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19/01/2023 | FRANCE | N°23/00208

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 19 janvier 2023, 23/00208


N°23/242



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile



ORDONNANCE DU dix neuf Janvier deux mille vingt trois





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/00208 - N° Portalis DBVV-V-B7H-INRG



Décision déférée ordonnance rendue le 16 Janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,



Nous, CÃ

©cile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine SAYO...

N°23/242

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU dix neuf Janvier deux mille vingt trois

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 23/00208 - N° Portalis DBVV-V-B7H-INRG

Décision déférée ordonnance rendue le 16 Janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 15 décembre 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

Monsieur X SE DISANT [D] [N]

né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 5]-ALGERIE

de nationalité Algérienne

Retenu au centre de rétention d'[Localité 2]

Comparant et assisté de Maître Mathieu APPAULE, avocat au barreau de Pau et de Monsieur [H], interprète assermenté en langue arabe.

INTIMES :

LE PREFET DE LA HAUTE-VIENNE, avisé, absent, qui a transmis un mémoire.

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 16 janvier 2023 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le préfet de la Haute-Vienne,

- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

- ordonné la prolongation de la rétention de [D] [N] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 16 janvier 2023 à 16 heures 20.

Vu la déclaration d'appel motivée, formée par [D] [N] et transmise par la CIMADE, reçue le 17 janvier 2023 à 16 heures 10.

Vu le mémoire adressé par le conseil de [D] [N] et reçu le 18 janvier 2023 à 21 heures 12, lequel a été communiqué par ledit conseil au préfet de la Haute-Vienne.

Vu les observations du préfet de la Haute-Vienne, reçues le 19 janvier 2023 à 09 heures 14 et communiquées par le greffe avant l'audience au conseil de [D] [N].

****

Pour demander l'infirmation de l'ordonnance entreprise, [D] [N] a fait valoir dans sa déclaration d'appel qu'il est demandeur d'asile en Espagne et que ses empreintes sont donc dans le fichier Eurodac, qu'il a déjà été placé cette année au centre de rétention de [Localité 4] et qu'il a été dubliné vers l'Espagne ; qu'il devrait donc être renvoyé vers l'Espagne.

Par son mémoire, le conseil de [D] [N] a conclu :

- à l'illégalité du placement en rétention administrative de [D] [N] en l'absence de risque de fuite caractérisé. Il soutient que l'ordonnance entreprise est entachée d'une erreur de droit pour ne pas être fondée sur les dispositions des articles L751-9 et L751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

- à la possibilité d'une assignation à résidence. Il soutient que le motif retenu par le premier juge sur ce point est « factuellement » erroné puisque [D] [N] a d'ores et déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'assignation à résidence, de sorte que l'intéressé a nécessairement dû remettre l'ensemble des documents exigés par les dispositions de l'article L743-13. Il soutient encore que la circonstance qu'il se soit soustrait à une précédente mesure d'assignation à résidence ne permettait pas au juge des libertés et de la détention de refuser cette mesure et que l'article L743-13 précise que, dans ce cas, le juge est seulement autorisé à motiver spécialement l'assignation à résidence.

Par ses observations écrites, le préfet de la Haute-Vienne soulève l'irrecevabilité du moyen tiré de l'illégalité du placement en rétention administrative au motif qu'il est soutenu pour la première fois en cause d'appel. Il indique en outre que ce moyen est inopérant en ce qu'il concerne l'exécution de la mesure d'éloignement dont l'appelant fait l'objet et non une des raisons qui ont conduit à son placement en rétention administrative, en rappelant que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris à son encontre n'a fait l'objet d'aucune contestation.

A l'audience, le conseil de [D] [N] a soutenu les moyens de la déclaration d'appel et ceux du mémoire, soutenant que ces derniers sont recevables contrairement à ce que prétend l'autorité administrative.

[D] [N] a été entendu en ses déclarations selon lesquelles il souhaite repartir en Espagne et ne plus jamais revenir en France. Il a précisé qu'il ne connaissait pas la réponse donnée à la demande d'asile qu'il a présentée en Espagne. Il a également indiqué que sa femme et ses deux fils vivaient en Algérie et que son passeport se trouvait en Algérie. Enfin, il a dit être revenu en France après avoir été éloigné en Espagne afin de travailler dans le bâtiment sans être déclaré.

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond, l'examen de la procédure et des pièces communiquées par le conseil de l'appelant fait apparaître les éléments suivants quant à la situation de ce retenu.

[D] [N], ressortissant algérien né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 5] (Algérie), est selon ses dires arrivé en France en 2021 après être passé par l'Espagne. Il a déposé une demande d'asile en France le 22 novembre 2021 et une procédure « Dublin » a alors été initiée. Une requête de prise en charge fondée sur l'article 13.1 du règlement Dublin III a été transmise à l'Espagne, pays dans lequel il était connu pour un franchissement de frontière en situation irrégulière, faisant ainsi apparaître une consultation EURODAC positive à ce titre lors de l'enregistrement de la demande d'asile. Les autorités espagnoles ont donné leur accord pour cette demande de reprise en charge le18 janvier 2022.

Le 4 mars 2022, [D] [N] a été interpellé pour des faits de vol en réunion et il était en possession d'une attestation de demande d'asile en cours de validité, valable du 27 décembre 2021 au 26 avril 2022.

Par décision du 5 mars 2022, le préfet de la Haute-Vienne a ordonné son transfert vers l'Espagne, pays en charge de l'examen de la demande d'asile, lequel transfert a été réalisé le 6 avril 2022, après un placement de [D] [N] au centre de rétention administrative de [Localité 4].

Le 23 septembre 2022, [D] [N] a été interpellé sur le territoire français pour des faits de vol par effraction.

Par un premier arrêté en date du 24 septembre 2022, notifié le jour même, le préfet de la Haute-Vienne a pris à l'encontre de [D] [N] une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans. Par un second arrêté du 24 septembre 2022, [D] [N] a été soumis à une mesure d'assignation à résidence, dont il a enfreint les obligations dès le 26 septembre.

Le 5 novembre 2022, [D] [N] a de nouveau été placé en garde à vue pour vol. Une nouvelle décision d'assignation à résidence a été prise à son encontre, mesure qu'il n'a pas plus respectée.

Le 14 janvier 2023, [D] [N] a été interpellé à [Localité 3] et placé en garde à vue pour des faits de vol par effraction. Il a dans un premier temps décliné une fausse identité, prétendant se nommer [D] [M] puis [D] [P].

Au cours de ses auditions recueillies dans ce cadre, [D] [N] a indiqué qu'il était sans domicile fixe mais qu'il vivait habituellement à [Localité 3], que ses documents d'identité étaient restés en Algérie, où se trouvaient son épouse et leurs deux enfants, qu'il n'avait aucune famille en France ni activité déclarée et qu'il souhaitait demeurer en France.

C'est à l'issue de cette nouvelle garde à vue que le préfet de la Haute-Vienne a ordonné le placement de [D] [N] en rétention administrative par arrêté du 14 janvier 2023, puis a saisi le juge des libertés et de la détention de Bayonne qui a prolongé la mesure pour vingt-huit jours par l'ordonnance entreprise.

Le 14 janvier 2023, le préfet de la Haute-Vienne a en outre saisi les autorités consulaires algériennes d'une demande d'audition consulaire et de laissez-passer consulaire.

***

Sur le moyen tiré de l'illégalité du placement en rétention en l'absence de risque de fuite caractérisé.

Il convient de rappeler que l'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.»

L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».

Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.

A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.

Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de l'administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions de l'article R741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, imposant un délai strict de quarante-huit heures et une requête écrite au juge des libertés et de la détention.

En l'espèce, [D] [N] n'a pas saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête en contestation de la régularité de son placement en rétention administrative dans les forme et délai prévus par l'article R 741-3.

Le moyen qu'il soulève pour la première fois en cause d'appel consiste à contester la motivation de la décision de placement en rétention en faisant état d'une absence de motifs sur le risque non négligeable de fuite tel que défini par l'article L751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est donc à ce titre irrecevable.

Il consiste en second lieu à soutenir que l'ordonnance entreprise est entachée d'une erreur de droit pour ne pas être fondée sur les dispositions des articles L751-9 et L751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur ce point, aucun moyen n'a été présenté devant le premier juge pour discuter le risque non négligeable de fuite au sens de l'article L751-10. En outre, [D] [N] est particulièrement mal fondé à faire grief au juge des libertés et de la détention de n'avoir pas veillé à cette motivation particulière dans la mesure où il a déclaré devant ce magistrat, en présence de son conseil, qu'il n'avait présenté aucune demande d'asile en Espagne et qu'il souhaitait rester en France. Sans demande d'asile en cours, il n'y a pas lieu de veiller au respect des dispositions des articles L751-9 et L751-10.

Ce premier moyen doit dès lors être écarté.

Sur le moyen tiré de la situation de demandeur d'asile de [D] [N] en Espagne.

Les pièces de la procédure établissent que [D] [N] a déjà fait l'objet le 6 avril 2022 d'un transfert en Espagne, pays en charge de l'examen de sa demande d'asile, par application des dispositions de l'article 13.1 du règlement UE n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil, dit Dublin III.

Suite à son retour sur le territoire français et alors qu'il ne justifie pas avoir obtenu l'asile en Espagne, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise le 24 septembre 2022, à l'encontre de laquelle il n'a exercé aucun recours et qui exécutoire.

Contrairement à ce qui est soutenu dans la déclaration d'appel, [D] [N] n'a pas en l'état à être de nouveau transféré en Espagne et, en tout état de cause, il n'appartient pas au juge judiciaire de porter une appréciation sur le pays de renvoi fixé dans la décision d'éloignement, ceci relevant de la seule compétence du juge administratif.

Ce moyen doit donc être écarté.

Sur le moyen relatif à l'assignation à résidence.

Il doit être rappelé que selon les dispositions de l'article L.743-13, « Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives. L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution. Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale ».

En l'espèce [D] [N] ne remplit pas les conditions d'une assignation judiciaire à résidence, telles que fixées par ce texte, en ce sens qu'il n'a pas préalablement remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité et tous documents justificatifs de son identité. Par ailleurs, il ne dispose en l'état d'aucune garantie de représentation effective sur le territoire français pour pouvoir bénéficier d'une assignation à résidence, puisque notamment, il est sans domicile fixe. Enfin, il est parfaitement établi par les pièces de la procédure qu'il s'est délibérément soustrait à deux mesures d'assignation à résidence prise par l'autorité administrative, étant rappelé que le placement sous assignation administrative à résidence n'est pas soumis à la remise préalable, par la personne concernée, de ses documents d'identité.

Ainsi, ce moyen doit également être écarté.

En conséquence de ces motifs, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

DECLARONS l'appel recevable en la forme.

CONFIRMONS l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Haute-Vienne.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le dix neuf Janvier deux mille vingt trois à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUS Cécile SIMON

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 19 Janvier 2023

Monsieur X SE DISANT [D] [N], par mail au centre de rétention d'[Localité 2]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Mathieu APPAULE, par mail,

Monsieur le Préfet de la Haute-Vienne, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 23/00208
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;23.00208 ?
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