DISANT [H] [V]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 9]

de nationalité Georgienne

Retenu au centre de rétention d'[Localité 5]

Comparant et assisté de Maître Stéphanie SOPENA, avocat au barreau de Pau et de Monsieur [X], interprète assermenté en langue géorgienne.

INTIMES :

LES PREFET DES PYRENEES ATLANTIQUES, avisé, absent, qui a transmis ses observations

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 25 janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- ordonné la jonction des dossiers et, statuant en une seule et même ordonnance,

- déclaré recevable la requête de [H] [V] en contestation de placement en rétention,

- rejeté la requête de [H] [V] en contestation de placement en rétention,

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet de la Gironde,

- rejeté les exceptions de nullité soulevées,

- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

- ordonné la prolongation de la rétention de [H] [V] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 25 janvier 2023 à 11 heurs 46.

Vu la déclaration d'appel motivée, formée par le conseil de [H] [V], reçue le 25 janvier 2023 à 16 heures 42.

Vu les observations du préfet des Pyrénées-Atlantiques, reçues le 26 janvier 2023 à 16 heures 00 et communiquées par le greffe avant l'audience au conseil de [H] [V].

****

A l'appui de l'appel, pour demander l'infirmation de l'ordonnance entreprise et la remise en liberté de [H] [V] ou, à titre subsidiaire son placement sous assignation à résidence à [Localité 7], le conseil de l'appelant fait valoir les moyens suivants :

- une atteinte injustifiée à la liberté d'aller et venir,

- une violation des dispositions de l'article L 741-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- une notification tardive des droits en garde à vue,

- la possibilité de placer [H] [V] sous assignation à résidence.

Le conseil de [H] [V] a soutenu ces moyens à l'audience.

Par ses observations écrites, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet des moyens soulevés.

[H] [V] a été entendu en ses déclarations selon lesquelles sa femme et ses deux enfants sont domiciliés à [Localité 6] dans le cadre de leur demande d'asile mais demeurent désormais avec lui à [Localité 7]. Il a précisé qu'il comptait retournait en Géorgie, mais pas avant que sa fille ne soit opérée à l'hôpital [8] à [Localité 4], l'intervention étant programmée pour le 5 mars avec une hospitalisation à compter du 3 mars. Il a précisé qu'il travaillait comme électricien.

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond,

A titre liminaire, il doit être relevé que le juge des libertés et de la détention a été saisi d'une requête en prolongation de la rétention administrative de [H] [V], non pas par le préfet de la Gironde comme indiqué dans l'ordonnance entreprise mais par le préfet des Pyrénées-Atlantiques, erreur qui doit être rectifiée en cause d'appel.

L'examen de la procédure et des pièces communiquées par le conseil de l'appelant fait apparaître les éléments suivants quant à la situation de ce retenu.

[H] [V], ressortissant géorgien né le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 9], ainsi que cela est établi par ses pièces d'identité, dont son passeport remis au service de la police aux frontières du centre de rétention d'[Localité 5], s'est vu refuser le statut de réfugié par décision de l'OFPRA, rendue le 8 août 2022 et notifiée le 11 août 2022.

A la suite de ce refus, le préfet de la Gironde a pris à son encontre le 19 septembre 2022, un arrêté retirant l'attestation de demandeur d'asile, rejetant la demande de délivrance de titre de séjour qu'implique la reconnaissance du statut de réfugié ou l'octroi d'une protection subsidiaire, faisant obligation à [H] [V] de quitter le territoire français, lui accordant un délai de départ volontaire de 30 jours et prononçant une interdiction de retour pendant un an. Cet arrêté a été notifié le 21 septembre 2022 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, revenue avec la mention « non réclamé ».

Le 10 novembre 2022, après qu'une audition de [H] [V] ait été recueillie par les services de la police aux frontières de [Localité 3] (64), le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris un arrêté prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de un an, décision notifiée le jour même à l'intéressé.

Le 22 janvier 2023 à 02 heures 10, des gendarmes du peloton motorisé d'[Localité 2] (64) ont procédé à un contrôle routier d'initiative d'un véhicule Peugeot 307. [H] [V] en était le conducteur. Il s'est avéré qu'il n'était pas titulaire d'un permis de conduire et que le véhicule n'était pas assuré. En outre, les vérifications aussitôt entreprises auprès des services de la préfecture ont montré qu'il se trouvait en situation irrégulière après « notification de deux O.Q.T.F » selon le procès-verbal établi.

[H] [V] a été conduit dans les locaux de la gendarmerie et a été placé en garde à vue à compter de 3 heures 30.

A l'issue de cette mesure de garde à vue, [H] [V] a été placé en rétention administrative par arrêté, pris le 22 janvier 2023 par le préfet des Pyrénées-Atlantiques et notifié à l'intéressé à 17 heures 30 par les gendarmes, qui l'ont ensuite conduit au centre de rétention administrative d'[Localité 5].

C'est cette mesure de rétention qui a été prolongée pour vingt-huit jours par l'ordonnance entreprise.

****

Sur le moyen pris de la notification tardive des droits en garde à vue :

Cette exception de nullité ayant déjà été soulevé in limine litis devant le premier juge, elle est recevable par application des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile.

L'article 63-1 du code de procédure pénale, relatif à la notification des droits de garde à vue prévoit que « Si la personne ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant après qu'un formulaire lui a été remis pour son information immédiate ».

Il est en outre constant que tout retard dans la notification des droits, notamment lié à la difficulté de contacter un interprète, doit être justifiée par une circonstance insurmontable, et qu'un retard, non justifié par de telles circonstances, dans la notification des droits porte nécessairement grief au gardé à vue.

En outre, le document prévu aux articles 63-1 et 803-6 du code de procédure pénale, dit formulaire des droits, ne dispense pas d'une notification par le truchement d'un interprète lorsque la personne placée en garde à vue ne comprend et ne parle pas le français. En effet, ce texte prévoit que ce formulaire est remis lors de la notification de la mesure, mais il est évident qu'en l'absence d'interprète, la personne qui ne parle ni ne comprend le français, ne peut immédiatement exercer ses droits puisqu'elle est dans l'incapacité de les formuler. Ainsi la seule remise du formulaire ne vaut pas notification des droits.

En l'espèce, dans la procédure établie sous la référence 00033/2023 par le peloton motorisé d'[Localité 2] figure un procès-verbal intitulé « de notification, d'exercice des droits et déroulement de garde à vue volet initial », selon lequel :

- [H] [V] a été placé en garde à vue à 03 heures 30, avec effet à compter de 02 heures 10, heure de son interpellation et a été placé en chambre de sûreté « le temps nécessaire à l'arrivée de l'interprète. Devant l'incapacité de la personne de comprendre ses droits du fait qu'il ne parle pas le français, la notification de ceux-ci est différée ».

- à 03 heures 10, il a été remis à [H] [V] « un document énonçant ses droits dans une langue qu'il comprend à savoir le géorgien ». Il a ensuite été emmené dans les locaux d'une autre gendarmerie et placé en chambre de sûreté.

Figure également un autre procès-verbal intitulé « de notification, d'exercice des droits et déroulement de garde à vue volet n°2 », selon lequel :

- le 22 janvier 2023 à 10 heures 30, l'officier de police judiciaire en charge de la mesure de garde à vue a contacté par téléphone [G] [X], interprète en géorgien, afin de traduire les droits de [H] [V]. La réquisition faite à cet interprète est datée du 22 janvier 2023 à 10 heures 30.

- à l'arrivée de l'interprète à 12 heures 30, les droits afférents à la mesure de garde à vue ont été notifiés à [H] [V] en présence de cet interprète.

Ainsi, alors que [H] [V] a été placé en garde à vue à 03 heures 30 avec effet rétroactif à 02 heures 10, il doit être constaté que s'il lui a été aussitôt remis le formulaire des droits en langue géorgienne, ce n'est qu'à 12 heures 30, soit neuf heures après la décision de placement en garde à vue, que ses droits lui ont été notifiés par le truchement d'un interprète en langue géorgienne, sans qu'aucun procès-verbal ne fasse état, ni des diligences accomplies, entre 03 heures 30 et 10 heures 30, par l'officier de police judiciaire pour contacter un interprète, ni des difficultés qu'il a pu rencontrer, ce qui met le juge judiciaire dans l'impossibilité d'apprécier si le retard pris pour la notification des droits est ou dû à une cause insurmontable. La notification des droits doit dès lors être considérée comme tardive.

Du fait de cette notification tardive de ses droits de gardé à vue à [H] [V], son placement en garde à vue est entaché d'une irrégularité qui lui fait nécessairement grief. Cette garde à vue précédant immédiatement le placement en rétention administrative de [H] [V], cette mesure doit être considérée comme irrégulière.

En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui de l'appel, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise, de déclarer la procédure irrégulière et d'ordonner la remise en liberté de [H] [V] en lui rappelant qu'il a obligation de quitter le territoire français.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons l'appel recevable en la forme,

Infirmons l'ordonnance entreprise,

Faisons droit à la requête en contestation du placement en rétention présentée par [H] [V]

Ordonnons la remise en liberté immédiate de [H] [V].

Rappelons à [H] [V], conformément aux dispositions de l'article L742-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il a l'obligation de quitter le territoire français.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture des Pyrénées Atlantiques.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le vingt sept Janvier deux mille vingt trois à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUS Cécile SIMON

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 27 Janvier 2023

Monsieur X SE DISANT [H] [V], par mail au centre de rétention d'[Localité 5]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Stéphanie SOPENA, par mail,

Monsieur le Préfet des Pyrénées Atlantiques, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 23/00303
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;23.00303 ?
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