PS/CD
Numéro 22/04365
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 13/12/2022
Dossier : N° RG 20/01528 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HSYB
Nature affaire :
Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité
Affaire :
[D], [V], [H] [A]
C/
SAS PYRENEES MENUISERIES,
SAS CADIOU INDUSTRIE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 24 Octobre 2022, devant :
Madame DUCHAC, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Monsieur SERNY, magistrat honoraire, chargé du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [D], [V], [H] [A]
né le 21 juillet 1979 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représenté et assisté de Maître DUFFAU, avocat au barreau de PAU
INTIMEES :
SAS PYRENEES MENUISERIES
représentée par son Président la société FINANCIERE [O] représentée par Monsieur [N] [O]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée et assistée de Maître BORDANAVE-VIGNAU, avocat au barreau de PAU
SAS CADIOU INDUSTRIE
représentée par son Président, la SARL CADIOU ENTREPRISES, représentée par ses gérants, Monsieur [S] [X] et Monsieur et Madame [I]
[Adresse 8]
[Localité 1]
Représentée par Maître CHATEAU de la SCP SCHNERB - CHATEAU, avocat au barreau de PAU
Assistée de Maître COROLLER-BECQUET de la SELARL ALEMA AVOCATS, avocat au barreau de QUIMPER
sur appel de la décision
en date du 15 JUIN 2020
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PAU
RG numéro : 11-18-000909
Vu l'acte d'appel initial du 17 juillet 2020 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle,
Vu le jugement dont appel rendu le 15 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Pau qui, statuant entre [D] [A], propriétaire d'un immeuble dont le portail d'entrée est affecté d'avaries, a :
- déclaré irrecevable et rejeté les demandes de réparation formées par [D] [A] contre la société PYRENEES MENUISERIES qui avait installé le portail en 1993 en un temps où l'immeuble était la propriété des époux [K] (auteurs de [D] [A]),
- déclaré par suite sans objet le recours en garantie exercé par la société PYRENEES MENUISERIE contre la SAS CADIOU INDUSTRIE qui lui avait vendu le portail ;
Vu l'arrêt mixte rendu le 07 juin 2022 qui a infirmé la décision d'irrecevabilité prononcée par le tribunal et rouvert les débats, invitant les parties à qualifier le contrat passé par la SAS CADIOU INDUSTRIE ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 août 2022 par la SAS CADIOU INDUSTRIE qui conclut à l'irrecevabilité des demandes de [D] [A] en invoquant la prescription de l'action pour vices cachés et sollicite 2 000 euros en compensation de frais irrépétibles ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 mars 2022 par la société PYRENEES MENUISERIES qui reprennent les moyens d'irrecevabilités d'écritures sur lesquelles la cour a déjà statué et qui, sur le fond,
- conclut à la confirmation du jugement à titre principal,
- conclut au mal fondé de l'action en responsabilité du propriétaire,
- à titre subsidiaire agit à titre récursoire contre la société CADIOU INDUSTRIE d'une somme de 3 000 euros en compensation de frais irrépétibles et sa condamnation aux dépens ;
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 septembre 2022 par [D] [A], qui sollicite :
- la condamnation de la Société PYRENEES MENUISERIES ou à défaut celle de la société CADIOU INDUSTRIE à lui payer une indemnité de 4 540,58 euros,
- la condamnation solidaire de ces deux sociétés à lui payer 8 449,60 euros en compensation de frais irrépétibles ;
Vu l'ordonnance de clôture délivrée le 30 septembre 2022.
Le rapport ayant été fait oralement à l'audience.
MOTIFS
A) la situation de fait
Le litige trouve sa cause dans la défaillance du portail d'entrée de l'immeuble situé à [Localité 7] section AH n° [Cadastre 4] situé au n° [Adresse 2], acquis par les époux [A] [T] des époux [K] selon acte notarié du 22 août 2017 reçu par Me [F].
A la lecture de cet acte de vente, il apparaît que l'immeuble était construit depuis plus de 10 ans, mais, aussi que, conformément aux devoirs de sa charge, le notaire a interrogé les époux [K] sur la réalisation de travaux immobiliers récents susceptibles d'engager leur responsabilité civile de constructeurs au sens de l'article 1792-1 du code civil, les vendeurs renonçant à souscrire une assurance dommages-ouvrage ; les époux [K] avaient en effet fait réaliser d'importants travaux de rénovation et d'amélioration, incluant divers travaux de menuiseries en 2013 confiés à l'entreprise PYRENEES MENUISERIES, dont la responsabilité de constructeur était couverte par la police SMABTP 1247001/001/346943/000.
C'est dans ce contexte que le portail litigieux a été installé au printemps 2013 ; il a donné lieu à l'émission par la SAS PYRENEES MENUISERIES (CASEO) de la facture F-13/05-01307 en date du 27 mai 2013 d'un montant de 13 205,61 euros HT outre 924,39 euros de TVA au taux de 7 %.
Ce portail s'est dégradé et [D] [A] soutient que cette dégradation est apparue postérieurement à l'acquisition du bien immobilier.
B) la situation juridique : les actions dont dispose le propriétaire [D] [A] (et son épouse, qui n'a pas à être présente dans le présent procès qui ne concerne pas le droit de propriété)
En qualité d'acquéreur du bien immobilier, les époux [A] disposent :
1) des actions en garantie que leur ouvre la vente contre les époux [K] pris en qualité de vendeurs du bien immobilier ; ces actions ne sont pas exercées puisque les époux [K] ne sont pas attraits dans la cause pour répondre de vices cachés que ce soit en leurs qualités de vendeur d'immeubles ou de leur qualité de constructeur d'immeuble au sens de l'article 1792-1 du code civil (rappelée dans l'acte de vente du chef des travaux réalisés depuis moins de 10 ans avant l'acquisition par les époux [A]) ;
2) des actions en responsabilité contractuelles ou légales, que la vente immobilière leur transmet comme accessoires du bien immobilier vendu, et qui sont nées :
- soit du contrat passé par les époux [K] avec la société PYRENEES MENUISERIES en 2013, contrat dont l'exécution a transmis la propriété du portail aux époux [K] mais dont la qualification n'a pas été débattue dans les conclusions des parties alors que le régime des responsabilités encourues et le régime de garantie des vices cachés diffèrent selon que le contrat est qualifié de contrat de contrat d'entreprise ou de contrat de vente ;
- soit du contrat de vente passé entre la SAS CADIOU INDUSTRIE et la SAS PYRENEES MENUISERIES puisque les actions contractuelles en garantie (pour vices cachés de la vente ou pour manquement à l'obligation de délivrance de la chose vendue) initialement détenues par la SAS PYRENEES MENUISERIES contre son vendeur sont transmises comme accessoire de la chose aux propriétaires successifs.
L'acquéreur d'un immeuble les actions contractuelles en responsabilité ou garanties détenues par son vendeur aussi bien à l'encontre les locateurs d'ouvrage qui ont fait des travaux sur l'immeuble qu'à l'encontre des entreprises qui ont vendu ces locateurs d'ouvrage des biens incorporées dans les ouvrages réalisés ; cette transmission d'actions contractuelles opère nonobstant l'existence d'une clause de non garantie des vices cachés souscrite par l'acquéreur d'immeuble au bénéfice de son vendeur.
C) appréciation
La société CADIOU INDUSTRIE maintient un moyen d'irrecevabilité tenant qu'elle n'aurait pas la preuve du droit de propriété de [D] [A] et n'aurait pas qualité pour agir ; or, la cour a eu en main ce titre propriété et notamment recherché l'historique des travaux.
Aucun élément précis ne vient conforter l'hypothèse selon laquelle le contrat passé par l'entreprise CADIOU MENUISERIE serait un contrat d'entreprise qui serait venue fournir des prestations conjointement avec la société PYRENEES MENUISERIES pour édifier un ouvrage dont le portail serait un élément ; la société CADIOU a vendu un portail qu'elle décrit elle-même comme correspondant à un modèle ; par conséquent, comme l'existence de prestations personnalisées qu'elle aurait pu fournir sur place n'est pas caractérisée, elle ne peut pas être considérée comme un colocateur d'ouvrage. Elle a passé un contrat de vente avec la société PYRENEES MENUISERIES à qui les époux [K] s'étaient adressés pour leur fournir un portail. Les éléments fournis ne permettent pas de considérer que la société CADIOU a eu un rapport contractuel direct avec [D] [A]. La facture CD 3093989 est au nom de PYRENEES MENUISERIES, l'adresse des époux [K] n'étant portée que comme lieu de livraison.
[D] [A] est fondé et recevable à actionner la société CADIOU en responsabilité et réparation d'un vice caché ; cependant, dans le dernier état de ses conclusions, il ne le fait qu'à titre subsidiaire de l'action principale qu'il dirige contre la société PYRENEES MENUISERIES ; or, l'action qui vise PYRENEES MENUISERIE vise un locateur d'ouvrage, et non un vendeur ; cette société ne peut pas être actionnée par [D] [A] sur le fondement du droit de la vente pour ne pas lui avoir vendu le portail mais seulement pour vice caché à la réception des travaux qui relève des garanties légales des articles 1792 et suivants du code civil.
Le portail a été posé en 2013 ; il a été commandé par les époux [K] à la société PYRENEES MENUISERIES qui s'est fournie auprès des établissements CADIOU et l'a posé ; la société PYRENEES MENUISERIES est un acquéreur et elle bénéficie aussi de la garantie des vices cachés de la chose acquise en 2013. Son acquéreur n'ont pas été les époux [K] mais la société PYRENEES MENUISERIES.
La détérioration du portail est réelle ; elle est apparue en 2017 et la preuve contraire n'est pas rapportée qu'elle soit apparue avant la vente par les époux [K] à [D] [A], sans quoi, mention en aurait été faite lors de la vente immobilière ; or, cet acte de vente ne porte aucune mention d'un vice apparent du portail ; l'hypothèse d'un défaut d'entretien ne se vérifie pas alors que l'aspect des détériorations ne permet pas de confirmer cette hypothèse. Le portail s'est donc détérioré pour une cause interne tardive survenue après l'acquisition par [D] [A].
La société PYRENEES MENUISERIES a posé un portail qui s'est révélé être impropre à sa destination et n'a pas passé le délai d'épreuve de 10 ans ; la garantie décennale de l'entreprise est due ; elle en doit réparation en sa qualité de constructeur ayant incorporé la chose viciée dans un ouvrage.
[D] [A] n'agit à l'encontre de la société CADIOU INDUSTRIE qu'à titre subsidiaire ; à titre principal, il actionne la société PYRENEES MENUISERIES avec qui il n'a pas passé de contrat de vente, mais un contrat d'entreprise ; son action sera accueillie sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
La cour n'examinera la responsabilité de la société CADIOU que dans le cadre du recours de la société PYRENEES MENUISERIES.
La société PYRENEES MENUISERIES dispose quant à elle d'un recours intégral contre la société CADIOU vendeur du portail affecté du vice. Cette action récursoire est purement indemnitaire et obéit au disposition de l'article 1645 du code civil. Elle a été engagée par voie d'assignation du 30 avril 2019 délivrée par la société PYRENEES MENUISERIES qui avait elle-même été assignée le 24 novembre 2018 par le propriétaire. Par application de l'article 2232 du code civil, le point de départ de l'action en garantie des vices cachés visant la société CADIOU est celui de la découverte du vice par l'acquéreur, soit la date du 24 novembre 2018 ; l'action récursoire a été engagée dans les 6 mois suivants, soit dans le délai de l'article L 110-4 du code de commerce applicable entre les parties à la vente. L'action récursoire de la société PYRENEES MENUISERIES contre la société CADIOU est donc recevable.
Le préjudice est justifié pour un remplacement de portail évalué à 4 540,58 euros TTC. Cette somme est due à titre de dommages-intérêts par la société PYRENEES MENUISERIES à [D] [A] ; la société de menuiserie dispose d'un recours intégral contre la société CADIOU.
Sur les demandes annexes
Il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une quelconque des parties et ce pour les deux degrés de juridiction.
Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge exclusive de la société CADIOU INDUSTRIE.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,
Vu les articles 1645, 2232 du code civil et L 110-4 du code de commerce,
* infirme le jugement et statue à nouveau sur le tout,
* condamne la société PYRENEES MENUISERIES sur le fondement de l'article 1792 du code civil à payer à [D] [A] la somme de 4 540,58 euros TTC en principal,
* condamne la SAS CADIOU INDUSTRIE à relever et garantir la société PYRENEES MENUISERIE de cette condamnation,
* la condamne aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me DUFFAU, lesdits dépens comprenant l'ensemble des frais d'actes,
* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code civil tant pour la première instance que pour la procédure d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline DUCHAC