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15/12/2022 | FRANCE | N°20/02727

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 15 décembre 2022, 20/02727


TP/DD



Numéro 22/4507





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 15/12/2022







Dossier : N° RG 20/02727 - N°Portalis DBVV-V-B7E-HWAL





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail









Affaire :



S.A.R.L. BIHOTZA



C/



[U] [L]









Grosse délivrée le

à :






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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article ...

TP/DD

Numéro 22/4507

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 15/12/2022

Dossier : N° RG 20/02727 - N°Portalis DBVV-V-B7E-HWAL

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A.R.L. BIHOTZA

C/

[U] [L]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 17 Octobre 2022, devant :

Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

en présence de Madame DUPONT, greffière stagiaire

Madame [H], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. BIHOTZA

Prise en la personne de son représentant légal Monsieur [J] [Z]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître FRANCOIS, avocat au barreau de PAU et Maître DUCHARLET de la SELARL LAURENT DUCHARLET, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE :

Madame [U] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Non représentée

sur appel de la décision

en date du 15 OCTOBRE 2020

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE

RG numéro : 19/00025

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [U] [L] a été embauchée le 25 juin 2018 par la société Bihotza, exploitant un restaurant Burger King, en qualité d'équipier, catégorie employé, niveau 1, échelon A, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel, régi par la convention collective nationale de la restauration rapide. La durée du temps de travail était alors fixée à 104 heures mensuelles, soit 24 heures hebdomadaires. La rémunération brute était fixée à 1027,52 euros par mois

Par un avenant du 24 août 2018, la durée du temps de travail a été portée à 30 heures hebdomadaires, soit 130 heures mensuelles, pour tout le mois de septembre 2018, et la rémunération mensuelle brute a été augmentée à 1284,40 euros.

Le 8 octobre 2018, Mme [L] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 19 octobre suivant et mise à pied à titre conservatoire.

Le 30 octobre 2018, elle a été licenciée pour faute grave, consistant dans le fait d'avoir ajouté, sans les facturer, 7 oignons supplémentaires dans une boite d'oignons servie à une collègue.

Le 12 février 2019, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de son licenciement, aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 15 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Bayonne a notamment :

- déclaré le licenciement de Mme [U] [L] abusif,

- condamné la société Bihotza à lui verser les sommes de :

* 1 320,22 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 352,06 € brut à titre d'indemnité de préavis de 8 jours,

* 35,20 € brut à titre de congés payés sur préavis,

* 1 012,17 € brut à titre de paiement de la mise à pied conservatoire de 23 jours,

* 101,21 € brut à titre de congés payés sur cette mise à pied,

* 500 € sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné, en outre, la société Bihotza à remettre à Mme [U] [L] les documents suivants :

* certi'cat de travail recti'é par mention du préavis,

* bulletin de salaire mentionnant son préavis et rappel de salaire pour mise a pied conservatoire injusti'ée, ainsi que les congés payés y afférents,

- condamné la société Bihotza aux dépens.

Le 23 novembre 2020, la société Bihotza a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 15 février 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Bihotza demande à la cour de :

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle :

* a déclaré le licenciement de Mme [U] [L] abusif,

* l'a condamnée à régler les sommes suivantes :

o 1 320,22 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

o 352,06 € brut à titre d'indemnité de préavis de 8 jours,

o 35,20 € brut à titre de congés payés sur préavis,

o 1 012,17 € brut de paiement de la mise à pied conservatoire de 23 jours,

o 101,21 € brut à titre de congés payés sur cette mise à pied,

o 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

o « dépens »,

* l'a condamnée à remettre les documents suivants :

o certificat de travail rectifié par la mention du préavis,

o bulletin de salaire mentionnant son préavis et rappel de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée ainsi que les congés payés y afférents,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave de Mme [U] [L] est fondé,

- débouter en conséquence, Mme [U] [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner Mme [U] [L] à lui verser la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L'appelante soutient que la salariée a commis un vol de denrées alimentaires seulement au bout de trois mois d'ancienneté, sous les yeux de sa responsable, alors qu'elle ne pouvait ne pas s'être rendu compte de l'ajout majeur de nourriture dans le sachet destiné à sa collègue, et qu'il importe peu que le préjudice financier en résultant pour l'employeur ait été minime, la gravité de la faute n'étant pas liée à l'existence d'un préjudice subi par l'employeur.

Les significations de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelante ont fait l'objet de procès-verbaux de remise à l'étude, respectivement le 27 janvier 2021 puis le 24 mars 2021.

Mme [U] [L] n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La signification de la déclaration d'appel n'ayant pas été délivrée à personne, de même que les conclusions de l'appelante, la présente décision, étant en dernier ressort, sera rendue par défaut en application de l'article 473 du code de procédure civile.

Selon l'article 472 du même code, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur le licenciement

En application de l'article 1235-1 du code du travail, tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle, donc établie, objective, exacte et sérieuse, le juge formant sa conviction au vu des éléments soumis par les parties ; s'il subsiste un doute, il profite au salarié.

Par ailleurs, Mme [L] ayant été licenciée pour faute grave, il appartient à l'employeur d'établir que la faute commise par la salariée dans l'exécution de son contrat de travail était d'une gravité telle qu'elle rendait impossible son maintien dans l'entreprise.

En l'espèce, Mme [L] a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave motivé comme suit dans la lettre de licenciement en date du 30 octobre 2018 qui fixe les limites du litige :

« Dans l'après-midi du 6 octobre dernier, lors de votre service au sein du restaurant, vous avez préparé la commande d'une collègue de travail dans le cadre de l'utilisation de son Bon repas.

Lors de cette préparation et la remise de cette commande, vous avez délibérément ajouté 7 oignons supplémentaires dans une boîte d'oignons qui ne doit en contenir que 9.

Ces faits ont été immédiatement constatés par votre supérieur hiérarchique lors de la remise de ladite boîte.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'ils constituent une transgression flagrante des dispositions du règlement intérieur en vigueur au sein de la société qui proscrit de prélever des marchandises non payées.

Ces faits caractérisent surtout un vol manifeste de produits alimentaires au préjudice de votre employeur, peu importe que lesdits produits ne vous étaient pas destinés.

La gravité des faits rend impossible votre maintien dans l'entreprise y compris pendant le préavis. »

L'employeur produit deux attestations aux fins de démontrer ses allégations.

Le manager de l'équipe, Mme [R] [P] atteste de ce que l'intimée a ajouté les 7 oignons supplémentaires dans la boîte de 9 et que, dès lors qu'elle l'avait vue, Mme [L] avait reconnu le fait.

[J] [Z], gérant, témoigne qu'il était présent et que Mme [L] a reconnu les faits lorsqu'il a réuni cette dernière et Mme [P].

Si la matérialité des faits, à savoir le fait que 16 oignons aient été placés dans une boîte de 9 par l'intimée, apparaît établie, la qualification de vol, qui suppose la démonstration d'une intention de nuire à l'employeur, n'est pas caractérisée en l'espèce.

Cette erreur du nombre d'oignons placés dans la boîte destinée à sa collègue, si tant est qu'elle ait été volontaire, constitue de plus un fait isolé de la part de Mme [L], qui était certes salariée de la société Bihotza depuis peu de temps, mais qui n'avait fait l'objet d'aucune procédure disciplinaire antérieure. Ce fait est, en toute hypothèse, d'une faible gravité qui ne saurait rendre impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise y compris pendant le préavis, ni même constituer un motif sérieux de rupture du contrat de travail.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes de Bayonne a considéré que les faits reprochés à Mme [L] ne justifiaient pas un licenciement pour faute grave ou pour motif sérieux et qu'elle avait donc subi une rupture abusive de son contrat de travail.

Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur les demandes chiffrées

Au regard des seules pièces versées aux débats par l'employeur, le contrat de travail et l'avenant ayant augmenté la durée de travail et donc la rémunération mensuelle pour le mois de septembre 2018, il convient de fixer le montant du salaire moyen de Mme [L] à la moyenne des trois derniers salaires perçus avant la rupture du contrat de travail, soit : (1027,52 € x 2 mois + 1284,40 €) /3 = 1113,15 €

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application des article L.1234-1 et L.1234-5 du code du travail ainsi que des dispositions de la convention collective nationale de la restauration rapide, Mme [L] a vocation à percevoir une indemnité compensatrice pour le préavis de 8 jours compte tenu de son ancienneté, soit le montant de : 1113,15 € / 30 jours x 8 jours = 296,84 euros.

La société Bihotza sera condamnée à lui payer ce montant, outre la somme de 29,68 euros pour les congés payés y afférents.

Le jugement querellé sera en conséquence infirmé de ce chef.

Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire

Mme [L] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire pendant 23 jours, qui était injustifiée : le fait qui lui était reproché ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise.

La société Bihotza lui est donc redevable d'un rappel de salaire pour cette période, soit le montant de : 1113,15 € / 30 jours x 23 jours = 853,41 euros.

La société Bihotza sera condamnée à lui payer ce montant, outre la somme de 85,34 euros pour les congés payés y afférents.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour rupture abusive

En réparation de son préjudice né de la rupture abusive de son contrat de travail, Mme [L] est bien fondée à solliciter des dommages et intérêts.

En application de l'article 1235-3 du code du travail et compte tenu de son ancienneté, Mme [L] peut prétendre à une indemnité d'un montant maximal équivalent à un mois de salaire.

Compte tenu de la nature des faits et des circonstances, il y a lieu de lui accorder la somme maximale, à savoir 1113,15 euros, à titre de dommages et intérêts.

La société Bihotza sera condamnée à lui payer cette somme.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne sera en conséquence infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Il y a lieu en outre de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a ordonné la remise des documents rectifiés à la salariée et lui a octroyé une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Bihotza, qui succombe principalement à l'instance en appel, devra en supporter les dépens.

Elle sera en conséquence déboutée de sa propre demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt par défaut,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne en date du 15 octobre 2020 sauf en ce qui concerne les montants alloués au titre de :

- l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents,

- le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et les congés payés y afférents,

- les dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant 

CONDAMNE la société Bihotza à payer à Mme [U] [L] les sommes de :

- 296,84 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 29,68 euros brut pour les congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis,

- 853,41 euros brut à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,

- 85,34 euros brut pour les congés payés afférents à la mise à pied conservatoire,

- 1113,15 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

CONDAMNE la société Bihotza aux entiers dépens d'appel ;

DEBOUTE la société Bihotza de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02727
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;20.02727 ?
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