La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2022 | FRANCE | N°20/02708

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 15 décembre 2022, 20/02708


TP/SB



Numéro 22/4503





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 15/12/2022







Dossier : N° RG 20/02708 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HV6V





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail









Affaire :



S.A.R.L. LA VALLEE BLEUE



C/



[T] [C]









Grosse délivrée le

à :




<

br>















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l...

TP/SB

Numéro 22/4503

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 15/12/2022

Dossier : N° RG 20/02708 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HV6V

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A.R.L. LA VALLEE BLEUE

C/

[T] [C]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 17 Octobre 2022, devant :

Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame PACTEAU, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU,Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. LA VALLEE BLEUE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

HOTEL DE L'OCEAN - CAFE DE LA MER

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître PIAULT, avocat au barreau de PAU et Maître FONTANINI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIME :

Monsieur [T] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Maître GUILLOT, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 22 OCTOBRE 2020

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE

RG numéro : 19/00029

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [T] [C] a été embauché le 1er avril 2012 par la société Atlantique exploitation en qualité de réceptionniste de nuit, statut employé, niveau 1, échelon 3, suivant contrat à durée déterminée puis, à compter du 28 octobre suivant, sous contrat à durée indéterminée régis par la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Le 3 août 2018, le contrat de travail de M. [T] [C] a été transféré à la société La Vallée Bleue dans le cadre d'une cession de fonds de commerce.

Le 6 août 2018, une altercation verbale a eu lieu entre M. [T] [C] et le gérant de la société La Vallée Bleue.

Le 7 août 2018, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 20 août suivant.

Le 11 août 2018, il a demandé l'accès aux images de vidéosurveillance le concernant.

Le 23 août 2018, il a été licencié pour faute grave.

Le 5 septembre 2018, il a renouvelé sa demande concernant l'accès aux images de vidéosurveillance.

Le 18 septembre 2018, la société La Vallée Bleue a indiqué ne pas les avoir conservées.

Le 12 février 2019, M. [C] a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de son licenciement.

Par jugement du 22 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Bayonne statuant en formation de départage a notamment':

- déclaré non-fondé le licenciement de M. [T] [C],

- condamné la société La Vallée Bleue à lui verser les sommes de':

* 4'736 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 1'776 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 2'368 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 236,80 € brut à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 150 € à titre de dommages et intérêts pour retard dans 1e paiement du solde de tout compte et salaire,

* 750 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société La Vallée Bleue aux dépens.

Le 19 novembre 2020, la société La Vallée Bleue a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 13 juillet 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société La Vallée Bleue demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [T] [C] est abusif et l'a condamnée au paiement des indemnités de licenciement, préavis, congés sur préavis, dommages et intérêts, article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [T] [C] est fondé,

- à titre subsidiaire : si la cour considérait que les faits fautifs ne sont pas constitutifs d'une faute grave, requalifier le licenciement pour « faute grave » en licenciement « reposant sur une cause réelle et sérieuse » et ne condamner la société La Vallée Bleue qu'au paiement de l'indemnité de licenciement et au préavis,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de 150 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement du solde de tout compte,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [T] [C] au paiement de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux frais et dépens,

- débouter M. [T] [C] de l'ensemble de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 5 mai 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [T] [C] demande à la cour de':

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- débouter la société La Vallée Bleue de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société La Vallée Bleue à lui verser la somme nette de 500 € nets à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement du solde de tout compte,

- dire et juger que son licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société La Vallée Bleue à lui verser la somme de 14 208 €, soit 12 mois de salaire brut, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société La Vallée Bleue à lui verser la somme de 1 776 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- condamner la société La Vallée Bleue à lui verser la somme de 2 368 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- condamner la société La Vallée Bleue à lui verser la somme de 236,80 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- condamner la société La Vallée Bleue à lui verser une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L.1235-1 du Code du travail, en cas de litige, il appartient au juge, à défaut d'accord, d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur à l'appui d'un licenciement : tout licenciement doit en effet être fondé sur une cause à la fois réelle, donc établie, objective et exacte, ainsi que sérieuse. Pour ce faire, le juge formera sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et, éventuellement, après toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il doit se placer à la date du licenciement pour apprécier la ou les cause(s) du licenciement. Les juges du fond ont ainsi pour mission d'apprécier les éléments produits par les parties pour établir l'existence d'une cause réelle et sérieuse. Ils qualifient les faits au regard de la réalité et du sérieux du motif et, le cas échéant, à défaut de caractériser une faute grave, ils recherchent si les faits reprochés au salarié ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

S'il subsiste un doute, il profite au salarié.

Par ailleurs, M. [C] ayant été licencié pour faute grave, il appartient à l'employeur d'établir que la faute commise par le salarié dans l'exécution de son contrat de travail est d'une gravité telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, M. [T] [C] a été licencié par un courrier daté du 23 août 2018 dont les termes fixent les limites du litige, pour les motifs suivants':

«'Monsieur,

Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave.

En effet, nous avons à vous reprocher les faits suivants':

Le 6 août dernier, alors que vous étiez en poste, nous vous avons demandé d'exécuter une tâche entrant dans le cadre de vos fonctions. Vous avez refusé en hurlant violemment sur le Président, M. [X] [P], devant vos collègues de travail qui ont été choqués et qui nous ont fait part de leur incompréhension. Nous avons tenté de vous raisonner et de vous calmer, en vain. Un serveur a dû vous retenir car vous alliez en arriver à de la violence physique en plus de la violence verbale déjà manifestée. Puis vous avez abandonné votre poste, en criant': «'je me casse et vous recevrez un arrêt maladie dès demain'».

Il a fallu que l'équipe se débrouille pour absorber votre absence.

Cette conduite met en cause la bonne marche de l'établissement. Vous avez eu un comportement irrespectueux et inacceptable à l'égard de la Direction, devant vos collègues. Nous ne pouvons accepter une telle image. De plus, un client était également présent au moment des faits. Cela nuit clairement à notre réputation. Enfin, il est inacceptable d'abandonner son poste et de laisser les collègues devoir assumer. Nous ne pouvons tolérer de telles attitudes préjudiciables à tous niveaux.

Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave (').'»

Le conseil de prud'hommes de Bayonne a jugé que le licenciement de M. [C] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, considérant que':

la société La Vallée Bleue ne produisait aucun document contractuel établissant que M. [C], qui occupait le poste de réceptionniste de nuit, était tenu de nettoyer le bar, puisque, d'une part, la fiche de poste de réceptionniste versée aux débats n'était pas signée du salarié et ne présentait pas un caractère contractuel et, d'autre part, l'attestation de l'ancien employeur de l'intimé ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile et ne pouvait donc être retenue'; qu'en conséquence l'employeur ne rapportait pas la preuve que le nettoyage du bar faisait partie des attributions de M. [C] et que celui-ci avait commis un acte d'insubordination en refusant d'y procéder';

la société La Vallée Bleue prétendait que M. [C] avait fait preuve de violence vis-à-vis de son employeur, M. [P], gérant de la société et produisait trois attestations de témoins ne satisfaisant pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile et ne précisant pas les injures qu'aurait proférées M. [C] à l'égard de M. [P], de sorte qu'il n'apparaissait pas que M. [C] avait commis des violences physiques sur la personne de M. [P] ou était prêt à en commettre.

En cause d'appel, la société La Vallée Bleue produit des attestations établies conformément aux conditions de l'article 202 du code de procédure civile, au cours du mois de janvier 2021 qui doivent être retenues en l'absence d'une quelconque plainte pour faux de la part de l'intimé.

M. [I] [D] témoigne ainsi de ce que M. [C] est passé derrière le bar pour aider l'équipe de la salle à nettoyer le bar, ce qui est corroboré par l'attestation de Mme [J] [B], produite par M. [C] lui-même. Cette dernière indique avoir signifié à celui-ci, à son arrivée aux alentours de 23h10 le soir du 6 août 2018, que la «'restauration [était] débordée et qu'il [manquait] du personnel pour faire face'». Elle poursuit que M. [C] s'est alors rendu au bar «'pour aider le personnel du bar comme à son habitude en période estivale'».

Il résulte de ces déclarations concordantes que M. [C], réceptionniste de nuit, participait également à d'autres tâches, comme le confirme précisément M. [L] [A], son ancien employeur qui exploitait précédemment l'établissement. Ce dernier détaille la polyvalence exigée des salariés de l'entreprise et explique que M. [C] devait notamment, dans le cadre de son poste de réceptionniste de nuit, «'s'assurer de la propreté de la réception et des parties communes de l'hôtel et aussi, si nécessaire et plus particulièrement en haute saison aider au nettoyage du bar le soir en arrivant, à charger les frigos et sortir les poubelles'». M. [D] et Mme [F] [W], anciens collègues de l'intimé, confirment que le nettoyage du bar faisait partie des tâches quotidiennes de M. [C].

M. [D] témoigne de ce que l'altercation a débuté en réponse à la demande de M. [P] «'de rendre un bar propre pour le lendemain matin'», alors que M. [C] était déjà derrière le bar pour aider l'équipe de la salle à nettoyer le bar.

Il ressort de tous ces éléments que M. [P] n'a pas ordonné à M. [C] d'aller au bar et d'y effectuer des tâches de nettoyage comme le soutient ce dernier dans ses écritures.

En revanche, les témoignages des salariés présents mais également des clients qui ont assisté à la scène attestent de ce que M. [C] s'est emporté face à son employeur. M. [Y] [E] indique l'avoir vu très énervé et injurieux envers M. [P] et précise qu'une tierce personne, salariée de l'établissement s'est interposée pour éviter que les deux individus en viennent aux mains. Il ressort de l'attestation de M. [D] qu'il est lui-même intervenu physiquement pour retenir M. [C] qui proférait des insultes, à savoir «'tu es un petit con'» et «'t'es vraiment une merde'», à l'attention de son employeur.

Ces insultes et ce comportement verbalement violent envers son employeur, exprimés publiquement, devant les autres salariés présents mais également des clients, sont constitutifs d'une faute de la part de M. [C] qui a ensuite quitté son poste pour rentrer chez lui.

Cette faute, expression d'un irrespect envers l'employeur dont l'autorité a été mise à mal devant ses autres salariés et les clients, rendait impossible la poursuite du contrat de travail pendant la période de préavis, de sorte que le licenciement pour faute grave de M. [C] est justifié.

Il convient donc d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne de ce chef ainsi qu'en ce qui concerne les condamnations subséquentes de la société La Vallée Bleue au paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis, ainsi que des congés payés y afférents.

Sur les dommages et intérêts pour versement tardif du solde de tout compte

Il résulte des éléments du dossier que M. [C] a perçu le versement du salaire correspondant au solde de tout compte le 5 mars 2019 seulement.

La société La Vallée Bleue n'apporte aucun élément pour démontrer qu'elle avait adressé le règlement de la somme due à M. [C] avant cette date.

Le paiement de la somme due à l'intimé plus de six mois après son licenciement et après la saisine du conseil de prud'hommes est donc tardif. Ce retard, générateur d'un préjudice pour M. [C], doit être indemnisé.

C'est à juste titre que les premiers juges ont estimé à 150 euros le montant des dommages et intérêts devant être mis à la charge de la société La Vallée Bleue en réparation de ce dommage.

Leur décision sera en conséquence confirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

M. [C], qui succombe à l'instance en appel devra en supporter les dépens, y compris ceux de première instance.

L'équité commande en revanche de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société La Vallée Bleue qui sera donc déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne en date du 22 octobre 2020 hormis en ce qu'il a condamné la société La Vallée Bleue à payer à M. [T] [C] la somme de 150 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans 1e paiement du solde de tout compte et salaire';

Statuant à nouveau et y ajoutant':

DIT que le licenciement pour faute grave de M. [T] [C] est fondé';

LE DEBOUTE de ses demandes que son licenciement soit déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse et des demandes subséquentes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité légale de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis, ainsi que des congés payés y afférents';

CONDAMNE M. [T] [C] aux entiers dépens';

DEBOUTE la société La Vallée Bleue de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02708
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;20.02708 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award