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12/01/2023 | FRANCE | N°21/01970

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 12 janvier 2023, 21/01970


MM/ND



Numéro 23/137





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRÊT DU 12/01/2023







Dossier : N° RG 21/01970 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H4VQ





Nature affaire :



Prêt - Demande en remboursement du prêt







Affaire :



[G] [R]



C/



[D] [W]



































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Grosse délivrée le :

à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 Janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédur...

MM/ND

Numéro 23/137

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRÊT DU 12/01/2023

Dossier : N° RG 21/01970 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H4VQ

Nature affaire :

Prêt - Demande en remboursement du prêt

Affaire :

[G] [R]

C/

[D] [W]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 12 Janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 10 Novembre 2022, devant :

Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame SAYOUS, greffier présent à l'appel des causes,

Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [G] [E] [L] [R]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 7] (76)

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Paul BLEIN de la SELARL ALQUIE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE

INTIME :

Monsieur [D] [W]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 8]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Laurent MALO de la SELARL JEAN-PAUL GIBERT - LAURENT MALO, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 02 JUIN 2021

rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE DAX

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE :

Le 16 août 2015, Monsieur [R] a consenti à Monsieur [W], un ami de longue date, un prêt d'un montant de 25.000,00 €. Le 19 août 2015, Monsieur [W] établissait une reconnaissance de dette aux termes de laquelle il s'engageait à rembourser cette somme dans un délai de trois ans.

Par virement du 18 décembre 2015, Monsieur [R] a remis la somme de 15.000,00 € à Monsieur [W]. Ce dernier a établi une seconde reconnaissance de dette le 5 janvier 2018, par laquelle il reconnaissait avoir reçu la somme globale de 40.000,00 € à titre de prêt qu'il s'engageait à rembourser « au plus tôt ».

Ces sommes n'ayant pas été remboursées et après mise en demeureen date du 31 mars 2019, Monsieur [R] a saisi le Tribunal de grande instance de Dax d'une requête en injonction de payer, et par ordonnance du 20 juin 2019, Monsieur [W] a été condamné à payer à Monsieur [R] la somme de 40.000,00 € au titre des prêts consentis, outre intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2019, date de la mise en demeure, et les entiers dépens.

Par acte d'huissier de justice du 15 juillet 2019, l'ordonnance a été signifiée à Monsieur [W] qui a formé opposition. L'extinction de 1'instance a été prononcée par ordonnance du 10 octobre 2019.

Par acte d'huissier du 25 octobre 2019, Monsieur [R] a fait assigner Monsieur [W] devant le Tribunal de grande instance de Dax, aux 'ns de voir :

- condamner celui-ci à lui verser la somme de 40.000,00 € au titre du remboursement des prêts qui lui ont été consentis, outre intérêts à compter du 31 mars 2019, date de la mise en demeure du débiteur de s'exécuter,

- outre la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- et les entiers dépens de l'instance,

- avec exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par Jugement du 2 juin 2021, le tribunal judiciaire de Dax a :

Dit que la créance de Monsieur [R] contre Monsieur [W] n'est pas exigible,

Débouté en conséquence Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Condamné Monsieur [R] aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 14 juin 2021, Monsieur [R] a relevé appel de cette décision.

L' ordonnance de clôture est intervenue le 12 octobre 2022, l'affaire étant fixée au 10 novembre 2022 pour plaidoirie.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions de [G] [R] en date du 11 janvier 2022 qui demande de :

Juger recevable et bien fondé l'appel formé par [G] [R] ;

Infirmer le jugement du 2 juin 2021,

Statuant à nouveau,

Juger que Monsieur [W] est débiteur de la somme de 40000,00 euros au bénéfice de Monsieur [R] au regard des deux reconnaissances de dettes régularisées les 19 août 2015 et 5 janvier 2018 ;

Juger que Monsieur [W] est défaillant dans son obligation de remboursement ;

Condamner Monsieur [W] à verser à Monsieur [R] la somme de 40 000,00 euros au titre du remboursement des prêts qui lui ont été consentis,

En conséquence et à titre principal,

Fixer la date de remboursement au 31 mars 2019, date de la mise en demeure du débiteur de s'exécuter, avec prise en compte des intérêts,

A titre subsidiaire,

Fixer un terme de paiement, en application des articles 1900 et 1901 du code civil, et au plus tôt à la date de notification de l'arrêt de la cour,

En tout état de cause ,

Condamner Monsieur [W] à verser à Monsieur [R] la somme de 3000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant fait valoir que :

' Monsieur [W] n'a jamais contesté sa qualité de débiteur ;

' L'engagement de Monsieur [W] de rembourser les sommes « au plus tôt» est une condition potestative qui doit être déclarée nulle et de nul effet, dans la mesure où elle subordonne la réalisation de cette condition à la seule volonté du débiteur. Il ajoute que selon l'article 1170 du code civil, toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite, alors que l'expression «  au plus tôt » est imprécise et n'équivaut pas à une clause de retour à meilleure fortune.

' lorsque cette condition aurait pu être réalisée, Monsieur [W] ne l'a pas respectée et n'a pas désintéressé son créancier alors qu'il était en position de le faire puisqu 'il est établi qu'il a souscrit un nouveau prêt de 50 000, euros en mars 2019 ;

' la demande de délai ou de fixation d'un terme au débiteur pour s'acquitter de sa dette n'est pas une demande nouvelle, car elle tend aux mêmes fins que la demande tendant à faire constater l'exigibilité immédiate de la créance, la fixation d'un terme d'exigibilité au prêt étant au c'ur des débats ;

' Monsieur [W] est de mauvaise foi. En 2018 le couple [W] déclarait un revenu fiscal de référence de 51 921 euros ; Il percevait des revenus fonciers ; il a souscrit en mars 2019 un prêt de 50000,00 alors que dans le même temps, il écrivait à l'appelant pour lui dire que les prêts bancaires qu'il sollicitait lui étaient refusés.

*

Vu les conclusions de Monsieur [W] en date du 03 novembre 2021 qui demande de :

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions de Monsieur [R]

Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Dax le 2 juin 2021 ;

Condamner Monsieur [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, l'intimé fait valoir notamment que :

' la créance n'est pas exigible car la seconde reconnaissance de dette portant sur les deux prêts accordés en 2015 a eu pour effet de modifier le terme précédemment consenti, étant précisé que Monsieur [W] ne s'était jamais engagé à rembourser la somme de 15000,00 euros du second prêt dans le délai de trois ans de la première reconnaissance de dette ;

' la seconde reconnaissance de dette a été portée à la connaissance de M [R] qui conscient des difficultés traversées par Monsieur [W] n'a pas contesté le terme fixé «  au plus tôt » ;

' Il ne s'agit pas d'une condition potestative, car Monsieur [W] s'est engagé à rembourser le prêt quand il le pourra, eu égard à l'amélioration de sa situation financière ; qu'il s'agit là d'une condition de retour à meilleure fortune parfaitement valable ;

' A titre subsidiair, Monsieur [W] sollicite les plus larges délais de paiement en application de l'article 1343-5 du code civil, compte tenu de sa situation financière compromise et de sa bonne foi.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'exigibilité de la créance :

En droit, selon l'article 1304-2 du code civil, dans sa rédaction applicable à la date de la reconnaissance de dette du 5 janvier 2018, «  est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l'obligation a été exécutée en connaissance de cause ».

Les articles 1899 à 1901 du Code civil prévoient que le préteur ne peut pas redemander les choses prêtées avant le terme convenu. S'il n'a pas été 'xé de terme pour la restitution, le juge peut accorder à l'emprunteur un délai suivant les circonstances. S'il a été seulement convenu que l'emprunteur payerait quand il le pourrait, ou quand il en aurait les moyens, le juge lui 'xera un terme de payement suivant les circonstances.

En l'espèce, la première reconnaissance de dette régularisée le 19 août 2015 prévoyait le remboursement de la somme de 25.000 € dans un délai de trois ans, soit avant le 20 août 2018. Selon la seconde reconnaissance de dette, régularisée le 5 janvier 2018, soit quelques mois avant le terme initialement prévu pour le remboursement du premier prêt, Monsieur [W] s'est engagé à rembourser l'ensemble des sommes prêtées «  au plus tôt ».

Si cette expression équivaut à un remboursement « le plus rapidement possible » ou « dès que possible » elle doit être interprétée également en fonction des engagements éventuels pris par le débiteur envers le créancier pour rendre cette échéance effective.

Or, dans le courriel du 6 janvier 2018 par lequel il a transmis sa reconnaissance de dette à [G] [R], [D] [W] indiquait à son créancier«  mettre tout en 'uvre pour combler cette lacune » ajoutant qu'il avait sollicité le Crédit Agricole, en plus des parents de son épouse, pour obtenir un prêt.

Par cette assurance donnée à [G] [R] de tout mettre en oeuvre pour solder sa dette, [D] [W] indiquait ainsi envisager un nouveau prêt, soit bancaire, soit familial, pour rembourser le sommes dues à son ami, ce qui était de nature à persuader le prêteur d'accepter cette nouvelle reconnaissance de dette qui de fait modifiait le terme initialement fixé pour le remboursement de la somme de 25 000,00 euros.

L'engagement de l'emprunteur dans une démarche proactive pour rembourser sa dette est confirmé par le courriel du 29 janvier 2019 par lequel [D] [W] informait [G] [R] des demandes de prêts bancaires qu'il avait déposées pour rembourser le prêteur et des incidents qui avaient entravé l'aboutissement de ces démarches auprès de plusieurs banques. Dans ce message, [D] [W] évoquait également la possibilité de vendre un bien immobilier.

Les 3 et 15 mars 2019, [D] [W] confirmait les refus essuyés à ses demandes de prêt auprès de 13 organismes financiers et la mise en vente de la maison.

Or, il ressort des pièces produites par [D] [W] sur sa situation financière que celui-ci a obtenu de la société SOFINCO, un prêt de 50 000,00 euros sur 60 mois, dont la première échéance de remboursement était au 5 mars 2019, sur lequel il ne fournit aucune explication et dont il ne justifie pas de l'affectation, prêt qui lui aurait permis de régler les sommes dues à [G] [R].

Si en application de l'article 1901 du code civil, la clause de retour à meilleure fortune est licite, force est de constater que les conditions de ce retour à meilleure fortune étaient réunies à la date du déblocage des fonds du crédit SOFINCO, soit antérieurement au 5 mars 2019, à défaut pour [D] [W] de justifier de la nécessité dans laquelle il se serait trouvé d'affecter le financement ainsi obtenu à un autre objet que le remboursement des sommes dues à [G] [R].

La somme de 40 000,00 euros est en conséquence exigible la condition de retour à meilleure fortune ayant produit ses effets entre la date de la reconnaissance de dette de 5 janvier 2018 et le 5 mars 2019.

Il s'ensuit que [D] [W] doit être condamné à payer à [G] [R] la somme de 40000,00 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l'ordonnance d'injonction de payer, le 15 juillet 2019.

Le jugement est infirmé en ce sens.

Compte tenu de l'ancienneté de la dette et du silence gardé par [D] [W] sur l'avancement des démarches de mise en vente du bien immobilier annoncées en mars 2019, plus de trois ans s'étant écoulés depuis, il n'y a pas lieu de lui accorder des délais de paiement.

Sur les demandes annexes :

Compte tenu de l'issue du litige, [D] [W] est condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Au regard des circonstances de la cause et de la position des parties, l'équité justifie de condamner [D] [W] à payer à [G] [R] la somme de 1500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Condamne [D] [W] à payer à [G] [R] la somme de 40000,00 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2019,

Dit n'y avoir lieu de lui accorder des délais de paiement,

Condamne [D] [W] aux dépens de l'entière procédure,

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [D] [W] à payer à [G] [R] la somme de 1500,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure.

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 21/01970
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;21.01970 ?
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