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12/12/2022 | FRANCE | N°22/03287

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre des étrangers-jld, 12 décembre 2022, 22/03287


N°22/4350



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile



ORDONNANCE DU douze Décembre deux mille vingt deux





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 22/03287 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IMNN



Décision déférée ordonnance rendue le 09 Décembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,



Nous, C

écile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 4 juillet 2022, assistée de Catherine SAYOUS,...

N°22/4350

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU douze Décembre deux mille vingt deux

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 22/03287 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IMNN

Décision déférée ordonnance rendue le 09 Décembre 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Cécile SIMON, Présidente de chambre, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 4 juillet 2022, assistée de Catherine SAYOUS, Greffier,

Monsieur X SE DISANT [O] [E]

né le [Date naissance 1] 2001 à [Localité 2]-TUNISIE

de nationalité Tunisienne

Retenu au centre de rétention d'Hendaye

Comparant et assisté de Maître Léa GOURGUES, avocat au barreau de Pau et de Monsieur [N], interprète assermenté en langue arabe.

INTIMES :

LE PREFET DE LA HAUTE VIENNE, avisé, absent,

MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu l'ordonnance rendue le 09 décembre 2022 par le juge des libertés et de la détention de Bayonne, qui a :

- ordonné la jonction du dossier RG 22/00841 au dossier RG 22/00839 et, statuant en une seule et même ordonnance,

- déclaré recevable la requête de [O] [E] en contestation de placement en rétention,

- rejeté la requête de [O] [E] en contestation de placement en rétention,

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le préfet de la Haute-Vienne,

- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de [O] [E] régulière,

- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence,

- ordonné la prolongation de la rétention de [O] [E] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions relatives aux dépens.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 09 décembre 2022 à 11 heures 30.

Vu la déclaration d'appel motivée, adressée par [O] [E], par l'intermédiaire de la CIMADE, reçue le 09 décembre 2022 à 13 heures 25.

****

A l'appui de son appel, [O] [E] fait valoir trois moyens :

- moyen tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable (article 6 de la C.E.D.H) et d'une erreur manifeste d'appréciation.

- moyen tiré des garanties de représentation.

- moyen tiré des perspectives d'éloignement.

Il demande en conséquence l'infirmation de l'ordonnance entreprise.

A l'audience, le conseil de [O] [E] a soutenu ces trois mêmes moyens.

[O] [E] a été entendu en ses explications et a confirmé qu'il n'était pas en possession de son passeport, qui se trouve en Tunisie.

Sur ce :

En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond, l'examen de la procédure et des pièces communiquées par l'appelant fait apparaître les éléments suivants quant à la situation de ce retenu.

[O] [E], qui se dit ressortissant tunisien né le [Date naissance 1] 2001 à [Localité 2], serait arrivé en France en 2017 et s'y maintient depuis en situation irrégulière. Il n'a jamais entrepris de démarches en vue de la régularisation de sa situation. Il vivrait à [Localité 3] chez une amie, [F] [K], mais s'est déclaré sans domicile fixe lors de sa dernière audition par les services de police de [Localité 3] datant du 6 décembre.

[O] [E] a fait l'objet, le 4 novembre 2019, d'un premier arrêté portant obligation de quitter le territoire français, mesure à laquelle il s'est soustrait. Il a ensuite fait l'objet d'un arrêté pris le 21 décembre 2020 par le préfet de la Haute-Vienne et notifié le même jour, portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans. Une mesure d'assignation à résidence dans le département de la Haute-Vienne a été prise à son encontre le 9 août 2021, qu'il n'a pas respectée.

Puis, [O] [E] a fait l'objet par arrêté du préfet de la Haute-Vienne en date du 24 mars 2022 d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français sans délai, l'interdiction de retour du 21 décembre 2021 étant prolongée d'une année. Ce nouvel arrêté a été notifié à l'intéressé le 24 mars 2022.

Le 10 juin 2022, [O] [E] a été incarcéré en vue de l'exécution de deux peines d'emprisonnement de deux mois d'emprisonnement prononcées les 1er octobre 2020 et 18 février2021 par le tribunal correctionnel de Limoges. A compter du 18 juillet 2022, il a exécuté ces peines en détention à domicile sous surveillance électronique, au domicile de [F] [K].

Par arrêté du préfet de la Haute-Vienne en date du 16 octobre 2022, [O] [E] a été placé sous assignation à résidence sur la commune de [Localité 3], pour une durée de quarante-cinq jours, soit jusqu'au 30 novembre 2022. L'article 4 de cet arrêté prévoyait que conformément aux dispositions de l'article L 733-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, [O] [E] était tenu de remettre au commissariat de police l'original de son passeport ou de tout autre document justifiant de son identité dans les conditions prévues à l'article L814-1.

Le 6 décembre 2022, [O] [E] a été interpellé en flagrant délit de vol a la roulotte et placé en garde à vue. A l'issue de cette mesure, une convocation par officier de police judiciaire lui a été délivrée pour comparaître devant le tribunal correctionnel de Limoges à son audience du 6 avril 2023.

En outre, par les pièces qu'il produit, [O] [E] justifie être convoqué devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation le 26 janvier 2023 dans le cadre de l'exécution d'une peine de travail d'intérêt général.

Enfin, au cours de deux auditions, recueillies les 14 octobre et 6 décembre 2022, [O] [E] a indiqué qu'il n'avait pas l'intention de retourner en Tunisie et qu'il souhaitait demeurer en France.

Le 6 décembre 2022, [O] [E] a été placé en rétention administrative au centre de rétention d'Hendaye par arrêté du préfet de la Haute-Vienne du même jour et cette mesure de rétention a été prolongée par l'ordonnance entreprise.

****

1.Sur le premier moyen tiré de la méconnaissance du droit à un procès équitable (article 6 de la C.E.D.H) et d'une erreur manifeste d'appréciation.

[O] [E] soutient que son placement en rétention administrative a été ordonné par l'autorité administrative en vue de la mise à exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 9 juillet 2022 par le préfet de police de [Localité 4], sans toutefois tenir compte de sa convocation devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation prévue le 28 janvier 2023 et de la convocation par officier de police judiciaire qui lui a été délivrée à l'issue de son placement en garde à vue.

Il prétend que l'exécution de la mesure d'éloignement et son placement en rétention administrative ont pour conséquence de l'empêcher de comparaître à son procès, ce qui constitue une violation du droit à un procès équitable consacré par l'article 6 de la C.E.D.H, puisque l'existence d'une procédure pénale et la nécessité d'organiser sa défense sont incompatibles avec l'obligation de quitter le territoire français et l'interdiction de présence sur le territoire national.

En outre selon [O] [E], le préfet de la Haute-Vienne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de tenir compte de sa convocation par l'autorité judiciaire.

***

Il convient à titre liminaire de préciser que contrairement à ce qui est soutenu, la mesure d'éloignement fondant le placement en rétention administrative de [O] [E] n'est pas un arrêté qui aurait été pris par le préfet de police de [Localité 4] le 9 juillet 2022, dont aucune trace de l'existence ne figure au dossier ni dans les pièces produites par l'appelant, mais bien l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris le 24 mars 2022 par le préfet de la Haute-Vienne.

S'agissant de ce premier moyen, il doit être rappelé que par un arrêt rendu le 06 juin 2007 (CE 06/06/2007 N° 292076, 6ème et 1ère sous-sections réunies), le Conseil d'Etat a jugé que :

« Si l'administration consulaire dispose en principe d'un large pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur les demandes de visa de court séjour dont elle est saisie, elle est toutefois tenue de réserver à ces demandes une suite favorable lorsque l'étranger doit se voir reconnaître le bénéfice des garanties résultant des articles 6 et 13 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, relatives au procès équitable et au recours effectif » et que « tel est le cas, en particulier, lorsque l'étranger doit comparaître personnellement, à la demande de la juridiction, à l'audience au cours de laquelle un Tribunal français doit se prononcer sur le fond d'un litige auquel l'intéressé est partie ».

Il résulte de cet arrêt qu'un étranger, éloigné du territoire français et convoqué à une audience pénale ultérieure à laquelle sa présence est obligatoire sans possibilité de représentation, dispose du droit de solliciter et d'obtenir un visa de court séjour à cette fin.

Il s'en suit que l'exécution d'une mesure d'éloignement, et le placement en rétention administrative qui en est la garantie, ne privent pas pour autant l'étranger du droit de déférer personnellement à une audience du tribunal correctionnel en demandant un visa « court séjour » qui ne pourra lui être refusé.

En outre, les règles de procédure pénale applicables en France, et plus particulièrement les articles 410 et 411 du code de procédure pénale, permettent à une personne prévenue d'être représentée par un avocat devant le tribunal correctionnel ou de faire valoir une excuse pouvant justifier son absence.

Enfin, [O] [E], comme tout retenu, dispose pendant sa rétention du droit de contacter un avocat qui pourra le visiter afin de préparer sa défense, tout comme, sous réserve de production d'une convocation, il sera conduit sous escorte par les services de police aux rendez-vous judiciaires qu'il doit honorer.

En conséquence, l'autorité administrative n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en plaçant [O] [E] en rétention administrative et cette mesure ne contrevient nullement aux dispositions de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Ce moyen doit en conséquence être écarté.

2.Sur le deuxième moyen tiré des garanties de représentation.

[O] [E] fait valoir que s'il ne dispose pas d'un passeport en cours de validité, il bénéficie d'un domicile et d'une « adresse continue » qu'il partage avec [F] [K] depuis plusieurs mois, situation connue des autorités préfectorales puisque ces dernières l'y ont assigné à résidence, mesure qu'il a respectée.

***

Il est nécessaire de rappeler qu'il résulte des dispositions de l'article L 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, mais que l'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Peu importe donc que [O] [E] dispose de garanties de représentation ou qu'il ait été antérieurement soumis à une assignation à résidence par l'autorité administrative. Dans la mesure où, de son aveu même, il n'est pas en possession d'un passeport en cours de validité, il ne peut bénéficier d'une assignation à résidence judiciaire.

Quant à l'allégation selon laquelle [O] [E] aurait respecté la décision d'assignation à résidence prise en octobre dernier par l'autorité administrative, il n'en est rien puisque l'appelant ne justifie d'aucune démarche entreprise en vue de se conformer à la décision d'éloignement prise à son encontre et que notamment, il n'a pas respecté l'obligation de remise de documents d'identité prévue à l'article 4 de l'arrêté d'assignation à résidence.

Dès lors, ce moyen, dépourvu de toute pertinence, doit également être écarté.

3.Sur le troisième moyen tiré de l'absence de perspectives d'éloignement.

[O] [E] soutient qu'en vertu des dispositions de l'article 15 paragraphe 4 de la directive « retour », et des articles L731-1 et L741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient au juge des libertés et de la détention d'apprécier à chaque stade de la procédure, l'existence ou non d'une perspective raisonnable d'éloignement.

Il tire argument du fait que la Tunisie n'a pas répondu aux sollicitations de la préfecture et ce depuis le 15 octobre 2022, jour de la notification de son assignation à résidence, pour soutenir que ces diligences doivent être prises en compte dans l'appréciation de sa situation et que dès lors, il existe peu de perspectives d'éloignement à bref délai dans son cas.

***

Ainsi que l'a à juste titre retenu le premier juge, l'identité et la nationalité de [O] [E] demeurent à ce jour incertaines puisqu'elles ne reposent que sur ses déclarations.

Là encore, il doit être observé que [O] [E] n'a pas respecté l'obligation de remise de documents d'identité prévue à l'article 4 de l'arrêté d'assignation à résidence, compromettant ainsi la mise à exécution de la mesure d'éloignement.

Par ailleurs, l'autorité administrative justifie des démarches qu'elle a entreprises le 6 décembre 2022, jour de son placement en rétention auprès du consulat de Tunisie à Lyon, en vue de voir reconnaître sa nationalité et d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer consulaire. Ces diligences sont les seules à prendre en considération dans le cadre de la mesure de rétention.

Enfin, à ce stade de la procédure de rétention, qui vient de débuter, le moyen tiré de l'absence de perspectives d'éloignement est dépourvu de pertinence et doit être écarté.

C'est pourquoi, la procédure étant régulière, [O] [E] ne remplissant pas les conditions légales pour bénéficier d'une assignation à résidence, s'étant déjà soustrait à deux mesures d'éloignement, ayant manifesté son intention de ne pas respecté la troisième prise à son encontre et présentant dès lors un risque de soustraction à la mesure tel que prévu par l'article L612-3 1°, 4°, 5°, 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de rejeter l'appel et de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

DECLARONS l'appel recevable en la forme.

CONFIRMONS l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Haute-Vienne.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le douze Décembre deux mille vingt deux à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Catherine SAYOUS Cécile SIMON

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 12 Décembre 2022

Monsieur X SE DISANT [O] [E], par mail au centre de rétention d'Hendaye

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Léa GOURGUES, par mail,

Monsieur le Préfet de la Haute-Vienne, par mail


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre des étrangers-jld
Numéro d'arrêt : 22/03287
Date de la décision : 12/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-12;22.03287 ?
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